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11 juin 2022 6 11 /06 /juin /2022 14:04

...de la pizza au réglisse? C'est l'un des noms parfois donné, dans les années 70, aux disques à microsillons à cause de leur forme circulaire et de leur couleur. Oui, on ne disait pas "vinyle" à l'époque, ou si peu. 

Mais la raison d'être de ce titre étrange s'arrête au fait que pour accompagner cette évocation d'une époque révolue (donc, les années 70, avant la fin de la guerre du Vietnam), Paul Thomas Anderson et son complice musical désormais habituel, le grand Jonny Greenwood, ont utilisé un grand nombre de chefs d'oeuvre de la période, justement. Mais la musique ne joue pas un rôle primordial dans cette histoire d'amour...

Gary, 15 ans, rencontre au lycée une jeune femme, Alana, 25 ans: cette dernière travaille avec l'entreprise qui s'occupe pour l'école des photos de classe. Gary, qui a déjà un passé d'acteur (on est en Californie), est très sûr de lui, et fait du rentre-dedans pour vaincre les réticences de son amie. mais justement, celle-ci veut rester une amie et pas plus, à moins que... Et Gary finit par laisser pourrir la situation, à moins que...

Forcément, on sait que le film va jouer au chat et à la souris avec cette histoire d'amour virtuelle, rythmée par les lubies de Gary (qui agit en jeune apprenti entrepreneur, sautant sur toutes les occasions rendues possibles par les modes passagères, comme le matelas à eau, par exemple) et les hésitations d'Alana, qui aimerait bien passer à autre chose, mais n'arrive pas à se débarrasser de ce gaillard si attachant malgré son manque flagrant de maturité...

Les anecdotes abondent, entre tendresse, ironie douce, et une galerie de personnages en or, généralement interprétés par des pointures. On appréciera Bradley Cooper en richissime butor, petit ami de Barbra Streisand mais véritable coureur de jupons, Sean Penn en acteur établi, imbu de sa propre importance... Le film est une chronique des années 70 saisies dans le quotidien de deux personnes qui ne sont pas n'importe qui, définitivement, et dont on se dit souvent qu'ils sont faits l'un pour l'autre malgré la différence d'âge. On s'attend, fatalement, à de la douleur et des réveils difficiles. 

Alors, le verdict? Eh bien, réponse après deux heures et quinze minutes de pur bonheur... La mise en scène s'installe dans la période comme si on remontait le temps (Anderson sait faire, remarquez: voyez Boogie nights, The Phantom Thread, The Master, There Will Be Blood ou l'hilarant Inherent Vice), et les deux acteurs principaux sont parfaits: Cooper Hoffman prend la relève de son père décédé, et Alana Haïm est venue avec toute sa famille, littéralement, pour donner encore plus de vie à son personnage. Quelque chose me dit qu'il va falloir retenir son nom.

 

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Published by François Massarelli - dans Paul Thomas Anderson Comédie
22 décembre 2020 2 22 /12 /décembre /2020 16:11

Le premier film de long métrage d'Anderson, une extension d'un court métrage (Cigarettes and coffee, 1992), ressemble à première vue à un film noir modèle... Un homme d'âge mûr, Sydney (Philip Baker Hall), secoure un jeune type paumé qui est assis sur un trottoir: John (John C. Reilly) n'a plus rien, il revient de Vegas où il a tout perdu, et il lui faut $ 6000 pour enterrer sa mère. Sydney le prend sous son aile, et ils deviennent inséparables. Quelques années plus tard, à Reno, ils rencontrent Clementine (Gwyneth Paltrow), une hôtesse d'un établissement de jeu: Sydney qui a repéré que la jeune femme plaisait à John, décide de les rapprocher: une bonne idée, mais qui aura des suites malheureuses... Pourtant en dépit du fait qu'ils vont tous les deux faire une grosse bêtise, Sydney les soutient. C'est alors qu'entre en piste un maître chanteur, Jimmy (Samuel L. Jackson): il sait quelque chose sur le passé de Sydney...

