Un jeune couple avec un enfant. Le chien n'est plus là. Le père fume en permanence. La mère adopte une attitude distante et parfois agressive. Le père est souvent considéré par elle comme un autre enfant. Leur fille semble déjà dans son monde. On va ensuite apprendre comment ils se sont rencontrés à travers des flash-backs...
...et on s'ennuie, mais alors on s'ennuie. Combien de fois avons nous vu, sous couvert de naturalisme, des films qui ne parviennent pas à dépasser le "naturel" de la première prise "presque-vécue-on-croirait-vraiment-qu'ils-le-vivent-parce-qu'ils-improvisent", dont on aurait tellement envie de dire qu'en vérité c'est de la pure feignantise. Ou alors ces acteurs nous tiennent à distance, quel que soit leur talent...
Passer de Little women (Les quatre filles du Dr March) à ce film... Il fallait le faire! S'il est des films qui inventent un genre à eux tout seul, celui-ci est un OFNI absolu: un film qui ne ressemble à aucun autre. On peut toujours espérer que la Warner s'abstienne de lancer une suite, mais... On ne se fait pas trop d'illusions...
Dans le monde de Barbie, créé par Mattel "afin de permettre aux jeunes filles humaines heureuses", vivent des Barbies et des Kens. Parmi eux, la Barbie stéréotypée (Margot Robbie) et Ken (Ryan Gosling) vivent une vie de poupées, sans acun changement, jusqu'à ce que...
Barbie pense, tout à coup, à la mort... Et le doute s'installe en elle. Des changements physiques interviennent, qui menacent son équilibre. Il lui est conseillé de se rendre dans le vrai monde. Ken, qui a sans le savoir des doutes existentiels lui aussi, est du voyage: dans le monde réel, Barbie rencontre celle qui a créé ses doutes, une employée de Mattel qui dessine des Barbies déjantées, mais Ken découvre que le monde réel est dominé par les hommes: cela va créer des complications phénoménales en rentrant à BarbieLand... devenu Kendom.
J'ai essayé de rendre compte de la façon la plus directe de ce que le film raconte, mais à la base c'est ça. Enveloppé de rose, plastiquement hallucinant et avec un tour de force: Greta Gerwig a réussi à jouer le jeu de l'esthétique Barbie au premier degré sans pour autant en faire trop. Le seul reproche de ce côté 'produit de consommation' du film, c'est la musique qui tente de se conformer au goût actuel: soit de la soupe répugnante. Mais sinon la façon dont l'intrigue évolue sans jamais se vautrer dans la facilité, et joue de toutes ses couches de sens, est bluffante.
Mais oui, le film est un jeu permanent sur le décalage inévitable entre l'existence plombante d'une entité qui stéréotype les genres jusqu'au stigmate, et la nécessaire remise en question des codes, des genres tels qu'on peut enfin les concevoir en 2024. La quête de Barbie est une quête féministe, dans laquelle deux femmes que tout oppose (elles sont une mère et sa fille) vont aider, enfin, les Barbies à y voir clair, pendant que les Kens s'allient pour être des hommes, c'est à dire non seulement inutile et vaguement décoratifs, mais en plus lourdingues! Le film est constamment surprenant, depuis la scène d'ouverture qui parodie 2001, en passant par la narration pince-sans-rire de l'immense Helen Mirren, jusqu'à ce gag discret mais hilarant, quand Margot Robbie/Barbie exprime des doutes sur sa beauté, en voix off: "note aux cinéastes de l'adaptation: ce serait embarrassant d'engager Margot Robbie"...
Un policier intègre (Josh Brolin) et dégoûté de la mainmise du gangster Micky Cohen (Sean Penn) sur la ville de Los Angeles se voit confier par son supérieur (Nick Nolte) une mission délicate: abbattre contre vents et marée celui qui est protégé par les polictiens, et même les huiles de la police locale... Pour ce faire, il assemble une équipe de policiers tous unis dans ce même esprit, incluant Michael Pena, Giovanni Ribisi, Anthony Mackie, Robert Patrick et même Ryan Gosling, d'autant plus motivé qu'il en pince pour la maîtresse de Cohen (Emma Stone)...
