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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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7 mai 2017 7 07 /05 /mai /2017 19:02

Sans aller jusqu'à partager le cri du coeur de Louis Delluc, qui a vu le film à sa sortie Française et ne pouvait le juger qu'à l'aulne de ce qui existait déjà, ce film de Sjöström est, comme on dit, un sacré morceau! Une histoire d'amour hallucinée et jusqu'au-boutiste, dans laquelle le cinéaste nous livre une fois de plus sa vision de la vie, de la noirceur de l'existence, et du destin de l'homme, dans une fuite en avant magnifique... et d'un pessimisme radical. Et l'homme doit forcément entrer en conflit avec la société, c'est-à-dire avec lui-même, et se battre contre un ennemi encore plus implacable: la nature...

Dans une ferme, en Islande, un nouvel arrivant provoque les passions: la fermière, une veuve encore jeune et convoitée par tous les partis importants de ka région, est fascinée par celui dont on ignore tout, et le beau frère de la dame quant à lui, ne va pas tarder à découvrir qu'il a un passé sulfureux. Kari (Sjöström) s'appelle en réalité Egvind, et il est un voleur qui a fait de la prison. Mais Halla (Edith Erastoff), en l'apprenant, lui avoue quand même son amour pour lui. Et quand on vient le chercher, elle décide fuir avec lui vers la montagne, ou ils pourront vivre, sinon heureux, du moins ensemble.

Et bien sur, le film ne s'arrête pas là. D'une certaine manière il commence même vraiment tant la deuxième partie, entièrement située en montagne dans des décors naturels magnifiques et menaçants, est le coeur même de l'oeuvre. C'est là le choix qu'ont fait les deux amants, qui auront un enfant, et n'auront de cesse que de fuir les autres: la venue d'un ancien ami, par exemple, ou un parti de fermiers qui les cherchent, vont précipiter les deux héros toujours plus loin, et vont même indirectement provoquer un infanticide: préférant le tuer plutôt que de laisser son enfant à sa propre famille, Halla le précipite dans le vide... Et la venue de l'ami, qui au début apporte un peu de changement, va avoir un effet désastreux quand le nouveau venu apercevra Halla qui se lave dans une source. Il ne s'en remettra pas... Je ne peux m'empêcher de penser que si, dans The scarlet letter, Hester et Dimmesdale avaient pu s'enfuir, dans l'esprit de Sjöström, ils n'auraient pas connu un autre destin que celui-ci.

Louis Delluc non plus, qui voyait en ce film, jusqu'à la fin de sa vie, le meilleur film du monde! Je ne suis, bien sur, pas de cet avis. Mais la hauteur de vues, le fait que Sjöström ait osé aller tourner ce film dans des conditions incroyables, et la noirceur de l'ensemble, forcent l'admiration pour le savoir faire du metteur en scène, un homme entièrement dédié à un art qui n'avait pas 25 ans d'existence.

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Published by François Massarelli - dans Muet Victor Sjöström 1918 **
6 mai 2017 6 06 /05 /mai /2017 16:13

Sjöström a beaucoup tourné durant les années 10, mais très peu de films ont survécu. A part les trente minutes disjointes de Dodskyssen (1916), on n' a rien gardé de ses films (beaucoup ayant disparu dans un incendie) réalisés entre Ingeborg Holm (1913) et Terje Vigen (1917)! Et la vision de ce dernier film prouve que le metteur en scène a mis à profit ces années de formation pour faire évoluer son style! Terje Vigen ne fonctionne pas, comme Ingeborg Hom, selon une progression linéaire, par tableaux, mais intègre le montage ainsi que des flash-backs dans sa structure, flash-backs dont on sait l'importance qu'ils vont acquérir avec son film le plus célèbre... Et Terje Vigen se situe totalement dans sa thématique sombre, avec une histoire de vengeance, inscrite dans les conditions météorologiques houleuses d'une ville côtière de la mer du nord...

Adaptée d'un poème de Henrik Ibsen, l'histoire est située en Norvège. La guerre fait rage, et le petit port ou vit le marin Terje Vigen avec sa petite famille est victime d'un blocus: les gens meurent de faim, et Vigen sent que son fils ne survivra pas longtemps. Il prend la décision de tenter de forcer le blocus et de se rendre seul au Danemark, afin de récupérer du maïs, pour tenter de nourrir la population... Comme il n'a qu'un frêle esquif, il parvient au Danemark sans problème, mais il est repéré sur le chemin du retour par un bateau Anglais, et les marins décident de le prendre en chasse pour s'amuser un peu; le bateau est coulé, et Vigen se morfond de longues années en prison...

A la fin de la guerre, il sera libéré, et rentrera chez lui, mais les nouvelles ne seront bien sur pas bonnes. Le film inscrit cette intrigue dans un flash-back, motivé  par la vision de Terje Vigen (Victor Sjöström) vieilli, aigri, qui a donc perdu son épouse et son enfant, et survit tant bien que mal, en maudissant quotidiennement la mer... C'est un rôle dont on ne peut pas dire qu'il soit tout en subtilité pour Sjöström! Mais l'acteur est souvent isolé par la composition, dans le film, qui du reste est assez court: ses quatre actes (En fait, plus trois et un épilogue) se déroulant sur moins de 53 minutes. Et le film est clairement l'histoire d'une malédiction personnelle, car tout y est vu du point de vue de cet homme qui a tout perdu, et qui se réfugie dans un espoir de revanche impossible... Comme Körkarlen, ou comme He who gets slapped, il est l'histoire, à heure du bilan, de quelqu'un qui a vécu pour pas grand chose! ET le metteur en scène choisit d'utiliser à fond la nature qui entoure son héros, notamment la mer, faisant un usage dramatique des conditions de la mer du nord.

Donc, tout ça n'est pas très gai... Heureusement, dans l'intrigue qui a prévu également une rencontre tardive entre Vigen et le capitaine Anglais responsable de son emprisonnement, c'est la présence d'un enfant qui rendra à Terje Vigen la raison, au terme d'une tentative de vengeance qui n'aboutira pas.

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Published by François Massarelli - dans Muet Victor Sjöström 1917 *
1 mai 2017 1 01 /05 /mai /2017 16:29

On a retrouvé le cadavre d'un homme, le docteur Monro, à son domicile. Trois témoins sont appelés à éclaircir les circonstances de sa mort: une femme de chambre, celle qui a découvert le corps; et deux ingénieurs... dont le hasard a voulu qu'ils soient des sosies. C'est à cause de cela que l'un d'entre eux a été mêlé à la mort d docteur, bien malgré lui...

Sjöström expérimente avec ce film dont il ne reste aujourd'hui que trente minutes à peu près, et c'est bien regrettable: on ne comprend pas grand chose de cette intrigue alambiquée, et qui ne justifie pas vraiment de la nécessité pour le metteur en scène d'interpréter un double rôle... au-delà de la possibilité technique de s'amuser un peu à mettre deux Sjöström dans le plan! Donc je pense que c'est l'une des deux choses que le réalisateur s'est plus à explorer avec ce petit film. La noirceur propre à Sjöström a tendance à laisser la place ici à une sorte de puzzle extravagant, dans lequel le sinistre et l'étrange ressortent plus de la politesse du genre, que de la propension du metteur en scène pour le tragique! Et il se plait, en plus de la double exposition de la pellicule qui lui permet de se dédoubler, à situer tout son film dans la pénombre, ce qui lui donne un aspect cauchemardesque. Un savoir-faire dont le réalisateur se souviendra lorsqu'il tournera La Charrette Fantôme.