C'est limité à quatre personnages, si on excepte de rares apparitions de personnages; le plus développé est sans doute l'insupportable joueur qui agresse verbalement Sydney dans un casino: c'est Philip Seymour Hoffmann, qui va développer une relation importante avec le metteur en scène, apparaissant dans quatre autre films. 

Hard eight, pourtant, est plus qu'un simple exercice de style en film noir: Anderson y fait ses gammes, stylistiques d'abord (ce mélange de plan immobile à froid et de plan-séquence virtuose qu'il perfectionnera encore plus dans Boogie nights et Magnolia avant de calmer le jeu), et thématiques ensuite. Dans ce film, on retrouve des figures qui reviendront de film en film, à commencer par celle du mentor qui est au coeur de l'oeuvre (Boogie nights, Magnolia, There will be blood, The master, Phantom thread); Sydney est un brave homme qui donne tout à son protégé, contre toute logique: pourquoi? quel est son secret? On en saura, ou du moins en soupçonnera beaucoup plus avant la fin du film... Sinon, les amours contrariées, gauches et mal fichues comme cette étrange relation entre John et Clementine sont aussi au programme de bien des films, dont bien sûr Punch-drunk love et Inherent vice... 

Mais ce n'est pas un film vers lequel on pourra diriger la même tendresse que ses oeuvres plus accomplies, justement. A travers cet univers du jeu, qui semble être le seul lien un tant soit peu objectif qui unisse ces personnages, on devine surtout une humanité qui est coincée dans une sorte d'Hotel California du jeu, un sentiment de claustrophobie qui rend parfois le film malaisé. Les plus grandes qualités sont peut-être à la fois dans les non-dits et autres ouvertures (une tache de sang à la fin du film qui pourrait avoir des conséquences) et dans les moments rares où, pour reprendre une terminologie du jeu, les cartes sont sur la table: Samuel L. Jackson est bien évidemment l'homme de la situation, celui par lequel on va enfin en apprendre un peu plus! 

John C. Reilly, qui jouera un policier conservateur et amoureux dans Magnolia, y aura une chance d'être sérieusement bien moins obtus et enfantin que son personnage n'apparaît ici...

 

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Published by François Massarelli - dans Paul Thomas Anderson Noir
17 février 2020 1 17 /02 /février /2020 16:47

Durant les années 50, la maison Woodcock, à Londres, est l'incontournable couturier de la haute société, des têtes couronnées, des stars et des gens les plus fortunés. Une sorte de royaume du goût, incarné par Reynolds Woodcock (Daniel Day-Lewis), et sa soeur Cyril (Lesley Manville). Ils sont inséparables ou presque, surtout depuis la mort de leur mère, qui a tout appris à son fils, mais surtout a laissé derrière elle un vide insurmontable. La vie amoureuse de Reynolds est faite de collaborations, de coups de foudre pour des jeunes femmes dont la fonction devra être de pouvoir inspirer l'artiste aussi longtemps que possible. Une fois que le charme n'opère plus, une autre doit prendre la place...

Au début du film, Reynolds rencontre Alma (Vicky Krieps), une jeune étrangère, qui va devenir son mannequin vedette, sa collaboratrice, son assistante, et même son épouse... Elle va surtout s'opposer avec véhémence à la forte personnalité de son mari égocentrique, et tenter d'imposer ses vues dans un ménage déjà surpeuplé par un égo-maniaque et sa soeur qui est aussi fréquente que son ombre.

L'emprise d'un être humain sur un autre est souvent au coeur des films d'Anderson: on la retrouve à des degrés divers dans Boogie nights, Magnolia, There will be blood, The master voire la comédie grinçante Inherent vice. Mais ce n'est jamais simple, c'est souvent partagé, un trait qui se retrouve ici dans l'évocation tumultueuse d'une collaboration amoureuse où chaque détail compte.