Ce film de gangsters est "à l'ancienne", comme la purée. Vendu comme "entre Scarface et Les Incorruptibles": je n'ai jamais été un grand fan de Brian de Palma, mais se vanter qu'un film ressemble à un remake de Scarface (Oui, ce navet cocaïné de Brian de Palma n'était qu'un vulgaire remake d'un chef d'oeuvre de 1932, du à Ben Hecht et Howard Hawks. Soulignons: "vulgaire"), ça me semble déjà un problème...
Mais bon, on a entièrement assemblé ce machin et son casting dans le but de fournir façon jeu vidéo un semblant de film de gangsters, qui ressemble à l'idée que les consommateurs de jeux vidéos se font du film de gangsters. Ralenti. Mines patibulaires. Violences. Montage ultra-rapide. Hémoglobine. Femme fatale. Alcool. Chapeaux. Tabagie. Costumes vintage. Vieilles voitures. Effets garantis contemporains...
Du prêt à consommer, pour qui a l'estomac solide... Et qui a de la patience devant du prêt-à-consommer, inspide à souhait.
D'un côté, un dragueur ultra-entraîné (Ryan Gosling) rate, exceptionnellement, sa cible, avec une belle et mystérieuse jeune avocate (Emma Stone), et de l'autre, un couple marié depuis une vingtaine d'années (Steve Carell et Julianne Moore) se retrouvent au restaurant: monsieur souhaite commander un dessert, et madame souhaite plutôt divorcer... A partir de là, les destins de ces gens vont, curieusement, et expertement, se mélanger au travers d'une intrigue qui ne fera pas trop de concession au style du film choral, mais impliquera énormément de matériau sur l'amour, le seul, le vrai, le grand, le beau... Avec pas mal de dérapages aussi.
...mais des dérapages contrôlés: si je suis las des comédies romantiques les pus académiques, je suis encore plus irrité par cette manie du "décalage" passé au rang d'ingrédient formaté, avec son lot de scatologie, et d'audaces décongelées. Et un Love actually, qui est supposé marier les deux tendances, n'est qu'une coquille vide de sens, gâchée par les dialogues les plus nuls du monde. Donc, heureusement, il y a ce film, car...
...Les réalisateurs ont eu la bonne idée de le traiter comme une screwball comedy, avec à la clé l'inévitable rapprochement de deux couples (on SAIT qu'ils doivent être ensembles, de toutes façons), la transformation d'un homme pour le meilleur (voire deux), un type qui passait pas là, et sortira du film avec rien, et même, à l'occasion, des digressions géniales et salutaires: l femme draguée un soi, qui s'avère non seulement vaguement nymphomane, mais en prime elle est la prof de lettres de votre fils; la baby-sitter amoureuse de son employeur, dont l'un des ados qu'elle garde a développé une obsession fixée sur elle, ou encore le copain du couple qui doit tout à coup choisir son camp après le divorce... Il y a, aussi, une scène de révélation qui vire au slapstick le plus étourdissant, une rareté dans le cinéma bavard d'aujourd'hui... Tout serait parfait s'il n'y avait...
...un discours final qui fait voir à chacun ses erreurs. Et c'en est une, hélas, car ce genre de chose vous plombe une bobine aussi sûrement qu'un dentiste pressé. Mais il nous reste, après tout, les trois quarts d'une comédie sentimentale qui fait beaucoup de bien, et un rôle en or pour Ryan Gosling. Ah oui, ça m'agace aussi cette manie qu'on a en France, de vouer un acteur aux flammes de l'enfer parce qu'il a du sex-appeal. Il a aussi un incroyable talent, y compris pour exposer ses parties génitales face à Steve Carell.
Ted Crawford (Anthony Hopkins) tire sur son épouse, qui commet un adultère avec un policier. Il a tout, mais alors tout prévu, y compris que le policier qui sera en charge de l'affaire dès la première seconde, sera justement l'amant de son épouse... Il se dénonce donc tranquillement, et commence donc à jouer au chat et à la souris avec la justice... Celle-ci est incarnée par Willy Beachum (Ryan Gosling), un jeune assistant procureur aux dents longues, qui vient juste d'apprendre qu'il allait être embauché par la firme la plus prestigieuse de Los Angeles: l'affaire Crawford, pour laquelle le mari tueur annonce qu'il va se représenter lui-même, devient à ses yeux quantité négligeable, et il va cochonner le travail. Mais pas Crawford...
