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21 mai 2018 1 21 /05 /mai /2018 17:13

 

Un film dans lequel un prêtre fornicateur et contestataire se fait brûler vif dans une manipulation politique, orchestrée par les sbires du Cardinal Richelieu exploitant sans vergogne les dires d'une nonne bossue, hystérique et frustrée interprétée par Vanessa Redgrave: comment résister à tant de beauté, à tant de blasphème? on fonce, forcément. Au final, c'est du Ken Russell, donc c'est lourd, mais on en a pour des années de souvenirs de scènes folles furieuses. Plus exagéré qu'un clip de Marilyn Manson, sans pour autant avoir besoin de sacrifier des poulets, ce film est sans doute encore plus célèbre pour l'histoire compliquée de sa post-production que pour ses audaces. Et pourtant, après censure, il en reste...

Ken Russell, qui souhaitait après quelques envolées romantiques, variations autour de la vie d'hommes illustres ou adaptations fortement médiatisées d'oeuvres de D.H. Lawrence, souhaitait selon ses dires faire un film politique; afin d'y parvenir, il a eu l'idée de s'inspirer de l'affaire compliquée des possédées de Loudun: quand en 1632, l'église Catholique avait procédé à une série d'exorcismes de masse sur des religieuses supposées possédées, et dont l'une avait accusé le prêtre Urbain Grandier d'être un envoyé du démon. Accusé de sorcellerie, condamné avant même son jugement, le dit Grandier, certes coupable aux yeux de la hiérarchie religieuse (il professait l'abandon du célibat des prêtres et avait montré l'exemple, il se dressait contre la collusion entre l'église et l'état) n'a pour sa part jamais confessé quelque crime que ce soit.

Pour interpréter Grandier, Russell savait qu'il pouvait compter sur son copain Oliver Reed, qui, comme chacun sait, est capable de donner sa personne jusqu'au bout des extrémités. le reste du casting est à l'unisson, formé essentiellement d'acteurs chevronnés Britanniques, généralement habitués des tournages du provocateur Russell. Fidèle à ses habitudes, il se livre à des excentricités phénoménales, des réinterprétations qui feraient passer le Marie-Antoinette de Sofia Coppola pour du Dreyer: tout ici résonne puissamment des années 70. Le film bénéficie par ailleurs du climat d'allègement de la censure, mais pas assez, d'où les coupes: il est vrai qu'entre une scène de masturbation de Vanessa Redgrave, un certain nombre d'orgies, de scènes de lit impliquant un prêtre, une série de blasphèmes particulièrement assumés (dont l'un n'a pas encore été autorisé pour remontage, c'est à ce point), et une scène d'hystérie de masse qui dégénère en partouze, on peut comprendre un peu que les censeurs se soient émus.

Mais quand même: et alors? Que ce soit de mauvais goût, certes. Qu'il y ait mieux à faire, évidemment. Que e résultat ne soit pas forcément à la hauteur des attentes de Ken Russell, c'est assez évident: on se perd un peu dans le dédale surréaliste de ses visions, et on ne sait plus trop s'il vise une critique violente du mélange des genres politico-religieux, ou le simple fait de choquer le bourgeois. Mais...

Mais justement, il a le droit de faire les deux, et y compris de rater sa cible: si le film se veut une charge de la religion en collusion avec l'état, n'oublions pas que Russell, qui depuis quelques temps est sur a sellette pour chacun de ses films en raison de leur supposée immoralité, en a plus qu'assez de vivre dans un pays dont la Monarque est aussi la personne la plus élevée de la religion d'état. Et en tant que Catholique, il ne se sent pas concerné. Oui, vous avez bien lu: converti dans les années , c'est en catholique que Russell s'est attaqué à ce film, en catholique qu'il y dénonce l'inquisition et la pudibonderie des prêtres qui militent ouvertement pour le célibat forcé, tout en se livrant aux pires turpitudes dans la sacristie (Murray Melvin est fantastique), en catholique qui souhaite que le religion revienne sur ses fondamentaux. En Catholique protestataire (je n'ai pas dit "protestant", je suis quand même à un jeu de mots près!), donc... Et si son but n'était que de choquer, après tout cette histoire a quatre cents ans, et son Loudun rock'n roll avec grand inquisiteur qui ressemble à une star du rock, est quand même plus pittoresque qu'autre chose. Russell, fidèle à son style flamboyant, s'est autorisé des variations religieuses qui renvoient cet imbécile de Lars Von Trier à ses quilles, et avec l'actrice engagée Vanessa Redgrave en soeur illuminée par l'amour et la luxure, ça ne pouvait qu'être intéressant!

