Une poule et ses poussins vont ramasser du maïs, et demadent de l'aideà deux voisins, Peter le cochon, et Donald le canard... Mais les deux auront la même réaction, à la simple idée de devoir aider et donc de se fatiguer, ils simuleront une maladie! Elle va donc ramasser le maïs seule, et confectionner des gateaux et autres denrées... Au moment de partager, les deux voisins n'auront que de l'huile de foie de morue...
C'est une fable, inspirée de La Petite Poule Rousse. Le côté didactique ne fait aucun doute, et on ira plus sûrement chercher de l'intérêt dans l'animation et la façon dont Jackson crée, avec ses animateurs, un univers qui bouge dans tous les sens, sans avoir d'autre résultat qu'une totale crédibilité. A ce titre, la première séquence qui établit la famille de la poule avec ses poussins qui tous vivent leur vie, est particulièrement notable...
Et puis bien sûr, dans cette Silly Symphony, le personnage dont tout le monde se rappellera, c'est Donald Duck... La voix (Clarence Nash) est déjà là, le côté fripouille étonnera peut-être un peu, et le Technicolor rend justice au code de couleur adopté pour son costume: une étoile est née...
Tout en affichant ma méfiance, j'ai décidé de faire comme tout le monde et de créditer Walt Disney à la réalisation de ce film, mais je n'y crois pas une seconde: c'est très probablement Ub Iwerks, principal animateur de ce qui est la toute première (et la plus courte!) des Silly symphonies, ces courts métrages qui allaient pendant environ dix années envahir les cinémas, bien placés dans des programmes de complément des longs métrages, et parfois rafler la vedette tellement ils étaient bons. Et chacun d'entre eux allait à sa façon apporter une pierre à l'édifice: l'utilisation inventive de la couleur, les raffinements de la bande-son, les essais de perspective et l'illusion du relief, tout vient des Silly symphonies!
Pourquoi ne pas en créditer le patron lui-même? Tout simplement parce que le bonhomme a passé sa vie à placarder son nom sur des films réalisés par d'autres, le moins souvent possible crédités, alors que le nom de Walt Disney était sur toutes les lèvres: mais David Hand, Ub Iwerks, Burt Gillett, Jack King ou d'autres encore ont toujours fait beaucoup plus que le VRP Disney, commercial de génie, oui, mais dont la principale idée aura été de s'approprier les personnages des autres, à commencer par Mickey Mouse, créé par Iwerks...
Ce qui n'enlève rien à ce film, véritable merveille de grand n'importe quoi ironique et macabre, dont les squelettes prennent vie à l'heure où tout le monde se couche, et se lancent dans une grande farandole à la fois noire et idiote, faisant autant rire que peur. La musique de Carl Stallings (futur compositeur pour les Looney Tunes et les Merrie Melodies de la Warner, les éternels concurrents) y est formidable et a clairement servi de base pour les danses joyeusement crétines de ces squelettes bien inoffensifs. Pas un plan de trop, pas un geste inutile: cette Danse macabre (qui tourne autour de Saint-Saens plus qu'autre chose, sans jamais citer ouvertement le maître) est tellement rigolote que les modèles d'animation qu'elle propose seront utilisés et réutilisés dans plusieurs autres films de l'époque.
C'est sans doute afin de donner un dernier coup de tournevis à leur nouvelle invention géniale que les ateliers Disney ont mis ce film de court métrage en chantier. Bien leur en a pris: le film a remporté haut la main l'Oscar du meilleur court métrage d'animation... L'utilisation de la caméra multi-plans, ici expérimentée avec succès (un dispositif qui permet de représenter plusieurs couches de décor, et d'atteindre un plus grand réalisme) va donner un avantage considérable à Disney, au moment d'entamer le premier long métrage maison, l'ambitieux Snow white and the Seven Dwarfs...
Un moulin tout vermoulu sert de refuge à toute une faune: oiseaux, rongeurs ont élu domicile dans son enceinte branlante, et sous l'ombre de ses ailes, une petite mare est habitée par des grenouilles. Mais le vent se lève, et l'orage menace...
Voilà, c'est tout, et c'est parfaitement suffisant pour remplir un court métrage de 8 minutes, rempli de prouesses d'animation, qui réussissent à être à la fois réalistes et en droite ligne de l'univers anthropomorphe des premiers courts métrages Silly symphonies: du coup, le film se place en précurseur de Blanche-Neige, bien sûr, mais aussi Bambi voire certains aspects de Fantasia.
Tout film de la série Silly symphonies se doit d'avoir un angle d'approche technique, ici il est vite trouvé: King Neptune est essentiellement le deuxième film Disney à se pavaner en Technicolor trois bandes, le système de Gone with the wind dont Disney avait à cette époque l'exclusivité sur les autres studios d'animation. Et la mission donnée à Burt Gillett était simple: montrer de l'action, du mouvement, pour en mettre plein la vue...
Quant à l'intrigue, elle est réduite à l'essentiel: des pirates (avinés, pas fins et très schématiques) avisent un groupe de sirènes et décident de les kidnapper, provoquant ainsi la colère de Neptune, et le déchaînement des eaux... Le film anticipe sur la Petite sirène à sa façon, et aurait largement pu s'appeler King Neptune and the Topless Mermaids, tellement ça saute aux yeux...
Notons pour finir que Gillett, le metteur en scène (non crédité selon les mauvaises habitudes de la maison) était attaché à son personnage de Neptune puisqu'il l'a utilisé dans d'autres films... et pas forcément tous des Disney.