On est toujours plus ou moins facilement capté devant un film de procès, et on sent dans ce film comme une volonté de suivre les préceptes hitchcockiens: nous avertir d'un maximum de choses avant de nous asséner quoi que ce soit, afin de cultiver le suspense; et tenter de créer un méchant particulièrement carabiné, mais attention: plus le méchant sera réussi, meilleur sera le film, disait le maître... Et c'est là que le bât blesse.
D'ailleurs, quel méchant? Le meurtrier, ou la belle avocate (Rosamund Pike), qui sera le chef de Willy (on dit "la cheffe"?) et qui n'attend pas trop avant d'avoir une aventure torride avec lui? Car pour Beachum, le choix entre continuer une affaire de plus en plus problématique par principe de justice, et partir pour le privé et se faire plein d'argent en mettant ses principes par dessus bord, va devenir le dilemme... Un dilemme d'ailleurs mis en valeur par le fait que Beachum entretient aussi, en quelque sorte, une relation avec Mrs Crawford, dans le coma, qui se bat contre la mort. IL la visite souvent, et cette belle endormie devient assez simplement le symbole d'une justice en laquelle il faut croire.
Gosling est-il un peu trop vert pour le rôle? Je pense, en effet, et c'est dommage car il est dans l'ensemble très juste dans son jeu, et il a su éviter les pièges de la caractérisation trop facile du jeune banlieusard aux dents longues. Bon, en même temps ce n'est pas Will Smith... Mais plutôt que de souligner son appartenance à un milieu plus populaire que ses futurs employeurs, le choix de Hoblit a été de charger la barque avec Rosamund Pike, qui affecte un accent assez marqué, de dame de la meilleur société, la première fois qu'on la voit. Ce qui tranche aussi avec le regard très bleu de Zoe Kazan, qui joue un minuscule rôle de secrétaire qu'elle fait exister en regardant Gosling avec une tendresse particulièrement forte!
Reste Hopkins: si on se réjouit d'entendre son accent Gallois, qu'il ne mobilise pas souvent, son criminel parfait, maniaque, omniscient et omnicapable finirait par faire passer les maîtres du crime des épisodes de Columbo pour des andouilles... Ce n'est plus du machiavélisme, ça deviendrait presque Voldemort. Et ça, c'est quand même un peu trop...
A deux pas d'une ville qu'on ne verra jamais, une mère, Billy (Christina Hendricks), et ses deux fils vivent dans une zone où toutes les maisons sont menacées de destruction. Pour s'en sortir, elle va accepter un travail étonnant, dans une boîte qui montre des illusions à un public avide de sensations fortes, mais on y trouve aussi un sous-sol où des échanges sordides ont lieu... Le fils aîné (Iain de Caestecker) tente de trouver du cuivre dans les débris de maison, mais il empiète sur le territoire d'un sale type, Bully, qui a pour habitude de découper la bouche de ceux qui lui déplaisent ou lui désobéissent...
Le premier et unique film du réalisateur Ryan Gosling ressemble beaucoup à la revendication d'un artiste... Ce qui sera en son cas à la fois un défaut et une qualité.
Un défaut d'abord: le réalisateur a été beaucoup critiqué pour son indulgence (en anglais, le terme est particulièrement critique), sa tendance à exagérer tous les aspects de la mise en scène: surcharger les plans, faire passer l'esthétisme devant la lisibilité, se complaire dans un misérabilisme glauque, dans chaque séquence... Et de fait la clarté n'est pas le propre du scénario, qui fait justement toujours des choix esthétiques avant tout, et qui est cantonné dans des zones systématiquement marquées par le délabrement. Il en ressort un sentiment d'étouffement, qui bien sûr fait partie de ce que Gosling voulait produire. Mais il arrive assez souvent que le spectateur, devant ces événements contés dans une narration sans colonne vertébrale, crie "grâce!"... Difficile de faire un film en 2013 avec un script qui parle surtout de stagnation.