C'est dire si on se réjouit que Paul Thomas Anderson n'ait pas renoncé à l'utilisation si cruciale chez lui du 35mm, qui lui permet de rendre si fidèlement les moindres détails des boiseries, mais aussi le fil et les fibres des vêtements qu'il nous donne à voir. Car nous avons, dans un premier temps, l'impression que c'est le point de vue de Reynolds, couturier esthète et maniaque, homme de goût jusqu'à l'obsession, qui va prévaloir. Et on a bien tort...

Car le point de vue essentiel de ce film est porté par Alma, la belle étrangère inconsciente dont on a vite l'impression qu'elle va se faire manger toute crue, et qui va très vite elle aussi tenter de voir avec les yeux de son mari. Des fois, ça marche, et des fois, c'est tendu... mais c'est aussi tout sauf prévisible, et le film se réfugie assez souvent dans des développements aussi inattendus que féconds.

Une fois de plus, comme toujours depuis There will be blood (à l'exception bien sûr du court métrage Anima construit autour d'un album de Thom Yorke), c'est à Jonny Greenwood qu'Anderson a confié la mise en musique de son film, et une fois de plus c'est formidable, le talent exceptionnel du musicien de Radiohead pour arranger les cordes s'accommodant ici avec une grande élégance d'une mission délicate: imiter le simili-jazz de films romantiques des années 50. Il s'en acquitte avec brio, renforçant l'idée que ce beau, très beau film est en réalité, comme l'étrange Punch-Drunk Love (2002), une histoire d'amour, même si elle se résout dans le meurtre...

 

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Published by François Massarelli - dans Paul Thomas Anderson
13 septembre 2019 5 13 /09 /septembre /2019 17:16

Un homme parmi d'autres, dans les transports en commun d'une ville plus ou moins moderne, se laisse attraper par l'absurdité des situations et de gestes mécaniques à la Metropolis que lui et tous les humains, pauvre pions d'un système diabolique, font machinalement. Mais l'homme (Thom Yorke) devient sans le vouloir un grain de sable dans la machine, et va conquérir de façon inattendue sa part de liberté en allant à contre-courant pour pouvoir s'approcher d'une femme qui a croisée...

Thom Yorke a sorti un nouvel album en solo cette année, baptisé Anima, qui est comme son premier disque Eraser un album austère largement fait de musique électronique. Anderson, chargé par Netflix d'assurer à sa façon la promotion de l'album en question, a choisi trois chansons et a bâti en collaboration avec un certain nombre de chorégraphes un spectacle de danse inattendu, auquel Yorke, toujours à l'affût de nouvelles expériences, s'est livré avec bonheur.

C'est donc certes anecdotique, mais ce quart d'heure promotionnel raconte une histoire qui se situe dans la continuité immédiate d'oeuvres comme Metropolis, et explore aussi l'ombre de Kafka (nous sommes à Prague, du reste), en utilisant en priorité des techniques de truquage physiques, plus que numériques. Et fidèle à ses convictions, Paul Thomas Anderson tourne en 35 mm. Quel dommage qu'il faille voir ça sur Netflix (ou à la Cinémathèque Française, bientôt, en collaboration avec le cinéma Le Concorde de La Roche Sur Yon!!!), le site qui joue à l'heure actuelle les fossoyeurs du cinéma...

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Published by François Massarelli - dans Paul Thomas Anderson Musical Danse
13 septembre 2019 5 13 /09 /septembre /2019 17:07

En 2015, Paul Thomas Anderson a rejoint son ami et fréquent collaborateur Jonny Greenwood et Nigel Godrich au Rajastan, où le musicien de Radiohead et le compositeur-guitariste-chanteur Shye Ben Tzur enregistrent un album en compagnie d'une sélection de musiciens Indiens. Le metteur en scène a donc posé ses caméras dans le château (parfois alimenté en courant, parfois pas...) où les musiciens enregistrent.

