Une femme un rien délurée (Lili Ziedner) se rend en ville en tramway, où elle va dans un cinéma, et entre dans le film (un faux "Boireau" avec un faux André Deed, ce qui nous rappelle l'importance du burlesque français à cette lointaine époque, y compris en Suède). Devant le scandale, elle sort du cinéma et se rend dans un magasin, où elle ne sait pas quoi acheter... avant de trouver: elle part avec un mannequin masculin, un pantin destiné à montrer les vêtements en vente, et se rend au restaurant avec lui...
Il ne reste que 65 mètres de pellicule, d'un film qui par ailleurs n'a sans doute jamais été achevé. C'aurait été un court métrage, certainement, ce qui nous rappelle qu'avant de devenir le plus épique des cinéastes Suédois (bien que Russe), Stiller a fait ses premières armes dans la comédie...
Olof (Lars Hanson) est le fils d'une très bonne famille; dans un prologue lyrique et fortement trompeur, il se prend d'amour pour une jeune femme, une amie d'enfance probablement. Ils sont à deux doigts de se déclarer leur flamme, mais... La séquence suivante montre Olof, en plein jeu, qui délaisse la première fille pour une autre, plus prometteuse. Le ton est donné: le film sera le voyage initiatique d'un homme qui aura les plus grandes difficultés à se décider.
Olof est fermier et héritier, ça n'empêche pas ses parents d'avoir la firme morale et rigoriste: ils s'offusquent de le voir coucher avec une employée de leur ferme, et ils le chassent. Il s'en va de toute façon, déterminé à réussir malgré tout, et le croit-il sur le coup, à épouser l'infortunée: ça n'aura pas lieu. Mais ce qu'il va vraiment faire, c'est parcourir le vaste monde (du moins une petite portion, toute scandinave): il va se faire engager au bord d'une rivière pour un travail de bûcheron.
C'est là que se situera le passage du film sans doute le plus célèbre: à nouveau amoureux, à nouveau en pleine séduction, Olof va utiliser les grands moyens; on raconte qu'aucun bûcheron n'a jamais réussi à parcourir une longue distance debout sur un tronc d'arbre, il va le faire... et il réussit, car l'effet voulu s'est réalisé: la jeune femme (Edith Erastoff) qu'il convoite a tremblé pour lui après l'avoir pris de haut.
Mauritz Stiller, qui était l'un des premiers à penser le cinéma en très grand, applique dans cette épopée sentimentale mi-ironique mi-flamboyante sa règle d'or: il faut qu'un film repose sur un montage d'attractions, de scènes-clés. Pour rester chez Stiller, pensez l'incendie ou la poursuite dans la neige avec les loups pour Gösta Berling, ou le flash-back du massacre dans Le trésor d'Arne. Sa séquence de la rivière, parfaitement montée et interprétée de manière époustouflante (bien sûr que Lars Hanson a été doublé mais pas toujours et on ne voit absolument pas les coutures) est un point culminant du film... Un film qui a aussi en réserve un sale tour à jouer à son personnage principal, qui a bien besoin de se faire remettre à sa place...
Le parcours initiatique prendra fin par un retour au bercail, après une leçon d'humilité un peu décalée, et particulièrement violente: son départ a eu un effet sur la jeune femme qu'il avait dévoyée, et elle en a hérité une descente aux enfers... Pas Olof, pourtant, qui réussit à la fin à conquérir en homme libre encore mieux que le coeur de sa belle: il gagne l'estime de son futur beau-père.
Que serait devenu le cinéma Suédois muet sans Selma Lagerlöf? Stiller a réalisé Le trésor d'Arne, Sjöström La charette fantôme... Le premier a aussi réalisé ce film, adapté du premier roman de la future lauréate d'un prix Nobel de littérature (1909). Mais l'auteur de cette adaptation de la Saga de Gösta Berling a du batailler ferme contre la grande dame, qui goûtait assez peu son sens du spectaculaire, tout en appréciant son propre rôle d'inspiratrice du cinéma national; ironiquement, Stiller était assez clairement en service commandé avec ce film, qui permettait à Charles Magnusson, le patron de la compagnie Svensk Filmindustri, d'espérer avoir un parfait film-étendard pour représenter le cinéma Suédois; de plus, Stiller entendait bien faire définitivement la preuve de ses capacités, car le départ à Hollywood semblait évident; enfin, avec cette spectaculaire production, le metteur en scène formait une nouvelle actrice qui l'enthousiasmait plus que de raison: Greta Gustaffson, rebaptisée Garbo, avait du génie, et en plus la caméra de Julius Jaenzon l'adorait... Bref, on l'aura compris, l'heure n'est pas à la subtilité...
