Quand on y pense, cette année 1939 était quand même une extraordinaire période pour le cinéma, surtout Américain... Et il est des films qui continuent à fasciner, 80 ans plus tard, de façon insolente, tel ce Wizard of Oz concocté à la Metro-Goldwyn-Mayer sous la férule de Mervyn Le Roy, qui aura rarement été aussi inspiré. Il est vrai qu'il n'a pas réalisé le film lui-même, mais su déléguer, à Fleming mais pas seulement puisque King Vidor était aussi de la partie, réalisant pour sa part l'essentiel de la partie 'Kansas' en sépia, notamment le mythique numéro musical Over the rainbow.
Ce qu'on retiendra de cette oeuvre inspirée d'un conte aujourd'hui terriblement poussiéreux, ce ne seront ni les péripéties, ni le message, ni même l'onirisme (c'était un rêve, la belle affaire!)... Non: c'est tout simplement qu'on est en plein cinéma absolument pur, filmé dans un studio où tout ressemble à un studio, avec des effets spéciaux géniaux, des maquillages impressionnants, et un refus de tirer la couverture à soi de la part de tous les acteurs. Tous des "roopers", non pas des cabotins courant le cachet, mais des artistes déterminés à donner le meilleur d'eux-même pour fournir un plaisir permanent dans ce film où il est toujours aussi bon de se perdre...
Le tout distille pendant cent minutes un plaisir foncièrement cinématographique, avec probablement pour plus grand frisson l'un des truquages les plus simples et les plus efficaces qui soient: quand Dorothy s'approche, en noir et blanc et sépia, d'une porte, qu'elle ouvre, et qui laisse désormais voir un paysage plus faux et plus Technicolor qu'on n'ait jamais vu. Il faut le (re) voir pour le (re) vivre... Tel qu'il est, avec l'avantage des années, ce film merveilleux au premier degré se situe en droite ligne en héritier des extravagances maîtrisées du grand Méliès, tout simplement...
Attention toutefois, dans ce film, on tue les sorcières!
Avec un film comme celui-ci, sans doute nous faut-il apprendre à aller au-delà des superlatifs, des raccourcis hâtifs et galvaudés, mais aussi d'une certaine tendance actuelle, dangereuse et inquiétante, au révisionnisme, bref, de tout ce qui environne le film le plus important de Selznick. Et on va d'ailleurs commencer par dire qu'on se fout comme de l'an 40, comme on dit, que cette fresque délirante de 3 heures et cinquante minutes ait obtenu l'Oscar du meilleur film pour l'année 1939, entre autres hochets: ça fait un paquet de temps qu'on sait bien que ce n'est pas ça qui fait un bon film. La preuve? ...cette même année, il y avait aussi Stagecoach de John Ford, et pourtant on ne lui a pas donné la statuette...
Non, on va juger le film sur pièces: un film difficile à attribuer, pour commencer, puisque le tournage a commencé, en 1938, par des plans qui sont dans le film, mais qui ont été tournés avant que les acteurs aient été engagés, et avant l'arrivée d'un réalisateur. Et quel réalisateur, d'ailleurs? On sait que George Cukor a commencé le film, ce qui déplaisait à Clark Gable, donc il a fallu le remplacer par Victor Fleming. Mais au moment où Cukor a été congédié, Fleming était occupé par un boulot prenant (finir sa participation à The Wizard of Oz!) donc l'intérim a été assuré par Sam Wood pour trois semaines, avant que Fleming puisse faire son entrée sur le plateau. Alors dans ces conditions, pourquoi lui attribuer le film? Eh bien, d'une part parce que c'est un crédit officiel; ensuite parce qu'ayant fini le film, il est celui qui l'a porté sur les fonds baptismaux; enfin, parce qu'il est évident (historiquement comme devant le film fini) qu'il en a dirigé une portion significative... Remarquez, il est estimé que Cukor aurait tourné à peu près 35 ou 40% du film tel qu'on peut le voir aujourd'hui. Si on en attribue 50% à Fleming, il reste 15% à partager entre Wood, Selznick et quiconque a mis la main à la pâte, on connait la propension du producteur pour diviser le travail dans l'intérêt d'un film... Et puis le résultat, portant aussi bien la marque de Cukor que celle de Fleming, est sans doute la meilleure des justifications: c'est un chef d'oeuvre, non?