Le metteur en scène a donc du jouer la "fly on the wall", sauf que cette fois, quand on a vu le film on pourrait plus facilement parler d'un pigeon que d'une mouche! Car les conditions d'enregistrement, dans un château qui est aussi un temple dédié semble-t-il à plusieurs religions, sont particulièrement farfelues. Mais la magie opère durant tout le documentaire qui suit un cheminement volontairement flou et pas nécessairement chronologique, privilégiant les impressions et l'indolence sur la rigueur narrative, et s'amusent comme il le fait dans ses fictions à fouiller en permanence les coulisses de l'événement principal.

Bref: on est envoûté, par la rencontre musicale improbable entre un musicien de rock Britannique (Et quel!), un musicien Israélien, et une troupe disparate de membre de plusieurs groupes ethniques, de religions différentes, tous unis pour chanter dans une langue (l'hébreu) qu'ils ne comprennent a priori pas, des compositions qui incorporent tout ce qu'ils voudront y apporter... 

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Published by François Massarelli - dans Paul Thomas Anderson Musical
15 mars 2019 5 15 /03 /mars /2019 09:20

Le quatrième film d'Anderson est l'un de ses plus étranges, et aussi l'un de ses plus attachants. Il ne se rattache à aucun genre connu, et son étrangeté est basée sur une myriade d'ingrédients... Bref, c'est un cas.

Barry Egan (Adam Sandler) est un commercial dans une entreprise de vente de ventouses à toilettes, et c'est franchement un garçon décalé: travaillant le plus souvent seul et dans un entrepôt où il n'a qu'à répondre au téléphone, il vient en costume, un costume bleu qui restera d'ailleurs la seule tenue du bonhomme durant tout le film. Et Barry Egan vit un cauchemar: alors qu'il a un métier, certes tristounet, mais qui lui laisse des loisirs, et qui lui fait côtoyer des gens sympathiques et compréhensifs (dont Luis Guzman), il a sept soeurs qui lui empoisonnent l'existence... Elles le harcèlent, autant de questions que de réflexions voire d'insultes. Elles sont obsédées par le fait de le marier, et Barry avec elles est toujours tendu, voire sujet à de soudaines crises de violence. Et le jeune homme est réticent au contact avec la gent féminine...

Jusqu'au jour où trois événements se déroulent: le même jour, bien sûr, comme si on était un peu dans un conte de fées... Un harmonium est déposé devant le siège de son entreprise, sans aucune explication. Une femme entre dans l'enceinte, une Anglaise, Lena Leonard (Emily Watson): Barry ne le sait pas encore, mais c'est une collègue d'une de ses soeurs qui a craqué sur sa photo et a voulu le rencontrer sous un prétexte quelconque. Et le troisième événement, aux conséquences importantes, est l'idée saugrenue de confier ses tourments à un service de sexe téléphonique; en les contactant, Barry a mis le pied dans un engrenage de chantage et d'extorsion de fonds, mené depuis un trou perdu en Utah, par un vendeur de matelas (Philip Seymour Hoffmann)...

Oui, vous pouvez relire ce résumé, je n'en retrancherai pas une ligne: c'est bien, à peu près, l'exposition de cet étrange film...

Donc Barry est un ajout important à la galerie des personnages décalés de P.T. Anderson, avec son costume unique, ses manières excentriques, et une certaine tendance à parler en dedans, comme si c'était pour lui seul, et sans être toujours intelligible: il y a un précédent, il s'appelle M. Hulot. Mais c'est un Hulot auquel ses soeurs diraient constamment qu'il est étrange, qu'il faut qu'il change, voire qu'il est gay. C'est un Hulot au bord de la dépression, et que la rencontre avec une femme parfaitement angélique, qui l'a manifestement élu: pourquoi, mystère... Mais voilà, elle le veut, et elle l'aura.

