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23 avril 2023 7 23 /04 /avril /2023 17:06

Beaucoup des films du jeune Spielberg s'intéressent d'une façon ou d'une autre à l'âme Américaine, que ce soit en créant du suspense à partir du mythe de la route (Duel), ou de l'univers des stations balnéaires (Jaws), en racontant un folk tale qui dépoussiérerait presque les légendes de l'Ouest Américain tout en révélant de façon poussée le dangereux culte des armes au Texas (The Sugarland Express), ou en s'intéressant à la famille sous l'angle inattendu... de la science fiction (Close encounters of the third kind, E.T.). Spielberg a aussi, dans cette première décennie, exploré le passé glorieux du cinéma d'aventures en participant comme chacun sait à la création en compagnie de George Lucas d'un personnage doté désormais d'un univers solide, et si éminemment Américain (Raiders of the lost ark)... Donc 1941 ne ressemble pas tant à un accident de parcours qu'on a bien voulu le dire depuis sa sortie qui avait comme on s'en rappelle débouché sur un flop, et engendré un désamour persistant de la critique voire d'une partie du public, désamour facile à motiver: le film est raté.

En décembre 1941, la Californie vit dans une certaine psychose bien compréhensible: Pearl Harbor attaqué par les Japonais, tout porte à croire que l'état richissime est le suivant sur la liste. On s'y prépare donc. La défense civile anti-aérienne, l'aviation, la marine, toute l'armée est sur le pied de guerre, et les civils s'attendent au pire. Le risque de sombrer dans la folie paranoïaque sera-t-il franchi? ...Oui. D'autant qu'un sous-marin Japonais croise justement au large de Santa Monica, et que bien des militaires, rendus fous par l'attaque inattendue et spectaculaire du 7 décembre, sont au-delà de leurs esprits dans des proportions inédites...

L'alliance entre Spielberg et le duo Zemeckis-Gale était inévitable: Spielberg, jeune producteur, appréciait leur esprit, tel qu'il s'était déchaîné en particulier dans le film I wanna hold your hand, qui contait le chaos qui régnait dans les coulisses d'une visite des Beatles aux Etats-Unis. En gros, 1941, c'est le même film, mais cette fois dans les coulisses de l'après Pearl Harbor. Sans doute Spielberg qui savait quel était son enviable statut en tant que principal des jeunes loups qui s'étaient établis dans les années 70 (aux côtés de Scorsese, Lucas, Cimino, ou le plus âgé Coppola), et souhaitait devenir un chef de clan, en produisant et mettant le pied à l'étrier des plus jeunes. Peut-être avait-il jugé que Zemeckis était trop peu aguerri pour mettre lui-même le film en scène, ou peut-être la stature de Spielberg permettait-elle d'accumuler les grands noms: après tout, on peut voir ici, rien moins que Robert Stack, Slim Pickens, Christopher Lee, ou Toshiro Mifune. Les jeunes vedettes qui montaient à l'époque, Dan Aykroyd ou John Belushi, y côtoient des acteurs qui s'étaient illustrés dans le film de Zemeckis: Bobby Di Cicco, Nancy Allen ou l'insupportable Wendy Jo Sperber, dont l'énergie en apparence inépuisable finit par devenir lassante... après deux secondes. Parce que le problème du film, c'est que l'excès pour l'excès, ça ne marche pas. Aucun dosage, aucun répit, tout part en vrille dès le départ. Parfois, c'est drôle: Belushi en aviateur fou arriverait à nous faire rire plus facilement, si par exemple tout ce qui l'entoure n'était pas plongé dans le chaos. Robert Stack, en général ému par Dumbo aux larmes, est splendide, et le duo incarné par Mifune et Lee, en général Japonais et en saleté de Nazi SS respectivement, est mémorable, mais le film peut parfois nous arracher un sourire grâce à ses allusions au cinéma: de Spieberg d'abord (une scène de Duel est rejouée par la même actrice, avec un avion en lieu et place de camion), de Ford ensuite (une bagarre se déroule au son de la même musique folklorique Irlandaise que l'homérique rencontre entre John Wayne et Victor McLaglen dans The Quiet Man).

Peut-être que Kubrick, qui avait expérimenté (Dr Strangelove) le même type d'exploration du chaos avec tellement plus de réussite que Spielberg, estimait que ce genre de film ne devait surtout pas être vendu comme une comédie, afin que le décalage fonctionne. Il avait sans doute raison, ais il faut ajouter que dans ce film dont les cinq premières minutes sont le sommet du film (En particulier si on a vu l'ouverture de Jaws), on surtout la preuve éclatante que Spielberg est certes un génie, mais qu'il ne sait pas tout faire, loin de là. L'intention de montrer l'Amérique profonde, et la Californie en particulier, en proie au chaos était bonne, mais ces deux heures (Et 25 minutes dans la version intégrale) sont souvent dures à passer.

