
Non seulement ce film de Hawks est pour Gary Cooper l'occasion de gagner un Oscar du meilleur acteur, ce qu'il méritait amplement, mais c'est aussi, en 1941, un film paradoxal: interventionniste à l'heure de l'indécision, ce film de prestige a été mis en chantier d'abord comme la célébration d'un héros qui ne voulait absolument pas qu'on parle de ses exploits militaires, et devait justement ne parler que de sa vie pacifiste afin de persuader les Etats-Unis... de ne pas participer au conflit!
Alvin York (Gary Cooper) est un jeune homme du Tennessee, beaucoup plus intéressé par la vie facile, la rigolade et la boisson, que par l'austérité d'une vie paysanne et les congrégations religieuses. Pourtant, le pasteur local (Walter Brennan), sa mère, sa famille et surtout la petite Gracie (Joan Leslie) vont finir par le remettre dans le droit chemin. Revenu à la vie en tant que chrétien rigoriste, York se destine à une vie de fermier, tranquille et sans histoires. Mais on est en 1917, et il lui faut répondre à l'appel massif de la conscription. Ses demandes d'exemption en tant qu'objecteur de conscience resteront lettre morte, la congrégation à laquelle il appartient n'étant pas reconnue. York devra se battre...
Mais lors de sa préparation militaire le jeune soldat quasi inculte étonne tous ses camarades et ses sous-officiers par son exceptionnel talent de tireur... On lui propose alors de devenir caporal instructeur afin de ne pas perdre son talent; Après réflexion, York accepte; peu de temps après, il est envoyé en France...

Alvin York (1887 - 1964) est en effet ce héros malgré lui, un objecteur de conscience qui est parti en France en 1918 et lors d'une action d'éclat totalement improvisée, s'est retrouvé à faire prisonniers plus de 130 soldat Allemands. L'épisode est dans le film, et fait partie des moments les plus franchement réjouissants du film, Hawks et Cooper ayant inversé la situation habituelle en montrant York en débrouillard totalement inconscient de l'extraordinaire exploit qu'il accomplit. Sa motivation est claire dès le départ: en tuant quinze à vingt hommes (Quand York tire, il fait mouche, c'est très clair), il empêchera la mort de centaines d'autres. Comme il le dit dans le film, "je voulais arrêter les armes de tirer"... Le film est réussi justement parce que nous assistons essentiellement à un travail à faire, une action d'éclat qui est d'abord et avant tout affaire de compétences: le savoir-faire, le travail, la valeur d'un homme, bref la thématique essentielle d'un film de Howard Hawks...
Bien sûr, étant à la fois une quasi-oeuvre de propagande (Des mois avant Pearl Harbor, la Warner poussait clairement avec ce film vers l'interventionnisme des Etats-Unis) et un film de prestige qui célèbre un héros Américain, Sergeant York est très long: deux heures et quatorze minutes, c'est encore assez exceptionnel. Pourtant il ne me semble pas trop long, et la première partie de plus d'une heure qui installe personnage et nous donne à voir sa lente transformation de bon à rien en un brave homme rigoriste et à l'avenir tout tracé, est un concentré de film rural Américain, pas trop éloigné des oeuvres de Capra! Il y a du Deeds et du Willoughby (Meet John Doe) dans ce grand gaillard gauche mais sûr de ses convictions qui peut plier à sa volonté plusieurs bataillons armés jusqu'aux dents... Et qui a besoin qu'on l'amène par la main à prendre la bonne décision, parce que le patriotisme aveugle n'explique pas tout. Le film, en réalité, est superbement construit, et ne nous amène pas jusqu'à l'acte d'héroïsme pour qu'on finisse sur des flonflons et des médailles en chocolat: Alvin York n'accomplit son destin que lorsqu'on l'accompagne jusque chez lui après la guerre et les honneurs, pour qu'enfin sa vie commence.
Et justement, Jesse Lasky a mis environ 20 ans à obtenir l'accord de York pour faire un film! Et encore, il a fallu batailler ferme pour qu'il accepte qu'on y parle de son action d'éclat et de son temps de guerre (Qui a été relativement court, environ un mois). Mais reconnaissons que so on avait suivi l'idée du héros, qui était de montrer sa vie après la guerre uniquement, à des fins didactiques, ça aurait probablement été un film d'une aberrante nullité. Tel qu'il est, il a tout: la ferveur, le mouvement chronologique typique des films de Hawks, ce mélange de savoir-faire et de simplicité dans la mise en scène et ce mélange de modestie et d'héroïsme, plus une musique de Max Steiner et un casting premier choix. Et Hawks dirige en expert des scènes de bataille particulièrement impressionnantes.
...Et cette fois, Walter Brennan a le droit de garder ses dents.


Bon, on ne va pas y aller par quatre chemins, le film est ouvertement Chrétien, il part du principe que l'humanité la plus noble ne peut que faire partie de la masse bêlante des croyants, et on ne va pas s'en offusquer plus longtemps, sinon il nous faudrait jeter toute l'oeuvre de Chaplin, qui a si souvent utilisé la religion comme un exemple de voie à suivre (Easy street, The great dictator) même si c'était par convention, il faudrait également se débarrasser des films, profondément Catholiques, de John Ford, dont certes le message universel est beaucoup plus assimilable par les non-croyants que ce film peut l'être... Mais si le film de Ince possède ce défaut, et d'autres (Pour commencer, on notera qu'il n'y a pas un noir à l'horizon. C'est une allégorie, et je soupçonne Ince d'y avoir représenté SON monde idéal, donc on ne s'étonnera hélas pas de leur absence, pas plus que de celle des juifs, bien sur), il a au moins l'avantage de prendre une route radicalement différente de celle de Griffith...
Kevin Brownlow, interrogé sur Willat (qu'il a rencontré lors de son fameux séjour à Hollywood dans les années 60) et plus précisément sur Behind the door, dit en substance ceci: "Si on excepte la vision, dans Hearts of humanity de Allen Hollubar, de Erich Von Stroheim en officier Allemand, jetant devant une mère son bébé pleurant par la fenêtre, Behind the door est le film muet le plus brutal et le plus violent que j'aie vu."
Celle-ci repose en effet sur deux flash-backs. Le premier est assez conventionnel: le capitaine Krug, un Américain d'origine Allemande, rentre chez lui. C'est le milieu des années 20, et l'homme est vieux et amer. Il ne rencontre personne mais se rend au cimetière pour aller visiter la tombe, nous dit un intertitre, du seul homme qui aurait été content de l'accueillir: Jim MacTavish est mort en 1924...

Le deuxième des "petits films de Griffith" sortis en 1919, The girl who stayed at home, nous montre Griffith expérimentant avec de nouveaux acteurs ; Carol Dempster, Richard Barthelmess, Clarine Seymour sont les principaux protagonistes, complétés par le vétéran Bobby Harron.
La religion dans ce film n'a aucun sens, c'est un toilettage passe-partout, une série de clichés lénifiants, auxquels la cinéaste n'a apporté aucun crédit. Il est même probable, occupé qu'il était à tenir une cravache dans une main, une méthode Assimil dans l'autre pendant qu'il tentait d'établir une communication avec les figurants qu'il s'apprêtait à noyer, que Curtiz n'a même pas réalisé qu'il y avait quoi que ce soit de religieux dans son film!