En 1860, sur la plantation des O'Hara, les esprits sont chauffés: d'un côté la jeune Scarlett ne rêve que d'amourettes avec son beau voisin Ashley Wilkes (en dépit des rumeurs alarmantes d'un mariage qui s'effectuerait entre ce dernier et sa cousine Melanie), pendant que les hommes ne parlent que de l'inévitable guerre qui s'annonce... Très vite, les choses se précipitent, et une civilisation construite sur la dureté de l'esclavage et la douceur de la météo, s'apprête à être emportée par le vent, pendant que Scarlett O'Hara va devenir adulte en faisant toujours bien attention à mettre ses affaires et sa survie devant tout: les convenances, le bien-être des autres, et la politique... Se mariant trois fois, toujours avec la pensée de moins en moins secrète qu'un jour Ashley pourrait bien être l'heureux élu...
C'est bien plus que l'histoire d'un égoïsme, car ce qui tient le spectateur en haleine durant quatre heures ou presque, est plutôt la confrontation entre les êtres, qui vont tous par deux dans des combinaisons différentes: Scarlett et Ashley, son amoureux tellement idéalisé qu'il ne sait plus très bien lui-même où il en est, Scarlett et son ennemie intime Melanie qui semble autant digne et honorable que Scarlett est frivole, et enfin - et surtout, devrait-on dire - Scarlett la terrienne et Rhett Butler le visionnaire, qui vont finir par s'allier, et même s'aimer... Mais pas en même temps. Le film est une époustouflante galerie de portraits, certes centrée autour de la figure flamboyante de Scarlett O'Hara, une héroïne fascinante parce qu'elle n'est pas forcément de celles qu'on aime, mais ses motivations sont claires, et tangibles: un trait du film qui le rapproche des séries d'aujourd'hui...
Et parmi ces personnages qui ont tous le temps d'exister (la liste serait longue, mais allez voir le film, vous verrez) et qui sont servis par des prestations de l'un des plus beaux castings de l'histoire du cinéma (Vivien Leigh, Leslie Howard, Clark Gable, Hattie McDaniel, Thomas Mitchell, Harry Davenport, Jane Darwell, Ward Bond, Laura Hope Crews...), il y a une prestation que je trouve absolument essentielle, et qui donne probablement tout son sens au film: Olivia de Havilland, "prêtée" par Warner à Selznick, savait-elle qu'elle avait le meilleur rôle du film? Celui de la douce, tendre, sage, fidèle Melanie, parangon du sacrifice et femme modèle, qui sert du début à la fin de repoussoir, de défouloir, de contre-exemple à cette peste égocentrique de Scarlett O'Hara. Choisissant de la jouer d'une façon frontale, Miss de Havilland dont on connaît le talent, et qui a quelques années plus tard donné toute la mesure de son grand art en se spécialisant dans les rôles ambigus, a joué Melanie de manière à ce qu'elle offre plusieurs grilles de lectures. Derrière la façade (brave, religieuse, fidèle à son mari, dévouée à la cause du Sud comme à sa belle-soeur, allant jusqu'à prendre la défense de cette dernière quand le tout Atlanta se met à exploser en rumeurs, par ailleurs fondées, sur elle et Ashley), il y a plusieurs Melanie possibles. Fière, se sachant gagnante quand elle garde son sang-froid, victorieuse par KO sur l'intrigante Scarlett quant à l'opinion publique? Melanie en femme du Sud a appris la valeur de cacher ses sentiments profonds, elle partira en demandant, de façon, là encore, ambiguë, à Scarlett, de faire attention aussi bien à Ashley qu'à Rhett... Rhett, qui a passé le film a chanter les louanges de Melanie, et dont la maîtresse Belle Watling ne jure d'ailleurs que par Melanie Hamilton Wilkes. Loin de moi l'idée de vouloir nécessairement faire passer Olivia de Havilland devant Vivien Leigh, dont la prestation est mémorable, mais je suis juste en train d'émettre une préférence.