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg comédie Robert Zemeckis
20 juillet 2021 2 20 /07 /juillet /2021 07:28

Un jeune garçon perd ses parents, et trouve refuge auprès de sa grand-mère... Qui va lui apprendre à se méfier des sorcières car elles sont partout! Justement, le garçon a fait une mauvaise rencontre dans le quartier, et la grand-mère prend la décision de partir se réfugier dans un hôtel, plus au Sud: manque de chance, on y attend un congrès d'une association caritative bidon, qui est en fait un rassemblement de sorcières décidées à se débarrasser de leur ennemi juré: les enfants... en les transformant en souris!

Le scénario a donc fait se déplacer l'intrigue de la Grande-Bretagne ers les Etats-Unis, plutôt vers le Sud, et les héros sont Afro-américains... Mais si l'espace d'un instant, on croit qu'il va y avoir une métaphore, on se trompe. Je pense d'ailleurs qu'il serait assez malaisé de s'amuser à vouloir tripatouiller Roald Dahl dans un sens qui confinerait à l'anti-racisme ou à un traitement parabolique de l'histoire de la ségrégation, vu son indécrottable antisémitisme assumé jusqu'à la nausée... Pas dans ses écrits apparemment. Zemeckis a néanmoins joué sur la couleur locale, avec notamment un superbe accent sudiste magnifiquement reproduit par la grande (hum) Ellen Chenoweth, qui interprète l'une des "souris". Le,  film, d'ailleurs coécrit et coproduit par Guillermo Del Toro, est surtout une histoire pour enfants, assumée comme telle, avec de purs moments de plaisir. C'était, en tout cas, l'intention!

C'est du Zemeckis, ce qui veut dire que nous avons, aux commandes, un sorcier de l'image qui a pour profession de foi qu'on peut tout faire, et parfois avec lui, le principal problème est qu'il s'emploie généralement à le démontrer. Mais ses plus grands films, même Forrest Gump, réussissent à transcender cet aspect. Ses pires s'y vautrent et s'y engluent. The witches, d'ailleurs également coproduit par Alfonso Cuaron, est au milieu, souvent drôle, et très retenu dans ses 39 premières minutes qui sont une exposition exemplaire au premier degré (si ce n'est une brillante introduction à la Dahl où la narration, par Chris Rock, est véhiculée par une voix off souvent très drôle), mais quand les effets spéciaux sont de la partie, on peut faire confiance à Zemeckis pour d'une part en faire trop, et d'autre part bâcler un peu, en usant et abusant de la motion capture. 

Reste une histoire simple comme bonjour, et quatre prestations impeccables: Stanley Tucci en gérant d'hôtel obséquieux à l'extrême; Octavia Spencer en grand-mère pleine de ressource; Ellen Chenoweth, déjà citée; et bien sûr Anne Hathaway qui s'est fixé comme mission d'aller au bout d'une interprétation qui tire la couverture à elle, fidèle à la loi Hitchcockienne: un méchant réussi, ça peut vous sauver un film. Mais ici, on reste quand même, bien fermement, au milieu...

 

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Published by François Massarelli - dans Robert Zemeckis Alfonso Cuaron Guillermo del Toro
28 octobre 2020 3 28 /10 /octobre /2020 16:58

Robert Zemeckis, sur un module d'auto-célébration présent sur le DVD du film, nous prévient: ce Beowulf n'a rien à voir avec le pensum que les étudiants ont lu à l'école, c'est une histoire où l'on mange, boit, ripaille, se bat et fornique. ...Ce qui est un assez bon résumé. En voici pourtant un autre:

Le bon peuple du Roi Rothgart (Anthony Hopkins) fait donc ripaille alors que surgit Grendel, un démon local (Crispin Glover): celui-ci massacre pas mal de gens, et ça laisse le roi pensif: et pour cause, l'infâme démon est en réalité son propre fils, le seul d'ailleurs, qu'il a eu avec une sorcière aquatique (Angelina Jolie). Réalisant qu'il lui sera difficile de batailler contre sa propre famille, le Roi décide avant de retourner à sa ripaille, de faire appel à un héros. 