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Published by François Massarelli - dans Muet Noir Victor Sjöström 1916
1 mai 2017 1 01 /05 /mai /2017 09:22

Pour commencer, Ingeborg Holm montre une image du bonheur: on se doute que ça ne durera pas, surtout quand on commence à connaître la noirceur de l'oeuvre de Sjöström... La famille Holm, donc, prépare gentiment l'avenir, dans une bourgade indéterminée. L'action n'est jamais explicitement localisée, et le caractère mélodramatique évite de se situer dans un milieu urbain qui serait immédiatement connoté... M. Holm, pendant que son épouse Ingeborg (Hilda Borgström) se consacre à leurs trois enfants, a contracté un prêt pour pouvoir payer l'épicerie qu'il projette de lancer. Tous les voyants, comme on dit, sont au vert, mais... Sven Holm a la tuberculose, et ça s'aggrave tout à coup, et il meurt. Pendant son agonie, la boutique est fort mal tenue, et suite au décès, Ingeborg doit faire face à des créanciers qui la mettent en demeure de payer, ce qu'elle ne peut pas faire. La déchéance est inéluctable, et la séparation d'avec ses enfants aussi...

L'intrigue est assez Dickensienne, à ceci près qu'il n'y a pas d'échappatoire, ni d'aid extérieure pour sauver Ingeborg Holm de la destitution, en lui tendant la main; elle est parfois secondée oui, comme par exemple lorsqu'elle apprend que ses enfants, placés dans des familles d'accueil différentes, sont malades, elle s'enfuit de l'hospice ou elle vit et travaille, et reçoit une certaine compassion de la part d'une des famille qui tente même de la cacher des fonctionnaires qui sont à ses trousses; mais on sent bien un système qui se referme sur elle comme il se referme sur d'autres, et un manque général de compassion, qui est véhiculé dans le film par la composition des plans. Sjöström utilise en abondance des plans qui situent la caméra à l'écart d'une ligne de perspective, incorporant ainsi dans la profondeur du plan une porte ou une fenêtre, et créant un espace dans lequel, le plus souvent, Ingeborg Holm est située à l'écart: à l'écart des autres, à l'écart des nantis, à l'écart du bonheur. Ainsi la première occurrence de ce dispositif a beau nous montrer le couple dans son bonheur, la construction de l'image anticipe sur la déchéance future.

Et bien sur, on est en 1913, donc le réalisateur ne compte pas encore sur le montage, donc il repose énormément sur ses acteurs, et principalement sur Hilda Borgström; celle-ci interprète une femme qui vieillit sur vingt-con années environ, et porte une large responsabilité du film sur les épaules. Les séquences sont largement dominées par les tableaux, et la distance adoptée par la caméra accentue l'impression d'une certaine dose de réalisme - certes, tempérée par certaines conventions de placement, de jeu, de raccourcis... Il s'agit de concentrer parfois des scènes (Notamment la mort du père) en des plans d'une minute environ. Mais lorsque le mélodrame joue en plein, et qu'à la fin Ingeborg reçoit à l'hospice la famille d'accueil de sa petite dernière, et que celle-ci ne reconnait pas sa maman, c'est déchirant!

Ingeborg Holm est donc bien un mélo assez classique, mais il se distingue par son traitement frontal, et sa dénonciation d'une société qui ne s'indigne pas assez des misères qu'elle crée. Peu de moralisme là-dedans, juste l'oeil aiguisé d'un artiste et le talent conjugué d'une équipe qui sait ou elle va...

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Published by François Massarelli - dans Muet Victor Sjöström 1913 *
30 avril 2017 7 30 /04 /avril /2017 08:26

Chaplin considérait ce film comme le plus grand jamais réalisé... ingmar Bergman disait à qui voulait l'entendre, à quelques semaines de sa mort en 2007, qu'il avait du voir Körkarlen plus de cent fois... Certes il avait travaillé sur un film de fiction qui en retraçait les coulisses du tournage, mais quand même! Et à côté de ces impressionnantes louanges, on a malgré tout une histoire critique du film bien différente de ce u'on attendrait: en effet, il me semble que ce film a sa place aux côtés des monuments classiques incontournables du cinéma muet, que sont The gold rush, Metropolis, Sunrise ou Napoléon! C'est pourtant l'un des incontournables de l'oeuvre de ce géant qu'était Sjöström, le film qui lui a d'ailleurs valu une renommée internationale, et c'est aussi l'un des joyaux du cinéma Suédois, excusez du peu! ...Mais l'appréciation du film, après l'admiration de 1921-1922, a évolué jusqu'à un point, à la fin des années 20, lorsque tout le monde ou presque semblait considérer que "le film a bien vieilli". En cause, en tout premier lieu: les effets spéciaux.

Car l'un des attraits principaux pour le public de 1921, et c'était souvent noté par la presse, c'est l'utilisation savante et abondante, dans cette histoire qui dresse des passerelles entre le monde des morts et celui des vivants, de surimpressions pour montrer le passage de la charrette du passeur des morts. Et si tout le monde s'extasie en 1921, certains commentateurs n'ont as attendu pour dénoncer un recours systématique au trucage, qui empêchait au film d'accéder à la noblesse! Parmi les plus critiques, il y avait Bardèche et Brasillach, ces deux collaborateurs, dont on se demande encore pourquoi leur histoire du cinéma, vue par le tout petit bout d'extrême droite de la lorgnette, faut encore autorité chez certains! Mais si en effet le film a souvent recours à ce trucage, il le fait parce qu'il était nécessaire à Sjöström de rendre immédiatement compréhensible par le public, donc VISIBLE, la différence entre le corps des mortels, et l'âme des défunts. La sur-impresson devient donc un raccourci saisissant, et qui fonctionne en plein. Autre grief (et on n'en attendait pas moins de deux historiens, l'un qui a été fusillé à la Libération, l'autre qui a fait partie des inspirateurs du Front National, parti français fasciste d'inspiration xénophobe), La charrette fantôme est accusé d'être dégoulinant de bons sentiments... Encore une fois, avant de dire n'importe quoi, considérons le film.

Selon Casper Tyjberg, spécialiste Danois du cinéma Scandinave, le film, bien que fidèle sur bien des points au roman qu'il adapte, Körkarlen de Selma Lagerlöf, la grande inspiratrice du cinéma Suédois (Gösta Berling, Le trésor d'Arne...), s'en différencie sur le fonds, en choisissant de changer la fin. On peut juger ce changement cosmétique, voire moraliste, il n'est ni l'un ni l'autre: sans être Chrétienne, Lagerlöf affirmait avec son récit la puissance du monde des âmes, et le soulignait par un final un peu trop exagéré. Mais à l'origine, la motivation pour écrire le roman était plus terrestre: Selma Lagelöf répondait à une sollicitation pour écrire sur la tuberculose, un sujet qui la touchait puisque sa soeur en état décédée. Le récit du film va donc montrer quelques différences, mais ce qui me frappe, c'est surtout l'audace de sa construction en flash-backs, la force des compositions de Sjöström, la direction d'acteurs, bref la puissance de la mise en scène, l'un des premiers films à se situer systématiquement en pleine nuit, ce qui se traduit par des scènes effectivement tournées en nocturne: pas de recours aux teintes pour figurer la nuit, ici, c'est du vrai! Le montage, de par les flash-backs et l'intrigue,est complexe, et jette des passerelles non seulement entre les époques mais aussi entre les lieux éloignés les uns des autres. Bref le montage suit la thématique complexe du film au lieu de rendre compte de sa réalité physique ou géographique.