Mais comme je le disais, cette histoire tient la route en effet, grâce aussi à une intrigue historique, une tourmente qui était du genre à inspirer le cinéma: quels qu'en soient les réalisateurs, le film accumule les séquences qui sont autant d'exploits, dans un souffle constamment renouvelé: la construction en deux parties est d'ailleurs exemplaire, et nous permet de prendre du plaisir à tant de grands moments... Plastiquement, c'est aussi une fête, qui a fait dire à beaucoup d'ignares que la couleur avait été inventée en 1939! Une intrigue qui rappelons-le, est basée sur une guerre fameuse pour sa pyrotechnie, et le nombre de ses morts, ce qu'un plan célèbre entre tous nous rappelle opportunément, un plan qu'on peut sans aucun problème attribuer à Selznick lui-même: venue à Atlanta pour chercher le Dr Meade, car Melanie va accoucher, Scarlett se retrouve au milieu d'un mouroir, jonché de soldats blessés, mourants ou morts: la caméra recule et s'élève, jusqu'à cadrer un drapeau Sudiste bien mal en point...
Et c'est là qu'il va falloir taper du poing: certes, on tiquera dans ce film, sur le comportement de toutes ces feignasses de blancs du Sud devant ceux qu'ils appellent les "Darkies", mais force est de constater que le film joue la carte d'un recentrage surtout si on en croit la réputation de racisme délirant de Margaret Mitchell, auteure du roman adapté. Ca et là, des allusions à un comportement décent (Ashley parle du fait qu'il aurait de toute façon affranchi les esclaves en prenant possession du domaine de ses parents, même sans la victoire du Nord), des personnages qui offrent une perspective au-delà de l'esclavage (Mammy, interprétée par la géniale Hattie McDaniel), et replacent les rapports entre maîtres et esclaves dans un contexte moins marqué. Bien sûr, que c'est un petit arrangement avec la vérité, mais le fait est que le film n'est pas une leçon d'histoire. De la même manière, s'il est évident pour la personne informée que la réunion de Sudistes qui se lancent à un moment dans une expédition punitive a tout d'une allusion au KKK pour qui sait lire entre les lignes, il n'en reste pas moins que dans le film, les Sudistes en question en ont après les blancs nordistes.
Dans ces conditions, on ne peut déplorer (surtout dans le climat actuel, où le premier Donald Trump venu, ou le premier Eric Zemmour, ou Renaud Camus, ou Michel Onfray, la liste serait longue, peut se permettre d'aller sur les médias dire des horreurs qui sont autant d'appels à la haine), que le film subisse aujourd'hui une mise à l'index, ayant été déprogrammé pour son racisme supposé. Je pense que si on met Gone with the wind à la poubelle, il va falloir élargir le dépotoir, parce qu'il va y avoir du déchet! C'est en phase avec une époque où l'homo sapiens admet qu'il ne connaît ni son histoire, ni son patrimoine culturel... C'est grave, et c'est bien sûr à rapprocher de récentes censures concernant Lillian Gish ou encore Buster Keaton: ce dernier avait représenté dans un rêve de The playhouse un numéro de music hall qui le voyait se représenter en blackface, selon les règles du music hall de 1922. Le film a lui aussi été déprogrammé pour son contenu politiquement incorrect! Quant à Miss Gish, une décision a été prise de retirer son nom du frontispice d'un cinéma, en raison de son appartenance au casting de The Birth of a Nation, film certes raciste (et d'ailleurs, Miss Gish, que je vénère en tant qu'artiste, était elle-même franchement très rétrograde sur les questions ethniques, mais ce n'est pas une raison)... La seule solution pour pouvoir sereinement affronter le futur est de connaître le passé, ses artefacts, bref, notre histoire. Et Gone with the wind, film phénomène, en fait partie à 100%... Et quel plaisir il nous donne, ce film de 80 ans!