Mais des qualités aussi, car il y a une certaine sincérité qui se dégage de ces prestations d'acteurs, et quels acteurs: Iain de Caestecker, qu'on a vu par ailleurs dans Agents of S.H.I.E.L.D., Saoirse Ronan, Christina Hendricks (rencontrée par Gosling sur le plateau de Drive, et toujours impeccable), et même Reda Kateb que le metteur en scène a été chercher en France... Les personnages ont parfois du mal à exister derrière leur caractérisation simpliste mais ils sont attachants, particulièrement Hendricks en mère courage qui accepte un boulot louche pour s'en sortir... Ryan Gosling n'est peut-être pas Riant Gosling, mais il a réussi à truffer son film de petites marques ironiques, des rimes inattendues. Un individu parle de "voyager vers le sud", et on verra dans le plan suivant un vol d'oiseaux sauvages. Le "méchant" mutile ses victimes, et le numéro de Billy consiste en un spectacle de mutilation. Et derrière cette histoire de zone infernale où survivent des oubliés de la crise, c'est aussi toute une vérité du nord des Etats-Unis, occultée par beaucoup de médias, qui se déroule. Enfin, une série de séquences sont situées autour d'un lac artificiel, vers lequel une route abandonnée se dirige... Les lampadaires qui sortent de l'eau occasionnent un effet inattendu, et qui restera en mémoire. C'est d'ailleurs cette image que le metteur en scène a choisi pour servir de coda à son film.
La première fois, à ma connaissance du moins, qu'un désordre mental de cet ordre a été exploité au cinéma, c'était pour Harvey, de Henry Koster, dans lequel James Stewart vivait toute sa vie avec son ami imaginaire, le gros lapin géant Harvey... Un film délicat, une comédie certes mais une histoire dans laquelle l'enjeu de l'intrigue était plus le respect dû au personnage, que son hypothétique (et illusoire) "retour à la raison", et j'assume ces guillemets...
Nous voici donc confrontés à Lars Lindstrom:
Lars (Ryan Gosling) est Canadien, il vit seul mais dans une dépendance de la maison familiale où se sont installés son frère Gus et sa jeune épouse enceinte Karin, et il travaille, dans un bureau ou une administration quelconque où il est parfaitement intégré.
Lars est "différent", comme on dit, depuis sa naissance dans des circonstances tragiques: la maman, elle, n'a pas survécu. C'est un tabou pour lui.
Lars inquiète sa belle-soeur (Emily Mortimer), donc dans le couple, c'est elle qui prend l'initiative, aussi souvent que possible, de solliciter l'attention de son beau-frère et d'aller l'inviter à prendre le petit déjeuner; surtout elle tente d'aborder des sujets (l'amour familial, par exemple, la future naissance ou le fait de vivre seul et la nécessité de trouver quelqu'un) qui semblent ne pas le toucher, car ils l'angoissent...
Mais Lars écoute, prend note et finalement agit: de même que lorsqu'un de ses amis attire son attention sur des poupées sexuelles ultra-réalistes, Lars a fait la sourde oreille, mais il a bien du en prendre note, car...
Lars a, enfin, une fiancée: elle s'appelle Bianca, il l'a "rencontrée sur internet", et il veut la présenter à Gus et Karin: ceux-ci sont aux anges, mais pour trois minutes seulement, car Bianca est une poupée sexuelle ultra-réaliste.
C'est là que le film va subir son vrai test, en réalité: va-t-il devenir une comédie salace, ou va-t-il rester sur le droit fil de la délicatesse fragile choisie jusqu'à présent?
Ryan Gosling, lui, a fait son choix, dès le début, puisqu'il sait que son personnage est le centre et le sujet du film, il a opté pour un jeu tout en nuances, fait d'une gestuelle calibrée, de tics assez discrets, et d'un certain nombre de transformations: une moustache assez fournie, pour commencer, et probablement quelques kilos en trop aussi... Et tout passe dans son rapport à l'autre, à la communauté comme aux individus. Les femmes, particulièrement, vont jouer un rôle essentiel, être celles qui vont faire passer la pilule auprès de leurs maris, frères ou enfants. Karin d'abord, qui aide Gus (Paul Schneider) à gérer ce que lui n'a jamais su faire: être le grand frère de Lars, et ne pas faire l'autruche face aux situations nées de son trouble.
C'est également Dagmar (Patrici Clarkson), le médecin de la famille, qui va jouer un rôle en participant à un stratagème qui consiste à "examiner Bianca", afin de permettre une évaluation psychologique de Lars.
Mais surtout le film nous montre, sans jamais les souligner de façon verbale, les choix de Lars lui-même, notamment la façon dont il manipule lui-même la situation dans laquelle il se présente tout seul face à la communauté, au bras d'une poupée sexuelle, dont il affirme que c'est sa fiancée, mais c'est aussi l'étrange comportement qui va lui permettre de s'ouvrir aux autres, puisque ça a l'air si important pour eux (le film est solidement ancré dans le fonctionnement d'une petite communauté Scandinave du Grand Nord Canadien), et aussi d'avancer dans sa vie. Il va aussi pouvoir comprendre, tester cet amour familial qui lui est prodigué, et réussir à trouver une stratégie psychologique pour avancer dans sa vie sentimentale... Ou pas.
