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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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8 mars 2019 5 08 /03 /mars /2019 16:50

L'hiver 1999-2000 est le dernier d'Odell Barnes, condamné à mort parce qu'il a été reconnu coupable du meurtre assorti d'un viol, d'une femme d'âge mûr, une amie de sa mère. Incapable de se disculper, mais surtout comme on dit "bien connu des services de police", Barnes était en liberté conditionnelle. Par ailleurs, l'enquête avait été rapide et comme c'est souvent le cas au Texas, le futur condamné n'avait pas pu bénéficier des services d'un avocat compétent...

Je suis contre la peine de mort, à 100%. Et j'ai tendance à considérer qu'il ne faut pas, quand on fait un film sur le sujet, se lancer dans un réquisitoire qui passerait par le piège de "l'innocent condamné à tort": si le seul moyen qu'on a de condamner la peine de mort est de dire que ça peut parfois mener à la mort d'un innocent, c'est qu'on n'est pas contre le principe de cette tendance à la légalisation de l'acte de vengeance aveugle... 

Mais ce beau film documentaire, âpre et singulier, ne cherche pas à nous démontrer quoi que ce soit, du moins quoi que ce soit d'autre que le fait de se lancer dans une procédure administrative qui mène à l'assassinat pur et simple d'un être humain. Le tournage de ce film (sur lequel Solveig Anspach s'est retrouvée un peu tardivement, une grande part de l'enquête menée par la journaliste Cindy Babski ayant eu lieu sans elle) s'est déroulé entre la fin 1999 et les quelques jours qui ont précédé l'élection de George W. Bush à la Maison Blanche: celle-ci n'est pas présente dans le film, et c'est une bonne chose puisque comme on le sait, ça a été une telle panade cette année-là, qu'il valait mieux éviter d'alourdir le film.

Mais on a bien l'essentiel: les points de vue de la famille de Barnes, celui de l'avocat général (dont objectivement il faut bien dire qu'il a fait un boulot franchement salopé), et quelques autres. Un groupe de militants montrent le travail qu'ils font, et Solveig Anspach n'oublie pas de montrer le Texas comme un lieu de fortes disparités sociales, dans lequel 90% des citoyens sont passibles d'avoir les pires ennuis parce que contrairement aux 10% restant, ils n'ont pas les moyens de se payer un avocat en cas de coup dur. Un état où on élit encore les juges, ceux-ci ont donc à coeur de garder leur injection létale en bon état de marche! 

Made in the USA est un film militant, c'est aussi un documentaire qui vous laissera en paix avec vos opinions, et c'est un regard noir sur une société à plusieurs vitesse, dont on a envie de dire que "Le Texas, ça ne vaut pas Montreuil"...

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Published by François Massarelli - dans Solveig Anspach
6 mars 2019 3 06 /03 /mars /2019 18:09

De Solveig Anspach, on aime les films un peu loufoques, un peu subversifs, mais on apprécie aussi la beauté de ses drames intérieurs féministes... Et le film qui réunit les deux courants, c'est celui-ci. On y retrouve, de retour du film Back Soon, Didda Jonsdottir et ses soucis familiaux, ainsi que son florissant petit commerce botanique... Mais on y fait aussi connaissance de Florence Loiret-Caille, et c'est un bonheur...

Celle-ci interprète Agathe, une jeune femme de Montreuil qui va devoir apprendre à être seule, et à se reconstruire: elle vient en effet de perdre son mari et s'accroche à son urne funéraire en permanence. Elle fait la connaissance d'Anna, l'Islandaise de passage entre la Jamaïque et son pays natal, car son avion est bloqué à l'aéroport: l'Islande, en effet, est en proie à une agitation sociale sans précédent...

Hébergée par Agathe avec son grand fils Ulfur, Anna va découvrir Montreuil, sympathiser avec le grutier Samir (Guesmi), que nous reverrons en amoureux transi d'Agathe dans L'effet aquatique, fumer des gros pétards, devenir grutière, récupérer une improbable robe de mariée rose, et tout et tout. De son côté, Agathe va réapprendre oui, mais à la dure, en devant faire un deuxième deuil de son mari le jour où la maîtresse de celui-ci arrive, tout sourire, pour retrouver son amoureux dont elle ignore le décès...

Et le retour à la vie de la triste Agathe passera aussi par une séquence à la fois triste, et profondément lou-phoque. L'orthographe de la phrase précédente a été discrètement modifiée afin de rendre hommage à l'un des personnages principaux du film, qui appartient selon moi à une communauté rare: les fées aquatiques...

