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16 juin 2016 4 16 /06 /juin /2016 16:05
Fame (Alan Parker, 1980)

Je me souviens, à l'époque, dans les cinémas, on a eu une intéressante tranche de film en guise de bande-annonce: le fameux moment durant lequel tous les étudiants en arts du film descendent dans la rue et dansent pendant que la chanson-titre défile, un moment de musical authentique, qui donnait aux gamins nés à la fin des années 60 un rush d'adrénaline. C'est aujourd'hui un des moments embarrassants du film...

C'est donc une comédie musicale, comme on dit en Français. Pourtant cet aspect est celui qui s'intègre le moins bien au film, par ailleurs construit sur une progression dramatique éprouvée, et qui n'a pas fini de donner de bons résultats; c'est finalement le même principe que les Harry Potter: on prend les héros du film au début de leur scolarité et on les accompagne jusqu'à leur sortie... Le lieu est une authentique école publique, la New York High School of Performing Arts. Elle est publique et gratuite, mais il faut auditionner pour y entrer, c'est le sens du premier chapitre (Le film est divisé en étapes chronologiques). On y fait de la danse, classique et moderne, de la musique, et du théâtre... Nous nous intéressons principalement à huit étudiants: Leroy, un danseur prometteur mais venu de la rue; Montgomery, un jeune fils d'actrice à la sexualité plus que perturbée; Doris, une jeune aspirante actrice étouffée par sa mère et son conformisme; Coco, chanteuse et danseuse très, voire trop ambitieuse; Lisa la danseuse à laquelle on reproche son manque d'investissement: la riche Hilary qui cherche à échapper à une vie insupportable; Bruno, un musicien attiré par l'exploration des synthétiseurs et du son électronique, qui se heurte au classicisme de ses professeurs; enfin, Raul "Ralph" cherche à échapper par la comédie à une vie de misère dans l'ombre des traditions culturelles venues de Porto-Rico.

Beaucoup, sinon tous, des acteurs de ce film sont d'authentiques étudiants de l'école où se passe l'action, et c'est ce qui donne au film son principal intérêt: un ton naturaliste, et une véracité dans les délires (Danse improvisée par tout le monde durant le repas) que n'ont plus jamais les séquences dansées aujourd'hui, interprétées par des danseurs sur-entraînés au corps sculpté... Ici, ça sent le réel à tous les étages, et on n'est pas non plus dans High School Musical, même si cette série d'âneries monumentales doit sans doute beaucoup à Fame! Non, dans ce film, on rate, on réussit, on indique assez clairement que la plupart de ces artistes retourneront à leur médiocrité, mis ceux qui réussiront, eh bien... Ils le mériteront, voilà tout! Quant à la dimension "musical", ça ressemble à une sorte de plaquage de deux ou trois séquences durant lesquelles le réalisme cède à un cahier des charges auto-imposé par Alan Parker. C'est dommage, mais c'est sans doute ce qui a permis le succès du film. Ca n'a pas porté chance pour autant à son interprète principale, Irene Cara (Coco): c'est elle qui chante le thème-titre, et sa carrière n'a pas, à proprement parler, été des plus fabuleuses...

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Published by François Massarelli - dans Musical Alan Parker Danse
13 juin 2016 1 13 /06 /juin /2016 07:40

A Calvados, dans les Caraïbes, on vit un peu dans l'ombre des exploits légendaires du pirate mystérieux Mack, le Macoco noir! Si mystérieux qu'il a disparu des radars depuis quelques années, et que nul n'a jamais percé sa réelle identité; Manuela Alva (Judy Garland), plus que les autres jeunes femmes, en rêve nuit et jour, d'une façon plus romantique qu'autre chose, et elle aspire au grand frisson avec cet homme idéal un brin pas orthodoxe... Orpheline, elle apprend pourtant que sa tante Inèz (Gladys Cooper) a négocié derrière son dos un mariage arrangé avec le maire, Don Pedro. Elle n'est pas franchement réjouie à l'idée, d'autant que ce potentat qui a beaucoup voyagé (Walter Slezak) a justement décidé qu'il ne quitterait plus la petite ville, et Manuela se sent donc condamnée... Lors d'un déplacement, elle rencontre un jeune homme qui la trouble, l'acteur Serafin (Gene Kelly); celui-ci est tombé amoureux d'elle, et va la suivre, et lors d'une représentation théâtrale, va apprendre qu'elle est amoureuse du pirate. Il va donc trouver le moyen de s'introduire chez elle, et de devenir pour elle le Grand Macoco... Mais QUI est le grand Macoco, au fait?

Sous son intrigue délicieusement classique, sous des dehors exubérants de comédie musicale avec pour cette fois un fort accent sur le mot comédie, ce qui n'est pas si courant dans un domaine parfois assez convenu, le film cache des trésors de contrebande, comme dit Martin Scorsese... Une fois de plus, Judy Garland interprète une jeune femme coincée à la fin de l'adolescence, dont l'esprit va prendre un peu d'avance sur sa vie de femme: dans Meet me in St Louis, elle se voyait déjà mariée, mais dans The pirate elle s'imagine enlevée par un pirate que d'aucuns jugent sanguinaire. Mais Manuela, elle, pense que Macoco la traiterait "Comme une reine"... c'est à travers une séance d'hypnose qu'elle va faire sa révélation, comme si elle ne l'avait jamais admis de vive voix, et le personnage incarné par Gene Kelly va agir comme un déclencheur: grâce à lui, la jeune femme va oser donner corps à ses rêves, et c'est tout naturellement qu'elle va céder à ses avances, après une période raisonnable de protestation, et une ou deux chamailleries...

