Matador est le cinquième film de Pedro Almodovar, et après l'intermède "vie quotidienne" un brin destroy de Qu'est-ce-que j'ai fait pour mériter ça, il reprend le chemin du mélodrame flamboyant là ou Dans les ténèbres l'avait laissé. Mais les provocations, constante malpolie de notre metteur en scène à cette époque par ailleurs très permissive qu'étaient les années 80, sont toujours là, et à ce niveau, Almodovar se surpasse: dès l'ouverture, ce film est placé sous le signe d'un sexe mal vécu, qui laisse un goût de frustration, jusqu'à un final en forme de libération liée au meurtre et à l'orgasme... Pourtant, le début est déroutant: Diego, ancien matador (Nacho Martinez) qui a tout abandonné sur un coup de corne, se masturbe allègrement devant des vidéos de films d'horreur de bas étage, et on assiste via son téléviseur à des démembrements et autres joyeusetés perpétrés sur des femmes nues, pendant qu'il continue son activité solitaire... Puis on s'intéresse à un autre frustré, le jeune Angel (Antonio Banderas), un étudiant en tauromachie étouffé par sa maman ultra-catholique, qui en pince probablement pour Diego, et qui voudrait tant l'imiter qu'il viole la petite amie de celui-ci en pleine rue, puis s'accuse du viol (raté) mais aussi d'autant de meurtres qu'il peut. Ces meurtres, en fait ont été effectués par Diego, et Maria (Assumpta Serna)une de ses admiratrices. Chacun trouve son plaisir en disposant d'êtres humains, mais on le sait: un jour, ces deux à se croiseront... Bref, un salmigondis assez indigeste.
Déja porté sur le mélodrame sans retenue, Almodovar s'amuse à enchaîner rimes et allusions internes, en montrant Diego et Maria se croiser sans se voir, entrant tous les deux à la fin d'une séance de Duel au soleil de King Vidor, au moment précis ou Jennifer Jones et Gregory Peck se tuent mutuellement, ou encore en montrant au début un cours de Diego durant lequel il explique le rituel de la mort du taureau, alors que sur l'écran on voit maria perpétrer un meurtre, qui rime assez étrangement avec ce que dit le matador. Il accumule aussi les situations invraisemblables, au point ou il devient difficile de rester capté par le film... Son petit monde est là aussi, avec Carmen Maura en psychologue qui prend Angel sous son aile, et un directeur de défilé n'est autre qu'une Almodovar en rajoutant dans le registre fofolle... Difficile de garder son sérieux. E, 1986, un film comme Matador permettait à de nombreuses personnes de porter leur attention sur Pedro almodovar. Aujourd'hui, cette énième provocation mal fagotée, en dépit de véritables couleurs de mélodrame assumé, est bien pénible à voir...
Surtout qu'il y est question de tauromachie, une activité fort peu recommandable (Sauf lorsque le taureau gagne: les seuls bons matadors sont les matadors morts.).
Après le décès par overdose de son petit ami, la danseuse
Yolanda bel se cache dans le couvent des "rédemptrices humiliées", un ordre religieux assez pittoresque: toutes les soeurs y portent des noms humiliants, et sont toutes affligées de perversions
assez voyantes ou d'excentricité galopante. Le séjour de Yolanda va être l'occasion pour Almodovar de laisser libre cours à l'étalage d'un bestiaire grotesque digne de Luis Bunuel (A commencer
par le tigre qui hante les lieux sans beaucoup d'explication, et qui sert d'enfant de substitution à la soeur interprétée par Carmen Maura...), et d'une série de vignettes qui ne cherchent pas à
discréditer l'église, mais à la représenter daans toute sa monstruosité. Le film est le premier du réalisateur à soigner son cadre, et en dépit d'un script assez erratique, à créer une tension
mélodramatique basées sur les sentiments exacerbés, et à décliner ses figures du désir, de la frustration et de l'homosexualité (La mère supérieure, de toute évidence, nourrit à l'égard de
Yolanda un amour très brûlant qui ne sera jamais payé de retour)
situations sont par ailleurs si rocambolesques qu'il est impossible
de prendre le film au sérieux, qui serait de fait plutôt un film-movida, une sorte de reflet de cette soif de provocation et de joyeuse fiesta, provoquée par la frustration de ces années dominées
par Franco, le catholicisme triomphant, et qui éclate décidément en ces années 80. Par ailleurs, la présence d'Almodovar lui-même en maitre de cérémonie punk et travesti d'une soirtée branchée
renvoie à un besoin personnel d'assumer une identité sexuelle qui est le propre de la plupart des personnages du film.
