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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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13 avril 2017 4 13 /04 /avril /2017 09:07

Plutôt oublié aujourd'hui, ce film est, dans le sillage d'Intolerance, l'une des nombreuses tentatives de participer au grand débat qui agite l'Amérique après le torpillage du Lusitania (7 mai 1915). ce grand débat, rappelons-le, s'est soldé par une campagne présidentielle menée par Woodrow Wilson, président démocrate sortant, qui a ouvertement fait campagne sur l'idée d'une non-intervention en Europe... avant de rétro-pédaler une fois élu président, avec les conséquences que nous savons. Parmi les cinéastes, si Cecil B. DeMille se distingue avec un message pro-intervention, à peine voilé, dans Joan the woman où il lie de façon osée l'histoire de Jeanne d'Arc avec la nécessité contemporaine de sauver l'Europe du chaos, l'opinion générale est plutôt isolationniste; Griffith a tourné son faramineux et dispendieux film Intolerance justement pour condamner la guerre et s'en prendre à ses causes, et c'est exactement ce que cherche à faire Ince avec son film, certes spectaculaire, mais d'une envergure quand même bien différente.

A Wredpryd, un pays monarchique et chrétien qui n'existe pas, la guerre menace. Le comte Ferdinand (Howard C. Hickman) a inventé un sous-marin révolutionnaire. Mais durant le conflit, son état-major galvanisé lui ordonne de couler un bateau dont les passagers sont des civils. L'ordre venu du roi lui-même est on ne peut plus clair: laissez de côté tout sentiment... Le comte refuse, et en lieu et place du paquebot "Propatria", il va s'évertuer à couler le sous-marin, entraînant la mort de tout l'équipage. Il est secouru, entre la vie et la mort, mais tandis qu'on le transporte, son âme arrivée presque à destination, reçoit la visite peu banale du Christ, qui décide de retourner sur terre dans l'enveloppe corporelle du comte afin de rétablir l'ordre.

Oui, vous avez bien lu.

Bon, on ne va pas y aller par quatre chemins, le film est ouvertement Chrétien, il part du principe que l'humanité la plus noble ne peut que faire partie de la masse bêlante des croyants, et on ne va pas s'en offusquer plus longtemps, sinon il nous faudrait jeter toute l'oeuvre de Chaplin, qui a si souvent utilisé la religion comme un exemple de voie à suivre (Easy street, The great dictator) même si c'était par convention, il faudrait également se débarrasser des films, profondément Catholiques, de John Ford, dont certes le message universel est beaucoup plus assimilable par les non-croyants que ce film peut l'être... Mais si le film de Ince possède ce défaut, et d'autres (Pour commencer, on notera qu'il n'y a pas un noir à l'horizon. C'est une allégorie, et je soupçonne Ince d'y avoir représenté SON monde idéal, donc on ne s'étonnera hélas pas de leur absence, pas plus que de celle des juifs, bien sur), il a au moins l'avantage de prendre une route radicalement différente de celle de Griffith...

Le pays ou se situe l'action est une monarchie, plutôt européenne, et les femmes y portent des foulards sur la tête à la mode Européenne justement; les militaires y portent quant à eux casques à pointe, et le bateau qu'ils s'apprêtent à couler est le Propatria: ces va-t-en-guerre, dans ce film au message universel, sont quand même bien marqués, non? Certes, le film prêche la paix universelle, mais il le fait en ciblant les affreux Teutons, ce qui ne mange pas de pain. Ince a peut-être des convictions, mais il les partage en homme prudent, qui sait qu'il ne fait jamais insulter l'avenir, en cas de renversement de l'opinion. Si on compare, Griffith de son côté, a carrément fait suivre son appel à la paix universelle par l'un des films les plus belliqueux et patriotiques de sa carrière, Hearts of the world!

Mais Civilization, en dépit de son unicité, de son caractère de curiosité spectaculaire, peine à être autre chose, justement, qu'une curiosité. Le chaos représenté par les batailles spectaculaires du début, dans lesquelles on se refuse à identifier les soldats d'un camp ou de l'autre, est certes motivé par une noble cause, mais peine justement à fédérer le spectateur. Et ce chaos trahit aussi ce qui est l'ADN même de l'oeuvre, tournée à la façon habituelle par le producteur Thomas Ince: il a signé son film, mais il l'attribue lui-même à deux autres réalisateurs, Raymond West et Reginald Barker (L'un de ses homes de confiance, auquel on doit entre autres le drame de la guerre civile The Coward, la chronique de l'immigration The Italian, et le western avec William Hart au titre qui me fait toujours froid dans le dos, The Aryan). Et c'est la grande faiblesse d'un film, d'avoir été accompli par un studio, assenblé à partir du travail de plusieurs équipes, de plusieurs sensibilités, toute au service d'une idéologie mal fagotée... Pour couronner le tout, le caméraman Irvin Willat révélait à Kevin Brownlow avoir fait ses premières armes de réalisateur sur ce film en effectuant à la demande de Ince des retakes sur les scènes de bataille! Et le film, par son ethnocentrisme chrétien à courte vue, devait déjà être bien embarrassant à sa sortie: il est trop ciblé, et franchement, de très mauvais goût, y compris pour les croyants! Qu'on en juge en le comparant avec l'exceptionnelle réussite d'un autre film très chrétien, le superbe Ben Hur de Fred Niblo: le Christ y est là aussi employé comme protagoniste, mais on ne le voit jamais... 