Au jour de l'an, Soeur Edit, une jeune femme de l'Armée du salut, va mourir. Atteinte par la tuberculose, elle dit qu'elle ne peut pas mourir sans avoir vu David Holm, il faut aller le lui chercher... Ses amis et collègues temporisent, certains sont même choqués: à l'article de la mort, pensent-ils, la dernière personne que soeur Edit doit voir, c'est David Holm! Mais on va le chercher. Chez lui, on ne trouve que son épouse, dévastée. Elle vient voir la soeur agonisante,  et il est clair qu'elle ne l'aime pas... Pourtant la soeur la prend dans ses bras et lui demande pardon. Pendant ce temps, David Holm est au cimetière, avec deux amis, et ils boivent. Et ils se racontent des histoires: c'est ici que se situe le premier flash-back: ils se rappellent leur camarade Georges, mort l'année précédente à la même date. Si ça se trouve, selon la légende, c'est lui, le dernier pécheur mort dans l'année, qui conduit la carriole de la mort... Mais les trois hommes se disputent, se battent, et... David, assommé par une bouteille, s'écroule, alors que retentissent les douze coups de minuit. Ses amis s'enfuient, et la carriole arrive pour emporter David: c'est bien Georges qui la conduit, et il va lui dire et lui montrer les conséquences de son passé, de ses décisions malheureuses: l'abandon de la quiétude familiale, l'alcoolisme, le vagabondage, les mensonges, les violences faites à sa femme et à se enfants... Et la tuberculose, et la rencontre étrange avec la jeune femme de l'Armée du salut, qui dès leur première rencontre l'a aimé, et sur laquelle il a surtout passé sa méchanceté...

De flash-back en flash-back, c'est d'une prise de conscience qu'il s'agit. Et c'est ce qui a été largement critiqué, notamment par la gauche Européenne, car le film passait pour moraliste... Si vous voulez mon avis, il l'est beaucoup moins que Easy street ou The Kid, de Chaplin, avec leur recours à des conventions chrétiennes passe-partout! Casper Tyjberg émet pour sa part l'hypothèse que la plupart des commentateurs qui fustigent l'attitude moralisatrice du film, n'ont vu qu'une version diffusée dans certains pays, dont la France, qui simplifiait le parcours de David Holm: en particulier, ils n'auraient pas vu certaines scènes troublantes dans lesquelles la fripouille interprété par Sjöström s'invitait à un rassemblement à l'armée du salut, dans lequel le metteur en scène se moquait quand même assez ouvertement de l'attitude des soeurs! Et le film est bien plus complexe, suivant après tout les pérégrinations d'un homme qui est certes devenu un monument de rancoeur, mais qui a ses raisons: initié par Georges à l'alcoolisme, il a fini en prison, alors que son frère était carrément devenu un fou criminel. Sorti et plein de bonnes résolutions, il avait constaté que sa famille, soit son épouse et ses filles qu'il aimait plus que tout, étaient parties. Ce sentiment d'abandon, pour Holm, était bien sur un prétexte pour ne pas prendre ses responsabilités, mais c'était aussi la dernière chose dont il avait besoin. Du coup, le Holm qu'on rencontre au début du film, atteint de tuberculose à force de fréquenter les lieux de perdition, s'est drapé dans une attitude nihiliste militante, qui le pousse en particulier à tout faire pour répandre son mal. Il le dit même lors du fameux meeting qui tourne mal: "Quand j'ai une quinte de toux, je me débrouille pour toucher quelqu'un"... C'est à ce type d'attitude que la jeune Soeur Edit sera confrontée lors de sa rencontre avec lui, mais ce qu'elle verra elle, c'est l'homme, pas ses péchés.

La mise en scène de leur première rencontre est d'ailleurs très claire: Holm est venu passer la nuit au refuge, et la jeune femme demande à Holm de lui confier sa veste, qu'elle veut réparer. Elle va passer la nuit à recoudre ce vieux chiffon infesté de bactéries, qui lui seront fatales! Le lendemain, elle attend, fébrilement, que l'homme se manifeste quand il aura vu l'acte de bonté qu'elle a prodigué (Une attitude un rien vaniteuse, du reste), en espérant qu'il y voie un peu plus qu'une simple manifestation de charité: on la voit même s'arranger devant son miroir en attendant qu'on l'appelle! Mais la seule réaction de David Holm sera de déchirer les coutures, en riant diaboliquement... Donc non seulement cette scène aura pour conséquence la mort de Soeur Edit, mais en plus elle est une indication du fait qu'au-delà de l'alcoolisme et de la violence, Holm s'est réfugié dans la cruauté à l'état pur. Et c'est à mettre au crédit de Sjöström, l'acteur, qu'on puisse continuer à regarder le film dont il est le héros, et à voir u'au-delà de l'attitude odieuse, il y a de la colère, et un immense désespoir. Car ce film qui ne juge pas complètement, mais illustre une descente aux enfers, est une exploration de la condition d'être humain... Comme tous les fils de Sjöström, qui nous montrent des êtres au bord de la marge, qui plongent dans des ennuis jusqu'au cou: Le jardinier, Ingeborg Holm, Les proscrits, He who Gets slapped, The scarlet letter, The wind... Un autre point commun, c'est une forte dose de sado-masochisme, qui est courante chez Sjöström, mais en particulier dans ce film et dans He who gets slapped (1924): Sjöström, qui avait une piètre opinion de lui-même, s'y représentait sous la forme d'un scientifique que personne ne prenait au sérieux, et transcendait cet état de fait en se faisant clown. Ici, David Holm rejeté, fait tout pour motiver ce rejet après coup, fait tout pour qu'il soit finalement justifié!

L'interprétation est exceptionnelle, toute en subtilité, ce qui pour Sjöström en particulier (Oui, c'est bien lui qui joue le rôle de David Holm) a du être particulièrement difficile compte tenu de ses responsabilités sur le tournage. Astrid Holm (Edit) et Hida Borgström (L'épouse) sont excellentes aussi, toutes en finesse et en retenue. Et Tore Svennberg, qui devait interpréter l'ami Georges, celui qui inspire la descente aux enfers au début, avant de devenir sombre parce qu'il sent que son destin va basculer, est excellent: la fin du parcours de son personnage le voit devenir ce cocher de la mort, un personnage accablé par le destin. Ces trois identités complémentaires, et leur évolution, sont parfaitement rendues. A ce sujet, l'inspiration de Lagerlöf n'était pas suédoise! Elle s'est en effet souvenue d'un conte Breton, qui racontait la légende du passeur des morts, l'Ankou, et en a donné une vision toute personnelle... D'inspiration païenne donc: car le film n'a pas ce qu'on lui a reproché, à savoir une morale religieuse définie. Il y a un soupçon de puritanisme dans le roman de Lagerlöf, qui fustigeait l'alcoolisme, et choisissait d'accomplir le destin de David Holm en le faisant rejoindre dans son amour la jeune soeur Edit, donc dans l'au-delà, trouvant une transcendance spirituelle à une vie de débauche! Pour l'alcoolisme, le film le fait plus passer en toile de fonds, montrant quand même la déchéance de David Holm comme un choix motivé par la colère et le désespoir, mais surtout l'accomplissement de son destin sera, au terme d'une nuit de cauchemar, terrestre: car il reviendra à son épouse et affrontera ses démons en s'offrant à vivre de nouveau avec elle. Mais pour ça, il; faut que Georges montre une à une les conséquences du parcours de David Holm, sur les autres: la mort d'Edit, la destitution de son épouse, et... sa volonté d'en finir, en emportant les enfants avec elle. 