Il y a beaucoup d'humour, et la comédie affleure en permanence, mais jamais franche et massive. Le film, et surtout sa première partie, distille un malaise par l'utilisation du point de vue de Barry, celui qui ne sait pas où se mettre. Et Anderson manie à la perfection le plan-séquence, tout en intégrant dans son histoire d'amour de nombreux champs-contrechamps: il sait qu'il va devoir changer le point de vue à l'occasion, et intégrer Lena à son dispositif. Sans pour autant qu'elle devienne notre guide dans le monde de Barry: elle aussi garde sa part de mystère, et Emily Watson sait jouer sur la simplicité de la jeune femme pour nous la rendre attachante mais aussi énigmatique. Une énigme que le film ne résoudra pas...

...Pas plus du reste que celle de l'harmonium: si ce n'est que le compositeur s'est saisi de la présence de l'instrument pour baser sa composition. Et du reste, Jon Brion a suivi Anderson dans le choix d'une bande originale foncièrement expérimentale. Elle ajoute à l'étrangeté et au malaise des scènes qui nous offrent de suivre le point de vue de Barry, et sa confusion persistante.

Reste que dans ce film, nous assistons aux amours compliquées et noires d'un couple fait d'un jeune homme au comportement troublé, pour ne pas parler de troubles du comportement, et d'une jeune femme qui sait ce qu'elle veut. Il est en bleu, elle est en rouge. Il est compliqué à l'extrême, doté de sept soeurs. Elle est fille unique, et d'une simplicité directe et désarmante. Comment voulez-vous résister?

 

 

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Paul Thomas Anderson Criterion
16 avril 2017 7 16 /04 /avril /2017 18:50

 

 

Eddie Adams (Mark Wahlberg), un jeune Angeleno, n'a rien à attendre de la vie mainstream. Il a par contre un atout impressionnant, qui peut lui ouvrir bien des portes, en particulier celles du cinéma porno. On est justement dans les années 70, et le fort bien nommé Jack Horner (Burt Reynolds) recrute des jeunes, en particulier ceux qui sont dotés du même, hum, talent que lui. Et une fois qu'il a fait ses preuves, Eddie Adams devient Dirk Diggler, la star incontestable du porno... Un monde dont il ne sait pas, et Horner non plus, qu'il vit ses derniers feux...

A l'origine de ce film, un court métrage, faux documentaire inspiré lointainement de la vie (Et de la mort) de John Holmes, idole pornographique des années 70, qui est mort des suites du SIDA dans les années 80. Holmes était impressionnant mais comme Diggler, il l'était par ses mensurations. Mais le film nous plonge dans un univers pour mieux nous surprendre avec le quotidien de gens qui sont, et resteront toutes leur vie, des ratés...Avec ses travailleurs du porno, ses costumes et sa musique 70/80, ses histoires tristes ou hilarantes, le film de Paul Thomas Anderson n'est pas qu'une capsule temporelle, et n'est pas seulement une façon de se moquer. L'évolution de ses personnages, qui ont tous une case de vide (J'ai évité l'expression "Un trou à combler", vous comprendrez aisément pourquoi) tend à confirmer que ces gens des années 70, qui deviennent des gens des années 80, ne sont pas très différents des gens des années 90, et par extension de ceux des années ultérieures à la sortie du film.

Bref, il a l'air caustique, comme ça, mais nous montre surtout l'humanité en proie à ses propres folies, comme toujours... C'est poignant, drôle triste, parfois énervant... Et la classe folle des plans-séquences du film fait encore merveille.

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Published by François Massarelli - dans Paul Thomas Anderson
16 avril 2017 7 16 /04 /avril /2017 08:21

There will be blood est plus ou moins adapté d'un roman d'Upton Sinclair, intitulé Oil! et publié en 1927. Sinclair, on a tendance à le négliger aujourd'hui, est une espèce rare parmi les intellectuels Américains: un socialiste, un vrai! Oil! concentrait son intrigue autour de la montée en puissance et de la décadence d'un homme, qui a consacré sa vie au pétrole au tournant du siècle... L'histoire est vue du point de vue d'un autre personnage, le fils du magnat, qui témoigne une certaine sympathie à l'égard des employés de son père... Le film quant à lui se recentre sur le personnage de Daniel Plainview (Daniel Day-Lewis), un aventurier qui est arrivé dans l'Ouest, et a commencé à travailler dans le pétrole.