Gösta Berling (Lars Hanson) traîne comme un boulet une réputation de prêtre défroqué; il a bien essayé de se recycler: il a été amoureux d'une jeune femme, la belle Ebba Dohna (Mona Martenson), que sa tutrice souhaitait marier à un roturier, afin de rafler son héritage. Berling était au courant de la machination, mais pensait que la jeune femme l'aimait vraiment, et n'avait donc pas révélé son statut. Hebergé avec d'autres gentilshommes de fortune, les "Chevaliers" (Un titre hautement ironique) à Ekeby, Gösta Berling cherche mollement sa rédemption en assistant, de façon plus ou moins impliquée selon les cas, aux aventures compliquées de trois familles de notables:
D'une part, la tutrice d'Ebba a fait revenir son fils Henrik (Torsten Hammaren), qui s'est marié avec une jeune et belle Italienne, mais on peut franchement se demander comment cette créature de rêve a bien pu se marier avec une telle andouille... D'ailleurs, après avoir rencontré Gösta, la belle Elizabeth (Greta Garbo) se le demande aussi. D'autre part, les riches Melchior et Gustavfa Sinclaire (Sixten Marmelfelt et Karin Swanström) ont une fille, la belle Marianne (Jenny Hasselquist), qui flirte un peu trop avec le flamboyant Berling. Ce qui va pousser son père à mettre la fille dehors: littéralement, et en plein hiver Suédois... Enfin, le manoir d'Ekeby est la propriété d'une femme (Gerda Lundequist), l'épouse d'un militaire qui doit être le dernier à ne pas savoir que le legs de cette propriété à son épouse par un homme très puissant, avait été le fruit d'un adultère... mais quand il l'apprend, le mari se fâche et met la dame d'Ekeby dehors, lui aussi...
De saga, il n'y a pas vraiment; c'est plutôt une série de mésaventures dans lesquelles Gösta Berling lutte à la fois contre les notables qui le méprisent, et contre lui-même: à la recherche de la rédemption, le fier 'chevalier' s'interdit en effet de toucher au bonheur. Stiller, de son côté, s'interdit de développer de façon fine la psychologie de ses personnages, préférant accentuer le coté flamboyant et improbable de son film. Par moment, Lars Hanson est sur un registre qui l'apparenterait presque à Ivan Mosjoukine, d'ailleurs, dont le Casanova n'est pas très éloigné. Si ce n'est que le séducteur Vénitien, lui, sait profiter de toutes les situations!
Le film est divisé en deux parties, mais Stiller a soigné certaines séquences, situées dans la deuxième moitié du film: afin de leur donner tout leur poids, il a transformé la première époque en une sorte d'exposition qui nourrira ensuite de tension dramatique les éléments qu'il veut rendre les plus importants dans l'autre moitié. Mais le film reste un impressionnant effort, par ses costumes, par la reconstitution ironique d'un monde de castes, et par la vitalité de la mise en scène. La façon dont les actrices, en particulier Jenny Hasselquist et Greta Garbo, sont filmées, les personnages de comédie (L'impayable Henrik Dohna)... Il y a beaucoup à prendre dans ce film.
Mais soyons juste: il y a sans doute une raison pour laquelle on parle tant, d'une part de ses deux scènes les plus spectaculaires: l'incendie d'Ekeby, pour lequel la production a incendié pour de vrai une habitation, ce qui permet à Lars Hanson de payer raisonnablement de sa personne, et bien sûr la spectaculaire poursuite sur un lac gelé, Garbo et Hanson étant en traîneau, poursuivis par une meute de loups... D'autre part, la principale raison pour laquelle on parle encore de ce film, c'est probablement Greta Garbo, dans un rôle que Stiller a gonflé de manière à utiliser au maximum ses compétences. Dès le départ, le beau visage de l'actrice, et ses yeux, illuminent le film.
Pour finir, on peut remarquer l'ironie qui consiste, pour Magnusson, à mettre en chantier un film pour montrer la toute-puissance du cinéma Suédois, à l'heure où tous ses grands noms partent pour l'étranger: Hasselquist pour l'Allemagne, et Stiller, Sjöström, Garbo et Hanson pour Hollywood... Cette Saga de Gösta Berling devient donc le chant du cygne de la cinématographie muette Suédoise...
