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Etant particulièrement lassé de lire dans des chroniques et autres articles sur l'oeuvre de James Whale "qu'exceptionnellement, le film qui nous occupe n'est ni un film d'horreur, ni un film fantastique", je vais le dire une fois pour toutes: le réalisateur de Waterloo bridge a en effet réalisé quatre films qui comptent parmi les joyau du cinéma d'épouvante ou les contes gothiques. Frankenstein (1931), The old dark house (1932), The invisible man (1933), et Bride of Frankenstein (1935) ne sauraient en aucun cas être minimisés... Mais il a réalisé 16 autres films, dans tous les genres (y compris l'improbable Port of seven seas, adaptation anglophone de Marius et Fanny de Pagnol)... Donc il serait temps qu'on considère ses quatre films fantastiques comme de brillantes exceptions, et qu'on s'intéresse aux autres sans les encombrer dès le départ d'un statut d'oeuvres secondaires, non?
Ceci étant dit, intéressons-nous à une rareté, un fiml probablement oublié de beaucoup, à commencer par ses propriétaires, à en croire l'état de la copie sélectionnée par Warner pour figurer en DVD dans la collection Warner Archive: David Garrick (1717 - 1779) était un acteur Anglais, célébré en son temps, qui a beaucoup fait pour faire du théâtre un art populaire, et un art du spectacle avant tout, s'attirant les foudres de certaines figures établies, en même temps que la méfiance agacée de certains auteurs. Le film nous narre une aventure probablement apocryphe du personnage, incarné par Brian Aherne...
Garrick annonce à ses fans son départ pour la France, où raconte-t-il la Comédie Française l'a invité, "afin de leur apprendre à jouer la comédie". Beaumarchais (Lionel Atwill), présent lors de cette rodomontade, décide d'en alerter l'auguste institution. le président de la Comédie Française (Melville Cooper) décide de lui tendre un piège: avec l'aide de toute la troupe, il attend Garrick dans une auberge qui lui a été conseillée, et chaque membre de l'auguste groupe de comédiens va assumer un rôle, et jouer une comédie qui assurent-ils va prouver à quel point ils sont bons... Garrick arrive, et peu de temps après lui une autre pensionnaires de l'auberge, une noble en fuite (Olivia de Havilland). si Garrick et son valet (Edward Everett Horton) ont tôt fait de voir que le personnel de l'auberge est une troupe de comédiens (et pas des plus doués, loin de là, ils ne repèrent pas la sincérité de la jeune femme, qui tombe amoureuse de l'acteur...
Les faux semblants, le rôle social à jouer, le faux et le mensonge comme armure contre l'adversité,voilà des thèmes omniprésents chez Whale, qui lui-même se cachait en permanence, agacé de devoir "rester dans le placard" quand un Cukor, par exemple, affichait sans aucune réserve sa sexualité différente: oui mais voilà, Cukor était accepté par ses pairs, whale n'avait pas pu se laver d'avoir percé par de petits films fantastiques... Ce esrait trop facile de chercher absolument à relier toute l'oeuvre l'homosexualité contrariée de l'auteur, mais ce serait absurde de totalement l'occulter. Et la façon dont les personnages mentent (Waterloo bridge), sont cachés (The invisible man, By candlelight, The man in the iron mask) ou sont amenés à vivre à l'écart (Bride of Frankenstein), est troublante.
...et pourtant ici, il est question de comédie, c'en est même très gonflé: un film en costumes, du XVIIIe siècle par-dessus le marché, dans lequel la finalité est la farce. Et même plus: la farce dans la farce, car la mauvaise blague des comédiens français, qui est immédiatement décodée par Garrick, se retourne contre eux dans une dimension quasi Shakespearienne (rappelons-nous Twelfth night et ses faux-semblants, ou les comédiens minables de A midsummer night's dream). Mais une autre dimension s'installe très vite, car si Garrick n'a aucun mal à repérer les insupportables histrions qui l'entourent en lieu et place d'honnêtes employés d'auberge, il est lui-même un adepte, dans le film, d'un jeu à l'excès, et d'une insupportable vanité et mauvaise foi. Non, la seule personne qui ne ment pas, ne prétend rien, et a un quelconque intérêt à rester dans la vérité, est la jeune comtesse incarnée par Olivia de Havilland... Ce qui lui donne parfois un rôle qui pourrait la faire passer pour le dindon de la farce, rejoignant tant d'héroïnes désirées par les personnages, mais sérieusement malmenées par le réalisateur!
En tout cas, cette mise en abyme constante est assez stimulante, et relevée par une mise en scène énergique, dans laquelle l'auteur de By candlelight (dans lequel tout le monde prétendait, et tout le monde se trompait sur les autres et leur identité) rappelle sa maîtrise du point de vue et du cadre, et rappelle aussi qu'avec Show boat il a a sa façon révolutionné le musical et l'art du spectacle, en le faisant revenir sur terre! Les personages-acteurs de The great Garrick ont peut-être la tête dans les étoiles et le nez sur les feux de la rampe, mais ils ont aussi, clairement, le coeur sur les planches. S'ils mentent, c'est parce que prétendre est leur métier... C'est là l'enjeu: il ne s'agit pas de vivre ou survivre, ici, juste de rappeler à quel point l'art est indispensable à l'artiste, et tant pis s'il provoque la vanité...
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