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3 mars 2019 7 03 /03 /mars /2019 11:31

 Voilà un film auquel on ne s'intéresserait certainement pas si le nom de Stanley Donen n'y était pas attaché. Hélas! Sur une idée pas si stupide (Un remake Américain de 'Un moment d'égarement', de Claude Berri), Donen use vite ses cartouches, et peine à s'élever au-dessus du marigot boulevardier de la situation de base: un quadragénaire en pleine crise conjugale (Michael Caine) part en vacances à Rio avec son meilleur ami (Joseph Bologna) et se retrouve à vivre une aventure extra-conjugale avec la fille adolescente (Michelle Johnson) de celui-ci.

Michael Caine est comme toujours excellent (son malaise visible lui sert finalement très bien), et l'idée de ces interruptions narratives dans lesquelles les personnages s'adressent directement à la caméra renouvelle efficacement le genre: N'oublions pas que Donen est l'auteur du film définitif sur la crise de couple, Two for the road, qui se jouait en 1967 de la narration temporelle chronologique avec un brio jamais égalé. Mais ce film tombe dans les travers décoratifs typiques aux années 80: il est laid et sa musique est horrible. Certes, Donen a souvent été le cinéaste du divorce, des gens mal mariés, ou encore des héros qui retournent à la réalité conjugale, donc il est, malgré tout, dans son élément. Mais le manque total de tendresse du cinéaste pour le film qu'il était en train de faire est plus que palpable...

Et il y a pire : aujourd'hui, le seul argument qui soit généralement invoqué quand on fouille un peu les commentaires existants est impitoyable: sur les plages européennes, la mode était au topless en 1983, et la production a tout fait pour qu'on croie que c'était également la cas à Rio... La scène qui voit Caine et Bologna débarquer sur une plage, entourés de plusieurs centaines de jeunes femmes exposées, est l'une des plus gratuites séquences d'exploitation pure et simple que j'aie jamais vues... la comédie, elle, est glauque, et tout simplement pas drôle. 

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen Comédie
24 février 2019 7 24 /02 /février /2019 17:06

Il va falloir s'habituer à dire "feu Stanley Donen", mais il reste ses films. Et quels films! Et au sommet, si on s'en tient bien sûr aux oeuvres qu'il a réalisées tout seul, se trouve Charade, le "meilleur film d'Hitchcock qui n'ait pas été réalisé par Hitchcock", comme on dit... Pourtant Charade n'est pas qu'un pastiche formidable, c'est une leçon de style, un plaisir jamais coupable et pour finir cet encapsulage rapide d'un classique, une sorte de film définitif, oeuvre parfaite en tous points...

L'intrigue, adaptée par Peter Stone de son roman, concerne Regina Lampert (Audrey Hepburn): cette jeune Américaine est mariée depis quelques temps à Charles, un homme dont elle souhaite divorcer, ce qu'elle exprime lors d'une de ces très longues vacances dans lesquelles elle se trouve seule. Ou du moins, sans un mari parti en vadrouille on ne sait pas trop où, pour ses affaires... mais Charles est mort: nous l'avons vu dans la très économique scène d'ouverture, jeté d'un train, en pyjama. Regina ne le saura qu'en arrivant à Paris, où elle commence à constater qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond... 

En effet, son mari est mort en tentant de disparaître, après avoir mis à sac leur propre appartement Parisien, dans lequel il ne reste plus rien... Il a tout vendu, et en a tiré $250 000, dont personne ne trouve la moindre trace. Plus grave encore: Regina apprend que Charles, de son vrai nom Voss, était un aventurier, qui a participé durant la guerre à une mission avec d'autres mercenaires, et pas des tendres. Ils en avaient tiré une somme d'argent colossale, appartenant de droit aux Etats-Unis, mais Voss s'est volatilisé dans la nature en compagnie de l'argent... De plus, lors des funérailles, Regina Lampert voir débarquer trois personnages très louches, qui s'avèrent mes anciens "compagnons" de Charles: Ned Glass, George Kennedy et James Coburn composent des fripouilles formidables, menaçants, mais pas sans ressource comique.

Et pour compléter la galerie de personnages, il faut compter sur le fonctionnaire des services secrets qui "convoque" Regina: Bartholomew, interprété par Walter Matthau, est un père tranquille qui ne mâche pas ses mots, et qui va assister à sa façon la veuve. Comment oublier le personnage le plus mystérieux de tous, l'homme séduisant qui approche Regina dans les alpes lors des scènes d'ouverture, puis la retrouve à Paris en changeant de nom à chaque nouvelle scène? Ami, ennemi, ou... amant? En tout cas, Cary Grant.

C'est formidable: bien sûr, la référence du pastiche est évidente: Donen ne s'est sans doute pas remis de North By Northwest, dont il prétend adopter le style. Mais d'une certaine façon, cette imitation débouche justement sur un style profondément naturel: jamais le jeu des acteurs n'est forcé jamais la mise en scène ne prend le pas sur l'action, l'intrigue linéaire, ou le plaisir et l'humour. Tout se fond dans une cohérence rare... Et pourtant le metteur en scène a réalisé son film loin du confort des studios, le plus souvent dans Paris même... 

