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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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27 juin 2024 4 27 /06 /juin /2024 16:51

Nous écoutons Lester Burnham (Kevin Spacey) nous raconter sa vie: sa médiocrité militante, les illusions perdues avec son épouse (Annette Bening) qui le hait, ce qu'il lui rend bien, son travail dont il a réalisé qu'il ne lui apporte plus rien, et qu'il ne souhaite pas du tout s'y impliquer plus que ça, la fin de la félicité familiale avec leur fille unique, Jane (Thora Birch) aussi.

Comme il le dit lui-même quand on le rencontre pour la deuxième fois sans le reconnaître, "c'est bon, moi non plus je ne me reconaîtrais pas"... Le déclic de la révolution qu'il s'impose et va imposer tant qu'à faire à son épouse et sa fille, va venir d'une révélation: une amie de Jane, Angela (Mena Suvari) lui a sérieusement tapé dans l'oeil et il a suroris une conversation entre les deux adolescentes, dans laquelle Angela confessait qu'elle le trouvait sexy...

Dans ces conditions, pour Lester, l'adultère franc et massif auquel son épouse va se livrer sans scrupules, sera presque un bonus gratuit, tout comme son licenciement (qui va lui permettre d'encaisser par chantage $60 000)...

Mais l'autre versant de la révolution, qui lui a échappé, est que la maison à côté de celle de Burnham est désormais habitée par une nouvelle famille. La mère est très effacée, le fils a une histoire psychiatrique, vend de l'herbe (Lester va devenir un grand consommateur), et le père est un marine consciencieux et traditionnel: c'est à dire un homme de droite, nostalgique du nazisme et profondément homophobe... c'est de lui que viendra la conséquence inévitable du tourbillon de n'importe quoi que vit Lester, une fin énoncée dès l'introduction par le héros: il n'en a plus pour longtemps à vivre...

Le but du film, qui était le premier de Sam Mendes (il avait auparavant réussi à se faire un nom dans la mise en scène théâtrale), est clairement de fouiller sous les décombres du rêve américain... D'où la situation aisée des personnages, du moins au début: aisée, mais plus aisée encore pour Carolyn Burnham que pour Lester; et les pièces du puzzle sont toutes très connotées, depuis l'obsession de Lester pour une petite cheerleader blonde qui se la raconte, les compétences de vendeur conscencieux du petit dealer, son obsession aussi pour le matériel hi-fi et vidéo de pointe, la présence de grosses voitures, le voisin marine avec une coupe en brosse... C'est l'Amérique profonde des années 50 à 90, soudainement retournée pour qu'on voie la laideur...

Et c'est très drôle, paradoxalement. Mais pas immédiatement, du moins: le décalage n'apparaît pas tout de suite, il est dans lexcès des situations, dans le cynisme froid de Lester sur son propre gâchis, dans le délire d'executive woman de Carolyn (qui travaille dans l'immobilier, où elle souffre de la concurrence d'un homme avec lequel elle va coucher à la première occasion), dans le décalage gênant entre les fantasmes de Lester sur sa relation avec Angela, et la façon dont Angela le perçoit... 

Le venin se répand bien profondément, malgré ou grâce à l'humour. Un venin qui aujourd'hui ne nous atteint sans doute plus de la même façon, après le Covid les années Trump, les guerres contre le terrorisme les crises et le 11 septembre. Après la mise au ban de Kevin Spacey, aussi...

Mais il n'empêche, une voix singulière était née: Mendes, à travers certains de ses films, a confirmé son importance. Ce qui ne l'a pas empêché de faire Skyfall non plus.

 

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Published by François Massarelli - dans Sam Mendes
19 juin 2024 3 19 /06 /juin /2024 08:24

Après avoir exploré les possibilités d'un James Bond "crépusculaire" avec Daniel Craig, dans le diptyque Skyfall / Spectre, en cassant tout d'ailleurs, après avoir repris la tentation du film-plan séquence avec le mésestimé 1917, Sam Mendes retourne à son péché mignon: l'évocation douce-amère qui fleurit dans le détail, comme il l'avait expérimentée avec ses deux premiers films, American Beauty (sur la famille Américaine) et The Road to perdition (sur le crépuscule d'un gangster)... Et il le fait avec Olivia Colman.

