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31 juillet 2020 5 31 /07 /juillet /2020 11:30

Certains films ont les acteurs qui vont faire se déplacer les foules et, ce qui est plus important, donner une interprétation iconique; d'autres reposent sur une mise en scène parfaite, novatrice qu'elle soit discrète ou voyante; pour d'autres films, c'est la musique, d'autres enfin reposent sur un décor tellement emblématique... Le cinéma c'est toujours une combinaison de ces facteurs (j'entends une personne au fond qui dit "et le script"?, je répondrai que je l'ai sciemment laissé de côté, on parle de choses sérieuses ici), mais rares sont les films qui cochent toutes les cases... Le troisième western de Sergio Leone, lui, y parvient sans problème...

Les gens qui habitent au sud de Burgos, en Espagne, le savaient, quelque part dans le désert, on trouve les lieux sur lesquelles la production de Il buono, il bruto, il cattivo pour reprendre le titre Italien, s'était installée à l'été 1966 pour recréer une Guerre de Sécession fantasmée qui devenait le symbole glorieusement absurde de toutes les guerres; de part et d'autre d'une colline, deux séquences emblématiques du film avaient été tournées: près d'un ruisseau miteux, le décor de tranchées plus proche de celui de la première guerre mondiale, et le pont qu'il a fallu faire sauter... deux fois, comme on l'apprend dans le film grâce à un Clint Eastwood hilare. de l'autre côté, le cimetière mythique qui sera l'arène finale, le lieu du sacro-saint duel, un cimetière de 5000 tombes qu'il a fallu créer de toutes pièces! Les lieux ont été laissés tels quels par la troupe une fois le tournage fini, et la nature a fait le reste...

Mais des dizaines d'années plus tard des passionnés, locaux comme étrangers, se sont mis en quête d'abord de retrouver le site du cimetière (facile à repérer d'en haut, d'ailleurs, puisque si la nature a repris ses droits, elle l'a fait en imitant la structure particulière circulaire et concentrique de la construction initiale. Puis ces doux dingos organisés en association se sont décidés à recréer le cimetière puis à l'entretenir. Seule quelques débris de tombes subsistaient... C'est l'étonnante histoire de ce film, qui est fait e constants allers-retours entre les pèlerinages des passionnés, puis leur entreprise du dimanche (il se trouve que certains d'entre eux sont des archéologues, ça tombe bien) , et des interviews de spécialistes (Christopher Frayling), des survivants de l'équipe du film (en premier lieu Eastwood, mais aussi Morricone, et pas qu'eux!) mais aussi d'autres passionnés, dont James Hetfield de Metallica, ou les réalisateurs Alex de la Iglesia et Joe Dante! Enfin, un concert de Metallica en Suède est utilisé avec pertinence, bien que ce soit parfois très surprenant! 

Et de tout cela on va prendre une belle leçon d'histoire, méthodique et qui ne néglige pas le moindre détail, on va évidemment revenir sur la scène du duel le plus spectaculaire des films de Sergio Leone et en détailler la genèse, on va aussi aborder la question de l'absurdité d'aller faire un tel film en plein pays fasciste... Mais on va aussi et surtout assister à une belle leçon d'humanité, de la part de ces quidams qui vont aller tellement loin dans la reconstruction de leur lieu de mythe, qu'ils vont être applaudis par trois artistes de premier plan à la fin du film, à leur grande surprise d'ailleurs... Ce film inattendu est un documentaire humain et tellement réjouissant qu'il est hautement recommandé...

 

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Published by François Massarelli - dans Documentaire Clint Eastwood Sergio Leone
1 mai 2013 3 01 /05 /mai /2013 19:23

La "version longue" de la version longue de ce film dont l'histoire de la confection est riche en rebondissements, est désormais disponible. Elle contient une vingtaine de minutes supplémentaires par rapport à la version auparavant disponible, dont certaines sont mythiques; par contre, certaines voix se sont élevées pour rappeler que Leone lui-même se serait opposé à la réinsertion de certaines scènes. On n'est donc sans doute pas devant une version idéale. Au moins la vision de ces quatre heures et onze minutes nous permettent-elles de revoir le film, avec toujours plus de bonheur...

C'est vers 1968, au moment de la sortie de Once upon a time in the west que Leone a commencé à vouloir monter ce projet, y voyant la possibilité de continuer une nouvelle trilogie. L'histoire est célèbre: le cinéaste a tenté par plusieurs fois de monter ce film, trouvant à plusieurs époques les acteurs idéaux, avant de voir le projet capoter plusieurs fois. Tel qu'il est le film propose des solutions idéales avec ses acteurs Américains, qui s'expriment tous en anglais du début à la fin, permettant au film d'échapper à cette malédiction de post-synchronisation mal fichue qui reste embarrassante en particulier sur Il était une fois la révolution. Mais de toutes façons, l'intérêt de ce film vaste et riche est ailleurs: il conte une vision du siècle, par la lorgnette du banditisme, à travers l'amitié entre Noodles (David Aaronson, interprété par Robert de Niro) et son ami Max, joué par le grand James Woods. Les deux sont au départ des garçons débrouillards de Brooklyn, où ils apprennent à devenir des caïds, selon le précepte de Max (On ne veut pas de patron). Ils subissent une rupture brutale, lorsque Noodles est envoyé en prison pour avoir brutalement tué un gangster qui avait abattu l'un des leurs, le petit Dominic, alors que tout semblait baigner dans l'huile... après le retour de Noodles à la vie active et aux affaires, en plein age du jazz (les années 20), les deux hommes semblent de plus en plus éloignés l'un de l'autre, et une trahison se profile alors, qui va avoir sur les personnages des répercussions graves, tant psychologiques qu'historiques...