Justement, le drakkar de Beowulf (Ray Winstone) passe par là: c'est un héros, puisqu'il est musclé, pas du tout peureux, qu'il crie haut et fort avec une grosse voix rocailleuse, qu'il adore se battre à main nues (et pas que les mains) et qu'il a de grosses, très grosses coucougnettes... Il va donc s'atteler à la tâche, mais va vite tomber dans le piège de l'insatiable sorcière...

Le film est une expérience, la deuxième de trois réalisées par Zemeckis en performance capture, donc l'animation est basée sur le jeu des acteurs est souvent sur leur physique. Mais voilà: comme avec George Lucas qui s'était enfin débarrassé des acteurs, et faisait faire absolument n'importe quoi à ses personnages, notamment Yoda, comme les sales gosses responsables de l'infect Shrek, Zemeckis s'oublie et non content de faire un film grossier, sexiste, et au mauvais goût permanent, en prime il est laid comme tout. Les hommes sont des brutes avinées, les femmes juste bonnes à se faire culbuter sur un coin de table, préférablement recouvertes d'hydromel, ou éventuellement pour perpétuer la race... Ca et là, on retrouve à la fois le talent de Zemeckis pour questionner l'histoire (ou ici la légende) en en grossissant les coulisses, mais on retrouve aussi son don pour l'excès , qui était en sommeil depuis Death becomes her...

Bref: ce film est pour vous, à moins que vous n'ayez des problèmes avec l'animation 3D approximative, les scènes de bagarre et d'action à l'excès, les héros qui vont chercher le coeur des dragons à mains nues en gros plan, une certaine vision profondément machiste, les sorcières nues qui sortent de l'eau avec des talons hauts, la crudité et la vulgarité érigées en comportement héroïque anti-establishment avec force rots et pets, une obsession de plus en plus marquée du cinéma pour singer les pires travers des jeux vidéo... Oui, bon, ce film raté n'est pas pour vous.

 

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Published by François Massarelli - dans Robert Zemeckis Animation Grosses coucougnettes Navets
29 août 2020 6 29 /08 /août /2020 08:46

Mark Hogancamp vit une vie héroïque par procuration: son double Hogie est une poupée, un officier Américain qui lutte en Belgique contre l'occupation nazie durant la seconde guerre mondiale dans la ville de Marwen, totalement inventée. Il est fort et remporte des victoires décisives contre les affreux nazis grâce à ses assistantes, un groupe de poupées, toutes inspirées des femmes qu'Hogancamp rencontre dans sa vie de tous les jours... En réalité, il est artiste: photographe, il utilise des poupées pour créer de toutes pièces un univers dans lequel il se projette. Comme lui, Hogie aime à chausser des talons... Auparavant il dessinait, mais un drame l'a privé de son talent initial. Ivre, il a été passé à tabac par un groupe de cinq hommes, qui ont vu en lui un homme contre-nature... Depuis il a perdu tous ses souvenirs d'avant l'accident et cherche à se reconstruire. Mais la progression de l'affaire en justice ravive la douleur...

C'est un flop monumental, qui est aussi un film typique de Zemeckis: un mélange virtuose de prises de vues réelles et d'effets spéciaux (motion-capture essentiellement) pour nous faire vivre les aventures délirantes et délicieusement surannées de Hogie et de ses drôles de dames. Zemeckis choisit de nous plonger dès le départ dans l'univers de Mark, un homme rongé par le mal qu'on lui a fait, et qui ne survit que grâce à cet univers parallèle qu'il s'est créé. Le flop s'explique sans doute parce que les gens attendaient un produit plus formaté, mais le réalisateur ne s'est pas privé de pousser le bouchon, aidé il est vrai par le saugrenu de ces aventures vécues par des poupées de plastique, dans un monde où les nazis sont hautement inflammables, mais ont une furieuse tendance à revenir d'entre les morts...

Le personnage principal, joué avec une extrême précision et une grande sensibilité par Steve Carell, est touchant, et le film sous couvert de nous faire découvrir l'univers spécial de Marwen (un nom qui renvoie au passé de Mark et qui est expliqué durant le film) est essentiellement la chronique d'une névrose, dans laquelle Mark Hogancamp joue littéralement sa survie et son éventuel retour dans la vraie vie, sous les yeux patients et prudents de quelques femmes, notamment Nicol, la belle voisine (Leslie Mann) qui est intriguée par le bonhomme.