Et sous cette élégante chasse au trésor disparu Donen reprend à son compte l'idée d'Hitchcock d'organiser son personnage principal autour du vide: un trésor mythique détenu par un homme sans nom qui a cherché à disparaître et vient de perdre la vie en emportant une partie de ses secrets, cherchés par des êtres plus ou moins apatrides, et un inconnu séduisant, mais incapable de garder le même nom et la même profession... Mais dans North by northwest, c'est Roger O. Thornhill ("O stands for nothing"), le héros publicitaire, qui n'était rien ni personne avant d'assumer par erreur l'identité d'un homme qui n'existe pas, et se mettre à exister. Regina, elle a une vie, bien définie, des amis, et sans doute un gros manque affectif... Elle se confie dès sa première apparition, et toutes ses confrontations avec Cary Grant vont déboucher sur un flirt d'une fraîcheur et d'une franchise désarmante. Donen et ses acteurs réussissent à acquérir une liberté de ton qui permet aux personnages de jouer un marivaudage qui n'est jamais une digression, et avec la complicité de Henry Mancini, ils vont même parfois faire passer l'enquête au second plan. 

Sans jamais dévier, sans aucun moment faible, et avec le sourire. Sauf... dans une scène de suspense formidable dans le métro, où Donen montre que le film noir était un style avec lequel il savait jouer sans aucun problème, même si on était loin de l'attendre sur ce terrain. Mais film noir, comédie ou pastiche, rien n'y fait: ce film, comme tant d'autres de Donen, parle de la même chose: le mariage, au rayon "raté" du magasin. Catégorie "seconde chance"... fouillez un peu dans la filmographie et vous verrez que Donen, soit franchement, soit métaphoriquement (Gregory Peck et son métier dans Arabesque, et Gene Kelly et sa partenaire dans Singing in the rain), tournait toujours autour de ce thème...

Mais jamais avec une aussi époustouflante réussite. 

 

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen Criterion Cary Grant
5 octobre 2017 4 05 /10 /octobre /2017 18:17

Trois GIs fêtent à New York la victoire et leur démobilisation: ils vont accomplir de grandes choses, et se promettent de se retrouver dans dix ans, au même endroit... Ted Riley (Gene Kelly) sera avocat, et il se mariera avec sa petite amie; Angie Valentine (Michael Kidd) sera cuistot, et il ouvrira un restaurant pour y faire de la cuisine à la Française; et Doug Hallerton (Dan Dailey) peindra, il envisage d'ailleurs de retourner en Europe pour y peindre des chefs d'oeuvre.

Bon.

En fait, la petite amie de Ted avoue dès la fin de la guerre qu'elle ne l'a pas attendu et il va abandonner ses rêves pour devenir manager d'un boxeur déclassé, Angie va ouvrir un fast-food familial, et Doug va devenir une huile, certes... mais de la publicité. Sans parler de son mariage qui va vite tourner au désastre. Alors quand ils se retrouvent, les trois ex-amis n'ont plus rien à se dire...

La bonne fée, là-dedans, sera la belle Jackie Leighton: rencontrée par hasard, la très efficace (Et esthétique: c'est Cyd Charisse) cadre dans la publicité va réussir à les réunir pour une émission de télévision, séquence émotion... l'occasion pour chacun des trois d'affronter ses démons.

Les trois, les trois, c'est vite dit: Michael Kidd a peut-être fondu un peu au montage, mais Kelly et Dailey, en revanche, ont droit à leur évolution, et à des aventures détaillées: un pétage de plombs monumental et hilarant pour Dailey, qui n'en peut plus de l'univers corporatiste dans lequel il évolue, et une aventure à la Kid Galahad pour Kelly qui tombe dans les griffes de la mafia. Comme on le voit, avec ce troisième film de Kelly et Donen, on n'est plus tout à fait dans l'univers rose bonbon des deux premiers. Ca racle dur, et la vie n'a pas été tendre avec ces trois anciens soldats... A tel point que le film, honnêtement, a le plus grand mal à démarrer. Heureusement, avec Cyd Charisse, l'intrigue décolle, et le niveau remonte de façon spectaculaire. Mais l'impression générale est celle d'un mélange parfois mal fichu, qui rend le film un peu indigeste. 

Et puis, après tout, comment pouvait-il en être autrement? Les deux réalisateurs ne souhaitaient pas retravailler ensemble après leurs deux films, et le fait de les rassembler a précipité une brouille qui ne s'est d'ailleurs jamais démentie jusqu'à la mort de Kelly! Et comme les deux hommes avaient généralement des vues différentes sur le style de leurs films, l'un prêchant le réalisme à tout crin, l'autre attiré par le factice, on se trouve ici sur un versant conflictuel de l'opposition entre ces deux tendances. Et Kelly peine dans un premier temps à gagner la sympathie pour son personnage... Ce qui n'empêche ni les grands moments (Kelly en roller skate dans les rues de New York, Cyd Charisse en meneuse de revue sur un ring avec un choeur de gueules cassées), ni les prouesses techniques (un numéro synchronisé filmé en split-screen...). donc si le film n'est pas Singin in the rain ni On the town, il ne mérite absolument pas le manque de succès qu'il a subi... Ni bien sûr le traitement indigne que le studio a fait subir, mais qui explique bien sur le flop! Donc si vous voulez voir un musical amer, un brin cynique, voire parfois mordant (la satire de la télévision), ne cherchez pas plus loin...