A travers son amour délirant pour la figure légendaire du pirate, c'est de passion dont Manuela rêve, de complicité et d'amour aussi. Probablement un peu de sexe, même si le cadre rigide du code oblige nos cinéastes à traiter le sujet en sous main (...Plutôt que par-dessus la jambe!!). Cette dimension se révèle à nous par la biais d'un ballet impeccable dans lequel Manuela voit Serafin en Macoco, portant le même costume que Douglas Fairbanks dans The black pirate, dompter des femmes lascives, dans une nuit rouge... Superbe séquence onirique, tournée en studio, ce qui se voit: c'est l'une des attractions les plus étranges de ce film, qui ne cache jamais totalement sa dimension factice. Minnelli assume ce côté faux et le souligne en permanence, car il est après tout beaucoup question de dissimulation, de fausse identité, de percer u être à jour dans le film... Plus que tout, c'est le théâtre, vecteur amoureux de la complicité entre Serafin et Manuela, qui va agir dans le bon sens pour faire triompher la vérité: Manuela et Serafin utilisent donc le faux pou révéler le vrai!

Le style de Minnelli fait merveille, combiné avec l'énergie fabuleuse de Gene Kelly. L'un chorégraphie des ballets qui partent dans tous les sens, et l'autre incorpore de façon parfaite ces élans difficiles à capter, dans une mise en scène qui donne l'impression d'un souffle ininterrompu. Il fallait une science du montage, un don pour le rythme et une sacrée discipline aux deux hommes pour réussir leur coup! Et il fallait de l'humour aussi, car Gene Kelly a ici pris la direction qui est le plus souvent la sienne, dans ces merveilles qu'il a chorégraphiées: la danse nous fait rire, sans jamais qu'on se moque totalement des personnages. J'ai par ailleurs cité Fairbanks, mais on verra aussi des allusions à Laurel et Hardy... la morale du film, d'ailleurs, est incarnée par la chanson (De Cole Porter, comme toutes celles du film) Be a clown... Tout un programme! Bref, on l'aura compris, ce film exubérant vaut le détour...

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Published by François Massarelli - dans Vincente Minnelli Gene Kelly Musical Danse
31 décembre 2015 4 31 /12 /décembre /2015 09:32

On réduit un peu souvent ce film à une réplique, en l'occurrence "Boys will be boys!", prononcée par Al Jolson, alors qu'il vient de voir deux hommes commencer à danser ensemble dans son club, le subtilement nommé Wonder bar. Al "Wonder" est donc une sorte de pré-Rick: Américain, il vit à Paris, et tient un night-club de luxe, essentiellement visité par des Américains, ce qui est une bonne chose, car on n'y parle manifestement pas un gramme de Français. L'intrigue principale est un pentagone amoureux: deux hommes, le patron Al Wonder et le chef d'orchestre-crooner (Dick Powell) aiment la même femme, la plantureuse Inez (Dolores Del Rio). Mais celle-ci est amoureuse de son partenaire (Ricardo Cortez), un goujat qui la trompe avec des bourgeoises auxquelles il donne des... leçons de danse. La dernière en date s'appelle Mme Renaud (Kay Francis). Durant une soirée typique au club, les rivalités vont culminer en coulisses, pendant que se succèdent les numéros mis en images par rien moins que Busby Berkeley...

Ce 'est pas un chef d'oeuvre: Lloyd Bacon a eu la chance d'être le maître d'oeuvre principal de deux autres films avec Berkeley, 42nd street et Footlight parade, mais autant ces deux-là étaient fantastique, autant Wonder bar déçoit par son côté poussif et téléphoné, et le manque de numéros musicaux d'intérêt. Par moments, on n'est pas très éloigné d'un Hollywood party avec ses numéros de stars enchaînés sans génie, alors qu'on serait en droit d'attendre un Grand hotel à la façon Warner... Et Al Jolson, après sept années au cinéma, n'a toujours pas un gramme de talent.

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Musical Busby Berkeley Lloyd Bacon
15 juin 2015 1 15 /06 /juin /2015 11:08

Trois marins ont une permission de 24 heures à New York, une ville merveilleuse, mais qu'ils ne connaissent pas encore. Ils décident de faire de cette journée un souvenir mémorable, mais par où commencer? En prenant le métro, ils voient une affiche à l'effigie d'une New-Yorkaise, et se méprennent: ils s'imaginent qu'elle est une grande vedette, et Gabey (Gene Kelly) tombe instantanément amoureux d'elle. Avec ses copains Chip (Frank Sinatra) et Ozzie (Jules Munshin), il se met en quête de la belle Ivy Smith (Vera Ellen). En chemin, les trois vont aussi faire la connaissance de Hildy (Betty Garrett), chauffeur de taxi et amoureuse en un clin d'oeil de Chip, et croiser dans un musée d'anthropologie le regard de Claire (Ann Miller) qui développe aussitôt un penchant pour le faciès néo-pithécantropesque d'Ozzie... Ils vont aussi faire pas mal de bêtises, déclencher quelques ennuis, et bien sur, trouver Ivy Smith; mais celle-ci n'est pas celle que Gabey croit.

Premier film mis en scène par Kelly et Donen, On the town prend sa source dans un musical de 1944, mais qui a été profondément altéré au moment de passer sur pellicule. De nouvelles chansons, d'inspiration plus jazz, ont été composées et enregistrées, et des changements dans le script ont été opérés. Et surtout, le film semble avoir été fait en totale liberté. On sait que l'idéal de Gene Kelly était de libérer la danse au cinéma, de la capter dans la vraie vie. C'est paradoxal pour quelqu'un qui a si longtemps travaillé pour la MGM, l'empire du faux, mais c'est palpable dans ce film qui ancre par de nombreuses scènes son action dans la vraie vie, dans les vraies rues de New York, juste le temps de faire entrer le spectateur dans l'illusion. Et ensuite, eh bien... la fantaisie la plus totale s'empare du film, qui ne possède pas un moment de répit. L'énergie de la chorégraphie de Gene Kelly se marie avec le génie visuel du co-réalisateur, qui peint toujours à la perfection ses éclats de couleurs, et n'a pas son pareil pour intégrer la danse dans un montage parfaitement équilibré entre plans longs et inserts malins, laissant le montage assurer la narration au gré de sa fantaisie.