Aucun moyen à la fin du film de savoir si c'est un rêve ou pas. C'est le personnage de Georges qui va donner le signal de la repentance, et renvoie l'âme de David à son corps. Mais ce qu'il a "rêvé" existe, et par exemple le geste désespéré de son épouse va s'accomplir s'il ne rentre pas chez lui, donc si on nous le dit pas, on n'a pas d'autre moyen que d'y croire... Ce qui clôt une longue évocation onirique entre la vie et la mort, entre le bonheur et le péché, dégagée de préoccupations religieuses, mais qui illustre toute l'étendue du mal que les humains se font. une démonstration qui n'a rien de religieux en soi, mais qui pouvait être reprise par bien des chapelles... Ce qui a du en gêner beaucoup parmi les distributeurs de division. Et presque cent ans après, ce film a gardé son pouvoir fascinant, celui de son intrigue complexe, de son humanisme pessimiste, et de l'onirisme oecuménique de ses images.

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Published by François Massarelli - dans Muet Victor Sjöström 1921 Criterion **
29 avril 2017 6 29 /04 /avril /2017 18:39

Si j'en crois les filmographies actuellement en vigueur, ce film en trois bobines serait la deuxième production de Sjöström, et une grande première: dans la relativement libérale Suède, un vieux fonds puritain qui ne s'était pas encore manifesté, s'est soudainement réveillé, faisant du Jardinier la toute première victime de la censure Suédoise! L'argument du film, dû à la plume de Mauritz Stiller, qui s'aprêtait lui aussi à passer derrière la caméra pour une carrière impressionnante, était en effet non seulement morbide, elle parlait de viol.

Un jardinier (Sjöström) dirige avec autorité une pépinière, et vit avec son fils (Gösta Eckman). Celui-ci a repéré la fille d'un des employés de son père, la belle Rose (Lili Bech). Les deux amoureux passent bientôt beaucoup de temps ensemble, ce qui ne plaît pas du tout au père; il éloigne son fils, et un jour, entre dans une serre ou se trouve la jeune femme: il la viole (Ce qui dans les copies actuelles n'est suggéré que par une ellipse), et elle rentre chez elle, le coeur brisé. Le jardinier renvoie ensuite le père et la fille, et bientôt suite au décès de son père, Rose n'a pas d'autres ressources que d'accepter les avances d'un homme riche. Mais quand celui-ci meurt, elle est de nouveau seule, rejetée par tous... Elle revient chez elle, et se rend dans la serre ou son destin a basculé, détruit quelques plantes. Le lendemain, le jardinier retrouve son corps sans vie...

Dès 1912, on le voit, les films de Sjöström n'étaient pas à proprement parler gais et enjoués. C'est le peintre des vies en désordre, des destins contrariés: le scientifique de He who gets slapped, la femme adultère qui décide d'assumer seule son péché dans The scarlet letter, la descente aux enfers de la jeune femme de Virginie venue au pays du vent dans The wind, ou encore le flirt conscient et assumé de David Holm avec le péché dans Körkarlen, toute l'oeuvre va dans le sens d'explorer le quotidien des tragédies. Mais ce film diffère, et n'oublions pas qu'il a été tourné non seulement au début de la carrière du grand réalisateur: le cinéma aussi était bien jeune. Donc Sjöström l'a tourné en "tableaux", ces séquences réduites à un plan, qui étaient sinon la règle, du moins la majorité à cette époque, avant que l'attrait du montage ne fasse son oeuvre quelques années plus tard. Derrière cette histoire lapidaire (Trois petites bobines pour conter une déchéance), on devine déjà le talent d'un conteur pour aller droit à émotion voulue: pas à côté, toujours bien dosée et clairement exprimée par un jeu certes un brin emphatique, mais jamais trop. L'interprétation est déjà splendide...

Et à ce propos, lors d'une scène qui voit Rose s'abandonner à son destin et se lancer dans une vie dissolue, elle est accompagnée d'hommes, ravis de l'aubaine. L'u d'entre eux est interprété par Mauritz Stiller.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1912 Victor Sjöström
28 avril 2017 5 28 /04 /avril /2017 18:10

Après The tower of lies, son troisième film MGM hélas perdu, The scarlet letter ressemble à une nouvelle tentative du metteur en scène de retrouver un petit bout de la Suède qu'il avait quittée... Non qu'il soit particulièrement nationaliste! Mais The Tower of lies, comme Körkarlen (La charette fantôme, 1921), était une adaptation d'un roman de Selma Lagerlöf.. Le metteur en scène y retrouvait Lon Chaney et Norma Shearer, ses interprètes de He who gets slapped. Et The Scarlet letter lui offrait l'occasion de travailler avec Lars Hanson, qui avait été l'interprète de Mauritz Stiller, dans Erotikon (1920) et Gösta Berlings Saga (1924), qui lui avait valu une invitation pour se rendre à la MGM... Et The scarlet letter, adaptation d'un roman publié en 1850 par Nathaniel Hawthorne, a beau être l'un des premiers classiques Américains majeurs, son contexte (L'univers rigoriste des puritains de la nouvelle Angleterre au beau milieu du XVIIe siècle) le rend presque cousin de certains films Suédois.

Et Sjöström s'en est donné à coeur joie!

Mais soyons juste: y compris quand on admire le metteur en scène, ou quand on est sensible à la réussite éclatante d'un film muet Américain, ou qu'on se passionne pour les évocations de ce passé lointain de l'Amérique, on ne peut pas passer sous silence le fait que la principale attraction de ce film, un authentique chef d'oeuvre, est en réalité son actrice principale, dont d'ailleurs un grand nombre d'historiens estiment qu'on tient avec The scarlet letter son meilleur film...

Lillian Gish a souhaité fortement que ce film se fasse, elle a été celle qui a porté le projet, dès son arrivée au studio, et après le galop d'essai de La Bohème. Elle savait que le film risquait de poser problème auprès du comité Hays, qui était en charge de la censure interne aux studios. Elle a donc plaidé la cause du projet, qui incluait en réalité une critique féroce de la religion telle qu'elle était pratiquée à l'époque des Puritains à Boston et dans toute la Nouvelle-Angleterre. Il y était question d'adultère, un sujet qu'on n'allait en aucun cas pouvoir édulcorer, car la lettre dont il est question dans le titre, c'est le A de Adultère...