Une fois de plus (Death becomes her, Cast away, Flight, Allied, What lies beneath...) Zemeckis laisse la noirceur envahir son film, et sous couvert de magie cinématographique et sous un vernis d'humour un peu brut de décoffrage, nous conte le quitte ou double d'un être humain. C'est courant dans ces films, on n'a rien sans rien, et beaucoup à perdre... Mais la façon qu'il a de traduire en pure création cinématographique les vicissitudes de l'existence en fait un auteur authentique, riche et passionnant. Y compris avec ce film à la mauvaise réputation... Il y développe une fascinante approche décalée du mal-vivre, à travers le regard d'un personnage, un thème hautement cinématographique, chez Zemeckis comme chez Spielberg et Hitchcock ET on y explose les nazis, ce qui est particulièrement bienvenu par les odieux temps qui courent.

 

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Published by François Massarelli - dans Robert Zemeckis
27 août 2020 4 27 /08 /août /2020 21:02

Le sorcier des effets spéciaux, le réalisateur de Who framed Roger Rabbit?, Back to the future et Forrest Gump, n'a jamais été prévisible, passant d'un projet à l'autre avec maestria... Il ressemble beaucoup en cela à son ancien mentor Spielberg, mais n'a jamais eu vraiment, à part peut-être pour Gump, la reconnaissance qu'il mériterait... ce film un peu passé inaperçu est une de ses oeuvres majeures, paradoxalement.

Oui, paradoxalement parce que c'est quand même un film qui part sur des bases mineures, avec des stars (si je ne m'abuse, c'est la première fois qu'on trouve Brad Pitt en compagnie de Marion Cotillard) et une rocambolesque histoire d'amour entre espions de la seconde guerre mondiale, qui commence d'ailleurs, je vous le donne en mille... à Casablanca.

Le Canadien Max Vatan a une mission: rejoindre une super espionne de la Résistance Française à Casablanca où elle est chargée d'éliminer un ambassadeur Allemand. Il n'a jamais rencontré Marianne Beauséjour, mais ils doivent incarner un couple marié. Le premier contact est positif et ils ne tarderont pas à tomber dans les bras l'un de l'autre... Subjugué par Marianne, Max décide de la demander en mariage une fois leur mission accomplie. Une fois à Londres, maris et parents, les deux espions entament une nouvelle vie, plus domestique: pendant que monsieur occupe un bureau de l'espionnage, madame est une parfaite ménagère... Mais les supérieurs de Max l'avertissent: elle serait une espionne Allemande; amoureux fou, Max doit mener son enquête...

On pense à Notorious, mais avec une sorte d'inversion: c'est sa propre vie que Max voit, potentiellement, envahie... Mais je pense que ce n'est pas un hasard si Zemeckis a imposé à Pitt un jeu constamment amer, intériorisé: il adopte le même fatalisme que Cary Grant, contrebalancé par le même amour fou. C'est que l'empreinte d'Hitchcock, déjà très forte dans le film What lies beneath, est ici très présente. 

D'une part parce qu'il nous présente deux experts qui aspirent à un bonheur simple mais sont condamnés à y échapper; ensuite parce que le doute sur la culpabilité de l'héroïne est la source même de l'intérêt du film; enfin parce que le suspense, soutenu par une mise en scène d'une inventivité subtile mais permanente, monte de séquence en séquence, avec un jeu de points de vues qui renvoie aussi à Spielberg, l'autre maître de Zemeckis. Et une fois de plus, le film nous offre une belle variation sur deux thèmes chers au réalisateur: son pessimisme fondamental et même souvent narquois d'une part, qui le pousse à nous montrer les ennuis les plus terribles qui découlent de la tentation du bonheur ou du désir (comme donc dans Death becomes her, où l'immortalité n'empêche pas la décomposition, ou dans Forrest Gump où la seule personne qui survit sans dommage intérieur aux années 60 est celui qui n'a pas de désir ni de passion, ou enfin dans Cast away où un homme qui revient au monde découvre qu'on l'a oublié...); et bien sûr, il aime à prendre le contre-pied des valeurs établies, quitte à prendre le point de vue d'un ennemi, comme ici où Brad Pitt est sans doute prêt, s'il découvre que son épouse adorée est une espionne, à trahir son pays.

Sinon bien sûr, il nous montre les coulisses de l'histoire dans un monde qu'il se plaît à recréer avec son talent pour les technologues cinématographiques de pointe... Pour autant, il le fait tout en proposant un film impeccablement distrayant, qui ne dérape que lorsque la super Résistante devient une gentille mère au foyer... Mais ça ne dure pas. Oh non!

