Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
19 janvier 2025 7 19 /01 /janvier /2025 17:23

Les mers du globe sont en émoi: on a repéré les agissements d'un monstre! des bateaux ont disparu, attaqués par l'intrigante, insaisissable et mystérieuse créature... Le professeur Aronnax, un éminent scientifique Français, se voitconfier une mission par le gouvernement Américain, pour enquêter sur la bestiole. Son bateau est attaqué, il se retrouve, avec son assistant Conseil, et un harponneur, Ned Land, prisonnier sur un sous-marin fantastique, mené par un homme profondément misanthrope, le Capitaine Nemo.

En faisant appel à Richard Fleischer pour la réalisation de ce film, les studios Disney déclenchent une mutation profonde du studio. Avant, les productions en "live-action" étaient rarement plus que des séries B, ou des compléments de programme: certains d'entre eux, dont le célèbre et très embarrassant Song of the South (que vous ne verrez officiellement jamais plus) étaient un peu plus prestigieux, mais servaient aussi et surtout de véhicules à des parties animées... Mais faire appel à Richard Fleischer, qui s'était déjà fait un nom dans la profession avec ses films noirs pour la RKO, les gens de Disney savaient qu'ils seraient face à une grosse production exigeante, et le casting lui-même (Kirk Douglas, James Mason, Paul Lukas, Peter Lorre) montre qu'ils y étaient prêts.

Certes, il y a de l'animation, mais elle est utilisée comme un effet spécial (les poissons à l'extérieur du Nautilus). Bien sûr, on demande à Kirk Douglas de chanter une chanson pour rappeler qu'on est chez Disney, quand même. Mais alors que le studio d'animation exauçait un rêve du grand patron avec la confection de Peter Pan, ce long métrage de plus de deux heures, confié à un artian d'excellente réputation, est un vrai film. Ce que ne seraient jamais, par exemple, les longs métrages (La Coccinelle à... )avec la fameuse Volkswagen, ou des machins comme Peter et Elliott le Dragon! Et comme le film avait été difficile à monter (les studios se faisaient une rude concurrence avec les droits, pour une fois, la légendaire pingrerie des studios Walt Disney a été prise en défaut!

Fleischer s'installe avec une certaine assurance dans son fauteuil de metteur en scène Disney, et se fait manifestement plaisir avec ce merveilleux livre d'images. Les passages obligés du livre de Verne y sont bien présents, même si on va très vite dans le vif du sujet, et donc vers les abysses. Mais Fleischer apporte une véritable substance, un univers bien plus sombre au film, un ton auquel les productions familiales, rassurantes et sitôt vues sitôt oubliées, n'avaient pas habitué le public. Car le Nemo de Fleischer, c'est James Mason, et il est admirable... La façon dont il n'a besoin que de sa voix pour indiquer son dégoût social des roturiers (à commencer par Kirk Douglas), le flegme légendaire de l'acteur avec lequel il donne à voir un capitaine Nemo, au caractère  profondément riche et effrayant: il est formidable dans ce rôle (et deviendra aussi un professeur Lindenbrook très convaincant dans le Voyage au centre de la terre de Henry Levin)... Le simplisme occasionnel (du principalement au personnage de Ned Land interprété par Kirk Douglas) est clairement une façon de rappeler que la cible reste les enfants dans le public. Mais au moins le plat qui leur est proposé est d'une classe folle... avec de vrais bouts de calmar géant dedans.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Richard Fleischer Jules Verne Science-fiction
27 novembre 2022 7 27 /11 /novembre /2022 16:33

1840, dans le Sud profond, les Maxwell, père (James Mason) et fils (Perry King) ont une plantation certes d'aspect miteux, mais ils ont une réputation; ils ont aussi beaucoup d'esclaves à revendre... Littéralement: le vieux Maxwell se sent une âme d'éleveur, et a une philosophie qui lui permet d'avoir réponse à tout concernant les relations entre maître et esclaves: pour chaque faute commise, une punition sera vite trouvée; pour éviter que les esclaves soient trop savants, il faut à tout prix les empêcher d'avoir de la religion; les jeunes esclaves se doivent d'être déflorées par leur maître, et... il est important de garder une esclave pour les besoins sexuels, parce que les blanches n'aiment pas ça! 

Et justement, il est temps pour Hammond Maxwell, son fils, de se marier, et son père a décidé que ce sera avec Blanche (Susan George), sa cousine... Mais Hammond (qui n'a jamais eu de rapports avec une blanche) découvre qu'elle n'est pas vierge. La zizanie s'installe dans le couple, poussant Hammond à se consoler avec la jeune Ellen, une esclave, et Blanche à boire plus que de raison, et à chercher un moyen d'atteindre son mari qui la néglige...