A Boston, un dimanche, la population se rend à l'office, mais la couturière Hester Prynne est en retard: elle a vu son oiseau s'échapper de sa cage, et elle souhaite le rattraper. Quelques braves citoyens l'ont vue courir, les cheveux d"faits, et portent le message au pasteur: le révérend Dimmesdale n'est pas forcément du genre à s'offusquer, mais prenant acte de la demande de ses paroissiens, il fustige son inconséquence en public... Et la retrouve le lendemain, au pilori, pour avoir enfreint une règle de bienséance religieuse. Il prend sur lui de la relâcher, et la raccompagne jusqu'à son perron. Quelques temps plus tard, ils se rencontrent par hasard dans les bois, et la jeune femme lui déclare son amour. Il hésite, et...

Quelque temps plus tard, en hiver, il vient lui annoncer qu'il a été désigné pour se rendre à la cour d'Angleterre afin de porter des messages à la couronne de la part de la colonie. Il lui propose de l'accompagner, après un mariage en bonne et due forme, mais la jeune femme lui annonce être mariée: avant de quitter l'Angleterre, elle a été forcée à accepter la main du chirurgien Roger Prynne avant de partir, mais lors d'un voyage, celui-ci avait disparu. Elle ne l'a jamais revu, et l'union n'avait jamais été consommée... Dimmesdale part donc seul, mais il est décidé à ce qu'à son retour les choses changent.

Quand il revient, Dimmesdale va devoir constater qu'effectivement les choses ont changé. C'est l'été, et Hester a accouché d'une petite fille, qui s'appellera bientôt Pearl, et que la population de Boston regarde avec un dégoût insurmontable. Sa mère est désormais prie de vivre à l'écart, et de porter jusqu'à la fin de ses jours, brodée sur ses vêtements afin que chacun puisse la voir, une lettre A, pour la marquer de son adultère. Mais Hester refuse de nommer son amant, et demande au Pasteur de ne pas se dénoncer... Les choses vont encore plus se compliquer quand, délivré d'un séjour forcé chez les indiens, le chirurgien Prynne revient. Et on ne peut pas dire qu'il soit très satisfait de voir ce qui est advenu de son épouse.

Dès les premiers plans, Sjöström semble avoir installé ses caméras dans une communauté de la nouvelle-Angleterre au XVIIe siècle, et nous la montre en action: c'est dimanche, et tout le monde se rend à l'office. Avec leurs costumes en noir et blanc et leurs grands chapeaux (Les garçons dès leur plus jeune âge sont habillés à la mode de leurs pères), ils y vont tous comme un seule homme, et tout le village passe dans la même direction. Deux plans s'insèrent dans cette belle ordonnance, qui nous renseignent sur la teneur de cette folie religieuse: la caméra cadre un parterre de fleurs, et monte doucement, incorporant, derrière les fleurs, la vision d'un homme qui se morfond derrière des barreaux. Puis un plan nos montre les cloches qui sonnent à toute volée, se balançant joyeusement... Mais la caméra descend et nous montre un autre homme qui est mis en cage au beau milieu de la place publique, forcé d'exhiber un carton qui annonce la couleur: Drunk (Ivrogne). Puis dans l'église, un autre homme qui a contesté un passage des écritures est tenu à l'écart. Mais Dimmesdale (Lars Hanson) est déterminé à ne pas l'exclure, lui promettant un retour dans la communauté... C'est cet esprit de tolérance qui le fait passer pour un saint auprès de la communauté, et qui va justement le précipiter dans les bras d'Hester.

Hester, parlons-en: c'est l'un des rôles les plus riches et les plus beaux de Lillian Gish, qui a été fascinée par la femme-enfant, qui découvre l'amour pur dans un monde qui est fait de la plus pure intolérance... Et qui a beau savoir qu'elle va pécher, le fait en petit bout de bonne femme déterminée à ne pas laisser échapper une occasion de parler à l'homme qu'elle aime depuis le moment ou il l'a soulagée de son supplice, au début du film. Elle l'aime, d'ailleurs, comme beaucoup de paroissiens, car il est cet homme si rigoureux et si bon... Mais quand elle le tient, c'est elle qui le suit, le colle même, jusqu'à ce qu'il accepte de lui parler. Le metteur en scène joue sur les ruptures de ton, en montrant les lois de la colonie, imposant aux femmes de laver leurs effets intimes à l'écart de la société. Hester, comme les autres, doit donc laver ses culottes en cachette, ce qu'elle est en train de faire... Mais elle entend le bruit des pas d'un homme, et tente de se cacher. La voyant s'enfuir, le pasteur s'imagine qu'elle est à nouveau en train de contrevenir aux règles de la communauté, et la scène se déroule dans le pur style de la comédie, jusqu'au moment ou Dimmesdale courroucé intime l'ordre à Hester de lui montrer ce qu'elle cache derrière son dos... Et est particulièrement gêné quand la jeune femme s'exécute, en pouffant de rire. Mais la scène se mue en un tendre jeu amoureux, Dimmesdale reprenant son pas afin de se donner une contenance, mais n'ayant nulle part ou aller... Et chaque pas, dans un sens ou dans l'autre, le voir suivi par Hester qui le regarde avec la douceur d'une petite fille. Finalement, Hester jette, fort symboliquement, la culotte dans les buissons, et les deux amoureux s'éloignent littéralement des sentiers battus, pour une conversation sur les sentiments, avant qu'ils ne s'abandonnent.

On pourrait citer tant de choses dans ce film à la construction riche, et avec son personnage de femme amoureuse qui se sacrifie à la cause de son amant, alors que celui-ci montre, de plus en plus, des signes physiques de délabrement, qui sont aisés à expliquer, car on voit à un moment, le pasteur de dos qui approche un tison de son torse... Sans savoir l'implication de ce geste, ni la totalité de ses conséquences. Mais Sjöström a pris le parti de ne pas nous donner à voir un film qui joue de quelque façon sur le coup de théâtre, tout est inscrit dans un narration fluide, et les annonces de ce qui va arriver abondent... Du moins dans une copie intégrale du film. L'exemple le plus frappant est sans doute la scène de l'hiver, quand Dimmesdale apprend de la bouche d'Hester la vérité sur son passé. Durant toute la scène, les ombres jouent un rôle pour donner à la séquence un ton beaucoup plus noir que prévu. Et quand il est parti, l'ombre d'un rouet se détache sur la robe de Lillian Gish, et son centre est situé sur son ventre... Dans la séquence suivante, l'été est là, et l'enfant aussi. L'arrivée de Roger Prynne, interprété par Henry B. Walthall en mode sinistre, est l'occasion de montrer la menace qu'il représente sur Hester et Pearl: Sjöström nos le montre, silhouette inquiétante qui rode dans la nuit, se confondant avec la lande inhospitalière.

Des scènes qui contrastent avec la comédie fournie par Karl Dane: l'acteur Danois, star mineure à la MGM de comédies, révélé par sa participation à The big parade aux côtés de John Gilbert, est utilisé pour moquer de façon légère le rigorisme protestant au quotidien, et fournit parfois son aide désintéressée à Hester Prynne dans le rôle du barbier Giles. Mais la cible des scènes dramatiques reste bien sur la religion et sa folie de rigueur et d'intolérance; je pense d'ailleurs que le spectateur de 1926 a probablement décodé l'intention du metteur en scène, de montrer l'un des péchés les plus sévèrement réprimés comme étant l'ivrognerie. Ce n'est certainement pas un hasard...