Sans jamais sortir de la ligne imposée au départ, le film nous montre donc comment le jeune homme assume son rôle dans la communauté mais également comment il s'intéresse à une jeune femme (Kelli Garner), ce qui va d'ailleurs déclencher un trouble étonnant chez lui, une sorte d'auto-jalousie... Car il va de soi que Lars assume, du début à la fin, devant ses voisins médusés, l'identité de Bianca dans toutes les "conversations" qu'il a avec elle, ou que d'autres tentent d'avoir...
Pour toutes ces raisons, ce petit film tout en douceur, qui évite constamment les pièges du misérabilisme, qui sent bon le Grand Nord Canadien, et qui tout en étant une comédie évite aussi les pièges de la grosse rigolade, est une réussite, et son acteur touchant et attachant à l'extrême: Gosling aime les personnages aux situations psychologiques complexes, il est servi: d'autres se seraient vautrés...
Daniel "Danny" Balint (Ryan Gosling) est un skinhead Américain, le genre de voyou incontrôlable qui fait la bagarre dans les rues, ou qui va tout à coup sélectionner une "victime", par exemple un jeune juif dans la même rame de métro que lui, qu'il a repéré grâce à sa kippa et ses livres religieux. Il le dérange, le suit puis lui assène un coup de poing; il s'arrête là... pour l'instant. Lors d'une réunion d'un groupuscule auto-proclamé "fasciste", dont le leader (Billy Zane) souhaite moderniser l'idéologie en supprimant les attaques raciales, Danny défend l'importance de l'antisémitisme, en particulier en insistant sur le fait qu'il faut passer à la vitesse supérieure en tuant...
Danny est un antisémite fervent, on pourrait même dire obsédé: il n'a que le mot "juif" à la bouche et son discours est relativement particulier: à un autre skinhead (Garret Dillahunt) qui propage les niaiseries du révisionnisme, en prétendant que s'il y a eu des morts dans les camps les chiffres ont été exagérés, Danny répond que si Hitler et Goebbels sont des héros, c'est précisément parce qu'ils ont commis ces millions de morts... Et Danny se sert en permanence d'une connaissance impressionnante de la liturgie juive, et de ses connaissances en hébreu... Parce que Danny est juif, et élevé dans une connaissance intime de la religion, qu'il a appris très tôt à discuter jusqu'à l'agressivité...
C'est basé sur une histoire vraie, celle d'un skinhead ultra-violent qu'un article révélant ses origines avait poussé au suicide. Dans le script de Bean, comme on dit dans ses cas-là, "les identités ont été changées pour protéger les innocents"... Si la prestation de Gosling est absolument formidable et reste d'ailleurs le principal motif de voir ce film, on a parfois 'impression que Bean a tout misé sur son acteur (qui était à cette époque surtout une "belle gueule", identifié comme Justin Timberlake par ses participations adolescentes à des émissions Disney) et son chaos intérieur, au risque de négliger tout le reste: le groupe fasciste autour de Danny me semble diablement inoffensif par exemple, comme si le simple fait de supprimer l'antisémitisme des réunions de l'extrême droite la rendait acceptable. Et c'est le parcours d'un jeune homme seul, dont la colère à fleur de peau est une quête paradoxale et permanente d'identité, qui nous est montrée...
Une quête d'identité d'un jeune juif que son parcours de doute a mené à un extrême paradoxal: très pointu dans sa connaissance de la liturgie et de la philosophie Juive, Danny en a développé une haine exclusive et maladive de sa religion, puis probablement de lui-même...
Si les autres personnages sont le point faible du film, il film gagne par contre en intensité lors des tentatives de rapprochement familial et religieux de Danny, même si les motivations en sont constamment ambigues. Cette ambiguité fait sans doute le sel du film, plus que l'histoire d'amour compliquée avec Summer Phoenix (une jeune femme qui traîne dans le sillage du groupuscule au gré de ses humeurs, et qui est fascinée par la violence de Danny), et qui vire au bizarre lorsque son nazi de petit ami lui apprend l'hébreu. Et Bean, s'il le fait en surface, nous rappelle qu'il y a bien une permanence de l'existence profonde du fascisme, des nostalgiques du nazisme aux Etats-Unis, même si ce n'était pas profondément son intention!
