Le dernier film de Tex Avery pour la MGM nous raconte l'épopée lamentable d'un prisonnier (le chien Spike, doté une fois de plus d'un accent Irlandais) qi s'évade... Ou du moins essaie. Passons sur le graphisme infect, et concentrons-nous sur la situation: une fois établie la situation, une fois le chien coincé dans un appareil de télévision qui échoue chez le directeur de la prison, nous avons droit à quelques gags enlevés lorsque Spike rejoue toutes les émissions que souhaite voir le spectateur qui n'a pas remarqué qu'il est en fait prisonnier à l'intérieur du poste!
...Mais justement, c'est paradoxal, pour Avery, de finir son contrat de forçat du dessin animé par cette histoire de télévision. D'une certaine manière, c'est ce nouveau média, qu'il ne rate jamais une occasion de torpiller, qui va lui donner une nouvelle chance face à la postérité...
Cette entrée tardive à la saga de l'étrange chien sans émotion est sans doute l'un des derniers grands films d'un héros qui finissait par ne plus avoir suffisamment de substance... Torador, Droopy "de Guadalupe" est opposé à un loup flamboyant pour combattre un taureau dans l'arène, avec comme enjeu la compagnie d'une starlette...
C'est un excellent cru, à l'ancienne, et comme dans certains films la puissance impressionnante de Droopy ne se révèle que tardivement, quand on le provoque: en attendant, nous assistons à un ballet loufoque entre un loup un peu trop sûr de lui et un taureau qui a de la ressource, et c'est décidément très drôle...
Un couple d'avions va avoir un petit, ce qui tempère sérieusement la déprime du père, un bombardier B-29 qui ne trouve pas à se caser puisque tout le monde ne jure que par les jets... mais quand le petit Johnny naît, c'est un jet, pour le plus grand désespoir du père: celui-ci prend une décision drastique, celle de participer à une course pour montrer de quel bois il se chauffe... Le petit participe à son insu, en tant que passager...
C'est désarmant, en fait: je n'aime pas, mais alors pas du tout les films d'animation qui montrent des véhicules humanisés (Cars, de Pixar, par exemple, pour lequel j'ai une totale aversion), mais ce film m'a surpris: pour commencer, l'animation en est assez traditionnelle, assez ronde, et c'est esthétiquement réussi. Et si l'histoire n'est qu'une reprise du principe de One cab's family avec des avions, il y a un pur moment de grâce, qui dure une minute et quelques: la course autour du monde du B-29 propulsé par... son Jet de fils! Un moment durant lequel Avery nous ravit en exposant, l'une après l'autre, des idées simplissimes basées sur des sites célèbres, que visite les deux avions, et avec lesquels ils vont interagir.
...Ces quelques secondes de bonheur suffisent au mien.
Un loup Sudiste reçoit la visite d'un chevreau qu'on lui confie, en lui écrivant de ne pas s'inquiéter: la bête mange de tout... Et même n'importe quoi. En effet: le film n'est pas autre chose qu'une litanie absurde mais ô combien répétitive de gags liés au fait que, donc, l'animal mange vraiment tout...
C'est donc assez peu glorieux, mais ça se laisser voir.
Sauf que...
C'est un des films de la période finale de Tex à la MGM, et le graphisme est problématique, mélange de schématisme, de traits grossiers et de dessin simili-Disney. C'est loin d'être un chef d'oeuvre, et la façon dont le loup bégaie de façon systématique achève de nous éloigner...
Un ours qui va hiberner fait appel à un chenil pour lui fournir un chien de garde. Le poste est avantageux, donc si Spike est désigné, il a un concurrent malhonnête, qui va tout faire pour lui piquer la place... Mais ce n'est pas de tout repos, car il ne faut pas faire le moindre bruit: l'ours est, disons, d'un sommeil colérique...
Et c'est donc la mécanique Averyenne qui se met en place: accumulation, répétitions, gags liés au corps et à une certaine concupiscence, explosions, e tutti quanti. Et le tout, bien évidemment, dans un déchaînement de violence et de sadisme...
C'est drôle et bien mené, c'est aussi, de fait, l'un des derniers très bons films du metteur en scène qui va prendre une année sabbatique et revenir dans un studio en plein tourment: les coûts auront été divisés jusqu'à rendre l'animation hideuse...
Spike, le chien, rentre chez lui (il habite dans une ferme) au petit matin. IL va s'endormir, mais le coq chante... Avec insistance.
Décor planté, personnages en place: pendant un peu moins de sept minutes, le chien va vivre un enfer, à cause d'un personnage sans substance autre que celle d'une machine à emm... le monde! C'est la situation de Cuckoo clock, en un peu plus austère.
