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Nous écoutons Lester Burnham (Kevin Spacey) nous raconter sa vie: sa médiocrité militante, les illusions perdues avec son épouse (Annette Bening) qui le hait, ce qu'il lui rend bien, son travail dont il a réalisé qu'il ne lui apporte plus rien, et qu'il ne souhaite pas du tout s'y impliquer plus que ça, la fin de la félicité familiale avec leur fille unique, Jane (Thora Birch) aussi.
Comme il le dit lui-même quand on le rencontre pour la deuxième fois sans le reconnaître, "c'est bon, moi non plus je ne me reconaîtrais pas"... Le déclic de la révolution qu'il s'impose et va imposer tant qu'à faire à son épouse et sa fille, va venir d'une révélation: une amie de Jane, Angela (Mena Suvari) lui a sérieusement tapé dans l'oeil et il a suroris une conversation entre les deux adolescentes, dans laquelle Angela confessait qu'elle le trouvait sexy...
Dans ces conditions, pour Lester, l'adultère franc et massif auquel son épouse va se livrer sans scrupules, sera presque un bonus gratuit, tout comme son licenciement (qui va lui permettre d'encaisser par chantage $60 000)...
Mais l'autre versant de la révolution, qui lui a échappé, est que la maison à côté de celle de Burnham est désormais habitée par une nouvelle famille. La mère est très effacée, le fils a une histoire psychiatrique, vend de l'herbe (Lester va devenir un grand consommateur), et le père est un marine consciencieux et traditionnel: c'est à dire un homme de droite, nostalgique du nazisme et profondément homophobe... c'est de lui que viendra la conséquence inévitable du tourbillon de n'importe quoi que vit Lester, une fin énoncée dès l'introduction par le héros: il n'en a plus pour longtemps à vivre...
Le but du film, qui était le premier de Sam Mendes (il avait auparavant réussi à se faire un nom dans la mise en scène théâtrale), est clairement de fouiller sous les décombres du rêve américain... D'où la situation aisée des personnages, du moins au début: aisée, mais plus aisée encore pour Carolyn Burnham que pour Lester; et les pièces du puzzle sont toutes très connotées, depuis l'obsession de Lester pour une petite cheerleader blonde qui se la raconte, les compétences de vendeur conscencieux du petit dealer, son obsession aussi pour le matériel hi-fi et vidéo de pointe, la présence de grosses voitures, le voisin marine avec une coupe en brosse... C'est l'Amérique profonde des années 50 à 90, soudainement retournée pour qu'on voie la laideur...
Et c'est très drôle, paradoxalement. Mais pas immédiatement, du moins: le décalage n'apparaît pas tout de suite, il est dans lexcès des situations, dans le cynisme froid de Lester sur son propre gâchis, dans le délire d'executive woman de Carolyn (qui travaille dans l'immobilier, où elle souffre de la concurrence d'un homme avec lequel elle va coucher à la première occasion), dans le décalage gênant entre les fantasmes de Lester sur sa relation avec Angela, et la façon dont Angela le perçoit...
Le venin se répand bien profondément, malgré ou grâce à l'humour. Un venin qui aujourd'hui ne nous atteint sans doute plus de la même façon, après le Covid les années Trump, les guerres contre le terrorisme les crises et le 11 septembre. Après la mise au ban de Kevin Spacey, aussi...
Mais il n'empêche, une voix singulière était née: Mendes, à travers certains de ses films, a confirmé son importance. Ce qui ne l'a pas empêché de faire Skyfall non plus.
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