Dès le départ, l'intrigue vous agrippe et ne vous lâche plus: lors d'un hiver Suédois particulièrement rigoureux, sous le règne de Jean III au seizième siècle, trois mercenaires Ecossais emprisonnés pour leur indiscipline (Officiers, ils poussaient leurs hommes au pillage) s'évadent d'une tour où ils étaient gardés. Ils parcourent de nombreux kilomètres avant de s'arrêter à un presbytère. Ils massacrent tous les convives d'un repas qui s'y tenait, sauf une jeune femme qui réussit à se cacher... Puis les trois hommes s'enfuient avec leur trésor: un coffre rempli de bijoux et d'argent, amassé par le vicaire de la paroisse, le seigneur Arne.
Elsalill (Mary Johnson), la jeune femme qui a échappé à la mort, et qui vit désormais dans l'obsession de cette nuit de sauvagerie durant laquelle elle a vu mourir sous ses yeux sa soeur adoptive, que les trois mercenaires ont délibérément choisie comme étant leur dernière victime, est recueillie par une famille de la région. Un jour, trois seigneurs richement vêtus, tous Ecossais, prennent pension à l'auberge locale: ils cherchent à retourner chez eux, et un bateau est coincé dans la baie, pris dans la glace, qui pourrait bien être leur chance de salut. Mais pour ça, il leur faudra attendre: en effet, la glace n'a pas l'air de vouloir se rompre. Elsalill rencontre l'un d'entre eux, Sir Archie (Richard Lund), et tombe amoureuse. Lui sait qui elle est, car il l'a entendue parler de son traumatisme. Mais elle, saura-t-elle reconnaître derrière l'homme qui l'aime, le meurtrier de sa famille?
Une aide inattendue va alors être fournie à la jeune femme lors d'un rêve: le spectre de sa jeune soeur disparue va lui indiquer la voie...
C'est un film fabuleux, dans lequel Mauritz Stiller a méthodiquement écrit un script en compagnie du futur réalisateur Gustav Molander, qui reconstruit le roman de Selma Lagerlöf autour d'un certain nombre d'axes: d'une part, Stiller souhaite atténuer la part du fantastique de ce conte médiéval, en le baignant le plus possible dans le réalisme; ensuite, il organise son récit comme il en avait l'habitude, autour de quelques scènes spectaculaires ou excitantes. Ainsi, la structure dicte le suspense au metteur en scène, qui ne se prive pas de donner au spectateur un maximum de clés sur les scènes à venir. Le meilleur exemple est sans doute la façon dont Stiller négocie les quarante premières minutes du film: l'évasion nous est contée par le menu, qui plus est filmée dans une petite tour dans laquelle la place n'est pas un luxe! On est au plus près des corps, et de la violence évidente qui habite ces trois mercenaires hirsutes... Leur périple vers les lieux du massacre est conté en quelques plans, sans exagération ni amoindrissement. Leur faim, leur fatigue sont réelles: Stiller n'a pas besoin de charger la barque en faisant d'eux des êtres maléfiques, ils sont juste motivés par leur survie. Pendant ce temps, il utilise le montage parallèle afin d'inviter le spectateur à mieux appréhender l'ensemble de la situation: les trois hommes trouvent d'abord refuge dans la cabane d'un pêcheur, qui rentre chez lui pur voir son épouse désarmée devant ces trois brutes qui ont mangé tout ce qu'elle avait, et ses sont endormis par terre: il les met dehors, dans le froid, sans aucun ménagement... Un homme de la région, Torarin, se rend chez le seigneur Arne ou tout le monde mange et fait tranquillement bombance. Mais l'épouse d'Arne entend des rémouleurs faire leur travail: une surimpression nous montre les mercenaires qui aiguisent d'immenses couteaux, pendant que Torarin louche sur l'immense coffre qui contient le légendaire trésor d'Arne. Stiller passe du presbytère aux trois soldats, puis à Torarin qui quitte les lieux et se rend dans une taverne, où quelques instants plus tard, on apprend que le presbytère est en feu. Les villageois, venus sur place, constatent le drame, et secourent Elsalill.