Civilization fait partie de l'histoire du XXe siècle, de ses idéologies et de ses contradictions. A ce titre, le film a été élu parmi les listes des films à préserver en priorité par l'American Film Institute. C'est bien joli, mais ce devrait être le cas pour TOUS les films quels qu'ils soient! ET ça devrait garantir qu'on puisse le voir dans des conditions décentes, ce qui est loin d'être le cas. Au moins peut-on en voir une version complète sur Youtube. 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1916 Thomas Ince Première guerre mondiale
11 avril 2017 2 11 /04 /avril /2017 16:55

Kevin Brownlow, interrogé sur Willat (qu'il a rencontré lors de son fameux séjour à Hollywood dans les années 60) et plus précisément sur Behind the door, dit en substance ceci: "Si on excepte la vision, dans Hearts of humanity de Allen Hollubar, de Erich Von Stroheim en officier Allemand, jetant devant une mère son bébé pleurant par la fenêtre, Behind the door est le film muet le plus brutal et le plus violent que j'aie vu."

Pour ma part, et loin de moi l'idée de contredire le grand historien, je mettrais effectivement, pour les avoir vus l'un et l'autre, les deux films à égalité...

Car si dans The hearts of humanity, la brutalité du Hun représenté à l'écran, et dont l'identité haïe est assumée jusqu'à l'extrême par l'immense acteur, qui a poussé sa caractérisation comme il le faisait habituellement jusqu'aux derniers détails vestimentaires et autres babioles, tient essentiellement à l'illustration globale d'une ignominie d'Epinal, et inventée par les circonstances de l'après guerre glorieuse, patriotique et xénophobe, la violence dans Behind the door est le sujet du film, et la scène dont parle Brownlow est l'aboutissement même de l'intrigue...

Celle-ci repose en effet sur deux flash-backs. Le premier est assez conventionnel: le capitaine Krug, un Américain d'origine Allemande, rentre chez lui. C'est le milieu des années 20, et l'homme est vieux et amer. Il ne rencontre personne mais se rend au cimetière pour aller visiter la tombe, nous dit un intertitre, du seul homme qui aurait été content de l'accueillir: Jim MacTavish est mort en 1924...

Ce qui m'amène une réflexion: cette date est volontairement située, pour le spectateur de 1919, dans le futur, un futur proche qui n'est pas si différent de l'Amérique directement contemporaine, mais qui semble donner à ce film l'aura d'une allégorie, qui permettra d'en prolonger l'effet au-delà de l'immédiate après-guerre. C'est malin, car il faut bien dire qu'il y a de fortes chances pour que le spectateur de 1930 ou 1921 a du bien rigoler en voyant avec retard des films comme Hearts of the world ou Hearts of humanity...

Donc, le capitaine Krug revient chez lui, et va s'installer dans sa boutique: avant la guerre il était taxidermiste, et son atelier est à l'abandon. Il croise d'ailleurs des gamins qui s'amusent à en casser les vitres, par défi, en sa présence... Une fois dans sa boutique, il laisse revenir les souvenirs douloureux à la surface: lors de la déclaration de guerre, Krug (Hobart Bosworth) était amoureux de la belle Alice Morse (Jane Novak), la fille du banquier de la localité. Ses origines Allemandes tendaient à le rendre mal vu de la communauté, et lorsque la déclaration de guerre a été rendue publique, les choses se sont envenimées... Une bagarre a éclaté, durant laquelle dans un premier temps toute la communauté sauf Alice semblait vouloir lui casser la figure! mais devant son empressement à s'enrôler, le brave MacTavish (Jim Gordon), un marin lui aussi, avait fini par se ranger à ses côtés.

Le début de la guerre voit Krug, marié à Alice, et devenu le capitaine d'un bateau dont le second n'est autre que le fidèle MacTavish. Lors d'une traversée, le capitaine découvre que son épouse a décidé de le suivre à son insu; lorsque le bateau est coulé par un sous-marin Allemand, les deux époux se retrouvent seuls dans un canot de sauvetage. Un sous marin apparaît à la surface; on va les secourir... sauf que Krug est rejeté à l'eau! Il menace alors le capitaine (Wallace Beery), lui promettant de l'écorcher vif...

Le reste du film voit Krug s'accrocher à sa vengeance, et retrouver le capitaine Allemand, dont il vient de couler le sous-marin. C'est là que se situe le deuxième flash-back, qui nous conte les événements qui ont suivi, à l'intérieur du sous-marin, l'enlèvement d'Alice.

Le propos, pour Thomas Ince, était de réaliser un film qui puisse à la fois s'éloigner du style de films qui inondaient les cinémas depuis la victoire alliée, tout en en récupérant les sentiments xénophobes et anti-allemands. A ce titre, on voit que tout oppose le capitaine Krug et le capitaine de sous-marin: le grand père de Krug a combattu durant la guerre de Sécession aux côtés du commandant Farragut, et son petit-fils se considère d'abord et avant tout Américain même s'il a conservé quelques bribes de culture Germanique, à commencer par le langage. A l'annonce de la guerre, il n'hésite pas un seul instant, et le film invite le spectateur à se ranger aux côtés de Krug. Mais le capitaine joué par Wallace Beery fait partie de cette galerie de méchants Huns traditionnellement fourbes, sadique et sans honneur; ses trois actions d'éclat, ici, sont la façon dont il enlève Alice (Une scène cruciale, qui hélas manque à l'appel dans les copies en circulation, remplacée par des photos de plateau), puis le récit qu'il fait du destin de la jeune femme, dont une fois de plus il convient de dire qu'il est assez graphique. On se souviendra longtemps après l'avoir vu, de ce plan qui nous montre l'officier ouvrir l'un des portes de sa cabine, pour montrer à la jeune femme aux vêtements arrachés les marins qui attendent leur tour de l'autre côté... avant de la leur lancer! Le troisième des actes du capitaine est justement de s'en vanter...