 

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen Musical Gene Kelly Danse
11 juillet 2016 1 11 /07 /juillet /2016 11:11

D'un film comme celui-ci, on attend toujours plus que ce qu'il a à offrir... Un metteur en scène de tout premier plan (Pour les néophytes, Singing in the rain, On the town, Seven Brides for seven brothers, Two for the road, Bedazzled, Funny Face, et... Charade!), un sujet extravagant menant à des choix esthétiques radicaux, des acteurs légendaires (George C. Scott!! Eli Wallach!!) n'ayant peur ni des risques, ni des coups, et un hommage au cinéma des années 30: forcément, ça fait écarquiller les yeux sur le papier...

Comme le titre l'indique, ce n'est pas un film, d'ailleurs, mais deux: Donen souhaitait tourner un hommage au cinéma des doubles programmes, celui des années 30 qui vous donnait deux séries B pour le prix d'un ticket, avec ses genres ultra-codifiés. Donc, on a un film de boxe (Dynamite Hands), tourné en noir et blanc, et une comédie musicale à la façon de la WB des années 30, Baxter's beauties of 1933, en couleurs. Scott est la star en titre des deux parties. Dans la première, un jeune boxeur avec une morale se fait piéger par un truand alors qu'il fait tout pour gagner l'argent nécessaire à une opération destinée à sauver la vue de sa soeur, mais sans pour autant perdre son âme. Dans la deuxième un entrepreneur de spectacles se lance alors qu'il n' a plus qu'un mois à vivre, dans la préparation de ce dont il désire faire son meilleur show. Parviendra-t-il à survivre jusqu'au bout? Dans les deux parties, des éléments typiques de mélodrame viennent se greffer, et on a même droit à une bande-annonce délavée d'un film de guerre idiot... avec George C. Scott, bien sur.

Ce qui pose problème? Trois fois rien... Et un peu tout. On aura beau faire, ce genre de film ne peut pas ressembler à autre chose qu'un film des années 70 déguisé en film des années 30. Et le premier degré affiché dans l'ensemble ne délivrera sans doute ses épices secrètes qu'au bout de 45 visions. En attendant on peut s'amuser à compter les parallèles troublants entre les deux "films": même premier plan, par exemple, même destin pour le héros... On peut aussi savourer un hommage d'un génie du musical à un autre, avec un finale à la Busby Berkeley, passage obligé s'il en est, ou encore les discrètes mais décisives preuves de la supériorité de Donen quand il s'agit de composer avec la couleur.

Au fait, Dynamite Hands est de fait la seule aventure de Donen avec le noir et blanc!

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen Musical
15 juin 2015 1 15 /06 /juin /2015 11:08

Trois marins ont une permission de 24 heures à New York, une ville merveilleuse, mais qu'ils ne connaissent pas encore. Ils décident de faire de cette journée un souvenir mémorable, mais par où commencer? En prenant le métro, ils voient une affiche à l'effigie d'une New-Yorkaise, et se méprennent: ils s'imaginent qu'elle est une grande vedette, et Gabey (Gene Kelly) tombe instantanément amoureux d'elle. Avec ses copains Chip (Frank Sinatra) et Ozzie (Jules Munshin), il se met en quête de la belle Ivy Smith (Vera Ellen). En chemin, les trois vont aussi faire la connaissance de Hildy (Betty Garrett), chauffeur de taxi et amoureuse en un clin d'oeil de Chip, et croiser dans un musée d'anthropologie le regard de Claire (Ann Miller) qui développe aussitôt un penchant pour le faciès néo-pithécantropesque d'Ozzie... Ils vont aussi faire pas mal de bêtises, déclencher quelques ennuis, et bien sur, trouver Ivy Smith; mais celle-ci n'est pas celle que Gabey croit.

Premier film mis en scène par Kelly et Donen, On the town prend sa source dans un musical de 1944, mais qui a été profondément altéré au moment de passer sur pellicule. De nouvelles chansons, d'inspiration plus jazz, ont été composées et enregistrées, et des changements dans le script ont été opérés. Et surtout, le film semble avoir été fait en totale liberté. On sait que l'idéal de Gene Kelly était de libérer la danse au cinéma, de la capter dans la vraie vie. C'est paradoxal pour quelqu'un qui a si longtemps travaillé pour la MGM, l'empire du faux, mais c'est palpable dans ce film qui ancre par de nombreuses scènes son action dans la vraie vie, dans les vraies rues de New York, juste le temps de faire entrer le spectateur dans l'illusion. Et ensuite, eh bien... la fantaisie la plus totale s'empare du film, qui ne possède pas un moment de répit. L'énergie de la chorégraphie de Gene Kelly se marie avec le génie visuel du co-réalisateur, qui peint toujours à la perfection ses éclats de couleurs, et n'a pas son pareil pour intégrer la danse dans un montage parfaitement équilibré entre plans longs et inserts malins, laissant le montage assurer la narration au gré de sa fantaisie.

