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Posons les choses une bonne fois pour toutes: on attend de Tim Burton qu'il se ressaisisse depuis Big Fish. Son adaptation certes réussie de Charlie and the chocolate factory était une récréation dans son oeuvre, suivie d'un film d'animation trop long et trop auto-caricatural (Corpse bride); son adaptation de Sweeney Todd là encore ressemblait à du Tim Burton de grande consommation avec les frissons et l'horreur juste là ou il faut... et depuis, on a eu le pire du pire: son Alice in Wonderland, ou comment faire d'un film un parc d'attractions indigent pour la famille tout en sacrifiant son génie. Joli à voir mais totalement prévisible et vide. Maintenant qu'il est devenu un maître reconnu et adulé, il s'est irrémédiablement assis sur son trône et sa légion d'honneur.
Donc Dark Shadows, dans ces circonstances, représente paradoxalement une bonne nouvelle. paradoxalement, parce que il faut dire qu'on est quand même face à un film réalisé avec métier, avec bon goût, et un manque certain d'implication... Cette histoire de vampire décalé (Johnny Depp), qui reprend place dans sa maison deux cents ans après sa malédiction, pour retrouver ses lointains cousins aux prises avec la même sorcière maléfique, provient d'une série télévisée, le genre d'objet médiatique dont on attend que Tim Burton s'y soit abreuvé quand il était jeune... Le film porte la marque du formatage subi par Burton, et là encore on assiste à un spectacle prévisible, avec l'incontournable déchainement lors des dernières trente minutes, lorsqu'il s'agit de cesser de rigoler et de prendre les taureaux par les cornes, c'est à dire de prendre le méchant -ou la méchante, en l'occurence- en face à face, et faire triompher le bon droit, Disney-style.
Et pourtant, le film recèle de petites joies, comme cette façon que Burton et Depp ont de placer le vampire en porte-à-faux par rapport à l'époque dans laquelle il vient de débarquer, les ruptures de ton, et bien sûr les fringales de Depp, le gentil vampire qui s'excuse avant de massacrer une bande de hippies avec lesquels il vient de fraterniser... ou encore cette recréation tendre et amusée de 1972, incarné par une petite-cousine hip qui s'avèrera être un loup-garou au final...
On retrouve aussi le goût de Burton pour la belle image, mais en plus brutal que dans le film précédent. Son goût pour les couleurs riches de sens, aussi, à travers les costumes d'Eva Green, méchante rêvée et diabolique en rouge et noir, l'un de ses plus beaux rôles d'ailleurs. Helena Bonham-Carter est là bien sûr, qui offre des scènes de comédie joviale avec son personnage de psychiatre alcoolique qui tente d'analyser le vampire. Bon, on est loin de Ed Wood ou Edward Scissorhands, voire de Sleepy Hollow, mais au moins, on n'a pas le sentiment d'avoir trop perdu son temps, même si le final et le statut d'adaptation de série du film nous autorise à craindre... une suite, et ça, non ce ne serait pas une bonne nouvelle.
Reste un détail, qui me frappe, même si on pourrait considérer ça comme une goutte d'eau: le crédit de Burton (Qui reste fidèle à cette belle tradition de débuter un film par un générique, c'est dommage que ce soit devenu si rare), Directed by... , arrive sur un plan qui contient... une bicyclette. Et alors? L'accessoire renvoie pour moi à Pee-wee's big adventure, un film qui certes est un ratage total, mais c'était le premier long métrage du maître, et ce clin d'oeil peut être un peu le message subliminal d'un réalisateur enfermé dans ses propres carcans, et qui tente de se reconstruire en prenant les choses à la racine: adaptation d'une série télé, retour à sa propre jeunesse, histoire gothique d'outsider... après tout, le prochain film de Burton n'est-il pas un remake de son moyen métrage Frankenweenie? Un autre retour aux sources, encore plus explicite celui-ci... Allez, on lui laisse encore dix ans pour nous convaincre à nouveau.