 

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Published by François Massarelli - dans Robert Zemeckis
19 mai 2020 2 19 /05 /mai /2020 17:14

1974; nous faisons la connaissance d'un funambule, confronté à la plus belle des tentations: la construction à Manhattan de deux tours jumelles, hautes de plus de 400 mètres. Pour le Français Philippe Petit (Joseph Gordon-Levitt), impossible de se soustraire à l'appel. Il va donc falloir s'entraîner (Notre-Dme, peut-être...), trouver ce qu'il appelle des "complices", et bien sûr se rendre sur place, pour repérer les lieux, échafauder un plan pour cette entreprise hautement illégale, et... passer à l'action.

Le film, d'une certaine façon, est monté comme un film de casse, avec voix off omniprésente, celle de Philippe Petit interprétée par Gordon-Levitt, bien sûr), et tout se dirige vers l'inéluctable grand moment, cette marche au-dessus du vide dont nous savons qu'elle a effectivement eu lieu, et que Zemeckis, prolongeant son travail sur Forrest Gump, va recréer à sa façon, même si elle n'a jamais été filmée, d'ailleurs. On est donc en plein mythe, et la voix off sert à concentrer le point de vue du spectateur sur celui du rêveur.

Et c'est là à mon sens que le bât blesse, car si le film est évidemment une belle entreprise de suspense, impeccablement réalisée, et qui ne nous laisse pas un instant de doute, pour nous spectateurs, Gordon-Levitt, pardon Petit est bien au-dessus du vide, pour de vrai, entre ces deux tours, et il risque bien sa peau, en revanche, l'arrogance du personnage est irritante au possible, et la voix off omniprésente gâche la fête. Autre motif de fâcherie en ce qui me concerne, la langue: l'acteur principal est Anglophone et parle fort bien le français, mais passe son temps à demander aux autres protagonistes de parler anglais 'pour m'habituer', et c'est du plus haut ridicule d'entendre tous ces anglophones interpréter des français qui parlent l'anglais avec un accent à la noix... Pour le reste, c'est une merveille, Zemeckis s'étant attaché à décrire ce "plus beau jour dans la vie au destin tragique de ces deux tours".

Bah oui, c'était le World Trade Center, donc tout ce que nous voyons à l'écran n'existe plus. Comme souvent avec Zemeckis, qui n'est pas l'auteur de Back to the future pour rien, il a fallu recréer le passé de toutes pièces, et à ce niveau, on peut compter sur lui... Mais la fin du film est poignante, car nous savons, nous, ce qui leur est arrivé, à ces deux tours. 

 

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Published by François Massarelli - dans Robert Zemeckis
30 novembre 2018 5 30 /11 /novembre /2018 16:34

Les deux frères Fuchs se livrent une guerre sans merci depuis des années: l'un et l'autre tiennent en effet un garage de voitures d'occasion (situés de part et d'autres du même tronçon de route), mais ils n'ont pas la même philosophie du métier. Disons que Luke est légalement malléable, mais ce n'est pas le mauvais bougre; par contre, Roy, le plus aisé, est sinon honnête, en tout cas attaché à l'idée de garder une apparence de légalité: il graisse des pattes, et d'ailleurs ses appuis politiques l'ont prévenu de l'imminence de la construction d'une bretelle d'autoroute qui passera par son magasin: il est donc urgent pour lui de se débarrasser de son frère, de faire main basse sur son magasin et de continuer son business. Si ça passe par la mort de Luke, c'est un moindre mal...

Toute cette histoire est en fait racontée du point de vue d'un vendeur employé par Luke, Rudy Russo (Kurt Russell), qui est moins regardant que Luke sur les méthodes à employer pour faire un chiffre d'affaire conséquent. Sinon, les deux frères ennemis sont incarnés par Jack Warden, et je baille d'avance à l'idée de reprendre le casting entier. Autant le dire tout de suite: c'est une comédie, certes. On y rit, parfois. Mais c'est fatigant! et d'une vulgarité sans nom... Pour mémoire, Robert Zemeckis est le metteur en scène de Roger Rabbit, Romancing the stone, Forrest Gump, Back to the future et Contact. Used cars est-il son pire film? Que oui! ça ressemble à un brouillon d'une copie de travail d'une version alternative de 1941 qui n'aurait pas été réalisée par Spielberg (je rappelle que ce dernier film était lui aussi basé sur un script de Zemeckis et Bob Gale), mais en plus hystérique encore. Il doit bien y avoir cinq ou six minutes à sauver...