Noodles, parallèlement, est hanté par le souvenir de son amour d'enfance, Deborah (Elizabeth McGovern), dont il était fou, mais qui l'a constamment à la fois repoussé et encouragé de façon très ambiguë. Comme avec son film précédent, Leone le provocateur choisit de raconter à sa façon l'histoire du 20e siècle en en faisant l'histoire de gangsters et de leurs méthodes... Le motif qui sert de fil rouge au film est le temps, avec sa structure étonnante, faite de flash-backs ou de flash-forwards (Il y a un aspect polémique de la structure temporelle, sur lequel je reviendrai), le temps qui fait d'un garçon un homme et d'un homme un vieillard. Les acteurs ont été sélectionnés pour leur capacité à interpréter les personnages vieillis, et De Niro s'en sort bien, comme James Woods.  

Le rêve Américain est ici vu par le biais du gangstérisme, mais aussi de l'antagonisme, à moins que ce ne soit l'amitié, de deux hommes. Max, celui qui va réussir, y compris en passant par l'ultime manipulation, et qui va mener, arrivant toujours avant son ami Noodles, et celui-ci, éternel second, en tout: leur rencontre est exemplaire; Noodles a prévu un coup avec ses amis, et compte sur un attelage qui va passer pour cacher des yeux de la police ce qu'ils envisagent de faire: se saisir d'un ivrogne, lui violer son argent... Mais Max, installé sur la carriole, qui a tout compris, se saisit de l'ivrogne pour lui faire traverser la route, eu au passage lui piquer sa montre. Leur deniaisage se passe également d'une façon qui tourne à l'avantage de Max, puis Noodles sera toujours celui qui a failli, celui qui a aidé. Toutes ses initiatives seront généralement mal venues... Et même sa trahison sera pilotée par Max. L'un des fils rouges du film est le temps, symbolisé dès la première rencontre de Noodles et Max par la montre volée au vieil homme saoul; Noodles va ensuite la voler à max dans une chamaillerie, mais un policier va la confisquer. elle sera ensuite récupérée lors d'un coup d'éclat, scellant une fois pour toutes le lien des deux hommes au temps qui passe, qui fait, ou défait les rêves. Il les voit devenir maîtres de la rue, de la ville... et se confronter l'un à l'autre, jusqu'en 1968. 

Le sexe, relativement absent des films précédents, prend ici une place très importante, d'abord dans les rapports entre les gens: la première vision de Deborah dans le film est celle ou la jeune Deborah (Jennifer Connelly) se déshabille sous le regard de Noodles qui se croit caché; puis, le dépucelage des jeunes gangsters devient un rite de passage qui se confond avec leur prise de pouvoir, puisqu'il coïncide avec le moment ou ils prennent le contrôle du flic local... Lors de sa sortie de prison, Noodles reçoit une fille nue en cadeau de la part de Max, et de nombreuses scènes de casse ou de coups se résolvent dans une anecdote sexuelle (le viol de Tuesday Weld par De Niro, à moins que ce ne soit le contraire...). Le sexe et la vie, le tout vu par un vieillard (De Niro en 1968), quoi de plus naturel, pour quelqu'un qui vit planqué et seul depuis 35 ans? Bien sur, cette débauche allègre a rejailli sur le devenir du film, qui a connu de multiples coupes et versions... et cette débauche (sans jeu de mot) culmine à mon sens dans une scène qui donne à tous ces souvenirs un gout amer, scène de viol parmi les plus insupportables de l'histoire...

A moins que... Leone l'a souvent dit, et la structure du film telle qu'elle est le confirmerait: le début du film voit des raids de police, et des gangsters à la recherche de quelqu'un, alors que Noodles est dans une fumerie d'opium... Plus tard dans le film, on le voit y arriver, une fois la trahison qu'il a commise effectuée, et les derniers plans du film le voient exhaler la fumée, ce même jour, le regard hagard et hilare... les parties situées en 1968 sont-elles issues de sa rêverie, ou sont elles chronologiques? Sont-elles le résultat d'une vie de regrets et de bonheur foutu en l'air, ou le rêve que sa trahison ne soit qu'une manipulation de quelqu'un d'autre, afin de se dédouaner de ce geste qu'il n'assume pas? Les deux font du sens, même si les rebondissements mélodramatiques de la partie "moderne" sont particulièrement exagérés...