Parti de rien, mais beau parleur, il a contribué de façon impressionnante à donner à son business une allure respectable, et bâti des empires d'une façon assez simple: l'idée est d'arriver le premier dans une localité qui montre tous les signes de champs pétrolifères, et d'offrir aux membres de la communauté des sommes plus ou moins dérisoires afin de les débarrasser de la charge de ramasser le pétrole eux-mêmes. Les contrats impliquent de reverser aux propriétaires 1/6e de la recette obtenue, mais Plainview fait tout pour commencer par acheter les terrains avant tout,  à des fermiers sans succès qui cèdent souvent bien vite...

Parmi les méthodes employées par Plainview, il y a son "fils": un gamin qu'un accident a privé soudainement de ses parents et qu'il a recueilli dans un rare réflexe humain... avant de se rendre compte que la présence d'un gamin à ses côtés pouvait lui donner une allure respectable, et émouvoir les épouses des propriétaires. Quoi qu'il en soit, le fils est devenu un maillon essentiel du business de Plainview: à dix ans, il travaille avec son père, qui le consulte, l'associe à bien des choses. Et il ne sait pas qu'il n'est pas son fils...

Anderson avait synthétisé dans Boogie Nights en associant l'évolution du rêve Américain dans les années 70, avec l'évolution de la pornographie... C'était gonflé, mais il avait fait mouche: son film montrait l'esprit Américain mieux que tant d'autres, et le faisait avec humour... et un côté poignant aussi. C'est que l'humanité dépeinte par ce metteur en scène est rarement très reluisante, et ce film ne fait pas exception à la règle: le héros paradoxal de ce film est venu de rien, d'une famille qu'il connaît à peine, et dont il ne sait pas eu début de l'entreprise, que le manque affectif sera sa plus grande perte. Un comble pour un misanthrope!

...Car Plainview n'aime personne, ne fait confiance à personne, ramène tout à lui: quand son fils H.W. devient sourd suite à l'explosion d'un derrick, Daniel attend que "le son revienne", et constate que rien ne se passe: il ne peut plus communiquer avec son fils, et à la première erreur du garçon, il l'envoie loin de lui, confiant son éducation à d'autres... H.W. est devenu une gêne. 

L'essentiel du film est consacré à un gisement pétrolier situé en Californie, en pleine zone désertique. L'information est fournie par un jeune homme, Paul Sunday, qui vend son tuyau à Plainview, en échange de l'assurance qu'il découvrira du pétrole "par hasard" sur la propriété familiale, à l'insu de la famille Sunday. Plainview et son fils se rendent donc à Little Boston, Californie, quasiment une ville fantôme, et demandent à la famille Sunday l'autorisation d'aller camper sur leurs terres et d'y chasser... Et bien entendu, ils y découvrent un gisement de pétrole phénoménal. Pour Plainview, racheter le terrain des Sunday est facile: il pense les impressionner, mais il va avoir de sérieux problèmes avec le frère de Paul, le prophète auto-proclamé Eli, qui négocie âprement, et emporte dans la négociation la promesse de Plainview de donner $ 10 000 à l'église qu'il a fondée... Une promesse qui ne sera jamais totalement honorée, ce qui sera bien sur la raison d'une discorde profonde entre les deux hommes, pendant que le pétrole va couler à flots.

Enrichissement, décadence, transformation de l'Ouest, mais aussi l'étude d'un homme acharné à devenir le roi du pétrole en ne faisant aucune concession à personne, le film est dur, méchant, profondément satirique et probablement d'un réalisme rare: le fait d'avoir confié le rôle principal à Day-Lewis débouche bien entendu sur un personnage impressionnant, de la folie pétrolière à la découverte éberluée d'un fibre familiale, lorsque un aventurier venu de nulle pat, se prétend son demi-frère: il va l'accueillir à bras ouverts, mais a vengeance sera terrible quand il découvrira le pot-aux-roses...