A noter, le décor d'une ferme Américaine qui habituellement identifie plutôt les cartoons de la Warner, mais n'oublions pas que Tex Avery a beaucoup contribué lui-même à cette veine dans les productions de Schlesinger avant son renvoi pour mauvaise conduite...
A noter aussi, un gag ("Tim... ber!") qui vient en droite ligne (ce sont sans doute les mêmes cellos qui ont servi) de Wags to riches. Je suis à peu près sûr qu'il a resservi encore après.
Un animal mignon cherche l'amour, et écoute les conseils avisés d'un Cupidon qui lui fournit un manuel pour trouver l'âme soeur...
Et alors? On est presque en terrain connu, pas très loin de chez Walt Disney auquel le graphisme volontairement rond et gnan-gnan renvoie. Comme c'est un pur produit de l'équipe de Tex Avery, on sait qu'il n'y aura pas besoin d'aller très loin pour trouver de la transgression et du sordide.
C'est un putois; d'ailleurs le Cupidon ne peut rester en sa compagnie que doté d'un solide masque à gaz. Et quand le héros se déplace, il fait se faner les fleurs. les gags liés à l'odeur corporelle dépassent l'entendement. "Tinker" (notez l'apostrophe) est ici un diminutif de "stinker", un nom qui désignerait immédiatement un être... puant.
Mais il y a plus: un humour noir et féroce, qui contrebalance en permanence le côté mignon du graphisme: le putois se déguise en Frank Sinatra (qui était à l'époque un maigrelet tendance cadavérique) et toutes les blagues possibles y passent, comme les gags inspirés par le comportement délirant des fans. Mon préféré reste cette grand-mère qui se met à sauter en l'air pendant une quinzaine de secondes, façon Avery bien sûr, et en retombant creuse un trou profond qui devient sa tombe...
Bref: c'est formidable... Et en plus ça se finit très bien!
Parfois ces environ sept minutes que durent les films d'animation sont tellement remplies de péripéties qu'elles donnent le vertige, et parfois c'est le contraire: une bonne idée, UNE seulement peut nous amener au bonheur... C'est le cas ici, avec une poursuite chat-chien-canari, augmentée de l'apport d'une souris, seul personnage un tant soit peu articulé, d'ailleurs elle l'admet: elle a déjà vu le cartoon, donc elle peut en prédire la fin...
Sauf que de fin, il n'y en a pas. C'est la souris qui l'annonce: car l'essentiel de la lutte commence par la compétition entre le chat et le canari, à qui sera le plus gros, à l'aide d'un produit miracle qui transforme un oiseau chétif ("whoah, I've been sick!") en un garde-manger pour plusieurs semaines... Et le produit est très efficace donc les quatre animaux se subtilisent la bouteille à tour de rôle, et ça délire très sec...
Une fois de plus, la lutte entre mangeur et mangé vire au sordide, et Tex Avery n'avait pas son pareil pour oser aller loin dans une thématique pourtant partagée avec ses anciens collègues de chez Warner. On peut dire qu'il s'avait appeler un chat un chat... Ou un canari, ou une souris, ou un chien.
Reprenant cette manie salutaire de se baser sur les contes de fées classiques pour les dynamiter dans ses courts métrages, Tex Avery a sérieusement renouvelé sa propre formule dans les années 40, en y ajoutant deux ingrédients complémentaires: le loup, le plus souvent suave et sophistiqué, et des jolies filles...
C'est donc alors qu'il a vu le titre du film que le loup qui poursuit le Petit Chaperon Rouge dit à cette dernière de partir, et va se changer afin de découvrir ce que l'équipe de Tex Avery a bien pu faire pour actualiser Cendrillon à l'âge du swing! Il va donc rencontrer la jeune femme, devenue une "bombe" qui chante dans une boîte de nuit, mais dotée d'une marraine délurée, qui aimerait bien ajouter le loup à son tableau de chasse...
Bref, c'est la recette de Red Hot Riding Hood, mais ce n'est pas grave: on en redemande!
Notons que le film est bien de son époque, puisqu'à minuit, Cendrillon doit quitter le bal... pour se rendre à l'usine où elle travaille à l'effort de guerre.
Il n'y a grand chose à dire pour raconter l'intrigue de ce film: une souris nous explique la cruelle destinée d'un lion, auparavant le roi de la jungle, devenu une épave dans une institution psychiatrique suite à sa rencontre avec... une souris. Cette dernière n'a qu'une chose à dire: "Boo!".
Le film est pourtant une succession de variations toutes plus superbes les unes que les autres, d'abord dans la gestuelle constamment changeante du lion dans l'exercice de sa pleine puissance, puis dans les chassé-croisés avec un rongeur qui comme Droopy à la même époque, a un don d'ubiquité particulièrement prononcé; tout, ici, est question de rythme et de timing, confié comme il se doit à des experts...