Une autre lecture serait celle d'un Noodles qui se serait résigné une fois pour toutes à regarder sa vie sous le signe du regret, découvrant à la fin que son ratage à lui n'est finalement rien à coté de la réussite d'un autre, le 'secrétaire' Bailey dont l'identité reste longtemps supposée inconnue, mais il ne faut pas beaucoup réfléchir avant de trouver la vraie identité de cet homme venu de nulle part, riche depuis le moment ou Max a été retrouvé mort, calciné, qui vit avec celle que Noodles a tant aimé mais qu'il a laissée partir... Ce secrétaire Bailey pris dans un scandale tel qu'il a décidé de payer Noodles pour le tuer lui; car Leone nous le dit, au rêve Américain incarné par Max et Bailey, correspond un irrépressible instinct de mort. L'éternel second, tout en faisant défiler le déroulement de sa vie ratée, s'en tire finalement plutôt pas mal.

Quoi qu'il en soit, ce film à la structure rêveuse, est fait comme on en a l'habitude chez Leone de scènes toutes entières dévolues au présent, dont les détails inoubliables sont liés au regard, et aux sens du personnage principal joué par de Niro ou le jeune acteur (Scott Tiler) qui interprète le jeune "Noodles", ou d'autres personnages. Le sens du détail parfois très trivial (Le corps de Deborah vu depuis un trou dans le mur, ou dans la scène d'ouverture, un tueur qui cherche Noodles prend le temps de voir qu'une jeune femme a un sein à l'air, et il pose le bout de son arme sur l'aréole. Une scène coupée dans de nombreux pays, et pourtant c'est un détail important: un moment d'humanité dans lequel la terre s'arrête de tourner) renvoie un peu à Stroheim et son talent pour donner de la substance et de la richesse à toutes les scènes... La musique de Morricone, qui est moins paroxystique que d'habitude, joue pour sa part la carte du jazz des années 25-35, renvoyant à l'idée d'un temps qui se serait arrêté pour les personnages à ces derniers événements: trahison, tuerie, viol, et fin de la prohibition... Comment vieillir en paix après une telle crise? Tout cela ne serait donc qu'un rêve?

Un rêve de cinéma, en tout cas... Leone réalise son film le plus désiré de sa carrière, et le plaisir de filmer, en compagnie de son complice chef-opérateur Tonino Delli Colli, est plus que jamais palpable... La version longue, sortie miraculeusement de plusieurs années de purgatoire, n'apporte rien à la thématique du film, mais le complète parfois avantageusement, parfois moins. Certaines scènes ajoutées y sont trop explicites ou bavardes, d'autres sous-tendent la thématique de la réussite vécue comme un échec: la pièce que joue Deborah lorsque Noodles vient la voir en 1968 est Anthony & Cleopatra, de Shakespeare, et on assiste donc au suicide d'une femme, qui est la maîtresse d'un homme illustre, que tous veulent mort... Le dernier film de Leone est peut-être bardé de défauts (Beaucoup le disent) mais il est aussi très beau, dans son mystérieux déroulement, avec ses zones d'ombre, sa mise en valeur de l'amitié et du fait qu'entre la marche du temps et le plaisir de partager une amitié, un amour, un moment même, le choix est parfois trop dur. On y perd la tête, la vie, ou le bonheur...

Once upon a time in America (Sergio Leone, 1983)
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Published by François Massarelli - dans Sergio Leone
8 juillet 2012 7 08 /07 /juillet /2012 08:50

Le premier des films de Leone est aussi le pire, ou en tout cas le moins intéressant: peplum totalement dans la ligne du genre qui sévissait alors en Italie, il permet au réalisateur, déja chevronné pour ses participations à d'autres productions, de faire ses classes, et de se tirer avec honneur d'une pièce montée caractéristique de la période: casting international, versions différentes suivant les censures, histoire édulcorée et gnan-gnan à souhait de gens en jupette permettant quand même les morceaux de bravoure.

 


On notera un certain nombre de traits leoniens, qui ressortiront de façon intéressante dans les westerns, notamment le fait que le héros (L'affligeant Rory Calhoun) soit amené à changer de camp à chaque bobine, quasiment... Ou encore le façon dont il est un témoin privilégié de bien des exactions (les totures largement censurées, par exemple) sans toutefois être partie intégrante de l'action, un destin qui sera partagé par le Clint Eastwood des trois films suivants. Enfin, Le Colosse de rhodes est à tous égards le moment de passage d'un monde à l'autre, vécu dans la douleur, ce qui est virtuellement la base de tous les films qui suivront. On note au passage qu'il résume en quelques jours des faits qui se sont déroulés sur des années: un peplum n'est pas une vision d'histoire.

 

Comme tous les films de leone, celui-ci a donc subi des changements dans les pérégrinations dues à son succès mondial, et aujourd'hui on a accès à (Au moins) trois versions: la plus longue, qui incorpore des tortures inventives (George Marchal enfermé dans une cloche sur laquelle on frappe de manière à lui faire exploser les tympans...) et des plans sanguinolents du plus beau rouge; la version Française, légèrement raccourcie, et enfin la version Américaine, que les petites mains de la MGM ont ramené à ce qui était considéré comme l'essentiel...

