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Tourné à l'automne 1922 à Copenhague, ce film de Lau Lauritzen tranche de manière significative sur les autres aventures de "Doublepatte et Patachon", avec Carl Schenstrom et Harald Madsen: toutes les autres oeuvres antérieures ont en effet été tournées à l'été, dans des stations balnéaires, en profitant de la présence de cette troupe de jeunes femmes en maillot (qui étaient en contrat direct avec le metteur en scène, à la façon des Bathing beauties de Mack Sennett), et on y voyait toujours les deux héros en vagabonds ruraux, vivant d'expédients sur les routes et dans la campagne, confrontés en satellites à des intrigues mélodramatiques bourgeoises qui ne les concernaient que de loin... Cette fois, c'est en pleine ville que le film a été tourné, et le t change de manière importante.
Dans une petite pension de famille assez miteuse, vivent de nombreuses personnes, parmi elles, un costaud de foire, une prostituée, et beaucoup de vieilles dames... Ainsi que nos deux amis, qui fabriquent des jouets. Il ya aussi Lise (Helga Bassoe), une mère fraichement divorcée d'un tout jeune garçon, que les deux amis ont pris en amitié. Elle travaille à la chocolaterie locale, du directeur Helmer (Philip Bech)... Mais elle reçoit des visites de son ex-mari (Karl Jorgensen), bien qu'il lui soit interdit de l'importuner. C'est un voyou, et il s'obstine à vouloir prendre l'enfant pour le vendre à un bonhomme inquiétant, le "professeur" (William Bewer)...
C'est une intrigue de mélo, plus dure et sombre que les habituelles caprices de jeunes bourgeoises écervelées qui ont fait la réputation de la série. Lauritzen se repose bien sûr sur des stéréotypes, et son film n'est pas (pas plus que d'habitude, en tout cas) exempt de préjugés, qui étaient légion dans le cinéma de l'époque: le "professeur", par exemple, présente la figure archétypale du gitan de pacotille, ou pire, du receleur à la Fagin, qui va recueillir un enfant pour probablement en faire un petit voyou. C'est sorti en droite ligne de Griffith ou Dickens! Et bien sûr le directeur de l'usine et sa famille très propre sur elle fourniront à la fin du film un toit et une belle fête de Noël aux trois géros défavorisés... Gorm schmidt, qui était toujours le jeune premier dans les films de l'équipe, y est ainsi présenté comme le fils du brave directeur.
Pourtant, cette intrusion de Doublepatte et Patachon en milieu urbain, quasi intégralement tournée en studio, est bien différente et même innovante. Il ya une certaine poésie dans l'entraide affichée par les habitants de cet immeuble miteux qu'un intertitre qualifie de "septième ciel"... Seuls les deux héros fournissent la comédie, le reste est, finalement, assez sérieux. Doublepatte et Patachon sont plus que jamais touchants, mais c'est le plus petit qui se distinguera le plus, en ayant droit à une séquence spéciale qui permet à Madsen de montrer l'étendue de son talent de danseur de charleston excentrique. Le jazz, inévitable atout urbain des capitales des années 20, fait d'ailleurs son irruption dans deux ou trois scènes... muettes, bien sûr.
La copie que j'ai visionnée est celle du DFI, et il y a fort à parier que c'est la seule trace actuellement disponible du film. Celui-ci n'a pas été exploité dans les années 70 sous la forme d'un raccourci sonorisé pour la télévision, et c'est sans doute qu'on n'avait à l'époque accès à aucun élément. Mais cette version est très incomplète, et en attendant une hypothétique restauration, la continuité en a beaucoup souffert, sans parler de nombreuses traces de décomposition, qui rendent le visionnage hasardeux... Il faut parfois souffrir pour être un cinéphile.