Mais ce n'est pas pour autant la fin. Le but de Ince, Willat, et de l'écrivain Gouverneur Morris (l'auteur, je le rappelle, de l'excellent récit dont Wallace Worsley un an plus tard allait tirer le magnifique film The penalty), était de choquer justement, de questionner le désir de vengeance de l'homme en temps de guerre; et ici, bien sur, tout concourt à justifier ce désir de vengeance ressenti par Krug, ainsi que son jusqu'au-boutisme. Mais le film, par la brutalité de son final, pousse le spectateur à ne ressentir que de l'horreur, en voyant ce qui arrivera à l'homme auquel Krug a promis de l'écorcher.

Quoi qu'il en soit, ce film en forme de poing dans la figure, qui nous est aujourd'hui restitué à la faveur d'une restauration fantastique, rappelle que dès 1919, des cinéastes, à l'abri de toute idéologie ou de toute convention, exploraient des recoins déjà bien sombres de l'âme humaine, qui allaient rester à l'écart des entiers battus par le cinéma, une fois la volonté de censurer bien établie dans les années 20. Et on pourra dire ce qu'on voudra de Willat et Ince, de leur possible appartenance au KKK, de la xénophobie affichée de Willat jusqu'au crépuscule de sa vie (Selon Brownlow, c'est sans doute ce qui lui aurait valu de terminer sa carrière pourtant partie sur les chapeaux de roue, et je le crois sur parole, d'autant que c'est également un élément important qui a valu à Marshall Neilan de se faire black-lister.), de leur flair un peu glauque pour relever des intrigues d'un soupçon de sadisme, ou d'un excès de mélo bien épicé (Pour les films avec William S. Hart, en particulier): ces gens-là savaient y faire pour faire un film qu'on n'oublie pas, et à ce titre, je ne suis pas près d'oublier le choc frontal de Behind the door.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 Thomas Ince Première guerre mondiale **
4 avril 2017 2 04 /04 /avril /2017 21:19

Le deuxième des "petits films de Griffith" sortis en 1919, The girl who stayed at home, nous montre Griffith expérimentant avec de nouveaux acteurs ; Carol Dempster, Richard Barthelmess, Clarine Seymour sont les principaux protagonistes, complétés par le vétéran Bobby Harron.  

L’histoire est du pur Griffith symboliste: un homme qui a fui l’issue de la guerre de sécession er a refusé de reconnaitre la victoire du Nord s’est réfugié en France ou il vit avec sa petite fille (Dempster). Celle-ci est très courtisée par des amis Américains, en particulier un beau jeune homme, dont elle visite occasionnellement la famille. Elle se fiance néanmoins selon le vœu du grand-père avec un noble français. A la déclaration de guerre celui-ci s’engage et sera parmi les premières victimes ; on assiste ensuite à l’engagement du grand frère Grey (Barthelmess), et aux hésitations comiques du jeune frère, un dandy joué par Bobby Harron. Celui-ci est amoureux d’une jeune vamp toute droit sortie des films de Cecil B. DeMille (auquel Griffith a piqué un « signe » : elle écoute en l’absence de son chéri un disque dont le titre nous apparait : When you‘re back). Finalement il s’engage et tous deux finiront des héros, alors que devant les dégâts causés par les Allemands et le comportement héroïque des Américains, le grand père confédéré se rend à l’évidence et fait la paix avec sa nation, il va désormais remplacer son drapeau sudiste par un beau « stars and stripes ».

Oui, bon, en effet c’est ridicule.  Mais le ton est si léger, les péripéties si bien menées, et le jeu de tous ces gens fait qu’on suit ce film avec énormément de plaisir. Il nous laisse moins voir la supposée vie intérieure codée de ses personnages, n’abuse pas de ses gros plans déconnectés de l’intrigue, et franchement Carol Dempster est tout à fait à sa place ici. Par surcroît, le rôle confié à Clarine Seymour, qui ressemble un peu à Bebe Daniels et dont la coiffure accentue cette ressemblance, est intéressant par le fait que cette-fois, la vamp est montrée sous un jour finalement positif : elle a le choix entre un homme riche et un homme qu’elle aime, et fait le bon choix. De même, le stéréotype des Allemands brutaux et cruels (représentés dans le film par Edward Pell) est contrebalancé par un soldat présenté comme un descendant de Kant : non seulement il est humain, mais en prime il sauve Carol Dempster du viol contractuel (Au passage, Griffith ne se prive pas pour la déshabiller au passage, ce qui confirme: elle n’est pas Lillian Gish.  Il refera le coup dans America en 1924) avant de mourir. Il est marqué par un indice Griffithien d’humanité : il aime sa maman.
 