L'équipe fantastique formée par Kelly et Donen, qui retravailleront bien sur sur deux films ensuite, dont l'un des plus beaux du monde, fait ici merveille, et on ne s'étonnera pas que trois ans avant Singing in the rain, les deux compères aient fait de cette petite visite de New York en vingt-quatre heures un film autrement plus enlevé que le sympathique mais parfois si soporifique et empesé Anchors aweigh de George Sidney...

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen Gene Kelly Musical Danse
25 avril 2015 6 25 /04 /avril /2015 15:34

Arrêtons un peu de recourir aux clichés en usage, et voyons les choses en face: ce film iconique, ultra-célèbre, et considéré à lui tout seul comme la boule à paillettes ultime, n'est pas limité à sa musique, ou au fait qu'une portion non négligeable de la pellicule y montre des gens qui dansent le disco avec il est vrai une certaine adresse... Ce n'est en rien une comédie musicale, voire un petit film jetable, mais bien un document sociologique sur une communauté rendue autrement célèbre par des histoires de mafiosi, généralement plus malhonnêtes que ne le sont les héros ou anti-héros de ce film âpre et qui touche souvent juste. Comme l'a souvent dit Martin Scorsese, réussir pour un jeune Italo-Américain qui grandit à Little Italy, c'est souvent faire un choix entre le gangstérisme ou la prêtrise... Heureusement pour lui, il avait trouvé le cinéma comme vocation alternative! C'est une histoire un peu similaire qui nous est racontée ici...

Tony Manero (John Travolta) a dix-neuf ans; Italo-Américain de troisième génération, il est confronté au chômage de son père, à l'incertitude de l'avenir, et à une certaine crise communautaire: comme le dit son père, avant qu'il ne soit sans emploi, son épouse n'aurait sans doute jamais levé la voix contre lui, et n'aurait pas non plus, honte suprême, évoqué la perspective de chercher elle-même un travail pour subvenir aux besoins de la famille. Les Manero ont trois enfants: le plus grand, Frank, est prêtre catholique, mais ne passe pas assez de temps avec ses parents; la plus petite est encore à l'école. Quant à Tony, il travaille depuis quelques mois dans un magasin de bricolage sur le quartier, et son patron l'a vraiment à la bonne. Mais ce à quoi il consacre essentiellement son argent le week-end, c'est la danse: Tony est un danseur émérite de disco: on est au milieu des années 70, et les jeunes portent talons hauts, pattes d'éléphant en lycra, gomina et cols "pelle à tarte". Un concours se profile à l'horizon, et Annette (Donna Pescow), une jeune femme amoureuse de Tony avec laquelle il danse parfois, lui propose de s'associer et de rafler le premier prix. Il accepte, mais change très vite de partenaire, car il est très perfectionniste, et a vu Stephanie Mangano (Karen Lee Gorney) danser: elle aussi en veut, et pour Tony, c'est la partenaire idéale.

Les jeunes Italo-Américains, qui vivent dans un Manhattan saisis sur le vif, sont la principale communauté vue dans le film, mais il y est question aussi des rivalités parfois violentes avec les hispaniques, et les noirs. D'ailleurs, il y a même une comptine bien salace à ce propos. Les amis de Tony, à cet égard, tentent de maintenir une espèce de contrôle culturel sur la ville, qui passe parfois par la violence. Mais une expédition punitive tourne à la mauvaise farce pour Tony lorsqu'il apparaît que les "Barracudas" hispaniques, que la bande vient de punir pour un méfait, n'étaient en fait pour rien dans l'histoire. C'est là qu'apparaît un trait de caractère essentiel du jeune homme: il a une morale. Bien sur, elle ne l'empêche pas de considérer les femmes comme des objets de conquête, et de traiter la jeune Annette qui n'a d'yeux que pour lui, avec un mépris qui va jusqu'à la goujaterie. Mais le sens de la justice qui l'anime l'empêche de tirer parti de façon égoïste de certaines opportunités, comme lorsqu'il met un point d'honneur à reconnaître avoir moins bien dansé que des Porto-Ricains, par exemple. Et surtout, le film raconte un passage fulgurant à l'âge adulte, lorsque son frère, en pleine crise de la vocation, quitte l'église, et que de son côté Tony s'investit de façon mature dans un nouveau projet.

Le film est plein de vie, et chaque séquence de danse lui confère un atout supplémentaire: certaines scènes sont vues d'un point de vue clairement sociologique (Aucun de ses héros n'est vraiment sophistiqué), et la lutte à l'amiable pour un trophée de danse devient une opportunité de s'affirmer, tant pour Tony ou Stephanie (Qui en dépit de ses grands airs est motivée par une volonté de s'élever qui sera vite contagieuse), que pour l'ensemble des protagonistes. Il y a bien quelques clichés, quelques aspects non aboutis, mais le film vaut le coup d'oeil pour nous montrer la vie à Manhattan et dans d'autres quartiers en 1977. Avec des boules à paillettes et des platform shoes, certes.