Père et fils ont une ambition, celle d'élever un "mandingue", soit un esclave-étalon: durant son voyage pour aller chercher sa fiancée, Hammond est tombé sur la perle rare, Ganymede (Ken Norton): non seulement sa carrure le rend particulièrement attractif, mais en prime il est doté de qualités qui en font certainement, aux yeux de tous ces obsédés de la "race", un excellent géniteur.

Bon, je pense qu'on peut arrêter de tourner autour du pot: aujourd'hui, en argot Américain, mandingo est l'un des 457 surnoms donnés au pénis, et je ne serais pas étonné que ce film puisse être à l'origine de ce fait linguistique! Pourtant le film évite d'être trop explicite sur le sujet, et le personnage de Ganymede, surnommé Mede, va surtout être exploité pour sa force physique globale... Par Hammond qui le fait combattre; par le vieux Maxwell qui lui impose de s'accoupler avec une autre esclave physiquement avantageuse; et enfin par Blanche pour sa vengeance...

Le film se repose un peu sur Gone with the wind, dont on se sert ici comme d'un repoussoir. A la plantation de grand standing des O'Hara, se substitue donc une demeure sale et négligée, aux pelouses qui ont pris leur indépendance. Aucune noblesse chez les Maxwell, qui ont depuis longtemps fini par s'accommoder de leur vie de maîtres d'esclaves en ne faisant absolument plus rien; le vieux se perd donc en considérations variées, tenant des conversations hallucinantes sur le pouvoir animal des esclaves pour absorber les rhumatismes (d'où une impressionnante partie du film dans laquelle Mason s'assied, les pieds sur un garçonnet...), et ne manquant pas une occasion de rappeler que pour eux les esclaves sont des animaux, rien de plus... Quand une adolescente est malade, on appelle même le vétérinaire. C'est principalement dans les 20 premières minutes que toutes ces notations dérangeantes sont placées.

Néanmoins, il n'échappera à personne qu'à côté des tant convoités Mandingos, les Maxwell sont un bien piètre échantillon humain! Le père est gâteux et perclus de rhumatismes, le fils est boiteux, et la belle-fille est alcoolique et s'est formée à sa sexualité avec son frère... Du coup, la possession d'un super-esclave devient plus qu'un enjeu de société (car c'en est un, au vu de la façon dont les prix s'envolent quand un "Mandingue" est mis aux enchères), mais un reflet de leur force et de leur humanité perdues... un reflet aussi de leur frustration. Un reflet enfin d'une civilisation destinée à disparaître dans le chaos, car il n'échappera à personne que dans ce film, les esclaves sont tous nommés de noms historiques européens, grecs et romains, de Cicéron à Lucrèce Borgia, en passant par Agamemnon, ou encore Ellen (Hélène)... Oui, cette société est condamnée à... être emportée par le vent, bien entendu.

C'est aussi la dimension Shakespearienne du film qui se manifeste d'ailleurs, à travers cette famille dont le père souhaite maintenir une lignée, contre l'avis de son fils qui souhaiterait tant se contenter de ses esclaves. Il est d'ailleurs atypique, car il développe des sentiments pour elles, et est perturbé quand il doit punir l'esclave Agamemnon. Et le scandale viendra de Blanche, la si opportunément nommée, qui se comportera de telle façon que personne ne discutera quand il sera question de la tuer en douce. Tout ça, se finir dans le chaos, dans le sang: fin de règne, filiation contestée, épousée qui devient le ver dans le fruit... du Shakespeare, je vous dis!

Mais du Shakespeare scandaleux. La réputation désastreuse de ce film est peut-être forgée à partir de ses nombreuses provocations (nudité à gogo, scènes sensuelles, discussions franches sur la sexualité, discours racial immonde des personnages) mais aussi sur une certaine tendance à l'exploitation pure et simple (Fleischer qui venait du Hollywood des années 50 s'est bien accommodé du ton libre des années 70, au point que le film subira de nombreuses coupes dans de nombreux pays, et même en Scandinavie! )... Un autre aspect est son interprétation souvent excessive, qui devient assez vite agaçante! Pourtant, il aborde la question de l'esclavage en refusant le pittoresque auquel tant de films nous ont habitués. Il y situe bien le troublant double standard de l'interdit (un noir avec une blanche) et de la tradition (un blanc avec une noire) comme le montre bien l'affiche ici présente... Il est sans doute le premier film à montrer avec autant de précision l'exploitation systématique de l'homme par l'homme, l'obsession de l'animalisation des êtres humains par le système économique de l'esclavage... 