Ces séquences ont été montées avec une rigueur absolue, dans le but de mener à une séquence qu'on ne verra jamais, ou alors par bribes fulgurantes, à travers les souvenirs d'Elsalill. Et la violence qui est palpable en dépit de l'absence du massacre lui-même dans ce prologue, va rejaillir sur tout le film... Stiller a par ailleurs un allié de poids en la présence de l'hiver: c'est délibérément que la production a été commencée en plein coeur de l'hiver, le février 1919. Stiller avait préparé son coup, en amenant un bateau dans la baie, et en laissant l'hiver faire son travail: en peu de temps, le bateau a été coincé dans les glaces... Toutes les scènes soulignent l'hiver, sans parler de l'utilisation d'un iris blanc (le même type que ce que Gance utilisera pour raconter l'hiver de Brienne dans le prologue de son Napoléon): les mercenaires évadés qui avancent avec difficulté dans la neige, ont sans doute eu assez peu de problèmes pour jouer leur scène, tant les condition ont l'air difficiles. Leur coup fait, les trois hommes abandonnent un traîneau, conduit par un cheval, en poussant l'animal vers un trou dans la glace: le plan est hallucinant... Enfin, Stiller et son chef-opérateur Julius Jaenzon vont souvent utiliser le cadre d'une façon inattendue: ils laissent souvent un côté entier des plans se perdre dans le flou, pour souligner encore un peu plus l'immensité blanche qui entoure les protagonistes, et ce petit coin de mer gelée perdu entre les rochers et le large...
Le principal atout de la deuxième partie du film est bien sûr l'histoire d'amour entre Elsalill et Archie, devenu un officier plus présentable une fois les oripeaux de l'évadé laissés de côté, et la barbe rasée. La jeune femme se doute de quelque chose, bien sûr, et comme je le disais plus haut, comprendra toute la situation grâce à un rêve qui lui indiquera la marche à suivre. C'est l'un des trois éléments qui restent d'un roman qui a la réputation de plonger plus avant dans le fantastique. Ce rêve de la jeune femme est complété par le fait que Sir Archie est hanté lui aussi par le spectre de la jeune femme. L'autre aspect est une légende qui sert de fil rouge à la deuxième partie, selon laquelle le bateau qui transportera les mercenaires Ecossais vers leur pays, serait coincé dans les glaces par la volonté divine, tant qu'il transporterait les meurtriers de Arne et de ses amis. Mais par son choix de confronter ses acteurs et personnages et ses acteurs à un hiver aussi authentique que possible, par le déchaînement de violence que le film contient, Stiller s'est senti obligé de garder au maximum les pieds sur terre. Il en résulte un jeu d'acteurs troublant par sa subtilité, en particulier pour Mary Johnson dont le rôle n'était pas facile: à charge pour elle de jouer une jeune femme beaucoup plus jeune, et confrontée non seulement à son désir, mais aussi à la plus angoissante des peurs possibles, celle d'être confrontée à l'homme qui a tué sa famille. On pourrait j'imagine faire une lecture de la sexualité féminine, à partir de ce qui arrive à Elsalill, mais ce n'est pas le propos principal de Mauritz Stiller: celui-ci, essentiellement, s'intéresse aux rapports compliqués entre culpabilité et humanité, à travers le personnage d'Archie, véritable meurtrier sauvage, et amoureux transi appelé à devenir le plus noble des hommes, au prix d'une rédemption qu'il est prêt à exiger... avec violence s'il le faut.
Une situation inextricable, qui se résoudra par le sacrifice d'une jeune femme, qui n'a de toute façon plus la moindre échappatoire... Et un sacrifice qui conduira à une séquence sur la glace, que Stiller a conçu avec génie, et qui est sans doute un des plus beaux moments du cinéma muet: une procession de villageois endeuillés qui viennent au bateau emprisonné dans la glace, rechercher pour lui donner une sépulture décente la jeune femme qui leur a permis au prix de sa vie de mettre la main sur les hommes que la justice réclamaient... Devant les quelques plans qui nous montrent ce moment miraculeux, il n'y a pas d'autre solution que de se taire.
C'est étrange comme ce film prend son temps pour se lancer: on est habitué, avec Stiller, à une introduction bille en tête, sur les chapeaux de roue! Et puis on s'installe dans le quotidien d'une femme de a bourgeoisie de Stockholm en 1920, qui aurait pu vivre, après tout, à Los Angeles, Londres, Berlin, ou Paris...
Irene (Tora Teje) s'ennuie, et ce depuis quelques années. depuis son mariage avec un ennuyeux et poussiéreux professeur d'entomologie, Leo Charpentier (Anders de Wahl) que seul sa nièce Marte (Karin Molander) trouve génial... Ses longues digressions sur la vie sexuelle des insectes ont tendance à faire rigoler ses propres élèves. Alors Irene rêve, et hésite, dans ses rêveries, entre la baron Félix, avec lequel on la voit d'ailleurs s'envoyer en l'air...