N'empêche, Gosling fait ici un travail remarquable, de bout en bout, et il élève même certaines scènes: en particulier une rencontre entre les jeunes délinquants (ils ont été provoquer les gérants d'un restaurant Kasher, et ont écopé d'une peine "différente" par un juge original) et des survivants de l'holocauste: lors d'un récit particulièrement dur, les jeunes coqs se taisent, et la caméra se dirige vers une larme qui commence à se former sur le visage de Danny... Pour la suite, voyez la scène, elle est d'une grande force et d'une grande ambiguité aussi. Elle éclaire la dernière demi-heure d'un jour inattendu: Danny cherche-t-il à échapper à ses crises intérieures en allant vers la mort, cherche-t-il à se sacrifier, ou... veut-il, dans une ironie morbide et gênante, "tuer un juif" en se supprimant?
Ce sont des éléments extrêmes, mais au-delà de la naïveté navrante et probable du jeune homme qui est à la source de cette histoire, l'un des avantages du film en plus de cette prestation puissante et formidable d'un acteur qui tranche radicalement avec son image, est de poser en termes originaux cette présence constante des discours extrémistes et de la violence considérée comme une échappatoire aux Etats-Unis.
Dernier film d'une trilogie, Song to song partage avec To the wonder et Knight of cups un style délibérément brouillé, hérité de Tree of life. Malick, après ce dernier film qui est souvent considéré comme son grand oeuvre, est en effet parti dans une direction risquée, déclinant les méditations philosophiques d'amants en crise, à travers un dédale chronologique. La partie mystico-abstraite (création du monde, évolution, etc) de Tree of life ayant donné de son côté le documentaire à la réputation compliquée Voyage of time...
Donc, nous sommes ici confrontés, après l'opus religieux To the wonder, le film autour du cinéma Knight of cups, au monde de la chanson, et si je fournis ensuite un résumé, c'est sur la bonne foi des sites que j'ai consultés, car je n'ai en effet pas pu recoller les morceaux d'une narration qui ne nous donne probablement que 25% des clés de l'intrigue. Par exemple, à moins de lire attentivement le générique final, on ne connaît pas les noms des protagonistes; les repères temporels sont d'autant plus compliqués à capter que le film a été improvisé dans de courtes sessions de tournage, au gré de la disponibilité des acteurs. Et ceux-ci, comme d'habitude, ont surtout eu à marcher dans l'eau devant la caméra en faisant des têtes d'enterrement, sans savoir ce que la voix off qui allait être placée sur les plans, dirait...
Faye (Rooney Mara) est une jeune rockeuse qui souhaite percer, et elle a une aventure avec Cook (Michael Fassbender), un producteur un peu trop charismatique et influent. Elle rencontre BV (Ryan Gosling), un chanteur inconnu, qui s'apprête à faire un album avec Cook, et a une liaison avec lui; mais celle-ci se finit mal, et Faye couche de nouveau avec Cook, qui lui promet un contrat d'exclusivité. Pendant ce temps, Cook se marie avec une jeune femme (Natalie Portman) qui est un peu trop Chrétienne pour accepter le comportement libre de son mari, et BV et Faye ont des relations avec d'autres: Amanda (Cate Blanchett) pour BV et Zoey (Bérénice Marlohe) pour Faye...
Quelle salade, a-t-on envie de dire! C'est vrai que comme toujours, le travail de l'image par Emmanuel Lubezki, les angles et lieux choisis, sont superbes, avec toutefois une réserve de poids: les lentilles privilégiées pour les prises de vue rock 'n roll (avec cuir, tatouages, et même une incursion des Red Hot Chili Peppers et de Patti Smith dans le film) alourdissent le film un peu plus... Les acteurs sont des gens qu'on a envie de suivre, bien entendu, notamment Rooney Mara, Natalie Portman, et Ryan Gosling.
Mais comment se départir d'un ricanement prolongé devant ces plans d'amants qui regardent par terre, les pieds dans l'eau, et ressemblent à s'y méprendre à des acteurs auquel un metteur en scène hors-champ, donne l'ordre d'avoir l'air maussade dans une inspiration de dernière minute? Et si ces trois films post-Tree of life, finalement, n'étaient qu'une expérience ridicule, prétentieuse, et inutile? Et si on attendait de Malick qu'il prenne de nouveau du temps pour réfléchir à un film, et qu'il ne s'adonne pas seulement à des tournages de pubs géantes sans produit à vendre, avec des acteurs qui sont plus des modèles qu'autre chose, avec gros plans sur les Louboutin toutes les trois minutes?
