Ceci est le premier film de Frank Tashlin, qui avait quand même un certain bagage en animation, ayant travaillé entre autres pour le studio Van Buren, et pour Ub Iwerks. Et dès le départ, il se démarque complètement des autres "superviseurs" (toujours ce terme, imposé par Leon Schlesinger qui refusait qu'on appelle ces metteurs en scène des "directors", allez savoir pourquoi. Enfin au moins, contrairement à Disney, il les créditait...) par son utilisation du montage, et par la vitesse folle qui s'empare de ce petit film.
Porky Pig commence une journée tranquille à la ferme, mais tout ne va pourtant pas très bien: les volailles sont enlevées les unes après les autres par "l'ennemi public des poulets N°1", un faucon... Quand il attaque et s'empare d'un poussin, Porky réplique en sortant un avion et fonce pour rattraper la victime. Il s'ensuit une confrontation irracontable, entre le cochon et son avion d'un côté, et le faucon qui a fait appel à des copains à lui, et à un moment, ça dégénère même en rencontre sportive en plein ciel, avec un poussin pour ballon!
C'est impeccable! Si Tashlin, qui a probablement hérité de son unité, a aussi repris assez fidèlement le design de jack King pour le héros porcin, son style est beaucoup plus moderne dans son graphisme, et surtout dans la science du mouvement: en témoigne ici une scène durant laquelle Porky nourrit ses poulets, dont la troupe bouge en grappe d'un tas de graines à l'autre. Et plus le film avance, plus le rythme s'accélère, jusqu'à ce que des plans de moins d'une seconde se succèdent, au plus fort de la bataille. Pour un premier film réalisé en solo, c'est une sacrée performance, et ça nous rappelle une chose: moins connu qu'Avery ou même que Clampett, Tashlin était l'un des plus importants animateurs de la WB.
La campagne, le rustique, l'agricole: voilà un domaine qui a toujours inspiré Tex Avery... En voici une preuve, située au tout début de sa carrière: dans ce film, la ferme de la famille du jeune Porky est en proie comme toute la localité à une sécheresse impressionnante. Et du coup, la nourriture vient à manquer pour les bêtes, qui menacent de faire la grève! Son père demande à POrky d'aller chercher de quoi nourrir les animaux avec e dernier dollar qui leur reste, mais il se laisse tenter par... une boîte de pilules miracles! Elle ont un effet instantané sur la météo, et déclenchent à volonté averses, tempêtes, ouragans... Croyant à une arnaque, le père renverse la boîte et les animaux les uns à la suite des autres se nourrissent des pilules, créant des situations bien compliquées...
C'est mignon, bien mené, impeccablement animé, et parfaitement rythmé. On peut noter quà cette époque, Avery n'arrivait pas à "fixer" une équipe, et les animateurs changent quasiment à chaque film. Mais ici, c'est bien Chuck Jones qui fait l'essentiel du travail. Et sinon, le final est du pur Avery: un iris se ferme sur la fin, laissant une oie à l'extérieur, qui demande aussitôt à réintégrer la ferme... Avery reviendra à cette atmosphère avec beaucoup de bonheur dans Milk and money, répétant d'ailleurs ce même gag, avec un autre personnage.
Porky Pig a, en effet, un animal de compagnie: c'est une autruche... Au début du film, on lui apporte un télégramme qui l'informe qu'une association qui organise des concours d'animaux est favorable à la participation de son autruche Lulu... Ils se mettent en route, mais on leur refuse l'accès au train. Il va falloir user de stratagèmes...
...Et c'est tout, le reste est une série de gags liés à la présence envahissante d'une autruche dans un wagon, à la nécessité de la dissimuler, à cette étrange faculté qu'ont les autruches de cartoon de bouffer tout ce qui passe à leur portée, dont un accordéon! L'autruche est animée plus ou moins bien, mais sa sonorisation passe par une voix très irritante.
Le principal intérêt de ce film est sans doute qu'il s'agit d'une sorte de répétition pour King, car il reviendra à un sujet similaire chez Disney, avec dès l'année suivante Donald's ostrich, qui est clairement, sinon un classique, en tout cas un excellent film.
To shanghai, en Anglais, est un verbe qui désigne l'action d'embarquer un marin de force sur un bateau, ce qui évidemment n'est d'une part pas forcément agréable à vivre, et d'autre part, bien sur, un prétexte intéressant pour un film. Ce que prouvent des courts métrages burlesques, comme par exemple le film de Chaplin Shanghaied (1915), ou bien sur ce film de Jack King...
Porky pig fait partie des victimes de ce traitement, effectué sous les ordres d'un capitaine peu scrupuleux, et "interprété" par un bouledogue. Ce qui est typique de la manière Disney, bien entendu, et du reste autour de notre cochon central on retrouve à peu près toute la basse-cour et tous les animaux de la ferme, au sens très large: il y a un morse. Le film suit un canevas assez classique: vexations, punitions, privations de nourriture, et finalement les marins se liguent contre leur tortionnaire. L'animation, disons, est fonctionnelle...
L'économie du studio de Leon Schlesinger était calculée pour empêcher les temps morts: quand une série de cartoons autour d'un personnage fonctionnait, et c'était notamment le cas pour Porky Pig dès ses débuts, deux unités au moins travaillaient au personnage. A cette époque reculée, ce sont Tex Avery (Qui débutait sa carrière mais s'imposait comme un modèle d'efficacité) et Jack King (Transfuge de chez Disney qui n'allait pas tarder à y retourner) qui se faisaient ainsi indirectement concurrence. Plus tard, Tashlin allait prendre le relais, puis Clampett... Du coup, les films se succèdent et la qualité varie ainsi que les styles.