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Published by François Massarelli - dans Musical Danse
14 juillet 2014 1 14 /07 /juillet /2014 16:07

Y-a-t-il quoi que ce soit à dire sur ce film? Au-delà du plaisir immense qu'il procure, de la perfection de ses accomplissements? Au-delà du fait qu'il représente à la fois un tour de force visionnaire dont le style était en avance de quelques années sur le reste de la production des années 50, et une quintessence de l'art classique de la comédie musicale dont il est le plus beau de tous les représentants? D'autant qu'il est un film idéal pour bien des gens, lors de leurs rares séjours en île déserte, bref: un film qu'on peut voir et revoir en boucle, et qui nous fait nous sentir bien, un film hallucinogène sans danger, un anti-dépresseur, un doudou, et bien d'autres choses encore. Oui, avec tant de gens de par le monde qui connaissent le film, à quoi bon? Bien sûr, il y en a encore qui ne l'ont pas vu, soit par ignorance, soit parce qu'ils n'y ont pas été confrontés, soit parce qu'ils sont du genre à juger avant visionnage, et ne sont pas attirés par un film classique Hollywoodien ("Oh, bah ça a l'air vieux ton truc, il date de quand, 1998? 1999?"): les pauvres. Qu'ils le voient, après tout. Non, je vais juste me contenter de partager le fond de ma pensée sur un certain nombre de points:

Dignity, always dignity

Le film parle de cinéma, donc, à travers les carrières de Don Lockwood (Gene Kelly), et Lina Lamont (Jean Hagen), tous deux inspirés de diverses stars de l'époque du muet. On y voit un bel hommage à cette facette lointaine de l'art Américain, et c'est d'autant plus remarquable que le cinéma muet a été balayé, effacé dès 1930, et est tombé purement et simplement dans l'oubli. C'est vraiment depuis les années 60 qu'on a commencé à sortir les films de oubliettes... Donc, ici, les ascensions fulgurantes des acteurs et stars et leurs parcours délirants (John Gilbert a par exemple été accessoiriste et scénariste avant de devenir un acteur de premier plan) sont vus par le biais de l'évocation de la carrière de Don Lockwood, musicien de plateau, puis cascadeur et enfin star. Les séquences sont amusantes par le décalage ironique constant entre le discours glorieux de la star, qui invoque sa dignité constante, et les images de ses exploits bien moins remarquables. Pour le reste, Singin' in the rain explore la faune Hollywoodienne de l'époque, les studios, le fonctionnement, et le système des previews...

Hollywood 1927

Le film est situé à une date charnière, et comme le laisse entendre le pianiste Cosmo Brown (Donald O'Connor), il était facile de tout perdre en un jour: le parlant est arrivé mais a tout renversé, les metteurs en scène ont été virés et remplacés par des hommes de théâtre, les acteurs ont été doublés, virés, coachés par des orthophonistes plus ou moins professionnels, etc. Et surtout, la belle machine du cinéma, qui se faisait dans le bruit et la fureur, en présence de musiciens et avec des acteurs qui pouvaient dire ce que bon leur semblait pour obéir aux consignes que leur aboyaient les réalisateurs, tout ça est devenu un parcours du combattant, à cause de ce foutu micro. La scène exceptionnellement drôle qui joue avec cet aspect est inspirée d'une scène de Anna Christie (Clarence Brown, 1930): Greta Garbo ne devait pas trop s'éloigner d'une lampe qui était en fait un micro camouflé. Comme c'était Garbo, on ne s'en aperçoit pas. Mais Lina Lamont n'est pas Greta Garbo, loin de là.

The roaring twenties

Il est notable que dans Singin' in the rain, les années 1927/28 sont admirablement reproduites: par exemple, dans la mode aussi bien masculine, que féminine, que dans les vêtements portés par les danseurs et chanteurs; les visages de la plupart des acteurs correspondent aussi à une certaine tendance de la beauté contemporaine, ainsi que les tendances excentriques: ainsi une "vamp" aperçue lors de deux scènes renvoie-t-elle à toutes les belles filles fatales du cinéma des années 20, de Nita Naldi dans the Ten Commandments à Bebe Daniels dans The affairs of Anatol. La musique n'est pas en reste bien sur, même si le film ratisse large, de 1929 (Singin' in the rain) à 1939 (Good Morning), en passant par 1933 (Temptation, un gros tube d'un film avec Bing Crosby, sur la musique duquel les convives d'une party dansent langoureusement). L'ambiance est à la fête, pour tous: Lockwood et Lamont sont attendus à Beverly Hills pour une fête, mais Kathy Selden (Debbie Reynolds), aspirante artiste, y est attendue aussi... pour travailler. Le cinéma est un divertissement rentable et va de pair avec la presse; ainsi, comme Lina Lamont elle-même, des millions de jeunes femmes éperdument romantiques croient dur comme fer à l'idylle publicitaire entre Lockwood... et Lamont. Enfin, dans Singin' in the rain, non seulement les films parlent, mais les gens aussi... et les expressions (You're darn tootin'), les références culturelles (Al Jolson), le langage à la fois argotique et châtié, tout renvoie à cette période. C'est, décidément, très bien vu, et je pense que seuls Billy Wilder, et aujourd'hui les frères Coen sont parvenus à un tel niveau de précision, tant sur la récréation du langage que de l'atmosphère d'ensemble d'une époque.

Of course, we talk! Don't everybody?