 

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Solveig Anspach
15 février 2019 5 15 /02 /février /2019 09:49

Cora Levine (Elodie Bouchez) est psychiatre à Bruxelles, et elle s'intéresse beaucoup à une mystérieuse femme (Didda Jonsdottir) atteinte de mutisme, et au comportement insondable. Elle l'obsède au point où Cora néglige son couple. Un jour, ses supérieurs découvrent que l'inconnue est une Islandaise enfuie de chez elle, et la rapatrient sans crier gare: Cora part sur le champ pour la récupérer...

C'est une coproduction Islando-Belgo-Française, réalisée à Bruxelles et à Vestmannjaeyr (Islande) par une réalisatrice Americano-Islandaise basée en France... ouf! Le déplacement, le déracinement, et la survie en milieu hostile, voilà trois thèmes en vrac explorés par ce film exigeant, tourné sur un mode documentaire. Ce n'est pas toujours confortable, mais on y retrouve tout un univers qui ne demande qu'à se voir insuffler un peu de burlesque pour prendre vraiment vie... 

Car c'est parfois embarrassant, en particulier de voir la pauvre Cora en médecin dépassée par les événements, découvrir comme si elle perçait le mystère de l'Atlantide, que sa patiente atteinte de troubles du comportement, a des difficultés de communication précisément parce qu'elle est étrangère. Ou encore de la voir arriver en Islande, et s'imaginer qu'elle va débarquer du bateau et trouver la femme qu'elle cherche. Elodie Bouchez est malgré tout très adéquate en médecin aveuglée par ses conceptions, et Didda Josdottir, totalement naturelle, est fantastique dans son rôle très complexe.

Mais l'essentiel, pour Solveig Anspach, c'est de confronter deux femmes qui ont un point commun mais qui ne le savent pas: elles sont toutes les deux mal appareillées à des conjoints/maris/compagnons qui leur conviennent pas. Et probablement, l'un moins que l'autre, mais lequel? Et bien sûr, comme dans bien d'autres films, elle confronte un personnage en crise, à un changement radical d'environnement.

C'est de toute façon un film très personnel: Anspach y filme ici sa communauté, le village de Vestmannjaeyr, ville volcanique et poissonnière, un environnement hostile où passé l'été, les touristes disparaissent avec les macareux...

 

 

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Published by François Massarelli - dans Solveig Anspach
14 février 2019 4 14 /02 /février /2019 18:11

En 1989, dans le cadre de ses études à la Femis, Solveig Anspach s'est tournée vers l'Islande, pour la première fois me semble-t-il mais pas la dernière... Son but: réaliser sur place un documentaire sur les îles Vestmann, situées à une poignée de kilomètres au large, au sud de l'Islande. Un endroit où même les Islandais hésitent à se rendre: une île volcanique, pas très grande, dont la dernière éruption remonte à 1973...

Et c'est justement de cette éruption et de son effet que le film parle, à travers les témoignages de certains habitants, qui ont fui après les premières coulées de lave, et qui pour certains ne sont pas retournés, une fois le cataclysme fini (il a duré cinq mois): leur île avait changé, leurs maisons étaient totalement détruites, mais certains sont quand même revenus et ont repris comme si de rien n'était. 

Le plus frappant dans ce film qui évite soigneusement d'utiliser la moindre image du drame, c'est de voir à quel point la nature sauvage et triste de ces paysages est, aujourd'hui encore, peu hospitalière, alors que certains des habitants parlent du drame avec presque une sorte de joie, en tout cas une grosse dose d'humour! Le film, comme souvent, évite de prendre la place des témoins et le spectateur tirera ses propres conclusions...

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Published by François Massarelli - dans Solveig Anspach
12 février 2019 2 12 /02 /février /2019 16:25

Un portrait de Louise Michel, communarde, Socialiste et combattante de la liberté sous toutes ses formes (anti-colonialiste, féministe, etc...) durant l'exil en Nouvelle-Calédonie imposé par sa condamnation après la répression des actes de la Commune de Paris. Elle avait demandé la mort, elle a eu l'exil... Durant sa déportation (de 1873 à 1879), elle a vécu avec les bagnards, mais aussi avec le peuple Kanak dont elle a commencé à découvrir la culture...