L'équipe fantastique formée par Kelly et Donen, qui retravailleront bien sur sur deux films ensuite, dont l'un des plus beaux du monde, fait ici merveille, et on ne s'étonnera pas que trois ans avant Singing in the rain, les deux compères aient fait de cette petite visite de New York en vingt-quatre heures un film autrement plus enlevé que le sympathique mais parfois si soporifique et empesé Anchors aweigh de George Sidney...

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen Gene Kelly Musical Danse
14 juillet 2014 1 14 /07 /juillet /2014 16:07

Y-a-t-il quoi que ce soit à dire sur ce film? Au-delà du plaisir immense qu'il procure, de la perfection de ses accomplissements? Au-delà du fait qu'il représente à la fois un tour de force visionnaire dont le style était en avance de quelques années sur le reste de la production des années 50, et une quintessence de l'art classique de la comédie musicale dont il est le plus beau de tous les représentants? D'autant qu'il est un film idéal pour bien des gens, lors de leurs rares séjours en île déserte, bref: un film qu'on peut voir et revoir en boucle, et qui nous fait nous sentir bien, un film hallucinogène sans danger, un anti-dépresseur, un doudou, et bien d'autres choses encore. Oui, avec tant de gens de par le monde qui connaissent le film, à quoi bon? Bien sûr, il y en a encore qui ne l'ont pas vu, soit par ignorance, soit parce qu'ils n'y ont pas été confrontés, soit parce qu'ils sont du genre à juger avant visionnage, et ne sont pas attirés par un film classique Hollywoodien ("Oh, bah ça a l'air vieux ton truc, il date de quand, 1998? 1999?"): les pauvres. Qu'ils le voient, après tout. Non, je vais juste me contenter de partager le fond de ma pensée sur un certain nombre de points:

Dignity, always dignity

Le film parle de cinéma, donc, à travers les carrières de Don Lockwood (Gene Kelly), et Lina Lamont (Jean Hagen), tous deux inspirés de diverses stars de l'époque du muet. On y voit un bel hommage à cette facette lointaine de l'art Américain, et c'est d'autant plus remarquable que le cinéma muet a été balayé, effacé dès 1930, et est tombé purement et simplement dans l'oubli. C'est vraiment depuis les années 60 qu'on a commencé à sortir les films de oubliettes... Donc, ici, les ascensions fulgurantes des acteurs et stars et leurs parcours délirants (John Gilbert a par exemple été accessoiriste et scénariste avant de devenir un acteur de premier plan) sont vus par le biais de l'évocation de la carrière de Don Lockwood, musicien de plateau, puis cascadeur et enfin star. Les séquences sont amusantes par le décalage ironique constant entre le discours glorieux de la star, qui invoque sa dignité constante, et les images de ses exploits bien moins remarquables. Pour le reste, Singin' in the rain explore la faune Hollywoodienne de l'époque, les studios, le fonctionnement, et le système des previews...

Hollywood 1927

Le film est situé à une date charnière, et comme le laisse entendre le pianiste Cosmo Brown (Donald O'Connor), il était facile de tout perdre en un jour: le parlant est arrivé mais a tout renversé, les metteurs en scène ont été virés et remplacés par des hommes de théâtre, les acteurs ont été doublés, virés, coachés par des orthophonistes plus ou moins professionnels, etc. Et surtout, la belle machine du cinéma, qui se faisait dans le bruit et la fureur, en présence de musiciens et avec des acteurs qui pouvaient dire ce que bon leur semblait pour obéir aux consignes que leur aboyaient les réalisateurs, tout ça est devenu un parcours du combattant, à cause de ce foutu micro. La scène exceptionnellement drôle qui joue avec cet aspect est inspirée d'une scène de Anna Christie (Clarence Brown, 1930): Greta Garbo ne devait pas trop s'éloigner d'une lampe qui était en fait un micro camouflé. Comme c'était Garbo, on ne s'en aperçoit pas. Mais Lina Lamont n'est pas Greta Garbo, loin de là.

The roaring twenties

Il est notable que dans Singin' in the rain, les années 1927/28 sont admirablement reproduites: par exemple, dans la mode aussi bien masculine, que féminine, que dans les vêtements portés par les danseurs et chanteurs; les visages de la plupart des acteurs correspondent aussi à une certaine tendance de la beauté contemporaine, ainsi que les tendances excentriques: ainsi une "vamp" aperçue lors de deux scènes renvoie-t-elle à toutes les belles filles fatales du cinéma des années 20, de Nita Naldi dans the Ten Commandments à Bebe Daniels dans The affairs of Anatol. La musique n'est pas en reste bien sur, même si le film ratisse large, de 1929 (Singin' in the rain) à 1939 (Good Morning), en passant par 1933 (Temptation, un gros tube d'un film avec Bing Crosby, sur la musique duquel les convives d'une party dansent langoureusement). L'ambiance est à la fête, pour tous: Lockwood et Lamont sont attendus à Beverly Hills pour une fête, mais Kathy Selden (Debbie Reynolds), aspirante artiste, y est attendue aussi... pour travailler. Le cinéma est un divertissement rentable et va de pair avec la presse; ainsi, comme Lina Lamont elle-même, des millions de jeunes femmes éperdument romantiques croient dur comme fer à l'idylle publicitaire entre Lockwood... et Lamont. Enfin, dans Singin' in the rain, non seulement les films parlent, mais les gens aussi... et les expressions (You're darn tootin'), les références culturelles (Al Jolson), le langage à la fois argotique et châtié, tout renvoie à cette période. C'est, décidément, très bien vu, et je pense que seuls Billy Wilder, et aujourd'hui les frères Coen sont parvenus à un tel niveau de précision, tant sur la récréation du langage que de l'atmosphère d'ensemble d'une époque.