Oui, les acteurs de ce film, comme le fait remarquer l'insondablement crétine Lina, parlent, ça va de soi. Mais il y a un détail à rectifier: cité dans Singin' in the rain comme le film qui crée la révolution du cinéma parlant, The jazz singer (Alan Crosland, 1927) n'est pas un film parlant. Ce n'est pas un film muet non plus, du moins pas entièrement: c'est un film sonore. On y entend Al Jolson chanter pendant une quarantaine de minutes, disséminées dans les 11 bobines du film, et il y a deux dialogues: une courte répartie lors d'un de ses spectacles, et un échange avec sa maman, qui dure environ deux minutes. C'est tout. Ces quelques 125 secondes de bruit synchronisé ont créé l'engouement, et l'envie d'en avoir plus, et par ricochet les films sont progressivement devenus parlants; le premier du genre, bien sur, était Lights of New York (Brian Foy, 1928), paraît-il un désastre. Dans l'ensemble d'ailleurs, la profession était parfaitement au courant des développements, qui se sont déroulés entre 1925 (Premiers courts métrages synchronisés, premières actualités sonores) et 1929 (Généralisation du parlant). Donc ce n'est pas aussi simple, ni clair d'ailleurs, que la façon dont le film nous le raconte... Mais c'est un raccourci pratique.

What am I, dumb or somethin?

Bonne question... Lina Lamont est un personnage extraordinaire, que les auteurs ont su introduire d'une façon merveilleuse. Vue à la première triomphale de leur dernier film au début, en compagnie de Don Lockwood, elle ne dit pas un mot, même lorsque c'est elle qu'une journaliste de la presse cinématographique l'interroge: à chaque fois qu'elle envisage de parler, c'est Lockwood qui répond. Puis l'acteur se lance dans une évocation (Salutairement mensongère, voir plus haut) de leur passé commun, et le spectateur voit bien qu'elle n'a pas l'air très fine, et qu'elle est profondément antipathique. Enfin, après la projection, elle aimerait parler au public, mais c'est encore Don qui monopolise la parole. Bref, on ne l'a pas entendue une seule fois parler lorsque de son incroyable voix avec un accent ignoble, elle lance un tonitruant "For heaven's sake, what's the big idea?" entre la 13e et la quatorzième minute. La vérité éclate: elle a une voix de crécelle, et elle fait partie de cette enviable catégorie de gens qui réussissent à faire des fautes d'orthographe en parlant. Mais ce n'est que la cerise sur le gâteau, on la hait déjà quand on a cette révélation, les auteurs ayant eu le bon goùt de ne pas miser toute la détestation qu'on allait lui prodiguer sur cette merveilleuse difformité spirituelle et vocale...

Mais cela va bien sûr apporter son lot de problèmes, lorsque le cinéma va se mettre à parler. En attendant, elle va partout, arrogante et sûre de sa supériorité, qui lui fait poser tout le temps la même question: "What am I, dumb or somethin?", soit "Qu'est-ce qu'il y a, je suis bête, ou quoi?". Personne n'a jamais eu le courage de lui répondre. Merveilleuse créature, Lina Lamont doit tout à Jean Hagen qui a su lui donner tous les défauts sans jamais de tromper dans les dosages, et l'actrice mérite le prix Nobel. ...Hagen, pas Lamont.

Gotta dance!!!

Avec des chansons de Arthur Freed (Producteur du film), prises dans l'ensemble de son oeuvre, ce film est bien sûr chanté, avec talent, mais il est aussi et surtout dansé. Réalisation de Kelly et Donen, dont on sait qu'ils étaient tous deux à la fois chorégraphes et réalisateurs... Mais l'un d'entre eux était quand même nettement plus chorégraphe que l'autre, cela va sans dire. On retrouve occasionnellement le cheval de bataille de Kelly dans Singin' in the rain, lui qui estimait que le danseur devait être saisi dans la rue même, et danser avec tout son environnement. Lorsque Don et Cosmo transforment une séance d'élocution en un n'importe quoi réjouissant, ou lorsque Cosmo chante Make 'em laugh, on a des illustrations de cette danse urgente et magnifique... Et bien sûr lorsqu'un studio est transformé en une rue humide de pluie à Los Angeles, et que Don Lockwood réinvente la danse de la pluie pour notre plus grand bonheur, c'est le même esprit... Pourtant une grande partie du film voit Kelly pratiquer (En danseur mais aussi en chorégraphe) de la danse en studio, ce pour quoi il n'avait pas grande affection. Mais peu importe: pour lui, pour Donald O'Connor, pour Debbie Reynolds aussi, le film est une démonstration magnifique de talent, et tous ceux qui ont vu le film se rappellent de ces moments exubérants.

Mais il y a mieux: à l'heure actuelle, le professionnalisme venu de Broadway a tendance à vampiriser tout, et la dense telle que la concevait Kelly, qui devait être un reflet de la vie, est un peu oubliée. Pourtant, le film n'oublie pas de laisser quelques imperfections, comme ce moment ou des girls (Dont Debbie Reynolds, qui sort bien sûr d'un gâteau) chantent et dansent sur All I do is dream of you, et elles ne sont pas tout à fait synchronisées, que ce soit en chantant ou en dansant. Ce ne sont pas non plus, loin s'en faut, des clones les unes des autres... Il en résulte une scène à la vie impressionnante...

Enfin, comme An American in Paris (Vincente Minnelli, 1951) avant lui, le film laisse le délire de la danse l'envahir dans un long passage, qui est admirable. Broadway melody (Harry Beaumont, 1929) y est évoqué (C'est le premier musical de l'histoire a avoir obtenu l'Oscar du meilleur film), et l'invention picturale de Donen y rejoint le génie de Kelly. ...qui trouve une nouvelle partenaire à sa mesure, lui qui aimait tant à se confronter avec d'autres danseurs, dont il exigeait toujours la lune d'ailleurs: bien qu'effrayée (Si on en croit les rumeurs) d'avoir un tel partenaire, Cyd Charisse est inoubliable. Avec son bagage classique, c'est une danseuse paradoxale: elle a souvent été employée pour ses extraordinaires longues jambes, et le film tend à confirmer que cette ballerine d'exception n'a même pas besoin de danser... Pourtant, elle le fait, et c'est peut être le sommet surréaliste du film.