Je l'ai déjà dit ailleurs, hanté par son travail chez Disney, King avait du mal à prendre ses marques chez Warner, et c'est particulièrement flagrant dans ce film plus que médiocre... Porky pèche, et il s'endort, puis fait un cauchemar sans grand intérêt dans lequel il est pêché par un poisson... Et franchement? On comprend que le film soit court: personne, ici, n'a rien à dire!
Porky Pig est tenté par l'aventure, donc il hésite: l'infanterie? La marine? Ou... l'armée de l'air? C'est finalement dans cette direction que le cochon bègue se lance, et il se rend doc au bureau de recrutement, où il passe par plusieurs étapes: par exemple il doit donner son nom, ce qui dans son cas est difficile: même quand on lui donne une ardoise pour l'écrire, il bégaie! Puis il doit effectuer des tests d'équilibre, et apprendre à tirer à la mitrailleuse. Enfin, "bon" pour le service, il est désigné comme cobaye pour tester l'efficacité d'un avion-robot, qui obéit à la voix. Mais suite à un quiproquo, il se retrouve seul dans un avion fou, qui reçoit les instructions contradictoires d'une foule de gens qui jouent avec un chiot à proximité du micro de commandes, laissé ouvert...
C'est simple mais efficace, et une fois de plus on peut être assez surpris par la rigueur avec laquelle Tex Avery reste concentré sur son intrigue, mais rappelons qu'il avait besoin de poser les éléments des histoires qu'il se plaisait ensuite à pervertir joyeusement. pas ici, toutefois: ça reste quand même bien sage...
Pour la troisième fois, Jack King dirige un film avec "Beans" et sa bande, et contrairement à Tex Avery, il néglige complètement le personnage de Porky pig, donnant au contraire le beau rôle à Beans, le chat valeureux, dans lequel on retrouve beaucoup de Mickey Mouse. Le sujet même du film est disneyien, racontant les mésaventures si totalement Américaines d'une caravane de pionniers qui ont maille à partir avec les Indiens lors d'un bivouac...
Et une fois de plus, tout renvoie au monde de Disney, l'animation très soignée mais un peu mécanique, les personnages: on y verra des Goofy à foison! Ce n'est pas un film que j'aurai envie de revoir de sitôt.
Tout vient à point... Porky Pig n'était auparavant qu'un faire-valoir, mais ce film le consacre en tant que héros. Héros paradoxal, bien entendu, celui d'un film dans lequel par ailleurs Tex Avery continue à faire la preuve de son talent inné pour... installer, maintenir et développer une histoire, mais oui: il commence dans la tradition des grands films Warner de la période, par montrer sans introduction préalable les exactions d'un poseur de bombes, puis assène quelques couvertures de journaux afin d'enfoncer le clou. Puis nous le suivons dans l'antre du monstre, qui prépare un attentat... C'est bien sur un terroriste de dessin animé, donc il a une cape et un chapeau noir et il rit comme un dément!
Mais nous rejoignons ensuite Porky Pig, nettement plus défini que dans Gold diggers of '49, qui bave d'envie devant des desserts glacés qu'il n'aura jamais les moyens de se payer. A moins qu'il ne trouve un stratagème, comme par exemple le fait d'aider les passants, qui en échange lui donnent des pièces. Suivant cette logique, il s'avise qu'un homme avec une cape noire a déposé une bombe devant un immeuble, et croyant que c'est un réveil il tente de la restituer à son propriétaire.
Jusqu'à ce moment, c'est impeccable mais sans ce grain de folie que nous avons pris l'habitude de chercher dans les films Warner du réalisateur... mais quand le poseur de bombes se retrouve systématiquement face à un cochon un peu simplet, qui lui rapporte sa bombe partout où il va, le précédant parfois, et bien sur doté du don d'ubiquité, on se retrouve devant la première incarnation d'un gag qui ne manquera pas d'être repris et raffiné... Déjà, Avery a envie de dynamiter son propre univers. Il ne tardera pas à le faire pour de vrai.
A nouveau animés par Jack King, les animaux de la bande à Beans sont confrontés à une situation particulièrement dramatique: ils font la guerre... Et Beans, le héros, a fort à faire pour redonner du courage à certains de ses camarades, dont Porky Pig qui est au bout du rouleau.
Il y a deux parties à ce film: dans la première, la meilleure, King multiplie les gags (d'assez mauvais goût quand on pense au contexte et au traumatisme de la "Grande Guerre") liés à la simple notion d'être dans les tranchées, et de devoir se battre. Certains vont d'ailleurs littéralement y rester, dans une flambée d'humour noir qui montre que King n'est plus chez Disney... dans la deuxième partie, la routine reprend ses droits et Beans, un héros sans aucun intérêt, commet une action d'éclat: bof! Par contre, l'animation, les décors, l'esthétique globale sont impeccables!
Depuis 1933, Jack King était l'un des réalisateurs (on disait "superviseur" à l'époque) de l'unité de Leon Schlesinger à la Warner Bros, mais ce n'était pas son premier poste loin de là: on le devine en voyant ce film, il avait fait ses premières armes chez Disney et c'est sans doute ce qu'on cherchait chez lui: le savoir faire du grand concurrent, et modèle... Donc il met aux prises des animaux (la bande à Beans, come d'habitude) dans une compétition de ski, aux prises avec un concurrent coriace qui ressemble particulièrement à... Pegleg Pete!
Mais si King était supposé apporter le savoir-faire Disney, ce qu'il fait d'ailleurs, le résultat est paradoxal: comparé à la vie intense et joliment absurde de Gold diggers of 49, ce film n'en finit pas d'être trop sage. Bon, ça oui. Mais si poli, si bien rangé...