Donc à voir, à condition d'accepter le sérieux d'un film qui va souvent plus loin en absurdie que certains comiques anglo-saxons vendus par packs de six (et qui ont certainement vu ce film!)...

 

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Published by François Massarelli - dans Ken Russell Mettons-nous tous nus
4 mai 2014 7 04 /05 /mai /2014 11:05

Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio) a eu la belle vie: parti de rien, il est arivé à un poste enviable, une vie de rêve, celle d'un agent de change qui brasse des millions parce qu'il n'a aucun scrupule, et que la bureaucratie de son pays met du temps à permettre à un agent du FBI intègre de lui mettre le grappin dessus...

Finalement, Goodfellas, Casino et The Wolf of Wall Street sont le même film. Non, plutôt le même projet artistique, la même structure, cachée derrière le prétexte du réquisitoire rock'n roll dans le cas du premier et du dernier, et derrière l'alibi de l'opéra pour Casino, mais à chaque fois, il s'agit d'un film tiré d'histoires vraies. Le principe des trois est simple: un narrateur impliqué nous raconte sa vie et sa carrière faite de délits, passée et glorieuse, après être devenu moins que rien... Et à chaque fois le rêve Américain, prétexte selon Scorsese à s'enrichir de façon égoïste, en prend pour son grade. Le tout passe par une narration jouissive, ne faisant pas l'économie de l'adresse au spectateur, et les trois films enfilent les moments d'anthologie sans jamais s'arrêter pour respirer... Et à chaque fois, on marche avec plaisir, à tel point que la troisième fois, on peut commencer à se poser des questions. Et si tout ceci n'était qu'un moyen pour Scorsese d'entrer dans le livre des records en alignant le plus grand nombre de "fuck" et dérivés contenus dans un film? On a bien compris que la cible des trois films est de questionner la morale et de laisser le public condamner les "héros" et leurs activités douteuses, mais dans quelle mesure le cinéaste agit-il moralement en permettant au public de jouir sans entrave des turpitudes de ceux qui certes nous amusent, mais on eux été condamnés pour ce qui nous amuse? Et si il y avait quelque chose d'immoral dans la fascination engendrée par les films en question, parmi les plus réjouissants qui soient à regarder?

Il ne m'appartient pas de répondre à ces questions, même si j'ai mon avis sur la question: les trois films jouent sur la fascination de l'homme pour le crime, une fascination qui dans les trois cas a envoyé les contrevenants en prison. Scorsese le dit depuis toujours, la société n'est ni l'ennemi du crime, ni à l'écart du crime: criminalité et société, à plus forte raison la société Américaine, fonctionnent de concert, suivant les même règles. Sauf que les règles amènent parfois une certaine inégalité, comme le remarque le héros de Goodfellas, une fois qu'il est honnête et a payé sa dette à la société, il ne mange plus dans les bons restaurants et a du mal à joindre les deux bouts. De même Jordan Belfort à la fin du film ne voit-il pas que son principal accusateur, un agent du FBI, prend une fois son travail accompli avec conscience et droiture, un métro rempli de gens comme vous et moi... des losers. Belfort, lui, se rend aux toilettes de son entreprise en yacht.