Stanley Donen

Metteur en scène reconnu depuis, qui n'a cessé de jouer avec la forme, les couleurs, en intégrant dans ses films, qu'ils soient comédies musicales (Funny face, Seven brides for seven brothers, Royal wedding), parodies Hitchcockiennes (Charade, Arabesque), comédie (Bedazzled) ou chronique douce-amère (Two for the road) les images et les sons de l'air du temps, en passant par la publicité, la mode, les vêtements, le langage, etc. Autant dire que ce film est son film-matrice, son meilleur press-book. Même s'il le partage, et que le partenaire prend toute la place, il n'est pas difficile en comparant Singin' in the rain à d'autres films de Gene Kelly, ou avec lui (An American in Paris, de Minnelli, par exemple), de voir ce qui est à Donen...

Et en particulier, le talent extravagant du metteur en scène éclate dans un montage situé à la fin du premier acte, avec recours à des images de mode (Devançant l'exubérance du monde de la mode vu dans Funny face de 3 années) lors d'une interprétation de la chanson Beautiful girl; cette présence de Donen est surtout visible dans le ballet final, avec cet extraordinaire moment durant lequel Don Lockwood à une fête aperçoit la femme qu'il a déjà rencontrée, et tout à coup ils sont seuls tous deux, dans un immense studio. Elle est en blanc, et un immense voile qui la prolonge et s'envole durant leur danse, la rend irréelle... Une image qui fait penser aux rêves du surréalisme, et qui est admirable.

You've seen one, you've seen them all!

Sans doute Kathy Selden a-t-elle raison lorsqu'elle dit à Lockwood que voir un film, c'est les avoir tous vus: dans les années 20, à la MGM par exemple, les films suivaient une formule; c'est le cas dans Singin in the rain des productions Lockwood/Lamont de "Monumental Pictures", bien sur. Les chefs d'oeuvre reconnus aujourd'hui sont justement ceux qui se dégageaient de cette tendance. Alors on peut essayer de renvoyer ce miroir sur le film lui-même... Et Singin' in the rain est unique. C'est un musical parfait, sans défauts ou presque... Il réussit à trouver une adéquation totale entre le fond (En gros, rappeler à la fois l'importance de l'art et le fait que c'est toujours de l'illusion, tout en montrant que le spectacle, c'est l'air, l'eau, le sang et la vie des artistes qui le font...) et la forme (Dansée, chantée, jouée et filmée). Je mentionnais un défaut, quelques lignes plus haut, c'est en réalité trois fois rien, mais ça n'est pas passé inaperçu; Joss Whedon, qui a tourné pour la télévision et pour internet deux musicals (Buffy, saison 6, épisode 7: Once more with feeling d'une part, et Dr Horrible singalong blog d'autre part), cite ce petit travers dans son épisode musical de Buffy the Vampire slayer: lorsqu'un groupe de personnages a fini de danser et chanter comme des crétins dans une comédie musicale, le retour à la réalité les voit éclater de rire, mais après le tour de force qui vient de se dérouler sous nos yeux (Good Morning dans Singin' in the rain), ce brusque accès de rire sonne faux et est généralement embarrassant. Mais honnêtement? C'est tout, le reste n'est que du bonheur.

Voilà, donc, je rappelle que ce film est bien celui dans lequel Gene Kelly danse comme un fou dans la pluie en chantant une chanson que vous connaissez tous. C'est bien de le savoir, mais sachez aussi que toutes les scènes de ce film sont de ce calibre, faisant de cet ensemble de dix bobines merveilleuses un concentré de grâce cinématographique dont il n'existe qu'un exemplaire, un seul. Si vous l'avez vu, vous savez de quoi je parle. Si vous ne l'avez pas vu... Mais qu'est-ce que vous attendez?

 

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen Gene Kelly Musical Danse
18 janvier 2014 6 18 /01 /janvier /2014 17:49

Après leurs deux films de 1950, le mélodrame Gone to earth et le film d'aventures The Elusive Pimpernel, Powell et Pressburger font ce qu'on pourrait bien appeler le grand saut: ils adaptent un opéra, et y appliquent les principes qu'ils ont mis en place pour le ballet The Red Shoes dans le film du même nom. A savoir, ils font éclater toutes les limites et contraintes scéniques, et se jouent de l'unité de lieu en permanence, mais ils vont aussi élargir l'opéra d'Offenbach (Dont on doit sans doute rappeler qu'il était inachevé) en mettant aussi l'accent sur la danse, grâce à la présence de quatre des vedettes de The Red Shoes, justement: Moira Shearer, Ludmilla Tcherina, Robert Helpmann, et Leonide Massine. Le film est une fête visuelle de tous les instants, qui marie l'opéra, la danse, avec la flamboyance du Technicolor...

L'intrigue concerne le poète Hoffmann (Robert Rounseville), à Nuremberg, qui raconte en attendant dans une taverne la femme qu'il aime, la ballerine Stella (Moira Shearer), les trois amours ratés de sa vie: trois femmes, mais en réalité toutes la même, qui ont trouvé leur fin dans des circonstances bien différentes: la poupée Olympia (Moira Shearer), automate si réaliste que le jeune Hoffmann n'y a vu que du feu; la belle Courtisane Giulietta (Ludmilla Tcherina), une femme qui capte l'amour des hommes; et enfin la cantatrice Antonia (Ann Ayars), hantée par le fantôme de sa mère, une chanteuse elle aussi; A chaque histoire, le même sombre personnage va contrer les désirs d'Hoffmann en possédant puis aboutissant à la mort de la femme aimée: on le retrouve sous le nom de Lindorf (Robert Helpmann) dans le prologue et le final à Nuremberg, prêt à saisir à nouveau la belle Stella avant que les amours d'Hoffmann ne puissent s'accomplir.