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Published by François Massarelli - dans Sergio Leone
29 mars 2011 2 29 /03 /mars /2011 08:51

Bien sur, Tonino Valerii n'est pas le pseudonyme de Sergio Leone, et de fait on attribue souvent ce film, à tort, à l'auteur d'Il était une fois en Amérique. Il ne manque pas de raisons pour entretenir cette confusion: Leone a participé à un scénario basé sur son idée, il a été un producteur actif, présent sur le plateau et a même tourné certaines scènes, parmi lesquelles des moments importants du film. De plus, si le fait qu'il ait donné l'impulsion de tourner ce film ne fait aucun doute, le résultat final ressemble à la fois à un film de Leone par le style, mais sur un versant ouvertement auto-parodique. A aucun moment la mythologie ne sera résolue par l'apparition de conflits personnels non résolus ou de plaies béantes générées par un traumatisme, comme dans les grands films du réalisateur. 

 

Jack Beauregard (Henry Fonda), héros désireux de se retirer de la scène de l'ouest, se retrouve au milieu d'un conflit qui a couté la vie à son frère. Un jeune admirateur, qui se présente comme "personne" (Ternce Hill), le pousse à s'investir, et à faire une dernière fois la preuve de son talent en se battant seul contre une "horde sauvage" de 150 malfrats...

 

La comédie l'emporte bien sur sur ce film, qui n'est sans doute pas un classique aussi digne que les films de Leone. La thématique ressemble un peu, avec sa confrontation entre le vieil ouest et l'admirateur, ses rites de passage, et la mise en scène mythologique de certaines confrontations, mais la musique de Morricone joue ouvertement la carte de la parodie et du gag (La chevauchée des Walkyries est régulièrement citée lorsqu'on voit les bandits), et les scènes de bagarre reposent beaucoup sur le slapstick, mettant en valeur plus Terence Hill que Henry Fonda. On n'est, heureusement, pas dans Trinita, le film sait ne pas aller trop loin, mais l'ambiance est légère.

 

On ne sera pas surpris que la scène durant laquelle Beauregard se retrouve effectivement face à 150 bandits sur une vaste plaine, avec le nuage de fumée qui se déplace au loin, et un mouvement de grue significatif qui s'élève vers les cieux, en plein désert du Nouveau Mexique, ait été tournée par Leone lui-même. Celui-ci a infusé une dimension référentielle qui va au-delà de son propre travail, puisque les réfrences s'étendent à Peckinpah: The wild Bunch, mais aussi le nom du réalisateur, lu sur une tombe...

 

A noter qu'il a failli exister une bande dessinée du film, dont plusieurs planches ont été réalisées: le dessinateur Belge Joseph Gillain (Oui, LE Jijé!!) a été invité par Leone soi-même à prendre des croquis sur le plateau, comme en témoignent de nombreuses photos publiées dans le 18e volume de l'intégrale de Jijé publiée aux Editions Dupuis. Mais l'album ne sera pas finalisé faute d'un accord avec Leone qui était décidément très gourmand (Coincidence? le premier album, un Jerry Spring, de Jijé réalisé après ce rendez-vous manqué s'appellera L'or de Personne...).

En attendant, ce petit film plaisant a réussi au moins à concilier sans trop de mal le western ouvertement parodique, et une version légère du grand ouest fascinant de Sergio Leone. Celui-ci avait sans doute trop à penser, puisqu'on l'imagine déjà la tête dans son vrai film suivant, ou il avait peur de s'auto-parodier, en attendant Tonino Valerii, dépourvu de tout complexe à l'égard de la comédie, a fait du bon travail. Et les scènes de machine à baffes nous renseignent définitivement sur le fait que décidément, tout ça n'est pas bien sérieux...

Il mio nome è Nessuno (Tonino Valerii, 1973)
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Published by François Massarelli - dans Sergio Leone Western
27 mars 2011 7 27 /03 /mars /2011 12:09

Après l'énorme succès de son film précédent, on aurait pu croire que Leone n'aurait aucun problème à faire avancer le moindre projet, et pourtant sa grande idée, un film qui serait l'aboutissement de sa propre fascination pour l'Amérique, ne parvenait pas à se faire. Au lieu de cela, il a donc produit ce film, au titre Français qui semble faussement se situer entre deux autres films en "il était une fois" mais dont la multiplicité des titres existants est un symptôme de la confusion qui régnait alors: Le titre Italien, qui signifie baisse la tête, a été traduit à l'insistance de Leone en Duck, you sucker! (Baisse toi, abruti... ou quelque chose d'approchant), le réalisateur peu rompu à l'Anglais étant persuadé que c'était une expression courante; sinon, les distributeurs Européens ont préféré jouer sur le familier, et les Anglais ont privilégié A fistful of dynamite, pour faire écho aux deux premiers westerns, alors que d'autres ont opté pour Il était une fois la révolution, afin de rappeler l'illustre carton de 1968.