...parce qu'il faut bien le dire, à part peut-être quand Rooney Mara tripote une Fender Jaguar, on s'en fout.
Un jeune homme dont le nom ne sera jamais donné dans le film, interprété par Ryan Gosling, gagne sa vie en conduisant. Et ce, de plusieurs façons: d'une part, habitant à Los Angeles, il effectue des cascades pour les tournages locaux; il est également mécanicien, très apprécié de son patron; et celui-ci détourne parfois le regard quand son employé lui emprunte un véhicule pour un braquage, et fait le chauffeur d'occasion pour des malfrats. A ce niveau, ses conditions sont très précises, mais son tableau de chasse est parfait: personne n'a jamais eu à se plaindre de lui. Et il a des perspectives d'avenir: avec l'argent d'un petit mafieux local, son patron va monter un business de stock-car avec lui en vedette... Tout irait pour le mieux, donc... sauf que le héros a une voisine, qui a un enfant. Et si au départ c'est juste bonjour-bonsoir dans l'ascenseur, la sympathie, et plus, s'installe.
Il apprend que la jeune femme, Irene (Carey Mulligan), est mariée à Standard (Oscar Isaac), le père de Benicio, qui est en prison. Il va d'ailleurs bientôt sortir. Quand il revient, les ennuis vont commencer, car Standard a des dettes, et la bande qui l'a protégé en prison souhaite le faire payer leurs services. Quand il apprend que les malfaiteurs ont clairement menacé Irene et Benicio, le chauffeur va venir en aide à son voisin, et...
...Clairement, les ennuis vont s'accumuler.
Mais alors, vraiment!
C'est très lent, et Ryan Gosling adopte un profil bas, et le plus souvent mutique. Irene aussi, d'ailleurs; non, ce sont les autres personnages qui font la conversation, la plupart du temps. Il en résulte une forte adhésion du spectateur à ces deux personnages à part, que tout devrait rapprocher, mais que tout éloigne, et ça ne va pas aller en s'arrangeant. Ryan Gosling interprète un personnage prêt à tout mettre entre parenthèses pour sauver la femme qu'il a décidé d'aider... Y compris contre son gré.
Mais le film, au delà de sa lenteur, est aussi froid, et particulièrement violent: les scènes les plus dures sont souvent fulgurantes, soudaines, courtes... et graphiques. On comprend assez vite que les personnages n'ont pas grand chose à perdre, et il y a là une formidable galerie de personnages, de Ron Perlman en bandit à la manque, spécialiste du coup foireux qui éclabousse, ce qui le rend d'autant plus dangereux, à Christina Hendricks qui joue une participante d'un casse qui est tellement vulgaire qu'on s'étonne de l'entendre s'exprimer avec des mots...
Et le film possède ses scènes d'anthologie: une scène d'ouverture, durant laquelle on comprend en plein feu de l'action les circonstances parfois louches de l'exercice du métier du héros; elle se clot sur une poursuite à la précision diabolique. une scène formidable et inattendue joue avec bonheur (Ce n'est pas souvent que je ferai cette remarque) sur une utilisation inventive du ralenti: comme quoi c'est possible! Le héros est dans l'ascenseur avec la femme qu'il aime; un autre homme est là, et on comprend vite qu'il est précisément venu pour les éliminer tous les deux. Le reste est indescriptible... Enfin, une scène d'ultra-violence dans un club de strip-tease, durant laquelle divers outils, dont un marteau, sont utilisés pour faire passer un message, trouve un écho presque comique lorsque un personnage contrarié assassine un pauvre malfrat un peu bête qui passait par là, à coups de fourchette! La plupart de ces moments sont systématiquement des surprises, un ingrédient que le réalisateur danois semble manipuler avec une maestria rare, dans un genre aussi codé et aussi prévisible.
...Ca ne s'invente pas. Mais surtout, derrière ces embardées de violence d'autant plus notables qu'elles sont cachées derrière la lenteur calculée de la narration, se cache une histoire, un requiem qui est un modèle de film noir. A ne pas mettre devant tous les yeux, cela va sans dire...