 

Le film est particulièrement extravagant, mais se situe dans la lignée de la thématique artistique de The red shoes, avec bien sur l'accent mis sur le poète Hoffmann, et ses trois ages. Même si Rounseville ne change pas d'aspect, le ton du film, lui, va évoluer, passant d'une quasi-bouffonnerie (Olympia) à une intrigue ironique (Giulietta), puis à une tragédie située d'ailleurs "sur une île Grecque") dans laquelle Hoffmann désormais adulte disparaît quasiment. Des altérations ont été apportées au personnage de Nicklaus, le compagnon (Joué par une femme comme la tradition le veut: ici, c'est Pamela Brown et son étrange visage); le personnage est moins présent, et son influence sur Hoffmann est moins palpable; de plus, aucun effort d'ambiguité n'est fourni pour faire passer le personnage pour un homme...  

 

Si la mise en scène est absolument magnifique, mélange onirique constant de surréalisme visuel et d'opéra sans limites (Utilisant avec bonheur le ralenti, le fondu enchaîné, les truquages à la Méliès et bien sur la beauté de la photo de Christopher Challis), on regrette que Powell et Pressburger aient limité l'extravagance de la dernière partie en confiant le rôle principal à Ann Ayars, qui contrairement à Shearer et Tcherina, ne nous ravira pas par la beauté de la danse... Mais d'Olympia à Antonia, le parcours est clair, qui évolue de façon irrésistible vers la noirceur et la mort... Hoffmann, dans l'épilogue du film, est un homme vieux, usé, qui vit dans l'éternelle frustration de ses amours ratées. Lindorf, ironiquement, n'aura pas grand chose à faire pour convaincre Stella de tenter sa chance ailleurs...

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Published by François Massarelli - dans Michael Powell Musical Danse Criterion
11 janvier 2014 6 11 /01 /janvier /2014 21:40

C'est une vraie surprise: presque un film secret... Peu de temps après Singing in the rain, Donen réalise seul, toujours pour la MGM mais cette fois pour une unité de production nettement moins presigieuse que celle d'Arthur Freed, ce petit film, à nouveau une comédie musicale, mais sans la flamboyance d'un Fred Astaire ou le génie d'un Gene Kelly. En lieu et place, Marge et Gower Champion, Bob Fosse, et quand même, histoire de faire le lien, Debbie Reynolds adorable en jeune aspirante actrice en provenance directe de la cambrousse, et déterminée à faire carrière. L'histoire est un classique absolu en matière de comédie musicale, puisqu'elle nous raconte les mésaventures de trois hommes qui sont en charge d'un spectacle qui doit ouvrir dans trois semaines, mais pour lequel il n'y a ni la vedette féminine (Qui dit aussi êre la seule femme), ni chansons si intrigue. Les trois hommes, respecivement vedette masculine et chorégraphe, compositeur et assistant-régisseur, ont tous leur candidate, mais laquelle choisir, sachant, qu'elles ont toutes autan de talent en dépit de leurs différences?

 

En 80 minutes, Stanley Donen ne perd pas le temps, et peaufine ses plans-séquences, commençant d'ailleurs par un plan de répétition qui révèle le fond du problème: lorsque le rideau s'ouvre pour la première scène, la vedette n'est pas là... C'est donc le geste que le film va s'évertuer à compléter, trouver la personnalité qui saura être la meilleure artiste pour interpréter justement ce rôle. On peut argumenter que ce film est ainsi un peu construit sur un vide, ou que l'idée du spectacle à accomplir est un rien tellement usée jusqu'à la corde que le film ne vaut pas grand chose, pourtant on s'y mause en permanence: la légèreté communicative, l'invention perpétuelle de la mise en scène, les contrastes appuyés entre les artistes impliqués dans les numéros, et l'extraordinaire jeu des couleurs: ce film confirme, dès 1953, l'importance de Stanley Donen.

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen Musical Danse
22 décembre 2013 7 22 /12 /décembre /2013 15:27

Curtiz a mis ce film en chantier pour la Paramount après la fin du tournage de son remier film Américain hors Warner, The Egyptian. Ces deux films sont donc les premiers pas en solitaire d'un grand cinéaste de studio, dont la réputation s'est écroulée à la fin de sa vie, précisément lorsqu'il a désiré sortir de la firme qui l'avait employé durant 28 ans... Pourtant l'un comme l'autre des deux ouvrages, s'ils sont bien des films mineurs de l'auteur, n'en sont ni indignes ni d'extravagantes tentatives de s'approprier de nouveaux territoires: de même qu'il avait réalisé des films assimilables aux productions de Cecil B. DeMille durant ses années Autrichiennes, puis l'extravagant Noah's ark (1928) à la Warner, Curtiz avait tâté du musical dès l'aube du parlant, et avait continué jusqu'à la fin des années 40. C'est donc tout sauf une surprise de le voir s'atteler à une oeuvre comme ce White Christmas, une comédie musicale certes éloignée des canons du genre tels qu'ils avaient été établis par les productions RKO avec Fred Astaire, les films Warner organisés autour des chorégraphies de Busby Berkeley (Dont Curtiz lors des années 30 s'était maintenu à l'écart, mais j'y reviendrai) ou les productions d'Arthur Freed pour la MGM...

