Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 avril 2021 1 05 /04 /avril /2021 09:35

Joe Gardner est un pianiste de jazz, à Harlem, qui n'a jamais eu la chance de sa vie: se faire engager pour un boulot de pianiste, un vrai. Plus ou moins découragé par sa mère qui ne souhaite pas qu'il prenne le même chemin que son père, un musicien qui a galéré toute sa vie, il gagne la sienne en dirigeant l'orchestre d'un collège public local: et franchement, ils ne sont pas bons, à part une petite tromboniste qui m'a tout l'air d'avoir le feu sacré.

La chance arrive pourtant: un de ses anciens élèves, devenu batteur professionnel, lui signale que la grande saxophoniste Dorothea Williams se produit en quartet au club Half Note et a perdu son pianiste... Il se rend sur place pour une audition, époustoufle tout le monde, et apprend qu'il a le job! Il est heureux, c'est la chance de sa vie, il ne regarde pas où il va, tombe dan un trou, et...

Se retrouve, âme en transit, sur un escalator galactique en direction d'une grande, très grande lumière. Ca ne lui convient pas, mais alors pas du tout, il se rebelle, et se retrouve dans un autre univers, un autre site de transit: non pas l'au-delà, mais le "you seminar", un endroit où les âmes des humains futurs sont dotés des caractéristiques qui les différencieront plus tard. Une fois dotés de leurs éléments constitutifs, elles peuvent aller vers la terre. Joe va devoir aider une âme réfractaire à tout valider, afin de lui prendre son badge et retourner sur terre, car l'âme n°22, de son côté, n'a pas, mis alors pas du tout envie de tester la vie terrestre...

C'est cette intrigue existentielle qui est le point de départ de ce film, pour lequel on distingue essentiellement trois aspects: d'une part, donc, un nouvel univers Pixar dans lequel une fois de plus on nous montre comment chacun peut compter (au fait, un thème récurrent en particulier chez Pete Docter: voir Monsters Inc, Up et Inside out), ensuite un portrait sensible et affectueux, à l'écart des clichés réducteurs, de la communauté afro-américaine; enfin, une belle promenade dans le monde du jazz et de sa difficulté: à l'écart des clichés, là aussi, et réalisé avec une rigueur qui laisse pantois. La séquence de l'audition est d'une beauté picturale, et d'une exactitude impressionnantes. Et non seulement les gestes de ces musiciens sont totalement crédibles, mais la musique en est aussi une version complètement dans la ligne du jazz actuel, c'est-à-dire qu'on y entend une musique qui vient en droite ligne des années 60 et de leurs cassures révolutionnaires, en John Coltrane (même si Dorothea Williams joue de l'alto et non du ténor) et du quintet de Miles Davis de 1964 - 1968...

Mais avec Pixar, rien n'est jamais simple, et si on peut toujours essayer de leur reprocher d'appliquer une formule (conte initiatique + buddy movie + exploitation d'un univers représenté dans son intégrité), les films se différencient toujours par leur sensibilité, et par le fait que chacun d'entre eux représente un défi visuel, voire plusieurs... Et techniquement comme esthétiquement, celui-ci se distingue par son exceptionnelle richesse, et la façon dont les recherches picturales ont débouché sur un au-delà et un "avant" des plus singuliers, avec ces âmes rondouillardes et ces "guides" spirituels en fil de fer; l'animation y est superlative, les décors surprenants, et les gags distribués avec une précision d'horloger. 

Mais pour moi, le sel du film provient plus de la façon dont Joe, éternel loser, va revenir sur terre, et au lieu d'y retrouver le bonheur, y être confronté à son propre univers, mais par personne interposée, car quand il retourne sur terre avec un stratagème, il emmène accidentellement "22" avec lui, et au lieu d'habiter son corps, Joe va devoir passer une demi-heure de film dans la peau d'un... Non, regardez-le plutôt, je ne veux pas vous gâcher ce plaisir. Mais le conte initiatique double va aussi passer par la découverte du plaisir de vivre par l'âme n°22, dans la peau d'un pianiste de jazz frustré, et c'est irrésistible.

Et pour finir, le film a été fait dans un souci de respect culturel, de la communauté Afro-Américaine d'abord, mais aussi afin de ne pas enfermer l'intrigue existentielle dans une seule obédience religieuse. Une façon de respecter les religions comme celles et ceux qui n'en ont pas, ce que les Américains ont parfois tendance à oublier.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Pixar Animation Pete Docter Disney
28 décembre 2015 1 28 /12 /décembre /2015 17:41

Il n'y a pas si longtemps, disons il y a un peu plus de dix ans, on avait de Pixar une autre image, celle d'un groupe de génies qui étaient tous unis dans la création de films tous plus beaux les uns que les autres... Et d'autre part, on avait un peu le sentiment, lié à l'image de moderniité et de progrès absolu incarné par le studio, que les films Pixar ne pouvaient aller que de l'avant, et que le dernier était forcément le meilleur. C'est naïf, mais heureusement, Cars y a mis bon ordre... Donc désormais, il y a des bons et des moins bons films chez Pixar, c'est comme ça, et si le studio continue à faire des films situés en marge de l'être humain, que ce soit chez les fourmis, chez les jouets qui s'animent en notre absence, chez les monstres qui vivent dans une dimension parallèle à la notre, ou dans notre subconscient, on sait aujourd'hui aussi que Pixar, c'est d'abord et avant tout un studio qui permet à des auteurs de faire des films, et quels films! Brad Bird, John Lasseter, Pete Docter et Andrew Stanton y ont finalement le loisir de développer leur style personnel, leur univers, comme avant eux à la Warner Bob Clampett, Chuck Jones, Tex Avery ou Friz Freleng...