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Published by François Massarelli - dans Comédie Robert Zemeckis
13 mai 2018 7 13 /05 /mai /2018 00:05

En 1994, Zemeckis  triomphé au-delà de toute espérance avec Forrest Gump: il aurait pu cesser toute activité, et se reposer jusqu'à la fin de ses jours sur ce film, un des rares des années 90 à avoir acquis et conservé le statut enviable de classique absolu et universel. Un film qui a révolutionné à sa façon le cinéma, tout en offrant une vision du passé, qu'on peut prendre ou laisser, mais qui est malgré tout une philosophie en soi, et qui parle, finalement, à la terre entière... Mais Zemeckis est un joueur, envers et contre tout, un artiste aussi; quand il s'exprime, il peur être cassant, voire désarmant parce qu'il donne l'impression de ne s'intéresser qu'à la technique. Mais ses films, ses séquences, ses plans mêmes parlent d'eux-mêmes...

Et Contact, le projet immédiatement suivant, nous montre le cinéaste se mettre en danger, car d'une certaine façon il tente d'y résoudre la quadrature du cercle: d'une part, il souhaite réaliser un film de science-fiction plausible, en utilisant la machine à mentir qu'est le cinéma (il vient de le prouver en faisant dialoguer Tom Hanks avec le président Kennedy!); d'autre part il entend confronter la foi en Dieu et la foi en la science au sein d'un film unique. Celui-ci est une adaptation d'un roman de Carl Sagan, qui a eu un énorme succès en 1985, d'ailleurs ravivé par le film. 

Ellie Arroway (Jodie Foster), une scientifique obsédée par l'idée de créer le contact avec les exta-terrestres, est récompensée le jour où elle reçoit enfin un message d'une intelligence inconnue. Avec l'aide de nombreuses personnes, elle va réussir à suivre les instructions des êtres mystérieux qui l'ont contactée, et tenter d'entrer en contact, à travers une mission qui connaîtra bien des péripéties... Mais en même temps, elle va entrer en conflit plus ou moins pacifique avec un supérieur, qui entend bien lui dérober la paternité de sa découverte (Tom Skerritt) et rafler les honneurs à sa place, un responsable ambitieux et sceptique de la défense (James Woods), plusieurs représentants de la foi Américaine, dont un sénateur de droite (Rob Lowe) qui parle au nom des fondamentalistes, un fou de Dieu (Jake Busey) tenté par le terrorisme, et surtout Palmer Joss (Matthew McConaughey), un jeune pasteur progressiste avec lequel elle a eu une aventure. Pour Ellie, la foi religieuse telle que Palmer la conçoit, qui croit en raison de convictions impossibles à étayer, est non-scientifique. Pour lui, la foi reste un élément indissociable de l'humanité. Les questions posées par le déroulement du film sont les suivantes: Ellie va-t-elle oui ou non rentrer en contact avec les aliens? Si oui, va-t-elle pouvoir retirer quelque chose au-delà de la satisfaction, de cette rencontre, qui lui permette d'avancer? Et enfin, va-t-elle se réconcilier avec Palmer, le convaincre ou être convaincue par lui?

En d'autres termes, Zemeckis choisira-t-il de céder aux sirènes du politiquement-et-religieusement correct en rangeant sa scientifique auprès des religieux, ou saura-t-il être un peu plus subtil?

Je ne répondrai pas, parce que la réponse fait le sel du film; ça, et bien d'autres choses: la façon dont Zemeckis inclut son film réaliste dans la fiction des images de synthèse, à moins que ce ne soit le contraire. Il y aura de la sale manie, dans les films d'animation des années 2000 (Beowulf en tête) où le cinéaste s'abîmera, mais la maîtrise qu'il garde sur son film de science-fiction est impressionnante. Il est d'ailleurs intimement lié à Forrest Gump: derrière Ellie Arroway, petit bout de bonne femme qui court contre l'univers entier, Zemeckis donne du sens à l'existence en honorant à la fois la part de conquête et de recherche du savoir inscrite en l'homme, et sa part d'absolu. Bref, il réussit à trouver une manière respectueuse de chacun d'allier la science et la foi, ou plutôt de les faire cohabiter. Sans jamais prendre parti, mais en épousant la part de merveilleux contenue dans la recherche spatiale, et en créant à partir de là un majestueux album d'images qui s'émerveillent d'un rien, et en faisant évoluer ses personnages dans des décors fabuleux (et souvent réels), Zemeckis crée un film d'aventures et de science-fiction à la fois concret et inépuisable: un film qui garde pour lui ses clés, laissant le spectateur se faire son idée. C'est aussi une montagne russe d'émotions, servi sur un plateau à une actrice de génie: bref, c'est un chef d'oeuvre. ...Auquel il faut accéder sans cynisme.