J’ai souligné ici et là les rapports de ce film avec les films contemporains de DeMille, mais s’il fallait choisir entre The little American et celui-ci, je pense qu’il serait judicieux de privilégier le film de DeMille avec Mary Pickford, qui est plus réussi, et pour tout dire beaucoup plus distrayant. Cela étant dit, ce film mineur ouvre un certain nombre de voies, par sa durée, son énergie et le fait que ses jeunes acteurs relèvent plus que bien le défi. On les reverra…

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Published by François Massarelli - dans Muet 1919 David Wark Griffith Première guerre mondiale *
8 mars 2017 3 08 /03 /mars /2017 16:39

Curtiz était-il un auteur? C'est le genre de question dont on se demande encore qui elle peut passionner à l'heure de Netflix, le truc qui est train de tuer le cinéma à grandes enjambées, en commençant par gommer le rôle du metteur en scène dans sa logistique! Mais Curtiz a en effet la réputation, pas vraiment usurpée, d'avoir durant son passage à la Warner été indifférent à la globalité de ses films, se concentrant sur une scène, voire un plan à la fois... Et obtenant des résultats parfois miraculeux.

C'est vrai qu'il y a tellement de stupidités révoltantes dans la Bible, qu'on a l'impression qu'il suffit parfois de se pencher pour en ramasser... C'est à peu près ce qu'a fait Darryl F. Zanuck, qui ne présidait pas encore aux destinées de la Fox, mais était une étoile montante du scénario en cette fin du muet. La mission que lui avait confiée la Warner était de faire du Cecil B. DeMille, ni plus ni moins, en se gardant toutefois de faire un démarquage des Dix Commandements de 1923, ce qui avait déjà été fait en Europe, lorsque Mihaly Kertesz et Sascha Kolowrat s'étaient lancés dans la production de L'esclave Reine, une superproduction Autrichienne qui piquait à DeMille ses meilleurs effets... En toute logique, la warner, qui préparait ce film depuis longtemps, a fait appel à Kertesz, l'a rebaptisé Curtiz, et lui a confié les clés. Et si on ne refaisait pas The ten commandments, rien n'empêchait de le singer à chaque fois que c'était possible!

On raconte dans ce film une anecdote hautement improbable, celle de deux Américains, dont l'un (George O'Brien) a rencontré dans des circonstances dramatiques la femme de sa vie, la danseuse Marie (Dolores Costello), une jeune Allemande. Mariés, il leur a fallu faire face à un dilemme en 1917... Mais le sens du devoir, n'est-ce pas... Donc O'Brien parti sur le front Français, Costello a du reprendre son métier en Europe. Mais une connaissance commune (Noah Beery) qui a une dent contre eux l'a reconnue, et l'a dénoncée comme espionne; Devinez qui sera dans le peloton... Comme dans tant de films de DeMille, une digression de luxe fait bifurquer les personnages vers l'époque biblique, tentant par tous les moyens de dresser un parallèle avec l'épisode de l'Arche de Noë. Je dis bien "tentant par tous les moyens", tant la ficelle est grosse...

Le "DeMille Autrichien" (Qui était comme chacun sait Hongrois) a fait ses gammes de 1926 à 1928, le temps que se monte cette production. Sorti trop tard, à l'époque du parlant, ce film est de toute façon un ratage, une histoire symbolique, d'un genre auquel DeMille lui-même ne touchait plus en 1928. dans cet ahurissant mélange (Scènes parlées dans un film muet, histoire contemporaine appuyée par des séquences bibliques) on voit bien ce qui fait l'essence du cinéma du jeune Curtiz: il tourne ce qu'on lui donne à tourner, y trouvant ou non son intérêt, mais fait de l'image à tout prix. Un cinéma donc de l'émotion, de la séquence, dans lequel l'élément humain est ballotté, maltraité. Des "attractions" selon l'expression de Mauritz Stiller: train qui déraille, explosions et batailles sur le front, un obus qui déclenche un glissement de terrain, et autres déluges. Le film s'appelant L'arche de Noë, ça va sans dire. Bien sur, on le sait, la légende honteuse de ce film fait de Curtiz un fou dangereux, responsable d'un nombre mal défini mais hélas réaliste de morts de figurants. Une étrange façon de prendre congé du cinéma muet, que ce film qui est mal fichu, mais considéré comme un classique...

La religion dans ce film n'a aucun sens, c'est un toilettage passe-partout, une série de clichés lénifiants, auxquels la cinéaste n'a apporté aucun crédit. Il est même probable, occupé qu'il était à tenir une cravache dans une main, une méthode Assimil dans l'autre pendant qu'il tentait d'établir une communication avec les figurants qu'il s'apprêtait à noyer, que Curtiz n'a même pas réalisé qu'il y avait quoi que ce soit de religieux dans son film!

On peut se rassurer en imaginant que la version intégrale (environ 135 minutes selon les filmographies) sans doute perdue était plus cohérente, mais j'en doute fort. Du reste, autant le film est raté, autant il en devient distrayant, par les moyens engagés, par l'ahurissante puissance de feu d'un réalisateur capable de tant de choses, y compris pour le pire... Baroque, ça oui, le film est quand même bien plus intéressant que, disons, Mammy, The woman from Monte Carlo, God's gift to women, ou The soldier's plaything, tous ces films réalisés par Curtiz en 1930 - 1931! Et puis, ce film raté qui fut un échec reste symboliquement un bon moyen de clore une période de la vie d'un cinéaste marquée par le baroque, l'énorme, la grandiloquence, au moment-clé ou un nouveau type de cinéma, moins ambitieux, allant à l'essentiel, plus proche des gens va commencer à exister, dont paradoxalement le hautain Michael Curtiz sera l'un des plus intéressants artistes durant le début des années 30.