D'un côté, on ne s'étonnera pas que Solveig Anspach, cinéasste autant des femmes à part que de l'exil, ait souhaité participer à ce tournage, une commande de Frace Télévision à forte connotation éducative. Et la façon dont elle traite de son sujet est à rapprocher de la douce et respectueuse distance à laquelle elle se tenait, en filmant Karin Viard en proie au cancer, ou Didda Jonsdottir se rouler des gros pétards! 

De l'autre, le sujet est imposé, le ton didactique, et le film souffre des ingrédients imposés par le genre: une actrice (Sylvie Testud) qui doit faire passer un personnage en 83 minutes chrono, et donner autant à voir de "sa" Louise Michel que possible; des dialogues convenus, du genre "prenons le petit déjeuner en parlant de Victor Hugo à l'assemblée, ça sonne faux; et le sentiment que Louise Michel, c'est cette boudeuse sentencieuse qui se tient à l'écart et qui a tout compris avant tout le monde. Non, c'est dommage, mais au-delà d'une salle de classe, on n'aura pas beaucoup d'intérêt à voir ce film...

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Published by François Massarelli - dans Solveig Anspach
10 février 2019 7 10 /02 /février /2019 15:19

Pour une série de films documentaires consacrés aux "gens d'Europe", Solveig Anspach a eu l'idée de refaire un film avec la poétesse Didda Josndottir, qui interprétait aux côtés d'Elodie Bouchez un rôle dans le long métrage Stormy Weather. La dame est tout sauf banale: revenue de Jamaïque en Islande avec deux fils (dont un né là-bas), et vivant de petits boulots tout en publiant une poésie brute, provocatrice et sans concessions, elle ressemble en fait beaucoup à un personnage qu'elle incarnera ensuite dans Back soon, celui d'Anna, qui comme elle a deux fils (d'ailleurs joués par Ulfur et Krummi, ses deux authentiques garçons), de l'expérience en Jamaïque (le personnage fictif survit fort bien en vendant des plantes récréatives probablement venues de là-bas), et les poésies récitées occasionnellement par Anna sont en fait celles de Didda...

Et ce portrait Islandais confirme l'impression d'un pays décidément bien différent des autres, où les gens n'ont pas la même manière de fonctionner... Surtout Didda, il est vrai!

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Published by François Massarelli - dans Solveig Anspach
10 février 2019 7 10 /02 /février /2019 15:11

Jane (Joy Doyle) est une jeune fille qui habite à Cork, qui est en pleine hésitation quant à son avenir: quitter l'école, trouer un travail, et surtout, surtout... Que va-t-il arriver maintenant qu'elle est enceinte? On est en Irlande, et certains choix ne sont pas vraiment facilités. Justement, la ville et le port sont en ébullition: un bateau qui bat pavillon Hollandais est justement à quai, et à l'intérieur des médecins engagés renseignent les filles qui ne savent pas trop quoi faire sur les possibilités d'avorter...

Le film est une miniature, un de ces films naturalistes qui donnent souvent l'impression d'être un documentaire: la caméra se trouve à distance, le ton de la vérité a été recherché et bien souvent obtenu. C'est un portrait sans commentaire d'une jeune femme comme on imagine qu'il en existe des dizaines à Cork ou ailleurs, mais ce n'est en rien un film militant, juste un portrait généreux.

...Et puis cette ambiance, cette impression de ne pas savoir où aller, et ce salut éventuel qui provient de la mer: on est clairement bien dans l'oeuvre de Solveig Anspach, Islandaise avec des attaches un peu partout, partout où il y a des ports. On reverra Joy Doyle dans Back soon en 2008...

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Published by François Massarelli - dans Solveig Anspach
10 février 2019 7 10 /02 /février /2019 08:58

En Islande, un jour: Anna (Didda Jonsdottir) a un petit commerce florissant, puisqu'elle vend de l'herbe qui rend nigaud à tout un petit monde. ais ce jour-là est bouleversé par une série d'enchaînements: son frère la conduit à un rendes-vous avec un malfrat qui convoite le portable de la dealeuse (et par extension son imposant carnet d'adresses) et elle est disposée à le vendre contre un million et demi de couronnes; le frère fait la tête à sa soeur, pourtant, suite au refus de cette dernière d'assister aux obsèques de leur père, et en plus Anna passe son temps à fumer des joints dans sa voiture et ça l'énerve; ils recueillent par hasard Joy, une Irlandaise venue rendre visite à son petit ami en prison; le père de l'un des deux garçons d'Anna débarque sans crier gare pour passer du temps avec son fils; le cousin d'Anna a mal choisi son moment pour tenter de se suicider, et l'une de ses oies a avalé, devine quoi...