Si Leone avait une préférence pour Duck, you sucker, c'est tout simplement parce que c'était le titre qui renvoyait le plus à sa vision du film. Celui-ci ayant une fois de plus été distribué dans des versions complètement différentes d'un pays à l'autre, c'est un autre symptôme de foutoir généralisé, et on va essayer d'y voir clair à la lumière de la restauration actuellement disponible qui est, comme d'habitude, controversée: chaque fan du film a sa vision des choses, donc vous voyez le problème... Comme en prime on en trouve également parmi les plus fanatiques qui osent soutenir que la seule version qu'ils verront jamais sera doublée en français (Et puis quoi encore?)...

Au Mexique, en 1913, les forces gouvernementales doivent affronter une révolte populaire, dont Juan Miranda, un paysan bandit, entend bien profiter: il a des vues sur la banque de Mesa Verde, mais ne dispose pas de la puissance de feu nécessaire. parallèlement, un mercenaire Irlandais, dynamiteur professionnel et ancien de l'IRA, croise son chemin. les deux hommes vont faire alliance, l'un mu par l'appât du gain, l'autre par l'amour de la dynamite.

On le voit, le film est un paradoxe: alors qu'il propose une relation très claire et établie entre deux hommes qui vont finalement assez peu se quitter, il est aussi construit de façon plus lâche que précédemment, le film souffrant en particulier de nombreuses coupes, qui créent des sautes dans la continuité. Un autre problème vient du fait que de nombreux pays, notamment les Etats-Unis, ont cru bon de couper le film afin d'en atténuer ce qu'ils croyaient être un militantisme pro-révolutionnaire (Très à la mode, bien entendu), alors que le propos de Leone était d'affirmer les valeurs de l'amitié, de la famille et de l'humanité, tout en montrant une révolution lambda, dans sa force destructrice. la révolution à laquelle John Mallory (James Coburn) et Juan Miranda (Rod Steiger) prêtent main forte étant un chaos généralisé, aussi peu attirant  que ne l'était l'étrange guerre civile dans Le bon, la brute et le truand.

Le film repose comme toujours avec Leone sur la présence de fantômes personnels (Rappel du traumatisme de Gian Maria Volonte, dans For a few dollars more, de Harmonica dans Once upon a time in the west): ici, c'est John qui en bénéficie, puisqu'il est hanté par le souvenir de son meilleur ami Sean (...Sean, Sean, Sean, dirait Ennio Morricone), dont il est responsable de l'arrestation, mais aussi de la mort. Ce thème trouve un écho dans le personnage d'un héros de la révolution, qui a commis lui aussi un acte de traîtrise, mais que John se refuse à juger. Un autre thème est apporté par la première scène du film, dans laquelle Juan se rend maître d'une diligence dans laquelle des bourgeois, prêtres et dames de la haute société devisent sur les sous-hommes que sont les paysans. Juan aura sa revanche sur eux, permettant une lecture très féroce d'une lutte des classes dans laquelle l'heure des pauvres est enfin venue, dans une scène de comédie qui d'ailleurs inaugure une première heure de film dominée par un ton assez léger. Mais cette atmosphère vire vite au noir, et le film ressemble vite au crépuscule d'un héros, qui rejoint les anti-héros du film précédent au panthéon des héros d'occasion, les combattants de passage qui vont, par leur implication personnelle (Traumatisme, vengeance, mission confiée par un tiers en échange d'argent) faire plus facilement progresser les choses que les authentiques grands hommes: voir à ce sujet le sort réservé par Leone à Villega, le docteur responsable de la lutte dans le film.

Je confesse une irritation irrémédiable devant la manie fellinienne de la post-synchronisation systématique des films Italiens, dont souffre selon moi ce film. C'est irritant, et le fait est que le film a été doublé de façon insupportable en Anglais, tout comme dans toute autre langue, n'arrange pas les choses. On est malgré tout bien obligé d'en passer par là puisque l'Anglais reste malgré tout la langue de référence comme sur les autres films de la série. Un regret mineur, pour un film attachant, aussi généreux que ses deux personnages sont, finalement, bien humains. Une ode à des valeurs simples, telles que l'amitié, la famille (la scène durant laquelle Juan découvre sa famille massacrée le fait changer, lui donne paradoxalement une raison inattendue de s'impliquer), mais aussi aux joies simples: la découverte du plaisir de massacrer des soldats par Juan, qui a pris la leçon de John, et qui culmine symboliquement dans sa reprise de la formule préférée du dynamiteur en chef: "Duck, you sucker!".

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Published by François Massarelli - dans Sergio Leone
19 mars 2011 6 19 /03 /mars /2011 18:33

Il était, donc, une fois dans l'Ouest... Alors que la construction du chemin de fer se poursuivait en direction du pacifique, une femme, Jill, débarquait de la Nouvelle Orléans par le train, afin de se lancer dans une nouvelle vie aux côtés de McBain, l'homme avec lequel elle s'était mariée en secret, un Irlandais qui disait être riche. Manque de chance, un tueur, Frank, avait massacré la famille McBain, le mari, mais aussi ses trois enfants: une jeune femme, un jeune homme et un garçon. Au même moment, deux hommes faisaient parler d'eux: le bandit Cheyenne, et un homme qui répondait au surnom d'Harmonica, puisque il jouait en permanence de cet instrument... 