Of course, we talk! Don't everybody?

Oui, les acteurs de ce film, comme le fait remarquer l'insondablement crétine Lina, parlent, ça va de soi. Mais il y a un détail à rectifier: cité dans Singin' in the rain comme le film qui crée la révolution du cinéma parlant, The jazz singer (Alan Crosland, 1927) n'est pas un film parlant. Ce n'est pas un film muet non plus, du moins pas entièrement: c'est un film sonore. On y entend Al Jolson chanter pendant une quarantaine de minutes, disséminées dans les 11 bobines du film, et il y a deux dialogues: une courte répartie lors d'un de ses spectacles, et un échange avec sa maman, qui dure environ deux minutes. C'est tout. Ces quelques 125 secondes de bruit synchronisé ont créé l'engouement, et l'envie d'en avoir plus, et par ricochet les films sont progressivement devenus parlants; le premier du genre, bien sur, était Lights of New York (Brian Foy, 1928), paraît-il un désastre. Dans l'ensemble d'ailleurs, la profession était parfaitement au courant des développements, qui se sont déroulés entre 1925 (Premiers courts métrages synchronisés, premières actualités sonores) et 1929 (Généralisation du parlant). Donc ce n'est pas aussi simple, ni clair d'ailleurs, que la façon dont le film nous le raconte... Mais c'est un raccourci pratique.

What am I, dumb or somethin?

Bonne question... Lina Lamont est un personnage extraordinaire, que les auteurs ont su introduire d'une façon merveilleuse. Vue à la première triomphale de leur dernier film au début, en compagnie de Don Lockwood, elle ne dit pas un mot, même lorsque c'est elle qu'une journaliste de la presse cinématographique l'interroge: à chaque fois qu'elle envisage de parler, c'est Lockwood qui répond. Puis l'acteur se lance dans une évocation (Salutairement mensongère, voir plus haut) de leur passé commun, et le spectateur voit bien qu'elle n'a pas l'air très fine, et qu'elle est profondément antipathique. Enfin, après la projection, elle aimerait parler au public, mais c'est encore Don qui monopolise la parole. Bref, on ne l'a pas entendue une seule fois parler lorsque de son incroyable voix avec un accent ignoble, elle lance un tonitruant "For heaven's sake, what's the big idea?" entre la 13e et la quatorzième minute. La vérité éclate: elle a une voix de crécelle, et elle fait partie de cette enviable catégorie de gens qui réussissent à faire des fautes d'orthographe en parlant. Mais ce n'est que la cerise sur le gâteau, on la hait déjà quand on a cette révélation, les auteurs ayant eu le bon goùt de ne pas miser toute la détestation qu'on allait lui prodiguer sur cette merveilleuse difformité spirituelle et vocale...

Mais cela va bien sûr apporter son lot de problèmes, lorsque le cinéma va se mettre à parler. En attendant, elle va partout, arrogante et sûre de sa supériorité, qui lui fait poser tout le temps la même question: "What am I, dumb or somethin?", soit "Qu'est-ce qu'il y a, je suis bête, ou quoi?". Personne n'a jamais eu le courage de lui répondre. Merveilleuse créature, Lina Lamont doit tout à Jean Hagen qui a su lui donner tous les défauts sans jamais de tromper dans les dosages, et l'actrice mérite le prix Nobel. ...Hagen, pas Lamont.

Gotta dance!!!

Avec des chansons de Arthur Freed (Producteur du film), prises dans l'ensemble de son oeuvre, ce film est bien sûr chanté, avec talent, mais il est aussi et surtout dansé. Réalisation de Kelly et Donen, dont on sait qu'ils étaient tous deux à la fois chorégraphes et réalisateurs... Mais l'un d'entre eux était quand même nettement plus chorégraphe que l'autre, cela va sans dire. On retrouve occasionnellement le cheval de bataille de Kelly dans Singin' in the rain, lui qui estimait que le danseur devait être saisi dans la rue même, et danser avec tout son environnement. Lorsque Don et Cosmo transforment une séance d'élocution en un n'importe quoi réjouissant, ou lorsque Cosmo chante Make 'em laugh, on a des illustrations de cette danse urgente et magnifique... Et bien sûr lorsqu'un studio est transformé en une rue humide de pluie à Los Angeles, et que Don Lockwood réinvente la danse de la pluie pour notre plus grand bonheur, c'est le même esprit... Pourtant une grande partie du film voit Kelly pratiquer (En danseur mais aussi en chorégraphe) de la danse en studio, ce pour quoi il n'avait pas grande affection. Mais peu importe: pour lui, pour Donald O'Connor, pour Debbie Reynolds aussi, le film est une démonstration magnifique de talent, et tous ceux qui ont vu le film se rappellent de ces moments exubérants.