Mais le meilleur moyen de ranger les spectateurs à ses côtés dans cette critique de la religion à tout prix, était de donner le premier rôle à Lillian Gish, et de réussir l'impossible: car Sjöström a réussi là ou tant d'autres se sont cassé les dents: il  incorporé la notion d'amour physique à son personnage, et donné de la véracité à l'idée que la jeune femme puisse vouloir coucher avec Lars Hanson, sans perdre sa sainteté! Et l'un des moyens utilisés par l'actrice et le metteur en scène sont une denrée rare à l'époque de la coupe "garçonne": la chevelure de Lillian Gish, car l'actrice ne s'était pas fait couper les cheveux depuis les années 10. Deux scènes, situées l'une au début et l'autre à la fin du film. La première scène la voit perdre sa coiffe en courant pour rattraper son canari, mais la dernière nous la montre arracher sa lettre rouge, et défaire ses cheveux, pour affirmer sa liberté à Dimmesdale et lui redonner du courage... La femme-enfant, et la femme aimante, réunie dans une cohérence thématique exemplaire. 

Le film a eu du succès, ce qui n'était pas gagné: car après un démarrage de la MGM en fanfare (Voir He who gets slapped, le premier film -tragique et sans ambiguïté- de la firme du lion), le studio fuyait quand même de plus en plus clairement les fins tristes. Ici, Sjöström a réussi à incorporer une fin inattendue, qui permet à l'ensemble d'assumer la tragédie tout en laissant la porte ouverte à un futur plus heureux. A ce titre, une fois de plus il est important de voir la version complète de ce film dans laquelle on assiste au rapprochement inattendu, dans la foule qui s'est pressée pour assister à la mort inattendue d'un homme, de "Maître" Giles, le barbier comique, et de la femme qu'il avait sans succès essayé de séduire dans une scène située au début du film. L'avenir, nous dit Sjöström, passe par la vérité des sentiments, pas par des règles rigoristes intolérantes et haineuses. Et Sjöström a signé là l'un de ses plus beaux films...

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Published by François Massarelli - dans Muet Victor Sjöström 1926 Lillian Gish
26 avril 2017 3 26 /04 /avril /2017 19:21

Le deuxième film MGM de Sjöström ne ressemble certes pas à son premier... Il est étonnant que le réalisateur du premier film si prestigieux de la firme du lion ait eu pour récompense à tourner ce pensum! Non qu'il soit catastrophique, mais enfin, qu'y a-t-il dans ce film romantique de série B qui justifiait qu'on le confie au metteur en scène des Proscrits ou de La Charette Fantôme? Pour le réalisateur, c'était forcément une déception. L'intrigue est tirée d'un conte d'Alphonse Daudet, pas forcément le genre d'humaniste dont Sjöström pouvait instantanément se sentir le cousin... Cette histoire qui sent le réchauffé concerne un royaume de pacotille, dans lequel le roi Christian (Lewis Stone) vit heureux, dans une relative quiétude, plus soucieux de passer ses soirées à des parties fines ou sa maîtresse, la vénéneuse Sephora (Helena D'Algy), s'assure que son pouvoir sur lui est intact, que de gérer les affaires de son pays. Mais pour raison d'état, le monarque, qui a un certain âge quand même, se doit de se marier: l'heureuse élue est la princesse Federika (Alice Terry), qui pour sa part est très rigoureuse. Autant dire qu'elle va être déçue...

On assiste donc à l'arrivée de Federika, au mariage, et à un ballet mené par le roi, qui va respecter sa reine, ne pas insister pour consommer le mariage... et rejoindre Sephora. Une bonne part du film concerne le débat silencieux entre le roi, soucieux de continuer comme avant, et la reine consciente de son devoir: porter un héritier à la couronne. Ajoutons à ça la jalousie de plus en plus forte de Sephora, le double jeu du Prince Alexis, un aide de camp du roi qui se garderait bien Federika pour lui seul, et une révolution qui gronde...

Donc le principal conflit de ce film est entre le devoir (Federika) et le droit à l'amusement oisif (Christian)... Quoique un autre thème finit par apparaître: Federika déplore que Christian paraisse si empressé d'abandonner sa couronne, et le considère comme un lâche. Le film hésite, avec une certaine adresse, entre conte d'opérette et comédie légère, avant de choisir le drame romanesque. La présence au générique de Lewis Stone et Alice Terry, qui étaient tous deux au générique de The prisoner of zenda, et Scaramouche, réalisés pour la Metro par Rex Ingram, est-elle un signe que le mari d'Alice Terry était prévu pour ce film? C'est bien possible, d'autant qu'il était en préparatifs pour son tournage Niçois de mare Nostrum, et probablement dans l'incapacité de tourner un autre film... Quoiqu'il en soit Sjöström rend une copie nette, caire, soignée, mais vide. Les personnages sont autant de poncifs, distrayants mais pas plus. Au moins, le jeu est digne et sobre, et la bonhomie de Lewis Stone communicative...

Et puis le film est perdu: pas tout bien sur, il en reste la moitié, à peu près: les quatre premières bobines à peu près intégrales, et une moitié de la dernière! Tout le reste, à cette date, est jusqu'à nouve ordre, perdu. Et disons-nous que c'est toujours mieux quele destin de The tower of lies, le film suivant du metteur en scène dans lequel il retrouvait Chaney et Shearer, puisque celui-ci est intégralement perdu...

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Published by François Massarelli - dans Muet Victor Sjöström 1925 Film perdu
26 avril 2017 3 26 /04 /avril /2017 18:28

Des premiers films tournés par Sjöström aux Etats-Unis, il ne reste rien: celui-ci, très connu et suscitant souvent l'admiration des critiques, est donc le plus ancien témoignage de cette période féconde et brillante, mais durant laquelle le metteur en scène Suédois a du céder de plus en plus de terrain à la MGM, sans pour autant acquérir de manière significative de grands succès... Et c'est aussi un grand moment historique pour la compagnie, qui héritait du contrat Goldwyn du réalisateur: c'st en effet très officiellement avec ce film que la Metro-Goldwyn, qui sera bientôt allongée en Metro-Goldwyn-Mayer, débutait sa production.

Le lion de la MGM, dès 1923, annonçait au public que le long métrage qu'ils allaient voir était un "Goldwyn picture". ce n'est pas avec ce film qu'il a donc fait son entrée en piste. Mais l'animal joue malgré tout un rôle dans He who gets slapped, aux côtés, rien que ça, de Norma Shearer, John Gilbert, Tully Matshall, Ford Sterling, Marc McDermott... et Lon Chaney. Adapté de Leonid Andreyev, le film a une intrigue très européenne, qui aurait fait un film Russe, Français, Allemand... ou Suédois tout à fait conforme à ce qu'on attendait du cinéma de ces pays: un scientifique, Paul Beaumont (Chaney) a dédié sa vie à prouver des théories scientifiques, et il arrive enfin à son but. Avec l'aide de son mécène, le baron Régnard (McDermott), il va présenter à l'académie des sciences de Paris sa trouvaille... Mais le jour venu, le baron, qui bénéficie du soutien de Mme Beaumont (Ruth King) elle-même, s'approprie purement et simplement le crédit de la découverte, allant jusqu'à gifler Beaumont lorsque celui-ci essaie de se défendre. Le rire qui s'empare de l'auditoire va lui donne, par la suite, une idée morbide...