L'histoire est bien sur assez classique, entremêlant les figures Westerniennes traditionnelles, les échanges savoureux et les grandes figures à la Leone. Mais derrière ce titre qui renvoie sinon au conte, en tout cas au mythe, Leone dresse un portrait fascinant de l'Ouest en plein bouleversement, et son film, finalement, plutôt que de continuer la révolution du "Western spaghetti", louche assez franchement du coté de John Ford, en particulier de My darling Clementine, dont le décor changeant était celui d'une ville en construction... Et puis il y a Henry Fonda. Le grand coup de poker, c'était à l'époque de se demander si le public allait accepter Fonda en Bad guy: Frank, c'est bien sûr lui, accompagné de trois autres acteurs: Claudia Cardinale, Jason Robards, et Charles Bronson.

Des hommes, et une femme: les hommes, dans ce film, sont tous liés à la violence, de Frank le tueur professionnel à Cheyenne, le bandit au code d'honneur, en passant par Harmonica, le mystérieux étranger qui se présente sous les noms des victimes défuntes de Frank avant de se mesurer avec ce dernier dans un duel mythologique, mais aussi par Morton, le propriétaire de la compagnie de chemin de fer qui envoie Frank faire le sale boulot, et dont le handicap est non seulement une trace de son passé, mais aussi un reflet de son âme et un commentaire ironique sur sa toute-puissance. Tous, sauf un, mourront, aussi simplement que meurent les trois bandits de l'introduction justement célèbre. Avec le train qui passe, les quatre hommes représentent le passé peu glorieux de l'Ouest, mais comme le dit Frank à Harmonica, ils n'ont aucun avenir, il leur faut juste survivre à l'instant. Un sujet parfait pour un film de Leone, donc: comme toujours, les scènes sont autant d'instants vécus intensément, inoubliables, et fascinants.

Quant à la femme, eh bien, elle est changeante, et c'est un peu toutes les femmes; comme le dit Lionel Stander dans son rôle de boutiquier-barman, "à la Nouvelle Orléans, il y des femmes qui..." et les indices prouvant que Jill est une ancienne prostituée ne manquent pas. Mais il le dit aussi, "Vous n'êtes pas comme ça": en effet, dès le départ, Jill assume d'être Mrs Mc Bain, désireuse de changer de vie. Pour Harmonica, elle représente un avenir à protéger. Pour Cheyenne, elle est souvent comparée à sa mère, qui a été une prostituée. Il la bouscule un peu, la provoque, mais il la traite comme sa mère, justement, et il lui prédit le rôle le plus important de la nouvelle ville qui va naître: elle est la vie. Enfin, Frank lui aussi tourne autour de la jeune femme, d'abord pour la posséder, mais il tombe vite sous le charme...

Les deux westerns précédents se résolvaient autour d'une scène lyrique, un point culminant, et c'est bien sur le cas ici, mais Leone, qui a multiplié les morceaux de bravoure (a commencer par les dix premières minutes), se résout à changer la donne: on attend une confrontation entre Frank et Harmonica, et au moment donné, on a une explication sous la forme d'un flash-back. Leone et Morricone lui donnent toute la puissance de feu nécessaire, et la confrontation en est presque escamotée... Devenue redondante? Non, mais elle aurait probablement pâli au regard du lien passé entre Frank et l'ange exterminateur Harmonica, sise à Monument Valley, en un lieu improbable: une arche quasi-Romaine, reflet construit par la production d'une hypothétique ruine, qui renvoie bien sûr au mythe originel, à la rencontre qui hante l'homme à l'harmonica, qui va enfin rendre la monnaie de sa pièce au tueur qui l'a rendu acteur du meurtre de son propre frère...

Son film plus Américain que les précédents, Leone n'avait pas prévu de le faire, mais ce n'est pas grave: c'est un grand film, un classique du western, et il n'y a rien que de belles choses à voir, en Techniscope comme il se doit, du début savoureux à la fin, dans laquelle, enfin, Jill est laissée à son avenir, pendant que les tueurs sont renvoyés à leur mythologie.

Once upon a time in the West (Sergio Leone, 1968)
Once upon a time in the West (Sergio Leone, 1968)
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Published by François Massarelli - dans Sergio Leone Western
8 mars 2011 2 08 /03 /mars /2011 18:39

Avec le dernier film de sa première trilogie Westernienne, Leone avait les coudées franches: les deux premiers rencontraient un franc succès partout où ils étaient montrés, et il avait donc un budget en conséquence, ce qui se voit d'ailleurs. Et il avait, d'une certaine manière tous les droits. Toutefois, si la version Italienne initiale (Si tant est qu'on l'ait conservée, ce qui n'est pas sûr) était à l'origine très longue (177 minutes), la version Américaine était moins ample, moins bardée de digressions, et c'est celle qui a fait autorité. Une restauration a eu lieu, tentant de conformer la version US à l'Italienne, mais la plupart des scènes insérées se trouvent aujourd'hui au coeur du film, dans la première partie qui, ma foi, semble la plus lente, et la plus propice au décrochage... Je ne sais pas dans quelle mesure cette nouvelle version est légitime, et "telle que Sergio l'aurait voulue", comme disent avec une larme les commentateurs impliqués dans tous les bonus DVD du film restauré...