Mais il y a mieux: à l'heure actuelle, le professionnalisme venu de Broadway a tendance à vampiriser tout, et la dense telle que la concevait Kelly, qui devait être un reflet de la vie, est un peu oubliée. Pourtant, le film n'oublie pas de laisser quelques imperfections, comme ce moment ou des girls (Dont Debbie Reynolds, qui sort bien sûr d'un gâteau) chantent et dansent sur All I do is dream of you, et elles ne sont pas tout à fait synchronisées, que ce soit en chantant ou en dansant. Ce ne sont pas non plus, loin s'en faut, des clones les unes des autres... Il en résulte une scène à la vie impressionnante...

Enfin, comme An American in Paris (Vincente Minnelli, 1951) avant lui, le film laisse le délire de la danse l'envahir dans un long passage, qui est admirable. Broadway melody (Harry Beaumont, 1929) y est évoqué (C'est le premier musical de l'histoire a avoir obtenu l'Oscar du meilleur film), et l'invention picturale de Donen y rejoint le génie de Kelly. ...qui trouve une nouvelle partenaire à sa mesure, lui qui aimait tant à se confronter avec d'autres danseurs, dont il exigeait toujours la lune d'ailleurs: bien qu'effrayée (Si on en croit les rumeurs) d'avoir un tel partenaire, Cyd Charisse est inoubliable. Avec son bagage classique, c'est une danseuse paradoxale: elle a souvent été employée pour ses extraordinaires longues jambes, et le film tend à confirmer que cette ballerine d'exception n'a même pas besoin de danser... Pourtant, elle le fait, et c'est peut être le sommet surréaliste du film.

Stanley Donen

Metteur en scène reconnu depuis, qui n'a cessé de jouer avec la forme, les couleurs, en intégrant dans ses films, qu'ils soient comédies musicales (Funny face, Seven brides for seven brothers, Royal wedding), parodies Hitchcockiennes (Charade, Arabesque), comédie (Bedazzled) ou chronique douce-amère (Two for the road) les images et les sons de l'air du temps, en passant par la publicité, la mode, les vêtements, le langage, etc. Autant dire que ce film est son film-matrice, son meilleur press-book. Même s'il le partage, et que le partenaire prend toute la place, il n'est pas difficile en comparant Singin' in the rain à d'autres films de Gene Kelly, ou avec lui (An American in Paris, de Minnelli, par exemple), de voir ce qui est à Donen...

Et en particulier, le talent extravagant du metteur en scène éclate dans un montage situé à la fin du premier acte, avec recours à des images de mode (Devançant l'exubérance du monde de la mode vu dans Funny face de 3 années) lors d'une interprétation de la chanson Beautiful girl; cette présence de Donen est surtout visible dans le ballet final, avec cet extraordinaire moment durant lequel Don Lockwood à une fête aperçoit la femme qu'il a déjà rencontrée, et tout à coup ils sont seuls tous deux, dans un immense studio. Elle est en blanc, et un immense voile qui la prolonge et s'envole durant leur danse, la rend irréelle... Une image qui fait penser aux rêves du surréalisme, et qui est admirable.

You've seen one, you've seen them all!

Sans doute Kathy Selden a-t-elle raison lorsqu'elle dit à Lockwood que voir un film, c'est les avoir tous vus: dans les années 20, à la MGM par exemple, les films suivaient une formule; c'est le cas dans Singin in the rain des productions Lockwood/Lamont de "Monumental Pictures", bien sur. Les chefs d'oeuvre reconnus aujourd'hui sont justement ceux qui se dégageaient de cette tendance. Alors on peut essayer de renvoyer ce miroir sur le film lui-même... Et Singin' in the rain est unique. C'est un musical parfait, sans défauts ou presque... Il réussit à trouver une adéquation totale entre le fond (En gros, rappeler à la fois l'importance de l'art et le fait que c'est toujours de l'illusion, tout en montrant que le spectacle, c'est l'air, l'eau, le sang et la vie des artistes qui le font...) et la forme (Dansée, chantée, jouée et filmée). Je mentionnais un défaut, quelques lignes plus haut, c'est en réalité trois fois rien, mais ça n'est pas passé inaperçu; Joss Whedon, qui a tourné pour la télévision et pour internet deux musicals (Buffy, saison 6, épisode 7: Once more with feeling d'une part, et Dr Horrible singalong blog d'autre part), cite ce petit travers dans son épisode musical de Buffy the Vampire slayer: lorsqu'un groupe de personnages a fini de danser et chanter comme des crétins dans une comédie musicale, le retour à la réalité les voit éclater de rire, mais après le tour de force qui vient de se dérouler sous nos yeux (Good Morning dans Singin' in the rain), ce brusque accès de rire sonne faux et est généralement embarrassant. Mais honnêtement? C'est tout, le reste n'est que du bonheur.