Mantrap était l'un des films préférés de Clara Bow; c'était aussi son introduction au grand monde, après avoir enchaîné seconds rôles et productions moindres, c'était son premier rôle en vedette pour un studio de premier plan, qui allai ensuite lui proposer un contrat de star... Mais de tous les films qu'elle a tournés en vedette (Exception faite de Wings, dans lequel on peut décemment considérer que son rôle est limité), c'est sans doute le meilleur qu'on puisse voir aujourd'hui. L'entente a été parfaite entre la star et son metteur en scène (Et même plus que parfaite à en croire la légende, sacré Victor!), et de ce qui aurait pu être une comédie vaguement sexy de plus ou de moins, l'équipe en a fait un chef d'oeuvre de comédie gonflée.
Deux hommes s'apprêtent à prendre des vacances momentanément, pour des raisons différentes voire opposées: Joe Easter, le trappeur qui vit à Mantrap Lodge, en pleine nature, a besoin d'aller à la grande ville pour y voir des filles, parce que la solitude lui pèse, alors que l'avocat Ralph Prescott, de son côté, est un avocat spécialisé en divorces, qui n'en peut plus de recevoir des clientes fortunées qui tentent de le séduire. Easter se rend donc à Minneapolis où il rencontre une jeune manucure, Alverna, qui croit trouver en lui l'homme des bois, et Ralph écoute son ami Woodbury, qui le persuade d'aller camper au grand air. Et Ralph et Woodbury vont donc s'installer à Mantrap, en pleine saison des pluies, semble-t-il. Lorsque Ralph rencontre Joe, celui-ci l'invite à venir se refaire une santé dans sa cabane, et lui présente Alverna...
Comme on dit dans ces cas-là, "vous pouvez deviner la suite"... Sauf que non, ce serait trop facile! Fleming a distribué les rôles à une troupe formidable: Joe Easter est interprété par Ernest Torrence, qui sait si bien doser sa jovialité et son manque flagrant de sophistication, tout en provoquant la sympathie du public; Percy Marmont est arfait en avocat coincé, cela va sans dire! Eugene Pallette interprète Woodbury, et parmi les habitants de mantrap, on apercevra Ford Sterling, Lon Poff (En pasteur...), Josephine Crowell en une voisine qui se mèle de ce qui ne la regarde pas, et William Orlamond interprétant son mari qui la suit partout comme un petit chien. On note que j'ai gardé l'inévitable pour la fin: Clara Bow, confondante de naturel, est donc Alverna. Alverna, comme Clara Bow, est dotée dune sexualité visible et assumée, jamais mise en valeur par des robes suggestives, mais plus par un comportement exubérant. Et ce petit bout de bonne femme va en faire baver à tous les hommes, mais le pire c'est qu'elle en fait une affirmation de sa féminité, les hommes dans 'histoire étant priés d'accepter. Et Fleming ne cherche à aucun moment à la punir ou à l'excuser de son comportement. Lors d'une scène, la jeune femme prend le pouvoir, et confronte "ses" deux hommes, Prescott et Easter, et... montre qui est la patronne. Clara Bow est troublante, et c'est son meilleur rôle.
Au cas ou on se poserait la question, sachez qu'il existe bien un lac Mantrap dans le Minnesota, ce n'est donc pas une invention de l'auteur du roman, Sinclair Lewis, ou de Victor Fleming, qui s'était lui fait prendre aux pièges de Clara Bow. Ni le premier, ni le dernier...