En attendant, le film commence avec désormais ce qui est la franche acceptation de la stature mythique de ses films par le metteur en scène: en 25 minutes, il nous montre les personnages, leur motivation ou leur façon de faire, leur interaction aussi, en se passant aussi souvent que possible de la parole (la première phrase prononcée vient à la onzième minute...). Comme avec les films précédents, il nous donne à voir, se situe souvent au niveau du spectacle (Le capitaine nordiste qui réclame de ne mourir que lorsqu'il aura vu le pont sauter, par exemple), et Leone achève son film sur une figure circulaire qui vient en droite ligne du film précédent, avec reprise de la musique héroïque... L'ensemble du film est situé dans un énigmatique Sud Ouest en proie à une guerre de Sécession bien problématique pour qui a étudié l'histoire (Bien qu'il y ait eu semble-t-il une bataille située en plein coeur du Texas), avec trois anti-héros à contre-courant: le "bon", dernier présenté, c'est Clint Eastwood, surnommé Blondie. Le film, ultime clin d'oeil aux deux succès précédents, nous montre avec discrétion une sorte de naissance du mythe, avec l'arrivée entre les mains du personnages de deux accessoires qui ont fait sa singularité (Il ne les porte en effet pas dans la première partie): un gilet en peau de mouton, et le fameux poncho aux couleurs improbables que Clint ne porte qu'à la toute fin, après l'avoir pris à un homme mort auprès de lui. En dépit de son appellation, il n'est pas bien meilleur que les deux autres, mais le capital de sympathie du public lui est acquis. La brute (the bad en Anglais), c'est un Lee van Cleef ("Angel Eyes") plus noir et ambigu que dans le film précédent et en particulier profondément sadique. Enfin le "truand", c'est le véritable héros du film, le truculent Eli Wallach (Tuco) qui assure souvent le spectacle à lui tout seul, et qui se trouve comme un poisson dans l'eau dans le mélange détonnant entre mythe et vulgarité qui court du début à la fin de film.

Si le film est long, il ne manque pas de moments fascinants, notamment ceux autour de la bataille idiote (Et spectaculaire, à la David Lean si on se contente d'observer les moyens mis en oeuvre) à laquelle assistent Tuco et Blondie, qui s'installent bien confortablement avant d'en prendre plein les yeux, ou encore le début étiré et énigmatique auquel Leone nous fait assister presque en contrebande, en plaçant sa caméra derrière un champ d'obstacles, et nous donne l'impression d'assister à une scène volée, interdite... Il présente ses trois héros en pleine action par des arrêts sur image, et multiplie les contrastes optiques, en jouant de l'impressionnante profondeur de champ du Techniscope. Bref, il affûte ses armes, sans doute pensait-il déjà à la suite, le merveilleux film qui allait suivre? Peut-être, mais ce voyage en absurdie au terme duquel un héros est né a été assez loin dans le baroque et, grâce à Tuco, dans l'humour irrésistible: "If you want to shoot, shoot! Don't talk!"

 

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Published by François Massarelli - dans Sergio Leone Western Clint Eastwood
7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 10:20

Revenir à la charge, en 1965, après Pour une poignée de dollars, a été sans doute la meilleure idée de Leone: après tout, si le film précédent a inauguré un genre, c'est celui-ci qui va le confirmer, et consolider le succès, avec en prime une distribution aux Etats-Unis, ce qui peut paraître inattendu, et l'était encore plus en 1965. A l'austérité du premier film, qui tranchait sur le cadre Westernien par le manque total de conviction morale affichée de son héros, Leone substitue un écheveau plus complexe qu'il n'y paraît, faisant un film dans lequel il n'y a pas un, mais deux héros. Ils n'ont juste pas les mêmes motivations. Avec Douglas Mortimer, interprété par Lee van Cleef (Comme Eastwood, un homme dont le visage même est une mise en scène à lui tout seul), Leone commence à nous parler de gens traumatisés par un acte de violence fondatrice, on retrouvera ce thème dans d'autres films bien sûr, et on assistera même en direct à un acte de violence blasphématoire dans Once upon a time in the West... Mais dans le film qui nous occupe, cet acte est partagé par un autre protagoniste, le bandit psychopathe El Indio, joué par Gian Maria Volonte. Mortimer, qui est chasseur de prime, ne pratiquera pas la violence gratuitement, et son cynisme apparent cache une blessure secrète.

Deux chasseurs de primes débarquent au Nouveau Mexique, dans le but de démanteler la bande d'un bandit échappé de prison, El Indio. Ils se divisent le travail, l'un d'entre eux restant à observer à l'extérieur pendant que l'autre infiltre la bande, participant de fait à un hold-up spectaculaire... 