1980: Hilary (Colman) est employée dans un grand cinéma sur la côte dans le Kent, à Margate; elle est rigoureuse, c'est dire: par exemple elle ne voit jamais de film, car elle ne estime qu'elle n'en a pas le temps si elle fait son travail correctement. Et elle a une relation, disons, de confiance avec son patron (Colin Firth) qui de temps à autre lui demande de venir examiner un projet, de jeter un oeil sur les contrats, et bien sûr de passer "sur" son bureau. On comprend aussi que Hilary revient de loin: elle a été internée dans un hôpital, et est sous haute surveillance, en même temps que priée de maintenir son traitement au lithium. 

Au début du film, un jeune employé fait son apparition, Stephen (Micheal Ward), un noir qui a renoncé à ses études en raison du racisme qu'il a rencontré. Ils deviennent vite complices, puis amants. Sentant sa vie changer, Hilary commence à négliger son traitement, et se sent pousser des ailes...

Le film est situé en 1980 parce que le premier but de Mendes était justement d'explorer sa jeunesse, située dans cette période-clé: changements politiques majeurs, montée du néo-fascisme, troubles sociaux majeurs, et mutation musicale. Le plaisir de recréer est évident, mais jamais il ne dépasse la mesure ni le naturel. Et si les souvenirs de Mendes ont été utilisés pour créer un concentré de l'époque, ça passe bien, on échappe au catalogue. On y sent de toute façon la résistance d'un certain patriarcat (le patron odieux, joué par Colin Firth qui s'assoit avec allégresse sur son éternelle image de gendre parfait), la menace sociale (les émeutes de l'ère Thatcherienne, dont les news captées ça et là à la télévision ou à la radio, dans le film, rappellent les dégats et l'inquiétude qu'elles généraient), la menace raciste (à deux reprises, les skinheads s'en mêlent), et le métissage musical en vogue au début des années 80 (Stephen se définit lui même comme un rude boy, dont il porte le costume, et vante la musique de the Selecter, de The Beat et des Specials,  dont la chanson Do nothing est intégrée à une bolie scène)...

Mais surtout c'est un portrait d'une femme, forte mais fragile, qui va voir sa vie changer, l'espace d'un instant, mais aussi changer la vie d'une autre personne, de façon irrémédiable. Elle s'inscrit dans un minutieux portrait d'une époque, et est agrémentée d'une fort belle galerie de personnages, entre le projectionniste maniaque (Toby Jones) et les autres employés qui tous ont une âme, même si elle n'est qu'entrevue. Le choix de Mendes de resposer sur des extraits des films de l'époque (après tout ces gens travaillent dans un cinéma) donne lieu à un parallèle intelligent avec Being there, d'Hal Ashby: l'un des plus beaux films de 1980. Un parallèle qui nous invite à mesurer que, si la fin de ce film est amère, il y a peut-être pour Hilary un espoir.

 

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Published by François Massarelli - dans Sam Mendes
18 juillet 2020 6 18 /07 /juillet /2020 10:29

Un jour du printemps 1917, deux soldats Anglais (George McKay, Dean-Charles Chapman) stationnés au front reçoivent une mission dangereuse: les Allemands se sont retirés, et une offensive Britannique se prépare. L'état-major a reçu la confirmation que c'est un piège et toutes les troupes qui sont prévues pour l'attaque vont se faire massacrer... Les communications étant coupées, il faut que les deux hommes aillent eux-mêmes porter le message... 

Dès le départ, on a une méfiance inévitable: le choix de Mendes a été de traiter le film en faux plan-séquence, sur l'intégralité de ses presque deux heures. Depuis Hitchcock et Rope (1948) on se méfie de ce genre de petit caprice qui favorise la frime... Mais c'est réussi, une fois entré dans le dispositif, le spectateur a droit à quelques zones de respiration. Comment s'étonner, malgré tout, que le film soit une démonstration impressionnante de virtuosité?

Mais pas seulement: d'une part, on s'attache à ces deux soldats, puis un, qui découvrent la réalité du No man's land, cette zone dangereuse entre les deux camps, et arrivent dans une tranchée Allemande vidée de ses habitants, sauf les rats, et qui recèle quelques pièges... Puis on les suit dans leur aventure dans une campagne Française dévastée. L'intelligence du film est de nous faire attendre une hypothétique confrontation, mais elle tarde à venir et quand elle sera là on la prendra en pleine figure! Et Mendes a superbement capté le visage de la guerre sans la guerre, ces moments d'attente, de calme, qui recèlent finalement autant de possibilités que les moments de bataille.