 

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Muet 1928 Première guerre mondiale *
30 janvier 2017 1 30 /01 /janvier /2017 16:33

Avec Gallipoli, retour sur un haut fait d'armes (Comprenez "une boucherie totale") qui a permis à un grand nombre de jeunes Australiens, en âge de voir le temps venir, de rejoindre leurs ancêtres plus tôt que prévu et pour pas grand chose (Comprenez "mourir pour leur pays", et d'ailleurs même pas, puisque c'était pour l'Empire Britannique), Peter Weir ne célèbre pas, il narre. Il chronique même pourrait-on dire, à travers la fiction... Il invente deux personnages, deux jeunes (L'un d'entre eux est même trop jeune pour combattre) qui pour voir le monde se sont engagés en 1915 et se sont retrouvés en Turquie pour la plus fameuse bataille ayant impliqué des Australiens. 

Archie (Mark Lee) veut voir le vaste monde, comme d'autres Australiens avant lui. Il a malgré tout une belle vie: il est champion de course, et connu un peu partout dans la région de Perth. Lors d'une compétition il fait la connaissance de Frank (Mel Gibson), un autre coureur un peu plus âgé que lui. Ils s'engagent: un désir mûrement réfléchi pour Archie, mais un coup de tête pour Frank. Ils vont bientôt se retrouver, chacun dans un régiment différent, en Egypte puis en Turquie à Gallipoli où les Turcs alliés aux Allemands donnent du fil à retordre aux Anglais.

La bataille en elle-même est vue selon une multiplicité de points de vue: les soldats, des hommes jeunes et idéalises se rendant de plus en plus compte de la gravité de leur situation, et des officiers; ceux-ci sont soit Australiens, et amers du sacrifice qu'on demande à leurs recrues, soit Britanniques, et décodés à utiliser les Australiens comme chair à canon.

On attendra une heure et une quinzaine de minutes avant de voir les deux personnages principaux arriver sur le lieu du conflit, le temps de sacrément les aimer. A travers eux, on saisit l'illusion héritée du romantisme du XIXe siècle (Pour Archie) ou plus simplement née d'une hésitation quant à l'avenir (pour Frank). Le voyage se transforme en une série de rites de passage qui tendent à se succéder à une vitesse folle... Jusqu'à l'épreuve du feu, qui est vue, comme souvent, comme un enfer qui vient progressivement effacer toute l'innocence.

...Peter Weir finit par faire se rencontrer la fiction et l'histoire dans ce film humaniste et généreux.

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Published by François Massarelli - dans Première guerre mondiale Australie Peter Weir
29 janvier 2017 7 29 /01 /janvier /2017 11:50

Le cinquième des films de Curtiz tournés en 1930 (Il y en a eu six) a subi à peu près le même sort que la plupart des autres: comédie musicale à sa sortie, le film a été recoupé afin de se transformer en comédie tout court, même si deux chansons, mais parfaitement en situation, ont survécu. C'est aussi une comédie militaire, avec tout ce que ce terme peut faire soupçonner en matière de délicatesse et de subtilité: coups de pieds au fondement, confusion de grade, punition... Le comique troupier, dans toute sa splendeur. Et pourtant...

Il y a des moments où on sent un peu la patte de Curtiz, cette incapacité à torcher le travail, ce point d'honneur à tout risquer: les cinq minutes qui sentent bon le film de gangsters au début par exemple: Ben Lyon joue le membre d'un gang qui se bat avec un autre, et lors de l'altercation il le fait tomber de plusieurs étages. Il n'attend pas, et suivi par les autres intègre la parade des soldats qui s'apprêtent à partir en Europe pour combattre. La foule mobilisée, la maîtrise de la mise en scène et du montage, on sent bien que le réalisateur n'a absolument pas traité la scène par-dessus la jambe.

Et de nombreuses séquences témoignent de son insistance à couvrir tous les aspects d'une scène, et à mobiliser tout le studio pour ça s'il le faut. Il fait respirer ce qui n'aurait pu être qu'une production parlante de plus, en mélangeant prise de vue à l'extérieur (Donc muettes) et scènes tournées en studio avec des mattes paintings. et du coup le travail de caméra et le montage encore une fois, gardent un dynamisme qu'on ne trouverait pas dans beaucoup de films de 1929 ou 1930.

Mais A soldier's plaything, qui d'ailleurs a été tourné en écran large, mais sans que l'on sache si ce système (Le format "Widescreen" de la Warner/First National, VitaScope) a été réellement exploité à cause des mauvais résultats des films MGM, Fox ou Paramount tourné dans ce type de procédé, reste à la base "juste un film de Michael Curtiz de 1930": bien, voire très bien fait, mais entièrement tributaire de la volonté du studio, de son script et de ses acteurs.

Parmi lesquels Harry Langdon, qui n'a pas besoin d'être dirigé. Si vous voulez mon avis, la voix ne lui sied pas, mais lors pas du tout. Pour le reste il est lui-même... Son capital de sympathie est probablement le principal ingrédient de ce petit film mal foutu.