Le film, comme le précédent, assoit sa mise en scène en la mettant en valeur aussi souvent que possible, Leone prenant un plaisir manifeste à convoquer toutes les ressources de la narration cinématographiques, et poussant un peu plus loin ses expériences du premier film de distorsion du temps et de l'espace. Mais c'est dans la représentation de la mise en scène qu'il excelle, et dès le départ. A ce titre, Mortimer est bien plus prolixe que Manco (Eastwood, une fois de plus doté d'un nom contrairement à la légende): la façon dont on adopte dans la première scène d'arrestation le point de vue du chasseur de prime est exemplaire du parti-pris de Leone de nous faire suivre en toute connaissance de cause les agissements de celui qui va longtemps être soupçonné d'être un personnage négatif, dont on attend longtemps qu'il joue un sale tour à Manco, justement... Mais non.

Aux agissements de Eastwood et Van Cleef, correspondent ceux d'un troisième "metteur en scène", Volonte lui-même, qui laisse le chasseur de prime infiltrer la bande, qui ensuite observe avant d'agir et de se servir de ses ennemis pour se débarrasser de ses propres amis, devenus encombrants. Le film et son tempo très lent, accompagné par la musique de Morricone qui en souligne la tension repose beaucoup sur le fait d'observer, comme en témoignent ces scènes très longues durant lesquelles les bandits, Manco et Mortimer, chacun de son coté, observent les policiers faire leur ronde afin de minuter les chances du casse...

Mais le film prend tout son sens dans la mise en scène du réalisateur lui même, qui aura bien sûr le dernier mot, au cours d'une séquence baroque et hallucinante durant laquelle Leone s'est enfin débarrassé de tout le superflu, gardant ses trois acteurs, réunis pour une dernière confrontation, un dernier spectacle, sur ce qui est un cirque, tracé par les restes d'une construction en ruines. Un cadre mythique, à la hauteur de l'enjeu: donner au film une fin inoubliable... Morricone se lâche, Leone multiplie les plans, et le reste appartient à l'Histoire.

 

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Published by François Massarelli - dans Sergio Leone Western
7 mars 2011 1 07 /03 /mars /2011 09:52

En 1964, ce film avait tout pour n'être qu'un ovni: une intrigue tellement squelettique qu'elle tient en une phrase (un homme taciturne débarque dans un village sur la frontière Mexicaine et règle une vieille querelle entre deux bandes rivales en prenant le dessus sur tout le monde.), une production multi-culturelle (acteurs Allemands, Italiens et un Américain, le tout en espagne et censé simuler les Etats-unis), et une "star" problématique: Américain, oui, mais surtout connu pour son travail à la télévision. Et surtout, le film possédait un caractère inattendu, incongru, qui touchait au blasphème: un western tourné en Europe par une équipe Européenne.

Il serait mesquin de dire que tout le "western Spaghetti" est né de ce film, et ce serait faux: non seulement le terme péjoratif ne s'applique aux films de Leone que dans la mesure ou ils furent les premiers westerns Italiens, mais il y a un monde entre la producction à la chaine de petits films sans âme, avec Terence Hill ou même Lee Van Cleef, et cette déclaration d'amour au cinéma, qui inaugure non seulement une production Européenne valide, mais aussi et surtout représente la naissance d'un style, les premiers agissmenets d'un artiste. L'un des premiers grands cinéastes référentiels, les suivants étant bien sur des gens comme Spielberg, Lucas, Coppola, Scorsese... et Eastwood.

Le film est célèbre pour ses petits tics, parodiés souvent et généralement avec tendresse. Mais ce qui le caractérise, au-delà de l'habituelle juxtaposition des gros plans et des plans larges, de l'étirement du temps, de l'utilisation savante de la bande-son, c'est la mise en avant du processus de mise en scène. Joe, le héros joué par Eastwood (Il faut arrêter de l'appeler "L"homme sans nom", il en a un!!), est un homme qui n'est pas que doté d'un tempérament d'acier; il a aussi l'intelligence pour lui et met en scène en particulier la scène finale de confrontation, justement célèbre: Leone ne nous dit pas tout, il ne nous donne qu'une information: Joe trame quelque chose... le reste, c'est du cinéma pur, qui repose à la fois sur le fait de voir, d'écouter, sur la surprise et sur une solide dose d'humour. Donc, montrer, et surtout nous imposer de voir: deux préceptes de mise en scène qui sont ici montés en épingle, jusqu'à devenier le sujet même du film. Leone poussera cette logique plus loin dans le deuxième film en faisant interveniur un duel entre deux metteurs en scène; ajoutant à Eastwood un personnage de chasseur de prime interprété par Lee Van Cleef. En attendant, on pourra se délecter des plaisirs coupables de ce petit film, tourné pour pas grand chose, mais qui est meilleur que bien des westerns Américains contemporains, ceux de Andrew McLaglen en tête.

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Published by François Massarelli - dans Sergio Leone