 

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Published by François Massarelli - dans Science-fiction Robert Zemeckis
3 mars 2018 6 03 /03 /mars /2018 16:44

Un couple sans histoire, qui vient d'accompagner la fille unique du ménage à l'université pour la première fois, savoure sa petite tranquillité, et l'occasion pour eux de renouer leur intimité... Mais madame (Michelle Pfeiffer) n'est pas satisfaite. Et elle ne sait même pas pourquoi... Serait-ce les souvenirs de sa vie d'artiste, son métier de violoncelliste concertante qu'elle a abandonné lors du mariage avec Monsieur, l'universitaire (Harrison Ford)? Où l'approche de l'anniversaire de l'accident de voiture qu'elle a eu, dont elle a réchappé par miracle? Ou tout simplement le malaise de voir de nouveaux voisins se quereller à la moindre occasion?

Non, tout ça, ce sont des fausses pistes. Par contre, le fait qu'elle ait un jour laissé entrer un fantôme dans la maison, ça, ça a quand même un effet...

Il y a deux choses sur lesquelles on peut faire confiance à Zemeckis. La première, c'est de savoir commencer un film, et de savoir parfaitement doser ses ingrédients. Ce n'est pas systématique, mais quand ça lui prend de déclencher la mécanique de précision, ce gars-là est redoutable! Alors ici, il se met assez rapidement en mode de comédie qui dégénère vers.... Rear Window! ...Ce qui, comme je le disais plus haut, n'est qu'une fausse piste. Il me semble même que ce sous-texte Hitchcockien était très important pour le metteur en scène, car il a tout fait pour que le spectateur se perde dedans.

Mais la deuxième chose pour laquelle on peut lui faire confiance, et c'est bien là le problème, c'est dans sa manie d'en faire trop, beaucoup trop... Qu'un film avec soupçon de meurtre dans le voisinage se transforme en un festival d'apparitions fantomatiques (toutes parfaitement calibrées pour vous faire sursauter de belle manière, s'entend), pourquoi pas? mais assorti d'une enquête à tiroirs, avec révélations de dernière minutes toutes les cinq secondes.... Ce n'est pas raisonnable. Donc ça se laisse voir, mais arrive quand même un moment ou le plus tolérant des spectateurs va demander grâce, ou... arrêter de voir le film, tout simplement.

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Published by François Massarelli - dans Robert Zemeckis
6 mai 2017 6 06 /05 /mai /2017 23:47

 

Zemeckis a beaucoup promis, et sans totalement décevoir, il a eu tendance à se perdre dans des projets étranges et impersonnels, ou le technique (Notamment le procédé de "motion capture, par exemple dans Beowulf) a pris le pas sur le cinéma... Pour son retour à du 'vrai' film, avec de 'vrais' acteurs, Zemeckis met les petits plats dans les grands et tourne un drame humain avec Denzel Washington. Bon, cette histoire de pilote qui boit et prend des seaux entiers de coke au petit déjeuner vire vite à la démo sur la rédemption, mais le vieux Bob va loin dans la provocation, au moins pour les premières 105 minutes. Et puis il y a Kelly Reilly!

Ca commence sans aucune ambiguïté: un couple qui a passé une nuit très arrosée, et fournie en produits dopants, se réveillent... Ils consomment des restes de vodka, et l'homme (Denzel Washington) prend de la cocaïne pour se réveiller. Quand ils quittent la chambre d'hôtel où ils se trouvent, on constate qu'il est pilote d'avion... Il se rend à 'aéroport pour prendre en charge un vol, et retrouve d'ailleurs dans l'avion la femme avec laquelle il a passé la nuit, qui est hôtesse. Le vol part, sans problème notable, et à l'intérieur de l'avion le commandant Whip Whitaker continue à s'alcooliser. Mais lorsque l'avion a un gros problème, il réussit à manoeuvrer en urgence, et l'avion se crashe en relative douceur. Le bilan sera de 6 morts: quatre parmi les 102 passagers, et deux parmi les six membres d'équipage. A son réveil, Whitaker est à la fois le héros du jour à cause de sa manoeuvre insensée, et l'objet de suspicion, à cause de son rapport toxicologique...