On retrouve Beaumont à Paris, divorcé et devenu incognito le clown vedette d'un cirque. Sous le nom de "He who gets slapped (Celui qu'on gifle)", il rejoue invariablement cette scène, lâchant face à soixante clowns assis devant lui, les unes après les autres, des théories scientifiques vagues et contradictoires, qui finissent invariablement par lui attirer une gifle. A la fin du numéro, Chaney se fait tuer, et on arrache symboliquement son coeur... Il remporte un immense succès, et tout se passerait assez bien, s'il ne tombait pas amoureux de la belle Consuelo Mancini, fille d'un comte désargenté (Shearer et Marshall), qui est venue travailler en tant qu'écuyère pour le cirque. Car non seulement Consuelo aime l'acrobate Bezano (gilbert), qui le lui rend bien, mais en prime, elle est appelée à se marier à un noble...

...Le baron Régnard, qui en goujat parfait a rendu sa liberté à la traîtresse Mme Beaumont. A ce stade, Beaumont qui n'a jamais cédé au désespoir, va cette fois céder, purement et simplement, à la folie de la vengeance...

Le film suit fidèlement, ou presque, un schéma d'intrigue qui a souvent servi pour les histoires construites autour de Lon Chaney: The penalty, de Wallace Worsley, ou West of Zanzibar de Tod Browning font partie de ce cycle. Le personnage subit un traumatisme initial, qui revient pour lui imposer un désir de vengeance, dans lequel il va se perdre, mais risquera aussi de perdre avec lui une femme: un amour, ou éventuellement dans le film de Browning, sa fille. Plus généralement, 'idée de vengeance fait partie intégrante de la mythologie de l'acteur... Mais ici, Sjöström nous intéresse à ce drame étrange, autant pour ses ramifications dramatiques, que pour la vie des artistes qui sont amenés à le rejouer soir après soir. Et le film utilise un leitmotiv, celui d'un clown hilare qui fait tourner un globe terrestre, pour passer d'une étape à l'autre. Le prologue du film fait s'enchaîner la vision du clown, et celle de Beaumont qui effectue ses expériences; l'épisode qui nous présente le cirque, quant à lui, introduit un nouveau motif: des clowns qui descendent sur un ring, au moyen de cordes, et qui s'installent en spectateurs muets mais mobiles de la répétition de mouvements par un petit aspirant clown qui est malmené par son professeur. cette anecdote nous permet de faire la connaissance de Bezano, le coeur d'or, soit John Gilbert: le rival de Chaney échappera à sa vengeance...

Car le film nous intéresse beaucoup au cirque, qui devient le principal non le seul, ancrage des personnages, et donc du drame. Vrai, le cirque est dominé par "He" et son succès, mais il n'est pas le seul à se promener en permanence en costume. La vie, le cirque, il n'y a plus de différence. C'est d'ailleurs le sens de ces constantes références au clown qui fait tourner sa mappemonde, et de ce ring qui se mue à la fin en globe terrestre. Pour appuyer ceci, Sjöström s'amuse à multiplier les présences de cercles dans un grand b=nombre de plans. Il utilise aussi beaucoup la cruauté, pour raconter le parcours tragique de cet homme dont l'histoire ici commence par une humiliation qui aurait du être sa fin... Pourtant Beaumont survit, et accomplira son destin dans la vengeance et dans la mort... en passant par l'échec de l'amour: avec son épouse, d'abord, qui ne lui témoigne qu'une froide indifférence au début, puis avec Consuelo, qui prend la déclaration enflammée du clown pour une nouvelle blague... En riant, elle lui décoche donc... une gifle; mais par gentillesse! Norma Shearer et John Gilbert sont bons, un peu en retrait sans doute, mais on voit que la MGM a demandé à Sjöström de leur donner un peu d'espace, afin de préparer l'avenir: le film, rappelons-le, est un labratoire de la "formule" MGM, et doit contenir tout le savoir-faire du studio. L'un et l'autre h=joueront un rôle important dans l'avenir de la firme.

Venons-en à ce paradoxe: s'il est courant de voir que le personnage de Chaney ne survit pas au film, ici, il met quand même deux bobines à mourir. On pourrait même argumenter du fait qu'il en met sept, puisque tout le film va vers sa disparition, d'abord sociale, avant d'être physique. Mais Chaney reçoit un coup d'épée fatal au début de la sixième bobine, et va ensuite agoniser lentement, assistant d'ailleurs au repas d'un lion (Qui mange McDermott et Marshall), dans une scène morbide. Enfin, il se relève,e t mourra en scène dans une scène à la cruauté démesurée... Pour finir, les clowns réunis dans un plan symbolique le jettent à l'extérieur du ring. Le film est noir, et nous présente la vie comme une loterie, dans laquelle l'humiliation, l'échec et la jalousie, entremêlés de vengeance, entament devant nous une danse de mort interprétée... par des clowns. Sjöstrôm avait réussi un chef d'oeuvre.

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Published by François Massarelli - dans Muet Victor Sjöström 1924 Lon Chaney *
19 août 2012 7 19 /08 /août /2012 09:22

Ne soyons pas timides: The wind est le couronnement de la carrière de Lillian Gish, actrice de premier plan dont la longévité force presque autant le respect que son génie. C'est aussi une grande date pour le réalisateur Victor Sjöström, tout en étant hélas son chant du cygne, et tant qu'à faire, rangeons-le par la même occasion dans la catégorie des meilleurs films de 1928, oui, oui, l'année de The circus, Steamboat Bill Junior, Street Angel ou The last Command: ça en impose...

Et comme de bien entendu, cet admirable film n'a pas eu le succès escompté, sorti en novembre 1928 à l'issue d'un montage qui n'a pas été de tout repos, le film a du subir les interférences de distributeurs qui espéraient ne pas avoir de nouveau un film de Lillian Gish qui se termine en tragédie, et surtout en cette fin d'année on aurait été voir n'importe quel film à condition qu'on y parle un peu... The wind était glorieusement muet, se contentant d'utiliser la bande-son pour fournir un accompagnement musical sans aucun relief.

Le carton de titre, qui clame "A Victor Seastrom production" (Seastrom était l'américanisation de Sjöström), ne doit pas nous tromper: à la base du film, on trouve Lillian Gish, actrice de renom, dont l'aventure en indépendante entre 1922 et 1924 n'avait produit que deux films, The white sister et Romola, tous deux de Henry King; cela l'avait amenée en 1925 à accepter une proposition de Irving Thalberg de venir s'installer à la toute nouvelle MGM, afin de grossir les rangs des acteurs sous contrat du studio. Le prestige de l'actrice était son principal atout, et l'un des objectifs de l'actrice était d'aller de l'avant, et de ne plus être associée systématiquement à son ancien mentor David Wark Griffith... Ce n'était pas faute d'avoir tout fait pour se dégager de son influence, jusqu'à avoir réalisé un film, aujourd'hui perdu, Remodeling her husband (1920), avec sa soeur Dorothy dans le rôle principal, et quand même sous la supervision de Griffith. A la MGM, Lillian Gish a la plupart du temps choisi ses scripts, ses partenaires, ses réalisateurs... et a relativement peu tourné: The wind n'est que son cinquième film pour le studio, après La bohême (King Vidor, 1926), The scarlet letter (Victor Sjöström, 1926), Annie Laurie (John S. Robertson, 1927) et The enemy (Fred Niblo, 1927). les deux premiers étaient des oeuvres artistiquement ambitieuses, menées par l'actrice, mais les deux suivants représentaient un compromis entre elle et le studio. Pas The wind: du moins, pour le film, Lillian Gish, Victor Sjöström et Irving Thalberg parlaient semble-t-il d'une seule voix, et le choix du metteur en scène incombait à Lillian Gish seule.