Voilà, donc, je rappelle que ce film est bien celui dans lequel Gene Kelly danse comme un fou dans la pluie en chantant une chanson que vous connaissez tous. C'est bien de le savoir, mais sachez aussi que toutes les scènes de ce film sont de ce calibre, faisant de cet ensemble de dix bobines merveilleuses un concentré de grâce cinématographique dont il n'existe qu'un exemplaire, un seul. Si vous l'avez vu, vous savez de quoi je parle. Si vous ne l'avez pas vu... Mais qu'est-ce que vous attendez?

 

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen Gene Kelly Musical Danse
29 mars 2014 6 29 /03 /mars /2014 19:15

Après le tournage à Londres, ou plus précisément à Pinewood, de son film Arabesque, et de plusieurs scènes de Two for the road, Donen resté en Grande-Bretagne semble s'être énormément amusé à tourner ce film, avec la complicité de Peter Cook et Dudley Moore, auteurs du scénario, acteurs principaux, et pour Moore, compositeur. Le dialogue est savoureux, la situation tout à fait en phase avec les trois courants qui nourrissent le film: le swingin' London et son surréalisme, les années 60 et la transgression, et bien sur l'univers visuel si particulier de Stanley Donen. celui-ci est parfaitement à l'aise avec cette histoire de pauvre cockney (Moore) qui donne son âme au diable (Cook) contre sept chances d'approcher, et de séduire la femme de sa vie (Eleanor Bron). Les sept chances vont être inévitablement gâchées par le diable, qui a de toute façon un intérêt quasiment financier dans l'affaire, puisqu'il est sur le point de gagner le concours qui l'oppose à Dieu: il a gagné plus d'âmes que lui, il lui en faut encore quelques unes avant de retourner en grâce auprès du créateur...

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Si l'essentiel du spectacle (Si essentiellement, intrinsèquement, et absolument Britannique) est dû à l'invention phénoménale et excentrique du duo Cook-Moore, Donen a failli aller au-delà de sa réserve pour signer le film plus avant en y faisant une apparition. La scène a été écrite, mais on ne sait pas si elle a été tournée. Par contre, filmé en liberté totale, s'autorisant avec bonheur à passer du coq à l'âne au moyen de trucs voyants (Le mot magique pour exaucer un voeu est "Julie Andrews!", le moyen de revenir à la lumière est de faire un gros prout bien audible avec la bouche, etc), de mélanger prise de vue réelle et dessin animé, de provoquer la censure en filmant une femme nue hors champ dont la poitrine se reflète dans un miroir bien visible, ou en montrant l'enfer comme un joyeux lupanar, etc... Au contact de ses deux stars qui adorent improviser, Donen s'en donne à coeur joie et va tellement loin, que je suis à deux doigts d'écrire une phrase dans laquelle une autre formule magique commençant par Monty et finissant par Python nous ouvrirait toute grande les portes de l'absolu nirvana de l'humour.

Et pourtant, ce film en aparence si déluré est totalement un film de Donen, qui a su mettre l'accent là où il faut, et fournir, certes avec une grande liberté de ton et une frivolité de tous les instants, une histoire qui renvoie à tous ses films, à tous ces humains face au changement, un changement essentiellement du à leurs désirs. Stanley Moon, comme les acteurs de Singing in the rain, comme la bourgeoise Américaine de Charade, le professeur d'université d'Arabesque, est face à la réalité d'un changement possible, inattendu, et va devoir y faire face. Et en 1967, le fait de se retrouver face à l'emprise des désirs est peut-être nouveau, mais c'est l'essentiel de la vie de tous les jours dans un occident gavé de facilités. Le film n'est donc pas qu'un kaléidoscope malin du swingin' London, c'est aussi et surtout un superbe portrait d'une époque revue et corrigée par le petit bout de la lorgnette de l'absurde. Et comme toujours avec Stanley Donen, laisser libre cours à ses désirs et ses sentiments, y compris (et surtout) en rêve, ne calme pas les frustrations, loin de là...

...Julie Andrews.

 

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen
29 mars 2014 6 29 /03 /mars /2014 19:00

Arabesque fait suite à Charade, à tous points de vue: c'est presqu'un complément, une sorte de Best of Hitchcock, volume II, avec de forts relents de North by northwest... Mais là ou Hitchcock, y compris dans ce magnum opus de détente, s'évertuait avec génie à cacher la forme derrière une impressionnante élégance narrative classique, Donen, plus encore que dans Charade, s'amuse ouvertement avec les codes du langage cinématographique. Le film mérite doublement son titre; intrigue réjouissante quoique totalement recyclée qui touche à une histoire d'espionnage dans un pays Arabe fictif (Et jamais nommé) d'un côté, et formes géométriques conjuguées à un sens diabolique de la composition de l'autre: n'oublions pas que Donen vient de la comédie musicale, et est depuis toujours un pousseur de bouchon dans le domaine de la forme, de la couleur, et du rythme cinématographique. C'est aussi, en ces années 60, un ami de la transgression, comme en témoigne cette scène limite durant laquelle le héros est coincé dans une douche, ou Sophia Loren nue cherche à attraper un savon.