...Le portable. Bref, pendant que les clients avides de relaxation loufoque s'accumulent chez Anna, elle n'est pas là et peine à revenir avec tous ces problèmes.

Il y a au moins quatre courants chez Solveig Anspach: les fictiomentaires, ces petits courts de rien du tout qui partent du réel pour aboutir à une sorte de fiction décalée; les documentaires, les vrais, dont le long métrage Made in  the USA est un excellent exemple, de long métrage de surcroît; les logs métrages rigoureux, dont Haut les coeurs! et Lulu femme nue illustrent assez bien la sensibilité; et une série de films très personnels, et volontairement foutraques, dans lesquels elle crée la comédie à partir de riens savamment accumulés: en particulier, sa "trilogie" Franco-Islandaise, formée de ce film, de Queen of Montreuil et de L'effet Aquatique.

Il faut croire que les gens aimaient tourner avec Anspach, puisqu'ils reviennent: Julien Cottereau (Haut les coeurs!), Joy Doyle (Jane by the sea), et Didda Jonsdottir (Stormy weather) ont tous déjà tourné pour elle. Nous aussi on y est bien, avec ce ton fait de lenteur bouffonne, ses héros qui sont vaguement en colère mais qui s'aiment bien, ces gens venus de nulle part (Julien Cottereau, dans un rôle proche de celui qu'il avait dans Haut les coeurs!, fait un trip étrange avec un gâteau chargé en psychotropes, et Anna, qu'il est venu rencontrer parce qu'elle a écrit jadis un recueil de poésie qui a acquis une dimension mythique, lui apparaît comme une fée...), et cette non-héroïne revenue de tout, qui semble ne pas trop se rendre compte, finalement, qu'elle est un peu le centre du monde. Ses "clients", rassemblés dans sa petite maison où ils s'adonnent à une orgie de substances rigolotes, non plus... Mais certains de ces protagonistes, et en particulier les suicidés, les dépressifs et les déboussolés, vont trouver un peu de bonheur dans l'épopée.

A la fin du film, pendant le générique, les "clients", justement, se transforment en un orchestre qui joue du reggae. Rien que de très normal, quoi... Tout comme le fait de s'asseoir au milieu de nulle part, de mettre sa main en l'air, et cueillir hors champ une guitare mystérieusement disponible.

 

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Solveig Anspach
29 janvier 2019 2 29 /01 /janvier /2019 18:17

Ne faisant rien comme tout le monde, Solveig Anspach s'est soudainement intéressée à une histoire qui selon ses propres mots, était particulièrement saugrenue: celle d'une amie actrice, qui vivait à Paris dans un appartement adorable au sixième étage, mais régulièrement pris de tremblements intempestifs, car situé pile au-dessus du métro. Tout l'immeuble en profitait, remarquez, mais c'est ce sacré sixième étage qui raflait la mise...

Histoire de se distinguer donc, la réalisatrice de quelques longs métrages déjà, s'est décidée à en faire un film. Un documentaire, me direz-vous? Non, pas vraiment: la prouesse est remarquable: dans un tournage à la fois structuré ("On va filmer ça") et improvisé ("qu'est-ce que je dis, là?"), Anne Morin et Solveig Anspach ont donc retracé l'histoire burlesque de ces tremblements et de l'impossibilité de s'en débarrasser, quand on est une jeune femme qui aime sa tranquillité. Sont venus se greffer sur le projet des amis, des voisins, des acteurs des non-acteurs, et le résultat est à la fois un documentaire, une fiction et donc un film fortement atypique...

...Qui pose bien sûr le problème (mais pourquoi cela serait-il d'ailleurs un problème?) de la fiction et du réel, et dans cette histoire de sol qui vibre, la réalisatrice effrontée, qui adore faire des courts parce qu'elle peut y faire ce qu'elle veut, casse avec allégresse le quatrième mur, en faisant jouer un rôle à la perche du micro, et en apparaissant à plusieurs reprises sur la bande-son, et même dans une scène finale (dont la voix off d'une protagoniste nous fait croire qu'il s'agit d'une scène volée, mais est-ce la réalité, ou bien une actrice a-t-elle joué les agents de sécurité de la RATP? nous ne le saurons jamais), l'équipe de tournage apparaît en reflet sur une rame de métro...