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Richard Fleischer Mettons-nous tous tout nus
27 décembre 2021 1 27 /12 /décembre /2021 16:34

Un scientifique a passé le rideau de fer, pour permettre aux Américains de posséder un moyen d'améliorer une technologique phénoménale: ils peuvent maintenant miniaturiser hommes, animaux, objets... mais seulement pour une heure. Ce que leur apporte leur nouvel ami, c'est la possibilité de le faire plus longtemps. A son arrivée, il est mis hors d'état de parler, et il est entre la vie et la mort: il va falloir qu'une équipe se charge de détruire le caillot qui lui paralyse le cerveau. Excellent prétexte pour miniaturiser une équipe de choc... dans laquelle il y aura non seulement un spécialiste des flux sanguins (Donald Pleasance), un chirurgien spécialiste du cerveau (Arthur Kennedy), un barbouze (Stephen Boyd) et une assistante de choc (Raquel Welch), mais aussi un traitre!

Voilà, le décor est planté, on a une mission improbable, et son Mac Guffin: car une fois qu'on sait qu'il y a une mission au bout du chemin, nous ce qu'on veut, c'est le "voyage fantastique" promis dans le titre! une équipe d'humains, dans un quasi vaisseau spatial (avec un laser), qui se promène dans le corps humain figuré à coups d'effets spéciaux tous plus remarquables les uns que les autres, c'est suffisant pour qu'on veuille un ticket, finalement, et le film a le charme des premières fois pour lui...

Fleischer ne se contente pourtant jamais du gimmick, et a mis le paquet dès le départ: un pré-générique qui est une mini-anthologie du film d'espionnage à lui tout seul, un générique modèle, et dès que possible, Stephen Boyd en novice confronté au monde étonnant de la science: l'espion réticent ne se ravisera qu'au bout de cinq minutes, une fois qu'il aura vu l'assistante du Dr Duval...

Pour le reste, ce film ne se raconte pas, ne peut même pas s'imaginer: c'est un grand film, ne serait-ce que parce qu'il nous propose, comme les meilleurs films d'Hitchcock ou de Spielberg, des images hallucinantes qui se suffisent à elles-mêmes et qui nous offrent à voir ce qu'on n'a jamais osé espérer voir... en 1966, du moins. Certes, je n'étais pas né... Pas une raison pour bouder ce merveilleux et psychédélique voyage.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Science-fiction Richard Fleischer
19 février 2018 1 19 /02 /février /2018 09:40

En 1968, la censure "interne" du code Hays n'a plus lieu d'être, et ça se sent dans cet étrange film, qui tente beaucoup de choses dans l'air du temps (une utilisation savante et compliquée, mais souvent aussi très novatrice, du split-screen, une certaine franchise dans l'évocation de la sexualité et du crime...), mais se résume au final à une étude assez volontairement froide de l'enquête menée par la police de Boston entre 1962 et 1964 pour trouver le meurtrier de 13 femmes. Une étude factuelle, clinique, méthodique, et souvent court-circuitée par un point de vue doublement paradoxal: celui, ou plutôt ceux, du tueur.

Car la thèse qui prévaut est que Albert DeSalvo, "l'étrangleur de Boston" est atteint de troubles dissociatifs de la personnalité d'une rare ampleur...

Le film commence par une partie d'une heure, durant laquelle on oscille entre les meurtres mis en scène de façon mystérieuse, avec utilisation de "split-screen" qui fragmentent les points de vue, et nous donnent parfois à voir AVANT les protagonistes ce que eux vont découvrir. On assiste à l'arrivée sur l'enquête de John Bottomly (Henry Fonda), qui est prié par les autorités locales de créer ce qu'on va appeler le "Strangler's bureau", une unité entièrement dédiée à l'enquête autour des crimes. Inévitablement, la presse et la télévision sont également de la partie, et participent à la structure en comptabilisant les crimes...