Le metteur en scène enrichit avec son film la notion de point de vue, qui est essentielle au film puisque c'est une avancée dans l'inconnu, bulle en tête, la caméra à la remorque de ces deux jeunes hommes, qui nous est proposée. Le film est inspiré des récits que grand-père Mendes faisait à ses petits-enfants quand le metteur en scène était jeune, et une fois de plus, le cinéma a pu résoudre un paradoxe: cette première guerre mondiale, conflit titanesque, est de plus en plus clair dans l'objectif des cinéastes, au fur et à mesure qu'elle s'éloigne dans le passé.

Certes, il y a du flou dans cette improbable histoire de fausse retraite des "Boches", et on n'est en aucun cas devant un exposé historique de faits d'arme, mais ce n'est pas le sujet. Le sujet, comme dans Un long dimanche de fiançailles, Paths of glory, Sergent York ou The big parade chacun à leur façon, c'est le soldat, sa vie, sa survie, sa peur et ses éventuelles réussites, qu'il s'agisse d'une action d'éclat ou d'esquiver une balle, d'où qu'elle vienne. A l'heure où tous les poilus nous ont quitté, ce film est un nouvel appel, vibrant, au devoir de mémoire, et nous propose à nouveau une vision profondément humaine de la sale guerre.

 

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Published by François Massarelli - dans Sam Mendes Première guerre mondiale
1 juillet 2019 1 01 /07 /juillet /2019 15:52

Bond a des malédictions, je pense: prenez Tracy, par exemple: pendant longtemps, elle a été le fantôme de la femme parfaite, celle qui a plu à James Bond au point de l'épouser, sans passer par le lit d'abord... Elle avait fini sous les balles de Blofeld qui était très énervé ce jour-là...

Blofeld: le nom est lâché. C'est ici que l'on peut se souvenir d'une autre malédiction, celle du méchant qui refuse de ne pas revenir, et qui finira ejecté d'un hélicoptère. Entre temps, Blofeld aura traversé plusieurs séries de films James Bond, de Sean Connery en Roger Moore en passant par George Lazenby et Sean Connery de nouveau. Ce qui n'a pas empêché Bond de continuer à penser à Tracy: l'une des dernières fois si je ne dis pas de bêtises, c'est avec Timothy Dalton qui se recueillait sur sa tombe...

Là où je veux en venir, c'est tout simplement que je pense que la malédiction dont souffre le Bond actuel est celle du reboot. Exit Tracy, bonjour Vesper, désormais Bond naît de Casino Royale. Et je ne sais pas qui a eu cette idée saugrenue, mais désormais les fils rouges prennent toute la place. On est donc prié de faire attention à ce qui se passe et de tout prendre au sérieux... 

...Et ça je m'y refuse, le propre d'un Bond est d'être une capsule d'évasion hors du temps, avec suffisamment de cohérence interne pour tenir la route (Casino Royale y parvient sans problème, remarquez) et maintenir notre intérêt, mais l'intrigue? On s'en fout: l'important c'est que 1) Bond lui y croie, et 2) on a envie de le suivre.

Eh bien là, j'ai pas envie!

Alors ici, il y a de belles choses, notamment quelques décors inspirés des séquences dont certains plans sont à tomber par terre: isolez-les, et vous aurez de très belles pochettes Hipgnosis pour d'hypothétiques futures compilations de Pink Floyd! On a en Madeleine Swann (Léa Seydoux) un personnage qui donne envie qu'on la suive. 

Et puis il y a de la prétention, des méchants plus ratés les uns que les autres, une intrigue qu'on ne peut suivre qu'en ayant pris au sérieux les trois films précédents. Oui, trois, car on est dans un reboot. La preuve, c'est que le méchant s'appelle Blofeld... L'ado d'aujourd'hui étant incapable de s'intéresser à quelque chose de "trop vieux", on éradique le passé de James Bond... Tout en se permettant un dernier clin d'oeil avec une Aston Martin dans les rues éternelles d'un Londres qui aurait pu être celui des années 60. Bref, Sam Mendes est un excellent metteur en scène, il avait réussi Skyfall. J'espère qu'il s'est fait plaisir avec ce film pour rien, qui distille lentement mais sûrement un ennui mortel.