Wallace et Davis sont deux vedettes de music hall, dont la partenariat remonte à leur passage commun dans l'Armée Américaine lors de la seconde guerre mondiale. Ils font équipe en tout: l'un compose, l'autre écrit, les deux interprètent, dirigent et produisent leurs revues. Mais Phil Davis (Danny Kaye) se plaint de ne pas avoir une minute à lui depuis qu'il travaille avec le très entreprenant Bob Wallace (Bing Crosby). Il a l'idée de tout faire pour lui trouver une fiancée, afin de trouver un peu plus d'indépendance. Le destin met entre leurs mains deux artistes, les deux soeurs Haynes: Betty (Rosemary Clooney) et Judy (Vera Ellen). Judy et Phil forment une alliance dans le but de marier Betty et Bob... La situation va se compliquer dans un hotel du Vermont ou les quatre descendent de façon imprompue, et les deux anciens soldats vont tomber nez à nez sur leur général, devenu propriétaire d'un établissement pas vraiment prospère...

Ce film fait partie d'un certain nombre de productions Américaines qui ont fait les beaux jours de la télévision, mais si on peut comprendre l'attraction particulière d'un It's a wonderful life, par exemple, l'élévation au rang de film culte, programmé tous les ans à Noël, reste assez peu facile à appréhender! C'est un musical très moyen, une comédie certes charmante, mais pas vraiment révolutionnaire. Ce n'est pas non plus un film abominable, dans la mesure ou le metteur en scène a su mettre son savoir-faire indéniable au service d'une histoire et d'interprètes somme toute sympathiques, qui ont su injecter dans la production suffisamment d'énergie pour maintenir l'intérêt au moins poli du spectateur... Mais les fans de Michael Curtiz ne trouveront rien de très personnel à se mettre sous la dent; si ce n'est qu'une fois de plus, le metteur en scène Yankee doodle dandy (1941) traite le musical à l'encontre des lois et des possibilités établies en son temps par Busby Berkeley, qui ouvrait l'espace cinématographique en imaginant des coulisses délirantes, des extensions virtuelles folles à ses spectacles représentés à l'écran. Chez Curtiz, un spectacle musical supposé être présenté sur scène, est présenté sur scène, point final. Bien sur, il est clair que les scènes ou se produisent Crosby, Clooney, Kay et Ellen sont au moins élastiques, mais le metteur en scène prend bien soin de souligner dès son premier plan la tangibilité de son espace scénique, le fait qu'il s'agit bien d'une représentation dont il s'efforce de présenter la captation, laissant les artistes s'y débrouiller... Une manie (Paradoxale pour un auteur qui a toujours eu à coeur d'élargie l'espace visible par l'utilisation savante d'ombres Chinoises totalemet maîtrisées) qui remonte à Mammy (1930), et qui fait des musicals de Curtiz à la fois une énigme, et disons le tout net, une source assez fréquente d'un ennui poli.

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Musical
12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 10:28

Des numéros musicaux, justifiés par une intrigue située dans le milieu du spectacle, des femmes filmées sous tous les angles, des hordes de danseurs et danseuses amoureusement tricotés les uns aux autres, et des sujets de ballets qui sont tous plus fripons les uns que les autres, le tout sous la bienveillante surveillance du président Roosevelt... Oui, ceci est bien une comédie musicale pré-Code de Warner avec Busby Berkeley à la réalisation des séquences chorégraphiées... Certes, officiellement, le film n'est que de Lloyd Bacon, mais comment tiendrait-il debout sans l'incroyable invention de Berkeley? Comme avant lui 42nd Street, et Gold diggers of 1933, ce film est entièrement dévolu à la création par Bacon des conditions qui vont permettre à Berkeley de dégainer ses incroyables numéros...

Dans ce film, qui retourne à l'inévitable intrigue urgente de 42nd street (Lancer un show dans des conditions difficiles, comme si sa vie en dépendait), nous avons une compagnie dont le gagne-pain est de réaliser des prologues dansés pour les cinéma des grands boulevards, mais dopée par la concurrence avec un autre studio. L'énergie déployée par les artistes est phénoménale, et le résultat doit être à la hauteur... Il le sera, aucun doute là-dessus. Mais la supériorité de ce film sur les autres tient à une alchimie particulière... qui tient en deux mots: James Cagney. Parce que tout le reste de l'équipe est bien là, mais ce film est le seul des films musicaux de ces années glorieuses dans lequel l'acteur joue, et imprime son style (En concurrence avec Joan Blondell, qui est comme d'habitude parfaite...). et Footlight parade tient aussi sur un petit suspense: Cagney dansera-t-il?

 

...Oui, il dansera, et c'est l'un des ingrédients qui donnent force et cohésion au film: le rythme est soutenu, mais entièrement basé sur la montée de l'adrénaline tant pour les artistes que pour les spectateurs. Mais la façon dont le personnage de Cagney s'implique lui permet de s'insérer dans un numéro, et de l'habiter sans jamais démériter. Oh, bien sur, il ne chante pas bien, mais sa partenaire Ruby Keeler, qui avait toujours deux ou trois chansons pour elle dans ses films, est pire. Mais l'intrusion de Cagney dans les ballets est ce qui permet au film de lier les deux styles sans couture apparente.

 

Et puis il y a les numéros, qui à part pour l'un d'entre eux, d'ailleurs le plus faible, sont enchaînés dans les 37 dernières minutes. Que du bonheur, avec les épices secrètes: corps féminins alanguis, rassemblés dans l'eau pour dessiner d'improbables corolles, puis montés les uns à coté des autres dans une fontaine humaine (By a waterfall). Les situations graveleuses de The Honeymoon Hotel sont suivies d'un final patriotique un peu fripon dans lequel les marins américains trouvent le repos du guerrier dans une fumerie d'opium... C'est incroyable, filmé au plus près des corps, avec d'impossibles costumes et tellement de sous-entendus qu'on en remplirait un dictionnaire... 104 minutes à l'écart du monde.

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Published by Allen john - dans Pre-code Musical Busby Berkeley Lloyd Bacon