Oui, il est aviateur.
...et le meilleur ami de Leo, le flamboyant sculpteur Perben Wells (Lars Hanson). Les deux hommes, elle le sait bien, répondraient favorablement à ses avances, mais elle a fini par se faire à la routine de l'expectative.
D'où, je le pense, cette impression de sur-place que donne la comédie au début du film, et qui la rend si malaisée à apprécier. Car c'est uniquement quand le doute s'installe chez Irene (elle s'imagine que l'a gourgandine qui sert de modèle à son sculpteur favori va le lui voler sous son nez), que le film décolle, et que la jeune femme se lance dans une petite révolution, en quittant son mari, et le laissant seul avec sa nièce. Celle-ci, d'ailleurs, est bien contente...
On a du mal à suivre tous les commentateurs classiques de ce film, quand ils y décèlent la naissance d'un style qui mènerait à Lubitsch ou au Chaplin de A woman in Paris. Stiller pratiquait déjà la comédie, mais reste dans mon esprit surtout attaché aux drames épiques qui ont fait sa gloire. Ici, par contre, on notera un intéressant jeu autour du théâtre, puisque les deux première bobines nous montrent les quatre protagonistes se rendre à un ballet, qui se trouve d'ailleurs refléter leur propre situation. De là, on débouchera sur les manigances de Tora Teje, qui use de tous les genres: drame, tragédie, puis comédie... mais que de cheminement pour en arriver là.
C'est rageant. On ne peut pas voir tous les classiques: ce film de Mauritz Stiller a une réputation formidable, et tous ceux qui
en ont vu la version intégrale (Et qui sont tous morts aujourd'hui) en ont vanté la poésie, le souffle épique que pourtant cette version existante ne parvient pas à réétablir: il manque au moins
trois bobines. Les films suédois du muet ont beaucoup souffert, sans doute plus encore que les films Français, et beaucoup de chefs d'oeuvre de Sjöström ou de Stiller nous sont parvenus dans des
copies incomplètes... Heureusement, on a La charrette fantôme ou La saga de Gösta Berling à se mettre sous la dent, mais c'est quand même terriblement
frustrant.
Ce film, réalisé peu après les grands succès de Stiller que sont Erotikon de 1920 (disponible lui en DVD, dans des copies complètes) et Le trésor
d'Arne de 1919 (idem), et juste avant son grand oeuvre, le déja mentionné La saga de Gösta berling de 1924 (la encore, Kino est passé par là), est donc réduit à moins de
cinquantes minutes, et son histoire, très ramassée, flirte ouvertment avec le mélodrame, mais un mélo intérieur: Gunnar Hede a grandi entre sa mère, terriblement matérialiste, et son père qui a
essayé de lui insuffler un peu de la poésie familiale. Il souhaiterait jouer du violon de son grand-père, avec lequel il excelle, mais sa mère le pousse à reprendre les affaires familiales. il
rencontre une jeune femme, une musicienne des rues, dont il tombe amoureux, mais la mère réagit très mal en voyant son fils jouer du violon avec une inconnue. Il part et va vivre seul, afin de se
marier avec la jeune femme. Mais lors de l'acheminelent d'un troupeau de rennes, Gunnar est blessé, en pleine neige, et a des hallusicnations qui lui font perdre la raison. la jeune femme va
utiliser la musique et son amour pour faire revenir le jeune homme à la réalité.
Sous ce script, se cache à nouveau un roman de Selma Lagerlof, l'auteur(e) la plus adaptée par le cinéma muet Suédois. Son
histoire appelait un film flamboyant, frontal, aux images fougeuses, et cela tombe bien: c'est le forte de Mauritz Stiller. la séquence centrale du film, avec son troupeau de rennes en panique,
et les glaces, vaut le voyage à elle seule. Sinon, l'auteur se charge de reprendre à son compte les trucages popularisés par sjöström sur La charette fantôme, avec deux
passages de communication onirique entre les deux amants séparés par les kilomètres. Intrigants, mais on se rappelle du Trésor d'Arne, dans lequel Mary Johnson voyait en songe sa
soeur morte qui lui indiquait ses meurtriers. Ici, c'est à nouveau cette actrice, habitée et impressionante, qui se retrouve au centre du film, et de l'amour de Gunnar Hedes, joué par Einar
Hanson. Un film forcément superbe, dont on aimerait voir un jour une copie plus complète...