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Harry Langdon Michael Curtiz Comédie Première guerre mondiale
2 janvier 2017 1 02 /01 /janvier /2017 17:05

Pour commencer, ce film est comme une pièce de monnaie: deux faces. D'une part, une histoire de prisonniers pris par l'obsession de s'évader, bref une histoire d'hommes et de camaraderie, à la fois épique et truculente, du genre qu'on peut raconter comme un rien, et qui vous prend pour ne as vous lâcher deux heures durant. De l'autre, un message simple mais fort sur la guerre qui menace, et qui prend appui sur l'expérience la plus évidente à la portée de tous les contemporains de la sortie de ce film: la première guerre mondiale est alors dans toutes les mémoires... Renoir, en pacifiste convaincu, entend par son histoire de fraternité et son message humaniste, en démontrer l'absurdité.

Mais ça aurait été trop simple. De par son énorme succès le film est devenu internationalement célèbre, et de fait une sorte de passage obligé du cinéma Français, longtemps célébré pour son message humaniste avant que tout à coup la controverse s'installe. D'une part, la censure d'après guerre s'est invitée en 1946 pour la ressortie, et a taillé dans le film afin de le nettoyer de ce qui ressemblait à une forme de sympathie Franco-Allemande... C'est idiot. Mais pas plus que de distribuer les médailles d'un côté, et des certificats d'indignité de l'autre, en en profitant pour tondre les chevelures eu petit bonheur... Mais depuis, il y a eu pire: on s'est penché sur ce film, et il y a eu un certain nombre de pisse-copies qui ont argué de leur savoir pour démontrer, preuves à l'appui, que ce beau film est en fait pétri de renoncement antisémite, et annonciateur de Vichy. Oubliez.

L'intrigue est donc basée sur dix-huit mois de la vie de deux officiers prisonniers, le Capitaine De Boëldieu (Pierre Fresnay), et le Lieutenant Mareschal (Jean Gabin). Placés dans un stalag confortable, les deux hommes vont tout faire pour s'évader, échouer, être déplacés... la deuxième partie du film les voit arriver à une forteresse de montagne réservée aux récidivistes, une prison pour les cas graves qui est commandée par l'officier aviateur qui les a abattus. Celui-ci, un authentique noble du nom de Von Rauffenstein (Erich Von Stroheim), va se lier d'amitié avec Boëldieu, mais les plans d'évasion ne vont pas pour autant s'arrêter...

L'un des premiers mérites du film est d'avoir introduit un personnage qui était Juif, et plusieurs fois identifié comme tel. Par son patronyme, pour commencer: Marcel Dalio interprète Rosenthal, un fils de banquiers fortunés, lui-même propriétaire d'une maison de couture. Richissime, doté d'une solide sens du partage et d'un solide sens de l'humour, il n'est dans un premier temps qu'un des personnages secondaires d'un film qui mériterait souvent d'être cité pour l'intelligence et la structure des son script, en deux parties distinctes... Un script qui est passé pourtant par beaucoup de stades. Pour l'anecdote, citons l'idée qui a consisté à diviser le casting en le répartissant différemment: le cinéma Français aimait particulièrement ses seconds rôles, et toutes les occasions étaient bonnes pour "placer" les copains. A l'origine, la première partie devait contenir la rencontre entre les héros et le dit Rosenthal, et la deuxième partie voyait donc Gabin s'évader avec Robert Le Vigan... Sur un coup de génie, Charles Spaak et jean Renoir ont simplifié, et c'est avec le même Rosenthal que Gabin prend la poudre d'escampette. On assiste donc à l'éclosion d'un vrai premier rôle, joué par Dalio qui a du bien comprendre que c'était là une aubaine sans précédent. Il avait raison...

De même Renoir a-t-il eu le nez creux en donnant au même acteur deux rôles qui étaient à l'origine prévus pour deux acteurs: l'officier qui abat les éros au début, un aviateur au fair-play chevaleresque, qui était dès le départ prévu pour Stroheim, et le commandant du dernier camp; l'idée paraît-il incomberait à Stroheim, et le personnage de Rauffenstein porte la marque du metteur en scène Stroheim... Juste retour des choses: Renoir vénérait le réalisateur; l'ouverture de la deuxième partie se fait en un plan-séquence qui est du pur Stroheim: la caméra nous montre un Christ en croix, attaché au mur à côté d'une fenêtre, puis elle se déplace pour détailler les effets et les possessions du propriétaire de la chambre le commandant. Parmi les objets nombreux (Statuettes, fleurs, armes, briquets...) on aperçoit un livre: Casanova. Stroheim s'est déjà servi d'un ouvrage du même titre dans la séquence d'introduction de Queen Kelly, et comme le plan nous introduit ensuite l'ordonnance du commandant, on est décidément en territoire connu...