Inside out (Vice Versa en Français) est donc un film de Pete Docter (Monsters Inc., Up), qui part d'une idée géniale, mais difficile à mettre en images: on assiste à une petite aventure pour une jeune pré-adolescente, vue du point de vue de son cerveau, où agissent cinq personnages qui contrôlent et provoquent ses émotions: La Joie, la Tristesse, La Colère, Le Dégoût et la Peur... Ils gèrent aussi les souvenirs qui s'accumulent, et finissent par former la personnalité de la jeune fille. Celle-ci est une jeune insouciante, hockeyeuse de talent, qui vient hélas de quitter le Minnesota avec ses parents pour s'installer à San Francisco, et ça lui pose de gros problèmes... A plus forte raison lorsque dans le poste de commande, une série de bourdes privent la jeune fille de deux personnages cruciaux: la Joie et la Tristesse, en effet, sont envoyées par erreur à l'autre bout de l'univers-cerveau, et vont avoir les pires difficultés à revenir...

Difficile à mettre en images, disais-je, mais c'est réussi sur toute la ligne. Comme on est chez Pixar, aucun risque de se tromper ou de dissimuler l'étrangeté de cette histoire derrière le vieux procédé du rêve, c'est en effet uniquement le point de vue des coulisses qui nous est montré ici! Et l'esthétique est constamment cohérente, renvoyant sans cesse à l'image d'une jeune fille de 11 ans, à peine sortie de l'enfance, et qui commence son adolescence par une fugue irraisonnée. les deux personnages principaux, la Joie et la Tristesse, sont bien sur antagonistes, mais il va leur falloir apprendre à vivre et travailler ensemble. 94 minutes de bonheur plus tard, on en redemande, tant le film tient la route. On espère qu'il ne sera pas gâché par un Inside out 2...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Pixar Animation Pete Docter Disney
16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 09:08

Up ne commence pas vraiment comme on l'attend d'un film animé de long métrage, à plus forte raison distribué par Disney: une séquence de 11 minutes qui détaille la rencontre, puis le mariage et enfin la longue vie en commun de deux personnes, Carl et Ellie. Unis dès l'enfance par l'amour à distance de l'aventure avec un grand A, ils ont une vie somme toute pépère, Carl étant vendeur de ballons! Ils s'aiment, mais n'ont pas d'enfants, et un jour Ellie décline, puis meurt. C'est poignant, et c'est essentiel pour le reste du film qui va s'attacher à la personne de Carl, un brave vieil homme devenu acariâtre par les circonstances, et qui pour finir sa vie en beauté, a décidé d'échapper à la réalité quotidinne, et en particulier à la menace d'éviction dont il fait l'objet dans son quartier en pleine rénovation, en attachant à sa maison des milliers de ballons qui vont le transporter vers l'endroit d'Amérique du Sud où Ellie et lui rêvaient d'aller vivre des aventures, des vraies... ce qu'il n'avait pas prévu, c'était d'emmener un scout.

 

Les longs métrages Pixar, dans les années 2000, se suivaient et se ressemblaient, du moins par leur excellence. Celui-ci adopte un style qui se veut gentiment caricatural, subtilement géométrique: au corps presque carré du vieux Carl, on oppose le rondouillard Russell... Par contre, le décor magnifique du haut plateau où l'essentiel de l'action se déroule est plus réaliste; manifestement inspiré par un voyage sur place, c'est un décor rêvé qui rappellera des souvenirs à ceux qui ont vu The lost world, de Harry Hoyt et Willis O'Brien (1923)... On se rappelera aussi du Capitaine Nemo en découvrant le destin étrange de Charles Muntz, l'explorateur admiré de Carl et Ellie, qui a disparu en allant en Amérique du Sud chercher cet oiseau rare qui lui a valu d'être la risée du monde scientifique...

 

La clé de ce film, c'est bien sur la façon dont Carl va progressivement se rendre compte qu'il ne devrait pas vivre dans le passé: il s'accroche littéralement à sa maison, lui parle en l'appelant Ellie, veut conserver intacts tous les objets même les plus insignifiants qui le rattachent à ce passé devenu douloureux par la mort de celle qu'il aimait; mais d'une part, la découverte de Muntz, encore plus vieux et plus fou que lui, qui ne survit que par le souvenir d'une humiliation vieille de plus de cinquante ans qu'il souhaite réparer, et qui collectionne fossile sur fossile, va lui renvoyer un portrait caricatural de son propre attachement à des choses révolues; ensuite, les arrivées dans sa vie de Russell, scout inepte, et de Dug, chien qui parle, vont forcer Carl à s'attacher (Ce sera un travail de longue haleine, bien sur...) à autre chose qu'à des souvenirs. Enfin, un message laissé pour carl par Ellie mourante dans un album photo qui résume leur bonheur passé va lui faire ouvrir les yeux, enfin. A l'opposé de Muntz qui continue à chasser l'oiseau pour en faire un glorieux squelette à exhiber dans les musées, Carl va s'attacher à sauver la progéniture de la bête en question, le regard enfin tourné vers l'avenir...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Animation Pete Docter Pixar Disney