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Published by François Massarelli - dans Bond Sam Mendes
10 mars 2017 5 10 /03 /mars /2017 16:43

Un couple va avoir un enfant. Mais c'est un couple à problèmes: elle (Maya Rudolph) a perdu ses parents, et sa soeur habite loin; Lui (John Krasinski) travaille dans les assurances, mais on ne peut pas vraiment dire qu'il ait réussi. Heureusement, ses parents n'habitent pas loin, et vont pouvoir les épauler une fois la naissance arrivée... Du moins le croient-ils! Car les parents de Burt ont égoïstement décidé de partir pour vivre deux ans en Belgique, totalement oublieux de leur promesse d'aider le jeune couple. Ceux-ci décident de se mettre en quête d'un endroit où s'installer, près d'amis (Une ancienne patronne de Verona, à Phoenix, des amis de fac à Montreal), de parents (La soeur de Verona à Tucson, une cousine de Burt dans le Wisconsin ou encore son frère à Miami)... Leur idée: se choisir une famille, et de là, un lieu de vie. Le voyage commence, pour les deux amoureux...

Voilà un road-movie peu banal, avec deux héros qui n'ont rien de vraiment glamour. La barbe mal fichue de l'un, le relief encombrant des six mois de grossesse de l'autre, on sent déjà un décalage... Mais le film va plus loin en se gardant constamment d'être Hollywoodien, justement. Il y a un côté cinéma-vérité dans ces épisodes disjoints, et souvent d'une grande méchanceté (Les personnages rencontrés ne sont pas tendres, mais Mendes l'est encore moins avec eux) mais qui débouchent sur une infinie tendresse pour ces anti-héros qui se transforment en des révélateurs d'une Amérique qui ne tourne pas tout à fait rond. Cela reste constamment une comédie, et ma préférence va à l'épisode de Phoenix, d'une part, dans laquelle une femme hystérique menace de dégoûter les deux futurs parents de ce qui les attend, et bien sur l'hilarante équipée à madison, Wisconsin, auprès de deux hippies fous furieux qui font un scandale si on leur parle de poussette, et qui prônent les relations sexuelles devant les enfants afin de les éduquer...

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Published by François Massarelli - dans Comédie Sam Mendes
22 août 2015 6 22 /08 /août /2015 16:36

Anthony "Swoff" Swofford (Jake Gyllenhall) nous raconte sa vie de Marine, qui commence en 1989, et dès le départ, nous fait comprendre qu'il n'a pas tardé à regretter son engagement: le premier tiers du film concerne essentiellement ses journées d'entrainement aux Etats-Unis, pour faire de lui une machine de guerre, et rappellent un peu la première heure de Full Metal Jacket, avec deux différences fondamentales: dans le film de Mandes, le héros s'est engagé alors qu'aucune guerre ne menace, d'une part; et d'autre part ici la narration de Swofford prime. Il s'agira, tout le film durant, de son expérience, d'ailleurs authentique, de la guerre dite du Golfe; celle qui fera dire à tant de gens qui n'avaient pas compris qu'on était entré dans une nouvelle ère, que la victoire alliée sonnait enfin la fin de la honte du Vietnam. Le deuxième tiers concerne donc la vie morne, et privée de sens, des Marines déployés en Arabie Saoudite, attendant entre l'invasion du Koweït par Saddam Hussein et l'engagement des combats, le moment d'être utiles... Cette partie est remplie de ce folklore délirant qui reste longtemps en mémoire, et avouons-le, qui fait souvent le sel des films du genre...

Enfin, un troisième tiers montre les combats tels que les a vécus le Marine Anthony Swofford, en compagnie d'autres snipers comme lui, et... c'est inattendu. La frustration intense qui se dégage de ce qui aurait du être la raison de son engagement pour Swofford, est très communicative, et nous rappelle que Sam Mendes est souvent le peintre de l'échec, mais pas du glorieux échec, non, de l'échec minable, honteux, et laid: l'ennui et la mort des banlieues aisées (American Beauty, Revolutionary Road), l'échec cuisant du couple (Revolutionary road encore), l'échec de la vie de crime même (The road to perdition), il n'est pas tendre avec les aspirations gâchées de l'Amérique. Mais avec ce film, réalisé en plein conflit, il abat une carte maîtresse. Bien sur, il n'y a pas vraiment de politique dans ce film, et comme les Marines gonflés à bloc à la veille de partir au combat, regardent les sublimes scènes d'Apocalypse now comme un appel à combattre, ce qui serait un contresens, j'imagine que nombreux sont les amoureux de la chose militaire qui aiment à visiter ce film pour la plaisir d'y côtoyer ne serait-ce que des bribes de cet absurde esprit de corps qui y est, à mon humble avis, méchamment raillé... Tant pis pour eux. Comme tous les grands films de guerre, il démontre de façon simple que si on n'évitera jamais les guerres, elles laissent sur ceux qui y participent une empreinte inhumaine.

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Published by François Massarelli - dans Sam Mendes