L'intelligence du script est de naviguer constamment entre anecdotes, souvent drolatiques, et la forte symbolique voulue par Renoir et Spaak: simple élément du décor dont on se moque de la "vieille noblesse Bretonne", Rosenthal devient donc au fur et à mesure, sans jamais perdre son judaïsme, un héros. Un brave type (Qui nourrit tous ses camarades) avec son petit caractère, mais aussi un égal absolu de Gabin. Et un égal de Boëldieu, l'homme dont la noblesse est dans le sacrifice, et non dans le nom, les habitudes et l'attitude savamment entretenue d'aristocrate fier de ses origines; et Rosenthal est pour Gabin plus qu'un copain, c'est un prolongement, un homme qu'il a choisi pour s'évader avec lui, ou qui l'a choisi lui, on ne sait plus trop bien. Le film a aussi l'intelligence de ne pas nous faire oublier par des scènes larmoyantes le vrai enjeu du film: lassé après une dizaine de jours à marcher, les deux hommes s'envoient des insultes à la tête, et Gabin est très clair, disant qu'il n'a jamais aimé les Juifs. Une opinion certainement répandue en 1917 qu'en 1937. Mais ici, cet éclat de voix précède une réconciliation, une vraie. Une de celles qui se passe de commentaires... Et le film nous montre deux hommes, l'un issu du peuple franchouillard, et l'autre fils de banquiers Juifs, qui portent en eux des espoirs de liberté.

La grande illusion? Bonne question: le film ne se presse pas pour nous expliquer de quoi il s'agit: le pacifisme de son auteur et du PCF, voué à l'échec, voire à l collaboration? La guerre elle-même, dont l'absurdité est démontrée en voyant des hommes emprisonnés qui n'ont de cesse de s'évader pour se faire reprendre à nouveau? La pérennité de la noblesse, qui se demande si l'on n'est pas arrivé des Rauffenstein et des Boëldieu? Ou la grande illusion ne serait-elle pas celle qu'entretiennent deux hommes qui se ont trouvés dans une situation exceptionnelle, de fraterniser alors que la société les enjoint de se haïr? Céline, qui était de mon avis un sale con doublé d'un écrivaillon médiocre, avait vu en ce film un grand danger: il estimait qu'il répandait une idée criminelle, celle de démontrer que les Français pouvaient tout à fait intégrer les Juifs dans la société du pays. Eh bien il avait raison: on peut intégrer tout le monde. Mieux: on doit.

Si la deuxième guerre mondiale a eu tendance à donner tort à Renoir et son idéalisme de 1937, reste que le message universel (Regardez le film, c'est toute l'Europe qui est invitée à fraterniser) est pour moi toujours aussi valide. plus encore à l'heure où "l'identité nationale", cette saloperie de tous les diables, revient dans tous les discours politiques; ce film est une merveille, et on peut toujours espérer qu'un jour on pourra voir le film sans cette arrière-pensée politique de fraternité universelle, car elle sera une réalité. Restera entre nos mains un film merveilleux, récit haut en couleurs d'une cavale formidable.

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Published by François Massarelli - dans Première guerre mondiale
24 août 2016 3 24 /08 /août /2016 16:51

Adapté d'un roman de Roland Dorgelès, ce film de Raymond Bernard est le premier film parlant Français qui donne une vision probablement juste de la 1e guerre mondiale, vue à hauteur d'homme, et plus particulièrement de soldat. Ce n'est pas un hasard: quand il publie son roman en 1919, Dorgelès est un vétéran de a guerre mondiale... Le film est d'autant plus important que le conflit a, depuis l'exception J'accuse (Qui se vautre souvent dans les excès, mais ne se contente au moins pas de ça), uniquement généré en France des films réactionnaires ou patriotiques. ...Ce qui revient d'ailleurs souvent au même. Ici, on passera de l'idéalisme à l'eau de rose, volontiers mais tendrement moqué, des jeunes volontaires qui "voudraient tant combattre" de 1914, à la vie à la dure des poilus des tranchées.

1914: le jeune étudiant en droit Gilbert Demarchy (PIerre Blanchar), d'après ses nouveaux camarades, arriverait "après la bataille": en effet, les Allemands ayant été repoussés lors de l'offensive de la Marne, nombreux sont les soldats qui pensent que la victoire est pliée, et la guerre finie. Mais ils se trompent rudement, et ils vont apprendre à vivre avec la menace, se réjouir de se réveiller après une nuit incertaine, et voir partir les copains les uns à la suite des autres...

Aux côtés de Blanchar, on reconnaît entre autres Gabriel Gabrio (le soldat Sulphart, ouvrier dans le cvil et grande gueule en toutes circonstances), Charles Vanel (Le Caporal Bréval, un épicier dans le civil qui attend impatiemment une lettre de son épouse qui ne viendra jamais), ou encore Raymond Aimos, Antonin Artaud et Raymond Cordy. La plupart d'entre eux, Vanel et Blanchar en tête, ont participé à la première guerre mondiale et composent des poilus au caractère affirmé, dont les dialogues de Bernard et André Lang sont loin d'être édulcorés. C'est le quotidien du soldat qui s'affiche à l'écran, dans une mise en scène qui se refuse à embellir quoi que ce soit: les scènes tournées en studio sont souvent l'occasion pour le cinéaste de ses situer dans un cadre à la visibilité restreinte, que ce soit à cause du terrain, de la fumée, ou de la nuit. La bande-son, impressionnante pour 1932, recrée le chaos sonore des trachées, et la vie sur le fil du rasoir de ces hommes qui n'ont plus que leur camaraderie pour se raccrocher à la vie. Bernard qui a été l'un des plus importants cinéastes de la fin du muet, sait aussi quand cesser de s'intéresser au dialogue, et il utilise magistralement l'image et le montage, ce qui n'échappera pas à Darryl Zanuck... ce dernier fera acheter le film par la Fox, pas pour le montrer aux Etats-Unis, mais pour s'en servir comme source stock-shots, dont le principal bénéficiaire sera certainement The road to glory, de Hawks (1936). Y sera reprise, de plus, la scène de la mine, lorsque les soldats sont priés de rester en place pendant que les Allemands percent un tunnel sous leurs pieds afin de déposer une mine...