Bref, comme toujours avec Anderson, ce film méchant et exigeant est tout à fait à lire au premier degré, un portrait acide d'une époque de transformation de l'homme, actée par des opportunistes, du même genre que ceux qui ont fait l'Ouest. Et cette lutte entre Plainview et le pasteur Sunday (Paul Dano, comme d'habitude, est un acteur de génie) est loin d'être la lute du bien et du mal: juste le combat éternel entre une volonté de domination, et une autre...

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Published by François Massarelli - dans Paul Thomas Anderson
12 avril 2016 2 12 /04 /avril /2016 09:22

1970, en Californie, sur une petite commune côtière: a priori, un bel endroit pour y situer un film de Paul Thomas Anderson, qui aime tant reconstituer dans leurs moindres détails les époques qu'il explore: la fin des seventies dans l'industrie du porno (Boogie Nights), la fin du XIXe siècle au nord-ouest (There will be blood), ou encore les Etats-Unis du début des trente glorieuses (The Master). Place donc à l'intrigue chargée en péripéties et personnages d'un roman noir de Thomas Pynchon, dans lequel on suit les aventures aux vapeurs d'herbes aromatiques d'un privé d'un nouveau genre, Larry "Doc" Sportello (Joaquin Phoenix), qui reçoit une demande inattendue de son ancienne petite amie, Shasta (Katherine Waterston). Elle pense que des escrocs réunis autour de son actuel petit ami, un homme riche et très médiatique, trament des trucs pas honnêtes. Parmi eux, l'épouse légitime de son petit ami. Tenter de résumer le reste de l'intrigue serait inutile, puisque suivant la bonne vieille règle d'or du film noir (The Maltese Falcon, The big sleep, Laura en tête), je n'ai pas compris grand chose: trop de personnages, trop de développements... Ce n'est en aucun cas une critique, puisque je m'en fous complètement. Ce n'est, une fois de plus, pas le sujet. Dans un film noir, l'intrigue est un McGuffin. Peu importe ce qu'il cherche, du moment que le détective privé ait une enquête à mener, c'est tout ce qui compte. Le reste, c'est de l'atmosphère, une ambiance, une galerie de portraits, et un voyage plus ou moins initiatique dans lequel le héros va changer, s'améliorer, et pour autant qu'on puisse en juger, pencher du bon côté de la morale.

La galerie de portraits, justement, est succulente, dans un Los Angeles post-hippie, où la drogue s'est installée dans le quotidien des gens entre la poire et le fromage, et dans lequel la reprise en main par la majorité silencieuse qui a voté Nixon en 1968 n'a pas encore effectué tous ses ravages. Coy (Owen Wilson), un saxophoniste légendaire, a-t-il disparu? Shasta, la belle et douce jeune femme, joue-t-elle un double jeu? Que faut-il chercher au siège de "The golden fang": une association de dentistes, ou le siège d'un trafic d'héroïne multinational? et quel rôle y joue l'étrange dentiste camé jusqu'au sourcils joué par Martin Short? Enfin, que jeu joue Bigfoot (Josh Brolin), le flic à la coupe en brosse impeccable dont Larry peut sans doute se targuer, même si c'est embarrassant pour les deux, d'être son ami? Autant de questions auxquelles Larry va essayer de répondre, en se déguisant parfois, en portant des sandales le plus souvent, et en ne se lavant jamais les pieds. Par contre, il va y avoir une consommation impressionnante d'herbe qui fait rigoler comme un nigaud...