 

Non que le tournage ait été facile... comment en aurait-il été autrement avec un tel sujet? Un film, quasiment un western, mais privé des morceaux de bravoure qu'après Stagecoach on assimilerait systématiquement au genre, tourné en plein désert avec un vent à décorner les boeufs, qui souffle en permanence de la poussière... L'actrice, en perte de vitesse au box-office, a par ailleurs besoin d'un matériau adulte, et de ne pas trop se reposer sur son image éthérée de vierge éternelle... Elle a donc sélectionné elle-même le roman de Dorothy Scarborough, dont l'adaptation a été confiée à la scénariste Frances Marion: le film, en 75 minutes, nous détaille de façon hallucinante la transformation d'une femme déçue, une Bovary sudiste (Elle vient de Virginie!) qui doit affronter la crudité du monde, symbolisée par la tourmente incessante d'un vent et de tempêtes de sable, et s'éveiller aux sens, à son corps défendant d'ailleurs. Letty Mason arrive au Texas pour vivre chez son cousin, persuadée qu'elle va trouver un endroit plaisant à vivre, mais se retrouve chez des paysans qui vivent dans des cabanes délabrées, en plein désert, en plein vent... Et la femme de son cousin ne voit pas arriver une rivale potentielle avec la plus grande bienveillance. Au bout de quelques jours, Letty se voit contrainte de choisir un mari pour quitter les lieux. Trois choix possibles: Wirt Roddy, un séduisant voyageur de commerce, Lige Hightower et Sourdough, deux cow-boys amis de la famille...


Qui peut nous émouvoir aussi bien que Lillian Gish lorsque, sommée de choisir un mari pour survivre elle trouve comme par hasard rapidement la perle rare dans la personne de l'élégant voyageur de commerce (Montagu Love) qui la fréquente avec une certaine assiduité depuis le début du film? Elle réussit à maintenir la naïveté de son personnage sans pour autant se priver de lui faire exprimer ses désirs (en écho au personnage d'Hester Prynne dans Scarlet Letter, qui conduit effectivement le pasteur vers des rapports charnels, sans hésitation aucune, et sans apparaître pour autant une femme de mauvaise vie...). Mais l'homme est déjà marié, et Letty devra faire un autre choix. Et la scène de séduction finale, lorsque l'homme s'introduit dans la cabane de Letty Mason, toujours virginale, n'en prend que plus de poids: on peut dire que c'est un viol, mais le fait est que le personnage de Letty Mason consent et accepte son destin: elle choisit, entre la fuite et l'errance dans le vent ou le quasi-viol par un homme qui par ailleurs la séduit, le moins pire des deux, et scellera son choix en tuant l'homme. Elle le tuera dans un geste ô combien ironique, puisque le révolver est l'objet que Sjöström choisit de cadrer, dépassant de son holster, pour suggérer le rapport sexuel (on hésite à parler de nuit d'amour...) qui vient de se produire: après l'inévitable ellipse, on revient dans la cabane. L'homme se rhabille, ses armes sont sur la table. Letty les regarde, puis regarde l'homme au moment ou celui-ci se rhabille. Le regard qu'elle lui porte au moment ou il la presse de partir avec lui est sans ambiguïté: la nuit n'a pas été pour elle la révélation d'un amour... Elle est prête à le tuer pour l'empêcher de la prendre avec lui.


On est loin des bluettes Griffithiennes... Le forte de Sjöström, l'utilisation des éléments du décor et des éléments tout courts, dans le but d'exprimer les passions humaines, trouve un écho formidable dans une Lillian Gish magnifiée par l'approche de la quarantaine(Il faut voir la scène, célèbre du reste, dans laquelle la jeune oie blanche se transforme d'un coup en créature plus charnelle, mais sans en avoir conscience, en se coiffant, révélant de façon troublante sa chevelure jusqu'ici contenue, qu'elle coiffe avec énergie... La répression des pulsions est au coeur de cette scène et de ce film...) et sa collaboration fantastique avec Lars Hanson, qui donne une impressionnante consistance à son personnage de bouseux frustré: Lui qui croit que Letty le choisit par amour, il découvre à la faveur d'une scène magistrale de lune de miel maladroite (Sjöström ne cadre que les pieds des acteurs, exprimant leur désir, leur hésitation, leurs impulsions et leurs déplacements; une idée qui pourrait être attribuée à Lillian Gish, qui aimait les scènes d'amour les moins explicites possibles) qu'elle ne l'épouse que pour avoir un toit. Le personnage, jusqu'ici bouffon, va acquérir une véritable dimension tragique par le sacrifice auquel il consent: il va permettre à sa femme de partir et économise dans ce but. Du reste, Sjöström a beaucoup utilisé la fragmentation des corps dans son film, de multiples façons: les pieds qui jouent à la place des visages dans la scène évoquée plus haut; les mains des personnages, soit cadrées en gros plans, soit seuls "accessoires" utilisés par le metteur en scène et les acteurs (La scène ou Cora, l'épouse, regarde Letty sans bouger, sauf sa main qui tient un énorme couteau de boucher et en essuie le sang sur son tablier...); les yeux de Wirt Roddy (Montagu love) quand il regarde successivement la photo de Letty telle qu'elle était à son arrivée, puis la jeune femme aussi délabrée que la cabane dans laquelle elle vit, rendue folle par le vent... De même qu'il sait mettre en valeur n'importe quelle partie du corps pour pour lui faire exprimer des émotions, Sjöström a de toute façon un grand sens du détail, comme on l'a vu avec le fameux holster dont dépasse une arme qui va symboliser autant le viol que le meurtre qui suit.

 

Oui, car si on a beaucoup reproché au système Hollywoodien d'avoir imposé un happy-end à Sjöström et Lillian Gish pour ce film par ailleurs structuré en cinq actes en dépit de sa brièveté, il n'en reste pas moins que Lillian Gish se rend coupable d'un meurtre, même si comme le dit son mari, il a été commis de bon droit. Et ces deux amants poussés l'un contre l'autre par le vent et le sort plus que par l'amour, doivent désormais vivre dans la prudence, car ils ont un lourd secret à dissimuler.. On peut rêver plus heureux, non?

Quoi qu'il en soit, The wind est un admirable chef d'oeuvre, un film dont le visionnage s'impose... si on peut le voir, puisque Warner qui détient les droits du film, se refuse pour l'instant à l'éditer, ni dans un DVD ou Blu-ray digne de ce nom, ni dans la collection de VOD Warner archives. Le film est juste régulièrement programmé sur TCM. Un jour, peut-être...

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Published by François Massarelli - dans Muet 1928 Victor Sjöström Lillian Gish *