Douglas Fairbanks, à l'aube des années 20, était clairement prêt à franchir le pas: ce film montre à quel point ses ambitions vont vers le film d'aventures spectaculaires, même si The Mollycoddle est une comédie avant tout. Un "mollycoddle", c'est une poule mouillée. Douglas Fairbanks incarne donc un Américain fier de ses racines, mais qui a quitté les Etats-Unis à l'age de quatre ans, et se comporte comme une femmelette, résidant à Monte Carlo, portant monocle et s'imaginant New York comme une ville du far West dans laquelle les gens se déplacent en diligence. Il n'a jamais travaillé de sa vie, porte une moustache ridicule, et voit venir les touristes Américains avec une certaine curiosité naïve... Quelques amis Américains, justement, de passage à Monte-Carlo le persuadent de "rentrer au pays" avec eux, mais il tombe alors dans une sombre histoire d'espionnage dans laquelle on va justement le soupçonner d'être un espion...
Histoire de métamorphose, comme souvent les petits films d'aventures produits par Fairbanks, The Mollycoddle sera suivi d'un film important: The mark of Zorro (Fred Niblo, 1920). Les deux films ne sont pas sans rapports... Il est tentant d'imaginer que le mystérieux espion qui surveille les agissements louches d'un contrebandier en diamants (Wallace Beery, en "villain" classique), soit précisément le personnage incarné par Fairbanks. C'est d'ailleurs ce que croient les bandits pendant un temps. Mais il est, contrairement à Don Diego dans le futur film de Niblo, authentiquement un naïf au coeur pur! D'une certaine façon, la moustache de Fairbanks est l'emblème de son inefficacité, et lorsqu'il devient un homme (Et quel homme, quelle fougue, quelle prestance!), il la coupe. Mais dans les films d'aventures musclées qui suivront, Zorro sera le seul héros qui n'aura pas droit à sa moustache chez Doug Fairbanks!
Un petit film, certes, mais pas de temps mort, et les images authentiques captées sur la réserve Hopi de l'Arizona sont magnifiques. Fleming, pour sa deuxième et dernière collaboration avec l'acteur-producteur, fait merveille avec les constantes ruptures de ton de ce film qui commence en comédie mondaine, se poursuit sur un bateau, avant de se terminer dans les déserts magnifiques de l'Ouest Américain. Complice de toujours dans les films de Fairbanks, Charles Stevens interprète un petit rôle, bien qu'il soit le petit-fils de.... Geronimo. C'est du moins ce que la publicité a si souvent annoncé, alors que c'était en réalité totalement inventé. Par contre la passion du producteur pour la culture Indienne débouche sur des images respectueuses, et surtout authentiques, du territoire des Hopis, pas si souvent filmés. Donc ce film mineur sur la contrebande de diamants est une mine d'or!
Beaucoup des films Artcraft de Fairbanks, produits en indépendant mais avant la création de la compagnie United Artists, ont été perdus. C'est la raison pour laquelle, en dépit de qualités exceptionnelle de A modern musketeer, paru en 1917 soit plus d'un an avant celui-ci, il semble y avoir un gouffre entre ces deux films! Fairbanks entend bien jouer dans la cour des grands avec ce long métrage extravagant et d'une exceptionnelle richesse. Ses films feront désormais six bobines, et il va déployer une impressionnante galerie d'effets spéciaux pour donner vie à une intrigue qui ressemble à du Fairbanks concentré, mais aussi sérieusement enrichi. L'ancien chef-opérateur Victor Fleming est désormais à la manoeuvre, une idée qui me parait excellente tant les péripéties de cette intrigue nécessitaient une maîtrise de l'image que bien des metteurs en scène n'avaient pas. On peine d'ailleurs à croire qu'un tel log métrage puisse venir d'un débutant, et pourtant Fleming n'avait jamais réalisé de film avant. Par contre, comme chacun sait, il ne va pas s'arrêter en si bon chemin...