Constamment sur le fil entre comédie parfaitement assumée, mais comédie à froid, et une certaine impression de découverte de la fin de l'innocence, entre pathos et parodie, le film est impeccable, on sait qu'on y reviendra, pour reprendre un peu de cette impression d'avoir passé du temps en contrebande dans une autre époque, dans des lieux mythiques et probablement disparus. Anderson le filme avec rigueur et comme d'habitude livre une somme, 148 mn, largement dominées par des plans-séquences magistraux, son péché mignon, et des images fortes, à la narration off (Toujours le spectre du genre "noir") menée par un petit bout de bonne femme qui reste gentiment à l'écart de l'action... ou pas?

Et pour finir, le film a été promu par de nombreuses bandes-annonces. Ne croyez pas celles qui donnent l'impression qu'il s'agit d'un nouveau Lebowski. ce serait une erreur, non que le film des frères Coen soit indigne, loin de là, mais ce sont bien deux films différents, très différents même, en dépit de leurs similarités (Californie, détective loser, drogue, enquête aux ramifications délirantes, etc...).

 

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Published by François Massarelli - dans Paul Thomas Anderson Noir Comédie
16 mars 2016 3 16 /03 /mars /2016 18:26

Les films de P.T. Anderson sont malaisés, à la fois fascinants et irritants dans leur rigueur, mais aussi dans leur jusqu'au-boutisme. On y rentre parfois à reculons, et les zones d'inconfort sont nombreuses. Rien de nouveau de ce côté, le film est long, et repose pour une large part sur des plans étirés, magnifiquement rendus (C'est du 65 mm, vous vous rappelez, la pellicule?), et qui reproduisent une époque dans ses moindres détails:ceux qu'on a vus et revus au cinéma (Les coiffures, les vêtements, les voitures...) et ceux qu'on n'a pas l'habitude de voir: toute une vie intime, l'alcool, la violence, le sexe, la folie. Et l'époque choisie, après les années 70 de Boogie nights, et la fin du XIXe siècle dans There will be blood, est cette fois les années qui ont suivi la guerre et la capitulation du Japon.

Fredie Quell (Joaquin Phoenix) est un marin démobilisé, qui tente un retour chaotique à la vie civile. A-t-il laissé une part de son humanité au combat? Ou bien est-il comme ça dès le départ? Quoiqu'il en soit, il est violent, incontrôlable, querelleur, direct avec les femmes... Il va croiser le chemin d'un homme pas ordinaire, Lancaster Dodd (Philip Seymour Hoffmann), un philosophe/charlatan, qui est le "maître" auto-proclamé d'un mouvement spirituel intitulé "La Cause", qui tente de se substituer aux autres religions, en imposant une introspection à ses membres. Le but avoué est de les débarrasser de tout lien à l'animal. Inutile de dire que pour "Le maître", Quell est une recrue de choix, et pour Quell, la cause va lui donner une mission, quelque chose en quoi croire... cela va-t-il l'aider pour autant?

Le film a beau suivre le parcours de Quell, gueule cassée interprété par un acteur habité, génial de bout en bout, on a le sentiment que tout repose dans la confrontation entre l'homme sur-cultivé, l'intellectuel flamboyant (Philip Seymour Hoffmann en gourou, ça vaut bien sur le détour) et la brute épaisse. Une scène, filmée en plan fixe les montre tous les deux jetés en prison dans deux cellules voisines, et pendant que Dodd, calmement, évalue la situation, Quell détruit, en donnant coups de pieds et coups de tête partout, sa cellule. L'un pulvérise ses toilettes, l'autre les utilise en attendant d'y voir plus clair... Preuve que si on le veut bien, on trouvera un humour d'une grande subtilité chez Anderson, entre deux scènes inconfortables... Néanmoins, les parti-pris ne sont pas toujours faciles à admettre, et sans jamais être rébarbatif, The master reste un objet assez unique. Il faut dire aussi que Quell, l'homme-animal violent et impulsif, n'est pas le plus glamour des héros de cinéma. Malgré tout, cette plongée dans la société des jeunes années 50, ouverte à toute nouvelle possibilité, et qui tente d'étouffer la violence qui l'a construite durant quatre années de guerre, vaut le détour.

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Published by François Massarelli - dans Paul Thomas Anderson