Tout ce chapitre du film, d'une durée approximative d'une heure, est consacré à ce piétinement organisé, et on y limite les interventions du tueur à des plans et des séquences riches en suspense dans lesquels l'identité du tueur nous est cachée. Les signes habituels (la silhouette, des plans subjectifs, mais aussi une paire de chaussures caractéristique) nous sont montrés, maintenant l'intérêt. C'est dans cette partie que Fleischer multiplie le recours à la division de l'écran... Ce qui a un effet intrigant, et paradoxalement renforce la froideur clinique de l'ensemble par la description multi-angles des circonstances de chaque meurtre! Durant cette partie, nous voyons aussi à quel point il semblait séduisant pour certains de se proclamer le tueur...

Et la deuxième partie, bien sûr, commence par une rupture narrative et structurelle: on s'intéresse aux journées de Henry DeSalvo (Tony Curtis): sa réaction de désespoir devant l'enterrement de Kennedy, sa famille (une épouse d'origine Scandinave, deux enfants), et son métier: il travaille à l'entretien de poêles. Ce qui lui donne accès, parfois, à des appartements... et lui fait voir des femmes. Mais il ne sait pas qu'il est le tueur, et c'est l'un des grands défis relevés par le film: en le suivant, nous le comprenons. C'est confirmé par un dialogue entre Fonda et un psychiatre, mais Flesicher et Curtis le font passer dans une séquence magistrale (Et très dure) durant laquelle DeSalvo tente de tuer Sally Kellerman, et tombe nez à nez avec lui-même, ou du moins son reflet dans un miroir...

La fin du film est surtout marquée par une confrontation entre DeSalvo, qui découvre au fur et à mesure de l'enquête et des questions qui lui sont posées qui il est vraiment, et Bottomly, qui se rend compte quant à lui, qu'il en finit, devant une enquête aussi intense, par y prendre une certaine forme de plaisir... La confrontation à huis-clos entre Fonda et Curtis, dont les défenses tombent l'une après l'autre, se déroule dans une hôpital psychiatrique, dans une pièce blanche et sans meubles. Le film s'est petit à petit vidé de tout ce qui l'encombrait, et se termine sur un inévitable rappel de la conclusion des faits: reconnu coupable a priori, mais reconnu aussi comme impossible à juger, DeSalvo a poursuivi son existence sous surveillance médicale. On n'a jamais pu prouver à 100% qu'il était bien l'auteur des 13 crimes. Il est décédé à l'âge de 42 ans, en 1973.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Noir Richard Fleischer
22 juin 2011 3 22 /06 /juin /2011 07:52

http://moviereviews.allmyblog.com/images/moviereviews/1_20110412_014241.jpgFleischer, qui se tournera quelques années plus tard avec The Boston strangler et Number Ten, Rillington Place vers des affaires sordides contées dans leur plus rigoureux réalisme, oscille ici entre une tranquille narration, légèrement orientée par un prologue nous indiquant qu'il va y'avoir un meurtre, et des moments baroques parfois un peu étranges. Il s'inspire d'une anecdote réelle, un fait divers de 1906, d'ailleurs lié au développement du cinéma, et son héroïne, Evelyn Nesbit, est la conseillère du film, qui ne peut que difficilement prétendre à l'objectivité...

 

Evelyn Nesbit était une chorus girl, qui a rencontré l'architecte Stanford White; les deux se sont courtisés, bien que White soit marié, et selon les journaux de l'époque, l'homme d'âge moyen aurait drogué et violé la jeune femme, avant de "se débarrasser d'elle" en la aplaçant dans un pensionnat, à ses frais. Elle a ensuite épousé un homme riche et impulsif, Harry Thaw, qui a décidé un soir d'abattre White en public, afin de laver sa brutalité passée. Il a été acquitté suite au témoignage de son épouse, qui a permis aux juges de conclure à sa folie...

 

Le film change un certain nombre de choses, mais garde les grandes lignes en en faisant justement les termes du procès, et le supposé viol reste la raison qui pousse Thaw (Farley Granger) à tuer White (Ray Milland). mais ce que nous voyons est bien différent, et c'est là qu'intervient le baroque, justement: le supposé viol ressemble plus à la suite logique d'une soirée très romantique, partagée par white et Evelyn dans un studio que l'architecte a décoré, et dans lequel une superbe balançoire tourne décidément toutes les têtes; Evelyn est manifestement consentante ici... le fait que la dame ait été la consultante du film jette un doute, bien sur. le fait que le film ait été produit dans les prudes années 50 aussi. Quoi qu'il en soit, avec les réserves d'usage (Joan Collins est tarte, et la reconstitution bien sage, malgré des couleurs souvent rutilantes et poussées), c'est un film à porter au crédit du versatile talent d'un metteur en scène étonnant.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Noir Richard Fleischer