Cette injustice n'est pas le sujet de ces films, elle est juste le contexte: oui, des gens font exactement ce qui est représenté sur l'écran, il deviennent riches à millions en profitant des autres et en s'asseyant sur la morale, tout en s'envoyant en l'air par tous les moyens possibles, et beaucoup d'entre eux vivront vieux sans jamais se faire prendre alors que les autres vont s'acharner à atteindre aussi honnêtement que possible les 75 ans en survivant et en se tenant à l'écart des excès. C'est comme ça... Mais le problème dénoncé par ces films, ou en tout cas montré sans fards (Avec toutefois une tendance à la surenchère contrôlée afin de rester dans l'esprit, ce qui débouche sur le gros succès du film) est, ce film nous le dit clairement, l'esprit même du rêve Américain... devenir riche, c'est toujours au détriment de quelqu'un. Pour gagner, il faut des perdants. La scène qui le dit aussi crûment que possible est située vers la fin du film. Jordan Belfort, rattrapé par les affaires, est sommé par le FBI de lâcher son entreprise. Il réuni ses employés, et lance un petit discours larmoyant dans lequel il annonce la couleur: notre société, dit-il en substance, c'est l'Amérique. Mais le reste du discours est sans appel: une Amérique qui apprend aux gens à rester entre eux, à élire leur famille et leurs amis, qui aide certes, mais uniquement les siens, et qui saisit toutes les opportunités pour écraser les autres dans la mesure ou ça rapporte à soi... Dans ce contexte, toutes les occasions dans le film où le concept de loyauté, la fraternité, le sens du mot "famille" sont dévoyés sont finalement parfaitement justifiées, et le pire c'est que chaque larme versée par Jordan Belfort et ses amis dans cette scène est parfaitement légitime...

Mais au-delà du ramdam médiatique provoqué par le film, de l'univers de débauche étalé au grand jour (Ce n'est ni la première fois au cinéma, ni la dernière, donc il est inutile d'en faire toute une affaire), de la "morale" relativement sauve même si elle est amère, des doutes quant à la motivation des producteurs et auteurs du film soupçonnés de s'auto-parodier, il y a un constat à faire sur The Wolf of wall Street: ce film dont l'histoire et la pérennité nous permettront de juger s'il est à la hauteur des deux précédents ou s'il faut le comparer au modèle clairement revendiqué par DiCaprio, (Le Caligula de Tinto Brass!!!) vient à point nommé pour nous renvoyer un miroir sans appel de notre société malade. Et si Casino et Goodfellas faisaient exactement cela, celui-ci garde un avantage contextuel certain: les faits dénoncés dans le film ont beau être situés dans les années 80 et 90, ils gardent une actualité bien embarrassante. En d'autres termes, on peut toujours dénoncer de tels agissements, et se réjouir qu'ils aient été dénoncés. Reste qu'ils ne sont pas près de s'arrêter. On a les miroirs qu'on mérite... Raison de plus pour garder cet opéra de coke, de fric et de fesse pour pouvoir comparer avec nos sociétés futures. Sera-t-il si choquant?

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Published by François Massarelli - dans Martin Scorsese Mettons-nous tous nus
19 mai 2011 4 19 /05 /mai /2011 08:17

Les univers d'Ang Lee sont toujours cohérents, magnifiquement recréés, et nous font passer de film en film d'un extrême à l'autre. après la Chine des années 30 dans le sulfureux Lust, caution, le Sud en déroute de Ride with the devil, l'univers de comic strip de Hulk et le Montana de Brokeback mountain, voici donc l'état de New York, coté rural, en pleine explosion culturelle de la fin des années 60.

Whitelake, Bethel, NY, 1969: la famille Teichberg fait partie de la communauté Juive locale, et leur souhait est de créer un motel qui puisse être une valeur sure. Le principal moteur du progrès, c'est le fils Elliott, président de la jeune chambre de commerce locale, attentif à l'idée de moderniser l'entreprise familiale, et à ce titre en conflit permanent avec sa mère, qui ne s'est jamais remise de ses souvenirs de privation et de traumatisme dans sa jeunesse Russe, et a développé une obsession pour l'argent qui empêche Elliott de gérer convenablement le lieu. Son souhait: laisser ses parents se débrouiller pour vivre enfin seul, à New York; L'opportunité qui se présente alors, c'est le refus d'une localité voisine d'accueillir le festival de Woodstock, qui fait peur aux populations locales. Elliott va alors tenter de récupérer le festival pour sa commune...

