
De prime abord, on n'a pas besoin d'un énième documentaire sur Janis Joplin. Pour en apprendre quoi? Pour y retrouver quel aspect de sa courte vie qui n'aura pas déjà été documenté? Mais ce film, qui en 2015 faisait le point sur l'état des lieux de ce qu'on sait de la chanteuse, et de son histoire, possède un avantage certain: le recul.
Bien sûr, pour ménager ses effets dramatiques, Amy Berg a trouvé une combine, celle qui consiste à faire ire à une actrice les lettres de Joplin à ses amis et sa famille; et comme on a interrogé la plupart des survivants (Et ils étaient nombreux en 2015, quoi qu'on en dise), qui font bien comprendre la douleur d'avoir perdu quelqu'un, sans jamais le dire ni en rajouter: les survivants des groupes Big Brother and the Holding Company, Kozmic Blues Band et Full Tilt Boogie, les collaborateurs occasionnels, les anciens petits amis et petites amies, les journalistes influents, le documentariste D. A. Pennebaker (Le réalisateur de Monterey Pop) et le frère et la soeur de Janis Joplin sont dans le panel. Nous avons même droit, in extremis, à un témoignage de John et Yoko, capté à la télévision en 1972 ou 1973, pendant le générique de fin.
Le film commence, après une introduction d'usage, par le commencement: la vie à Port Arthur, à la fin des années 50 et au début des années 60, était manifestement bien difficile pour une jeune adolescente, disons, différente: ni belle, ni mince, boutonneuse, n'ayant pas encore pris conscience de son talent musical inné et de sa voix qui devait tant à Bessie Smith et Otis Redding (deux artistes, rappelons-le, noirs), ni pris la mesure de la nécessité pour elle de partir au plus loin, au plus vite: la ville est sous la coupe du KKK, et Janis, qui croit en l'intégration, n'est pas compatible avec les diktats de l'organisation... Et puis elle s'ennuie à l'école ou elle ne fera jamais ce qu'on attend d'elle. Mais s'enfuir, pour Austin d'abord, montre bien vite ses limites, et c'est finalement vers San Francisco qu'elle va partir, se retrouvant bien vite au sein du groupe local, Big Brother and the Holding Company. Le groupe avec lequel elle va détourner avec passion et intelligence la musique noire entre 1966 et 1968... De Gershwin (Summertime) à Otis Redding, encore lui...
Les avis sont contradictoires: il est de bon ton de dénigrer les musiciens de ce groupe, et de vouloir faire de Janis une perle qui aurait alors été donnée à des cochons. Je pense, preuve à l'appui (Deux albums studio, après tout, dont l'incontournable Cheap Thrills) que d'une part ces musiciens, tout en n'étant pas aussi doués que, au hasard, Sly and the family Stone pour rester à San Francisco, ou les Byrds pour aller plus au sud, étaient quand même furieusement compétents, et dotés d'une énergie unique; et d'autre part, que de toute façon Janis Joplin était au final faite pour voler de ses propres ailes. Le documentaire nous aiguille dans une direction inévitable: oui, elle a eu raison de partir vers une carrière solo, mais elle l'a fait trop tôt...
Parce qu'il faut quand même le dire, quand Janis Joplin décède en octobre 1970, elle n'a eu la possibilité d'enregistrer complètement qu'un seul album en solo, le sympathique-mais-sans-plus I got dem old kozmic blues again, mama, avec le Kozmic blues band, une organisation que la jeune femme ne parvenait pas à mener... Pearl, son dernier disque, est inachevé, et le pire c'est qu'il donne clairement l'indication qu'il allait par contre être un chef d'oeuvre.
Voilà, c'est ce que transmet ce documentaire, ce qu'il donne enfin à voir, après que la mort survenue trop tôt ait cristallisé la légende: Janis Joplin est morte avant de donner tout ce qu'elle avait à donner. Et elle a laissé derrière elle une troupe enviable de musiciens, ceux des trois groupes, mais pas seulement, des gens qui auraient sans doute eu leur mot à dire. Les images sélectionnées par Amy Berg sont d'ailleurs souvent émouvantes, mais aussi assez hallucinantes pour les connaisseurs de la période: Cass Elliott et Michelle Philips, des Mamas and papas, sont filmées découvrant à Monterey la puissance dévastatrice d ela jeune chanteuse du groupe Big Brother and the Holding Company; les photos-souvenir d'une courte romance entre Country Joe "Gimme an F" McDonald, et Janis Joplin; de toutes ces rencontres, et flirts, et coucheries, et boeufs, bref de tout ce fatras, se dégage finalement le portrait d'une jeune femme qui avait enfin trouvé sa place, mais aussi qui était comme tout un chacun à cette période soumise à toutes les sensations: alcool, drogues... Quelqu'un qui disait 'je survivrai, vous verrez'. Elle avait tort. Et à la fin de ce maelström d'images, certaines que je n'avais jamais vues, je dois dire que ça me fait vraiment de la peine.














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A Los Angeles, de nos jours, nous assistons à la rencontre de deux jeunes gens désireux de percer: Mia (Emma Stone) veut devenir actrice depuis toujours, ce qui lui a fait quitter son Nevada natal et depuis elle a réussi à se rapprocher, en faisant un petit boulot de serveuse dans une cafétéria proche des studios, et enchaîne les passages obligés: audition sur audition, soirée sur soirée... Sebastian (Ryan Gosling) a quant à lui une passion dévorante pour le jazz, un mode d'expression qu'il estime en voie de disparition. Il se verrait bien en sauveur et ambitionne d'ouvrir dans un lieu historique un club de jazz, un vrai. En attendant, eh bien... piano bar: plus "Jingle bells' que "Now's the time', en fait...
Pour le reste, la magie de la comédie musicale fait comme la jeune fille: elle opère. Dès le début, on apprécie une scène enlevée de ballet qui surgit d'un embouteillage et qui passe par un plan-séquence bouillonnant, et un parti-pris qui me réjouit: ces danseurs ne sont pas des machines athlétiques ni des rats de conservatoire, ce sont des gens avec des corps certes opérationnels, mais qui les font ressembler à tout un chacun. Comme Gosling et Stone, qui ne sont pas des danseurs! Ce ne sont pas des chanteurs non plus, mais il y a du charme y compris dans la gaucherie, avec une caméra qui sait rester à distance, et des effets spéciaux qui savent ajouter la magie nécessaire sans jamais en faire trop... Mais par contre, on n'échappe pas aux clichés du jazz-dans-les-films: "name-dropping": 'Bien sur que j'aime le jazz: Charlie Parker, Chick Webb'... Argot: 'my man!'... Souffrance du pianiste de fond lorsque au lieu de jouer ce qu'il aime, il doit jouer Jingle Bells... Ignorance crasse des gens qui confinent au mépris, ou fans transis qui... dansent sur du be-bop. Ce dernier est sans doute le plus difficile à avaler! Mais on a le bon goût de nous montrer Ryan Gosling en obsédé de la note juste qui répète jusqu'à l'épuisement un passage forcément difficile de Japanese Folk Song, interprété par Thelonious Monk (Extrait de Straight no chaser, 1967)...
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