D'un crash monumental à un lost week-end: le film prend un risque en faisant en sorte de mettre le crash, qui fait l'essentiel du premier acte du film, en ouverture. On n'y reviendra d'ailleurs pas. Et bien évidement, c'est l'argument-choc que la Paramount a utilisé pour vendre le film! Zemeckis connaît extrêmement bien son travail, et le résultat est impressionnant, générant une tension énorme dès que l'avion est dans les airs: nous avons vu, après tout, le "petit déjeuner" du pilote! Mais l'intérêt est quand même ailleurs, dans la bataille féroce menée par Whitaker contre ses démons, et contre les mensonges qu'il raconte depuis tant d'années, au monde entier et à lui-même, pour cacher ou ne pas assumer son alcoolisme. Et comme le film de Wilder, The lost week-end, Flight ne cache pas que ces démons-là, l'alcool et la drogue, sont d'un abord plaisant.

Du coup, un personnage-clé du film est le fournisseur de Whitaler, interprété par John Goodman, un vieil ami qui connaît tellement bien Whip qu'il peut le conseiller sur la dose exacte à prendre en fonction de l'effet demandé. Rigolard, Zemeckis brouille les cartes en donnant à ce personnage la chanson Sympathy for the devil des Rolling Stones pour en faire son thème, à chaque fois qu'on le verra... Mais ces scènes sont drôles, réjouissantes même;  de quoi plus facilement faire passer la pilule du gros défaut du film...

Rédemption, Denzel style: dans Malcolm X, de Spike Lee, Washington incarne son personnage qui va trouver dans la rigueur de l'Islam, puis dans la quête intérieure à l'écart des dogmes, la paix humaine nécessaire à échapper au monde de la délinquance. Il va même y trouver son destin. dans The bone collector de Philip Noyce il est un 'profiler' qui a beaucoup pêché, et qui pourrait tout aussi bien être le serial killer qu'il aide  traquer depuis son lit de malade. Dans Philadelphia, de feu Jonathan Demme, il est un avocat homophobe dont le combat pour son client gay va ouvrir les yeux. Enfin, dans American Gangster, de Ridley Scott, un gangster à la Scorsese s'affadit dangereusement en devenant un informateur, après avoir été le diable incarné... Bref, toujours la part d'ombre avant la rédemption pour l'acteur qui affectionne ce type de situation dans lesquels, soyons francs, il tend à se vautrer. Ce film ne fait pas exception à la règle: il souffre d'une fin édifiante, dont on imagine très bien que David Fincher, par exemple, aurait refusé qu'elle soit présente! Mais le personnage, attachant, et doté d'une petite amie rencontrée à l'hôpital, qui a un passé de junkie et d'alcoolique elle aussi, va vivre son combat de conscience sous nos yeux, et quand la conscience est interprétée par Kelly Reilly, on évite le cliché, parce qu'elle est hallucinante de vérité. Mais pour apprécier ces 115 minutes de montagnes russes (Dont une scène d'audition à la fin qui est absolument fantastique), il faut bien se farcir les lénifiantes et didactiques 10 minutes finales, dont on se serait bien passés...

Reste un crash spectaculaire et d'autres scènes coup-de-poing (Une overdose brillamment filmée et interprétée par Kelly Reilly, et tout le jeu autour de l'image du crash, et sa reprise par les médias) un film qui joue sur les tensions comme rarement, en bouleversant les codes structurels: il commence par du spectaculaire avant de tourner malsain... Et il nous ménage quelques scènes de suspense, liées à une bête porte qu'on a oublié de fermer dans une chambre d'hôtel. Whip Whitaker, la veille de son audition, a réussi à accepter de passer une nuit sans alcool no drogue, mais ses anges gardiens ne savaient pas que par hasard, ll allait trouver un chemin vers a chambre d'à côté, dont le mini-bar est, lui, plein. Un instant, Whitaker pose la petite bouteille de vodka qu'il a prise, sur le bar, et s'en va. Il sort du champ, et... sa main, soudainement, revient par la gauche et attrape l'échantillon: les démons ont gagné. Pourtant, rien de religieux dans ce film, qui reste d'une distance ironique vis-à-vis des multiples façons de s'égarer dans la foi: l'une des hôtesses tente d'intéresser son commandant à son église baptiste, et le copilote, à l'hôpital, se réfugie dans l'injonction religieuse avec son épouse qui passe son temps à embrasser son crucifix, pour essayer de digérer la situation. Clairement, Zemeckis se méfie de ce monde-là... Il a fait du problème de Whitaker un problème essentiellement humain et terrestre, qui sera pris en charge par trois personnages: le dealer mentionné plus haut, la jolie Nicole qui va devenir nue garantie d'avenir pour Whip, et un avocat dépêché par le syndicat, qui s'est fixé pour mission de sauver les meubles, et est interprété par Don Cheadle. Il est fantastique, comme d'habitude.

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Published by François Massarelli - dans Robert Zemeckis Denzel