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Dans le Sud profond, un brocanteur un rien excentrique, Hank Martin (James Cagney), se marie avec une institutrice venue de Pennsylvanie: c'est un coup de foudre... Sauf que la jeune femme va très vite se rendre compte du comportement parfois imprévisible de son mari, qui s'emporte contre les gros propriétaires locaux, qu'il accuse de vouloir escroquer les petits fermiers. Il se lance en politique pour faire face à une menace (bien réelle, et bien motivée aussi) de procès en diffamation. De plus en plus, la population suit Hank, qui va se lancer dans la course au poste de gouverneur. Mais est-il vraiment insensible à la corruption?
C'est un film passionnant, tant par ses qualités indéniables que par ses défauts. Cagney joue un personnage comme il en a existé des dizaines, souvent interprétés par Lionel Barrymore (You can't take it with you, de Capra): des hommes qui sont une incarnation excentrique mais parfaitement valide du bon sens populaire... Walsh, en conteur, s'amuse beaucoup de faire glisser son film dpuis le début, de la comédie pittoresque à la fable politique, tout en nous montrant la façon dont un politicien peut faire évoluer son discours et son action publique d'un bon sens, justement, de bon aloi, vers un populisme de plus en plus douteux, et aller jusqu'au fanatisme. Le film, de fait, est parfois étonnant (le procès d'un homme en train de mourir au tribunal), et souvent très amer.
Nous n'allons pas jouer au jeu stérile des analogies, mais ce film arrive à point nommé pournous rappeler à la prudence, et pour montrer qu'on a besoin d'un gouvernement, de régulation, sinon comme dans le film, les petites gens seront à la merci de ceux qui vont les écraser... Et c'est bien de gangsters qu'il s'agit. Cagney, on n'y échappe pas, en fait vraiment des tonnes, mais il adopte une truculence Sudiste, ou du moins ce qu'il en traduit... Le film possède une énergie prenante, et quelques audaces aussi: comment s'attendre à ce que cette aventure extra-conjugale (avec la petite Anne Francis, tant qu'à faire) passe comme une lettre à la poste, au point que l'épouse légitime n'en saura finalement rien: comme un clin d'oeil au public, en quelque sorte. C'est paradoxal, puisque c'est un péché que Hank Martin n'expiera pas; mais aussi, Verity, la très comme il faut épouse quaker de Hank, est aussi notre "laisser-passer" dans le film, à nous tous qui ne sommes pas sudistes...
A propos de Sud, c'est une fois de plus une version idéalisée de la région qui nous est montrée, mais si on s'étranglera un peu d'entendre la foule reprendre massivement l'air du John Brown's body, qui fut l'un des hymnes du Nord durant la guerre civile, Cagney envoie quand même un message subliminal, quand il prend à témoin un majordome Afro-Américain, en demandant à son interlocuteur si le domestique est "suffisamment un être humain", sous-entendant que pour celui qui parle, soit Hank Martin lui-même, n'en croie pas un mot. Tiens donc... Et c'était deux ans avant le boycott des bus qui allait créer l'étincelle du combat pour les droits civiques.
Reste un aligator tellement faux, que je pense que ce vieux briscard de Walsh, qui nous montrait Gary Cooper aux prises avec ces bestioles dans les Everglades (Distant Drums) et plaçait Douglas Fairbanks face à un dragon (The Thief of Bagdad) nous avait habitué à moins cochonner sa ménagerie!