Mais quoi qu'il en soit, ce film majeur rejoint les autres grandes oeuvres tournées sur le conflit depuis 1925, et me semble à mettre dans le même panier que le célèbre All quiet on the Western Front de Lewis MIlestone. On y retrouve le même parcours, la même réalisation par les soldats de leur condition, les mêmes désillusions, et le même souci de ne jamais diaboliser l'ennemi. Après l'infecte propagande d'ultra-droite du Film du poilu, ça fait du bien...

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Published by François Massarelli - dans Raymond Bernard Première guerre mondiale
1 mai 2016 7 01 /05 /mai /2016 16:05
Lilac time (George Fitzmaurice, 1928)

En 1918, sur le front Français, une auberge sert de QG et de dortoir à une escadrille de la RAF. Jeannie, la patronne (Colleen Moore), est comme une vraie mère pour les jeunes pilotes, et souffre de devoir aussi souvent en voir revenir moins nombreux de chaque patrouille. Un jour, le capitaine Blythe, beau comme Gary Cooper, vient s'installer, et bien sur, ils tombent amoureux. Le matin d'un départ de la patrouille, Jeannie a un affreux pressentiment, mais le sens du devoir l'emporte...


Bien construit, ce film a tout du mélodrame classique, et on se doute que le succès de Seventh Heaven, de Borzage, n'a pu qu'influencer la First National à se lancer à son tour dans le mélo sublimé, avec final quasi fantastique. mais George Fitzmaurice n'est pas Frank Borzage. Donc, si on apprécie de voir une première partie essentiellement composée de comédie, un passage qui rend bien l'évolution de ce qui devient vite une histoire d'amour, il manque la conviction, voire l'abandon de ses acteurs, et le film reste attachant certes, mais pas aussi absolu que pouvaient l'être les films Fox de Borzage. Colleen Moore et Gary Cooper, cela dit, sont deux raisons suffisantes de voir et d'apprécier le film. Cooper était un jeune qui montait à l'époque, mais sa (délicieuse) partenaire était l'une des stars du moment...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 Première guerre mondiale
2 mars 2016 3 02 /03 /mars /2016 17:12

Sous ce titre se cache un des derniers films muets Allemands, contemporain, pour rester dans le sujet, de All quiet on the Western Front, de Lewis Milestone, et de Westfront 1918, de Pabst. Les films Allemands consacrés à la première guerre mondiale ne sont pourtant pas légion, en cette période. Non, les Américains et les Français les ont battus à plate couture, et si les productions patriotiques Françaises ne voient généralement pas beaucoup plus loin que le bout de leur cocarde, les Américains ont su dès 1925 (The big parade) intégrer une certaine vision humaniste, éloignée des poncifs patriotiques. raison de plus pour accueillir avec espoir ce film oublié, qui nous vient une fois de plus de Lobster films et sa merveilleuse usine à faire revivre les films d'avant. Heinz Paul a choisi de tourner un film muet (Alors que depuis 1929, la production Allemande commence à se tourner vers le parlant) afin d'incorporer dans son film un certain nombre de documents de guerre, et d'éviter le choc entre les images tournées en 1930, et celles, forcément muettes, de 1916. Son film s'intéresse donc à la bataille de la Somme, durant laquelle les aliés (Français et Britanniques essayèrent de percer le front Ouest par la vallée de la Somme. La bataille dura de juillet 1916 à novembre 1916, et se solda essentiellement par une avancée de quelques kilomètres. Autant dire rien... 700 soldats Anglais et Français y sont morts, contre 500 Allemands. Le point de vue du film est, bien sur, Allemand, pour deux raisons finalement: d'une part, le public visé est Allemand (Tout comme le premier public de Verdun visions d'histoire, de Poirier, est Français), d'autre part ils sont ici en défense, ce qui rend le film plus intéressant. Le choix a été de privilégier une vision à distance de la guerre, en montrant parfois par des scènes jouées l'usure des conflits sur un soldat et ses amis, ainsi que sur sa mère qui attend à l'arrière: elle a déjà perdu ses deux grands fils, elle souhaite conserver le troisième... Une grand part du film est faite d'images d'archives, qui sont souvent mises en perspective dans une mise en scène qui les incorpore parfois de manière très adroite.

Néanmoins, le film peine à intéresser durant 102 minutes, de par la sécheresse de l'ensemble, surtout consacré à une leçon d'histoire un peu sèche. Le point de vue, qui contient bien sur des images des alliés ("L'ennemi") sans jamais les diaboliser, est assez noble, mais on aurait aimé quelque chose qui relève un peu l'intérêt. La réussite de Pabst dans Westfront 1918 est d'avoir su conter l'horreur de la guerre par la chronique de la camaraderie ordinaire. En montrant l'histoire par des chemins plus classiques, voire conservateurs, Poirier a réussi à incorporer dans son film Verdun visions d'histoire des personnages, certes nombreux mais crédibles, qui cimentent au moins l'intérêt du spectateur. Et All quiet on the Western Front bénéficie des performances géniales de Wolheim, Summerville et Ayres. Ici, on aimerait être un peu plus captivés, pour tout dire...

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Published by François Massarelli - dans Muet Première guerre mondiale Cinéma Allemand 1930