La Judaïté d'Elliott est un tabou pour lui: il a changé de nom, de Teichberg, il est devenu Tiber... son souhait très clair de couper les ponts avec les parents vient comme en écho à ce désir de renier une part de son identité. L'antisémitisme, courant dans le film (Les Teichberg se font souvent traiter de "Sales juifs") semble ne pas le toucher, sinon parce qu'il ne souhaite pas que sa mère (Prompte à partir dans des délires sur le nazisme) l'entende... Cette absence d'identité se double chez Elliott d'une évidente incertitude sexuelle, qui le voit flirter avec aussi bien un homme qu'une femme de la bande des organisateurs. Une expérience, drogue plus sexe, avec des Californiens de passage semble d'ailleurs le décider à assumer ce qui ressemble plus à de l'homosexualité qu'à une bisexualité... Pour Elliott, le film se présente donc comme un voyage initiatique à la fois touchant et burlesque. D'ailleurs, il retiendra les leçons d'un travesti, Vilma, qui lui permettra d'accepter son père et de renouer un peu avec son judaïsme par le biais de ce dernier dont il mime parfois le comportement caricatural, mais sans méchanceté. Il va aussi permettre à Elliott de faire son deuil d'une relation impossible avec sa propre mère, jouée avec une grande dose de méchanceté par Imelda Staunton.

La comédie soignée passe ici par une mise en scène allusive: on est, n'oublions pas, à Woodstock, et Ang Lee a non seulement recréé les circonstances du festival, baignades, boue, nudité, drogues, marche interminable, cortège de gens tous plus délirants les uns que les autres, mais il a aussi imité la mise en scène kaléidoscopique du film, multipliant les formats, et utilisant le split-screen. On a parfois le sentiment qu'il a donné pour consigne à tous ses figurants de se retrouver, vraiment, à Woodstock tant le film ressemble parfois à un documentaire avec de vrais festivaliers dedans. Il a aussi, gentiment, raillé les excès d'une période certes turbulentes, en représentant une troupe de comédiens provocateurs qui se déshabillent pour un rien, et a multiplié les allusions qui font mouche: le vétéran du Vietnam, paumé, l'alunissage de Neil Armstrong, la mode vestimentaire, les grosses lunettes... On peut regretter l'absence de distance devant certains personnages, dont l'énigmatique Michael Lang, ange de Woodstock, qui a l'air aussi angélique que carnassier, et dont les contours flous sont franchement embarrassants. Il est probable que c'est voulu, bien sûr... Le vétéran du Vietnam est quant à lui bien caricatural, et on regrette aussi, parfois, le choix de l'acteur principal, Demetri Martin. 

Si on peut estimer que le film fait pale figure auprès de The ice storm, ou Brokeback Mountain, il n'empêche: Ang Lee a su donner à son Woodstock une vérité qui nous donne à comprendre que pour les gens qui y étaient, en l'espace de trois jours, le reste du monde a cessé d'exister. On souhaite tous vivre des événements qui nous en persuadent, mais il faut bien reconnaître que de nos jours, seules les catastrophes nous plongent dans ce type de situation: 11 septembre, Fukushima, etc... Comment ne pas comprendre après cela la nostalgie causée par l'éloignement de cette période?

 

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Published by françois Massarelli - dans Ang Lee Comédie Mettons-nous tous nus
3 avril 2011 7 03 /04 /avril /2011 08:05

Cinéaste, mais aussi chef-opérateur, Roeg a un oeil, un sens de la composition et un talent plastique qui trouvent dans ce premier long métrage toute la latitude pour s'exprimer. Walkabout devient ainsi l'un des films qui s'inscrivent le plus durablement dans les mémoires de ceux qui l'ont vu... Il présente aussi deux thèmes, au moins, qui le rendent tout aussi inoubliable, en racontant cette histoire de deux jeunes Anglais, une adolescente et son petit frère, coincés en plein désert Australien et pris en charge par un jeune Aborigène en plein rite de passage, le "walkabout": il doit survivre seul dans la nature afin de devenir un homme. Le film est bien sur l'histoire d'une confrontation entre deux civilisations, qui vire au drame, mais aussi celui d'un rendez-vous manqué, plus intime...

Quand leur père les amène à un pique-nique, les deux jeunes ne peuvent pas savoir qu'il va essayer de les tuer, puis mettre le feu à sa voiture et se tirer une balle dans la tête... Mais la jeune fille (Jenny Agutter) a la présence d'esprit de s'éloigner avec son jeune frère (Lucien John) sans perdre de temps, sans lui expliquer ce qui vient de se passer. leur survie serait vite compromise sans leur rencontre avec un Aborigène de 16 ans (David Gumpilil), qui les sauve en leur procurant de l'eau, puis les emmène avec lui. La jeune fille ne parle pas sa langue, pas plus que lui ne parle l'Anglais, mais il parviennent plus ou moins à se comprendre durant leur périple. La complicité naît très vite entre les deux garçons, mais c'est plus difficile avec la fille, et lorsque le jeune homme se lance dans une danse rituelle afin de la séduire, elle le rejette sans ambiguïté. 