Un préambule incongru nous montre un scientifique, le Dr Ulrich Metz (Herbert Grimwood), qui devant un parterre de confrères annonce sa décision de se lancer dans une expérience inédite: il va manipuler un être humain jusqu'à provoquer sa mort, réclame, et obtient leur approbation... L'être humain en question est Daniel Boone Brown (Douglas Fairbanks), un jeune homme tellement superstitieux qu'il se complique la vie en permanence. Les manigances du Dr Metz le rendent en retard chez son employeur, qui est aussi son oncle (Ralph Lewis) Celui-ci le met à pied pour lui apprendre la vie, et durant sa période de chômage technique, il rencontre une jeune femme aussi toquée que lui (Kathleen Clifford), et c'est bien sur le coup de foudre réciproque. Sauf que... Lonette, la jeune femme, est plus ou moins promise, et à un escroc en plus (Frank Campeau), et celui-ci vient justement en ville, pour faire affaire avec l'oncle. Il va donc y avoir du sport, des cris et des quiproquos, sous le regard inquiétant du Dr Metz....
Quel autre film peut se vanter de montrer son protagoniste en plein cauchemar, courant au ralenti pour échapper à une tourte, un homard, un oignon et du fromage Gallois qui le poursuivent? Dans quel autre film un savant fou s'adresse-t-il à une assemblée de scientifiques pour leur faire part de son projet de tuer un être humain à titre expérimental? Et quel autre film de la période passe ainsi de la comédie de boulevard, avec triangle amoureux et poursuites d'une pièce à l'autre, à une représentation des rêves de son héros puis à une inondation géante? Ca aurait bien sur pu être très brouillon, mais la réussite de l'ensemble (Découpage, interprétation, effets spéciaux, etc...) est telle que le problème ne se pose pas. Une fois de plus, Douglas Fairbanks réussit à nous faire croire qu'il est un homme timoré, empêché cette fois de briller par une superstition maladive, jouée avec cocasserie, mais il montre aussi le chemin à d'autres: Lloyd et Keaton (Qui se souviendra de l'effet dramatique d'une inondation dans Steamboat Bill Junior) tireront tous deux la leçon de ce film brillant et unique en son genre.
Clara Bow n'était pas qu'une star en devenir en 1927: elle était naturellement jolie et exubérante, il fallait bien qu'un jour ou l'autre elle ait la vedette d'un film. Fleming était aguerri avec ses films pour Douglas Fairbanks, il insufflait une énergie fantastique à ses films: à Hawaii, Hula Calhoun (Bow) a grandi avec les manières des indigènes, et lorsqu'elle voit un homme, un vrai (Clive Brook), elle jette son dévolu sur lui, même si'il est marié. Elle va tout tenter (Du moins ce qu'un film Paramount de 1926 lui autorise). Va-t-elle parvenir à ses fins?
Disons qu'elle n'y va pas de main morte: elle lui tend des pièges gros comme une maison, finit toujours par se retrouver dans ses bras, et Fleming utilise toutes les ressources de l'euphémisme cinématographique pour nous faire comprendre qu'il ne faudrait pas trop les laisser seuls très longtemps: on voit une cafetière laissée à bouillir à un moment, dont le café déborde dans tous les sens...
Bref: l'énergie, voila le maître mot; le scénario ne vaut pas grand chose, avec un enjeu simple: ce n'est pas qu'Anthony ne veut pas de Hula, c'est juste qu'il veut rester noble. Etant marié, certes sans amour, il ne souhaite pas profiter de la sitution. Mais Hula va bien sur tout faire, en parfaite dame du jazz age, pour qu'il profite de la situation. En vérité, ce qui compte bien sur, c'est Clara Bow, ses manières, sa danse, son sans-gène, et bien sur son bain sans pudeur, qui prouve dès l'ouverture du film qu'une actrice savait se mouiller à l'époque du muet. Rigolo... Victor Fleming, qu'on imagine en grosse brute du baroud, a toujours été particulièrement à l'aise avec les actrices, on peut en juger avec Ingrid Bergman, Vivien Leigh ou Jean Harlow. et bien sur avec Miss Bow. Toutefois, si on peut voir le film aujourd'hui, on aimerait le voir aussi dans une copie décente, mais ça...