 

http://fr.web.img3.acsta.net/medias/nmedia/00/02/49/26/affiche.jpgLe petit monde d'Hitchcock, débarrassé de ses phobies, obsessions morbides, et autres dimensiosn morales, lui sied bien: Cette histoire dans laquelle Gregory Peck, en professeur poussiéreux d'Oxford, est amené à traduire un document MacGuffin pour le compte de plusieurs groupes à la fois, et qui rencontre sur son chemin une femme fatale qui couche à tous les rateliers, incarnée par Sophia Loren, est du fun pur, mis en générique par Maurice Binder, en musique par Henry Mancini... A l'heure ou Hitchcock allait s'embourber dans Topaz, c'est après tout une bonne occasion de se rattrapper. Et tant pis si la redite de Charade (Avec Sophia Loren en espionne à géométrie variable, au lieu de Cary Grant) se voit quand même comme le nez au milieu de la figure.

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen
11 janvier 2014 6 11 /01 /janvier /2014 21:40

C'est une vraie surprise: presque un film secret... Peu de temps après Singing in the rain, Donen réalise seul, toujours pour la MGM mais cette fois pour une unité de production nettement moins presigieuse que celle d'Arthur Freed, ce petit film, à nouveau une comédie musicale, mais sans la flamboyance d'un Fred Astaire ou le génie d'un Gene Kelly. En lieu et place, Marge et Gower Champion, Bob Fosse, et quand même, histoire de faire le lien, Debbie Reynolds adorable en jeune aspirante actrice en provenance directe de la cambrousse, et déterminée à faire carrière. L'histoire est un classique absolu en matière de comédie musicale, puisqu'elle nous raconte les mésaventures de trois hommes qui sont en charge d'un spectacle qui doit ouvrir dans trois semaines, mais pour lequel il n'y a ni la vedette féminine (Qui dit aussi êre la seule femme), ni chansons si intrigue. Les trois hommes, respecivement vedette masculine et chorégraphe, compositeur et assistant-régisseur, ont tous leur candidate, mais laquelle choisir, sachant, qu'elles ont toutes autan de talent en dépit de leurs différences?

 

En 80 minutes, Stanley Donen ne perd pas le temps, et peaufine ses plans-séquences, commençant d'ailleurs par un plan de répétition qui révèle le fond du problème: lorsque le rideau s'ouvre pour la première scène, la vedette n'est pas là... C'est donc le geste que le film va s'évertuer à compléter, trouver la personnalité qui saura être la meilleure artiste pour interpréter justement ce rôle. On peut argumenter que ce film est ainsi un peu construit sur un vide, ou que l'idée du spectacle à accomplir est un rien tellement usée jusqu'à la corde que le film ne vaut pas grand chose, pourtant on s'y mause en permanence: la légèreté communicative, l'invention perpétuelle de la mise en scène, les contrastes appuyés entre les artistes impliqués dans les numéros, et l'extraordinaire jeu des couleurs: ce film confirme, dès 1953, l'importance de Stanley Donen.

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen Musical Danse
31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 18:50

Stanley Donen est assurément l'un des metteurs en scène les plus inclassables qui soient, même si on l'assimile le plus souvent à la comédie musicale; il est vrai que Singing in the rain trône aisément sur le reste de sa filmographie, et qu'on y voit aussi des perles, telles que Royal wedding, Funny face ou On the town (Ce dernier, comme Singing in the rain, co-dirigé avec Gene Kelly). Mais les années 60 lui ont permis de faire la preuve de son impressionnante versatilité et de son sens esthétique hors du commun, avec des films aussi divers et dissemblables que Charade, Arabesque, Bedazzled... Et Two for the road. Son film préféré, et un bilan personnel en forme d'expérimentation fabuleuse.

Un couple marié passe ses vacances en France... Tous les ans. Et la narration s'offre le luxe de ne pas s'arrêter à la linéarité chronologique, passant au gré d'un stream of consciousness rare et rarement aussi réussi, d'une époque à l'autre, en pratiquant avec bonheur l'association d'idées. Les deux héros, Audrey Hepburn et Albert Finney, nous racontent ainsi l'histoire mouvementée de leur mariage, sachant qu'un mariage n'est narrativement intéressant que s'il y bien des choses à dire...

 

Dire que Donen croyait s'en tirer à bon compte avec ce film, et le tourner en un rien de temps! Mais il fallait tourner toutes les époques dans des lieux précis, le même à chaque fois, et amener avec la troupe les voitures, toilettes, coiffures etc... qui permettent au spectateur de s'y retrouver. Et le film impliquait nécessairement aussi bien des lieux authentiques (Aucun plan tourné en studio, ici!) que des acteurs qui ne pouvaient se faire remplacer, l'adhésion du spectateur était à ce prix. Au final, ce film inclassable et irracontable est la fidèle démonstration des complications d'un mariage ni plus réussi, ni plus raté que n'importe lequel, avec ses hauts et ses bas. Et il est aussi troublant qu'attachant.

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Published by François Massarelli - dans Stanley Donen