Le début est énigmatique, mais cela n'a aucune importance: toute la civilisation Blanche est finalement montrée à l'image de ce père qui devient fou et cherche à supprimer ses enfants. Chaque "rencontre" avec la civilisation Anglo-saxonne dans le film débouche sur la mort ou l'abandon, comme cette cabane abandonnée, les météorologues dans le désert même pas capables de faire leur travail correctement, ou cette mine fermée, avec son matériel rouillé, premier contact dérisoire avec leur civilisation pour les jeunes Anglais. Le film se clôt sur une phrase, en Français: Rien ne va plus. Symboliquement, Roeg choisit de montrer le père, cadavre en voie de décomposition, placé comme un épouvantail dans un arbre à proximité de la carcasse de sa voiture, investie par une famille Aborigène qui joue à l'intérieur... A ce cadavre, Roeg ajoute un grand nombre de carcasses disséminées dans le film, avant-goûts d'une mort programmée: des cadavres d'animaux bien sur, mais on verra aussi beaucoup d'animaux mourir, victimes de chasse, qu'elle soit sportive (Deux blancs qui ressemblent furieusement à la caricature des Australiens par les Monty Python) ou pour la survie (Dépeçage de Kangourou par David Gulpilil). Le message est clair, Nicholas Roeg oppose deux civilisations, deux manières de marcher sur terre, et deux façons de traiter la nature. Son choix est fait, il ne tarde pas à être le nôtre, pourtant le jeune fille garde ses distances, parlant parfois à son sauveur comme à un serviteur, et ne laissant jamais la complicité s'installer totalement.

Après la confrontation, le film nous conte une autre rencontre, amoureuse celle-ci, qui passe d'abord par les regards des deux jeunes gens l'un sur l'autre, de Jenny Agutter qui ne peut s'empêcher de regarder assez clairement en toute circonstance l'anatomie de Gumpilil, alors que celui-ci la regarde mais uniquement au bivouac. Rien n'arrivera entre eux, la fille restant Anglaise, et habillée en la présence de l'autre, jusqu'au bout. Il y aura des tentatives, des passerelles, comme durant la scène ou on verra les dessins Aborigènes sur le corps du jeune garçon: on constate que la jeune fille s'est laissée faire pour le dessin d'un serpent sur  son bras. Le symbole est clair, mais elle n'ira pas plus loin. Pourtant, une scène la voit s'abandonner à une baignade récréative, nue dans une mare, mais seule, farouchement attachée à son intimité. Donc attirée par la sensualité, mais arrêtée par les barrières trop nombreuses, et d'ailleurs les avances rituelles de son compagnon lui font, clairement, peur. Elle va donc s'interdire de succomber à ses désirs, et le moment des adieux la verra impassible devant la dépouille du jeune homme. A-t-elle compris?

Pourtant, de retour à la "Civilisation", la jeune femme a une vision tout autre, et la dernière séquence qui la voit s'imaginer rêveusement une baignade mutuelle des trois jeunes nous éclaire sur ses regrets...

Beau film donc, dont la narration lente et contemplative reste bien sur envoûtante, et dont le sens du montage est un aspect des plus expérimentaux, pour un metteur en scène qui aime à jouer avec le temps. Le fait que le film épouse le point de vue Aborigène et son mépris de la chronologie ne pouvait qu'inciter Roeg à s'amuser de façon gourmande. Le sentiment, c'est qu'il fallait sans doute un Anglais pour traiter un tel sujet. Comme le prouve le film, dans une séquence un peu énigmatique, les Australiens de 1970 n'étaient pas encore sortis de leur racisme: on y voit une famille Blanche exploiter des jeunes Aborigènes, et il faut rappeler que les colons Britanniques ont tenté d'éradiquer cette civilisation en l'assimilant par la force afin de transformer les premiers Australiens en une race de serviteurs... Cette politique ayant pris fin dans les années 1970, on mesure l'importance d'un film comme Walkabout.

 

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Published by François Massarelli - dans Nicholas Roeg Mettons-nous tous nus Criterion