Je vous le disais: jamais comme tout le monde!

 

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Published by François Massarelli - dans Solveig Anspach
6 janvier 2019 7 06 /01 /janvier /2019 09:48

Ce n'est pas un genre en soi, mais il y a beaucoup de films qui traitent du cancer; sous beaucoup de formes, et obéissant aux lois de beaucoup de genres... Souvent des drames, bien sûr, mais on voit aussi Le bruit de glaçons, de Bertrand Blier, où le réalisateur décide de faire rire, en provoquant un maximum: on ne se refait pas. Souvent, le cancer est évoqué via un truc de scénario, un raccourci bien pratique, tout comme on dit des gens qu'ils sont décédés "au terme d'une longue maladie", dans un film, il suffit d'un rien, comme par exemple le coup de téléphone du médecin à la fin de A serious man, des frères Coen, lorsque le héros entend son praticien lui dire "Il faut qu'on se voie pour parler", d'une voix aussi neutre que possible, on a tout compris...

Haut les coeurs est un film singulier: il prend le parti de raconter le cancer, et un cas peu banal: Emma Stern (Karin Viard) apprend qu'elle a un cancer du sein dans le cadre d'une visite de routine, car elle est enceinte. Et son chirurgien prend les devants, et tout de go, lui annonce que la seule décision à prendre est d'avorter pour commencer, puis d'affronter sereinement la maladie qui est à un stade avancé, mais tout à fait gérable. Sauf qu'Emma ne veut pas: cet enfant qu'elle faisait un peu dans le dos de son compagnon Simon (Laurent Lucas), qui lui n'en voulait pas, elle le veut. Cancer ou pas... A travers un parcours chronologique, et largement (mais pas que) consacré au point de vue de la jeune femme, Solveig Anspach raconte les aventures d'une femme atteinte du cancer, avec le cortège de bonnes et de mauvaises nouvelles, le combat paradoxal pour amener la vie tout en ferraillant avec la mort...

C'est d'ailleurs du vécu, même si Solveig Anspach n'est bien sûr pas contrebassiste contrairement à Emma, et si elle n'a pas attendu d'enfant durant son cancer, elle a affronté sa maladie en écrivant justement un film: celui-ci. Un paradoxe remarquable, et même si cette fois, la réalisatrice a triomphé de la maladie, elle a choisi de ne pas offrir de porte de sortie trop confortable de son premier long métrage: quand on le quitte, on est dans l'incertitude. Emma doit se battre plus, elle doit quitter sa famille pour quelques semaines qui vont être très agressives, et c'est l'hiver. Les feuilles sont tombées, les cheveux aussi... C'est la fin du film.

Karin Viard a bien mérité son César, du reste Karin Viard a du génie. On croit totalement à cette femme qui affronte avec angoisse, mais une immense volonté son ennemi intime, et qui par exemple prend les devants: à la première alerte elle décide de se raser la tête, plutôt que de tergiverser autour de la chute de ses cheveux... Ici elle s'est pliée à une drôle de discipline: écrit dans l'urgence, le film a été réalisé parfois dans les conditions du documentaire et Anspach a imposé à ses comédiens, non seulement la présence de non-comédiens dans beaucoup de personnages, et de situations, mais elle a surtout privilégié le dialogue vivant sur le dialogue léché et peaufiné: d'où le sentiment courant dans le film d'assister à des scènes qui sont un premier jet. Ca sert totalement le film et son impression de vérité... La situation des deux héros est souvent l'objet d'un humour du quotidien, parfois contredit épisodiquement par un conflit: c'est que Karin Viard doit non seulement interpréter une femme malade, elle est aussi enceinte... 

Belle entrée en matière dans l'univers parfois grave, parfois burlesque, toujours touchant de Solveig Anspach, Haut les coeurs va marquer durement sa filmographie, et reste un beau film à regarder dans la douleur parfois... La cinéaste s'y raconte et quand Emma, qui entend un con lui dire (il a vu qu'elle est enceinte) "nous, quand Machine a été enceinte, on s'est tenus à l'écart de la médecine, d'ailleurs elle n'a pas eu d'épi-durale et elle a bien senti passer toute la douleur, c'est super important la nature" (bien sûr c'est l'homme qui parle), la jeune femme lui répond "Eh bien moi, je remercie la médecine et j'emmerde la nature". Un moment comique, mais aussi une phrase que la cinéaste assumait à 100%.

 

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Published by François Massarelli - dans Solveig Anspach