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25 juillet 2024 4 25 /07 /juillet /2024 09:42

Blanche (Virginie Efira) raconte à une mystérieuse dame (Psy? Inspectrice de police? Avocate?) son histoire d'amour avec Grégoire (Melvil Poupaud), arrivé dans sa vie au moment où elle s'attendait le moins à tomber sur la perle rare... Et qui a sérieusement fait illusion un temps; sous le regard méfiant et un rien cynique de Rose, sa jumelle, Blanche a en effet vécu les frissons les plus romantiques avec lui, jusqu'au mariage, et aux enfants... Jusqu'à une mutation inattendue: Grégoire, qui est employé de banque, lui ayant dit avoir été muté dans l'Est, la professeure de Français a du renoncer à son poste en Normandie et se mettre en disponibilité dans l'académie de Reims. Un sacrifice qui ne l'a pas gênée, jusqu'au jour où elle a réalisé qu'il avait menti: il a prétendu à son patron qu'il devait déménager dans l'Est pour la suivre elle après une mutation... Puis les illusions vont tomber une à une...

C'est le journal d'une inexorable montée dans l'horreur du soupçon, de la possessivité et de la tragédie quotidienne de la jalousie absurde d'un homme dont l'amour devient tellement envahissant qu'il en étouffe la jeune femme. Ca a été exploré au cinéma, principalement dans le film noir, et de multiples façons, qu'on pense à l'étrange amour de Comme dans un miroir de Cayatte avec Bourvil et Michèle Morgan, ou bien sûr chez Hitchcock (Certains aspects de Rebecca, mais aussi bien sûr Suspicion et les craintes de Joan Fontaine qui débouchent quasiment sur un monde parallèle dans lequel Cary Grant serait un tueur amoureux), la folie destructrice de James Mason dans Bigger than life.

Mais ici, le glissement de l'homme vers l'horreur EST le sujet, plus que tout. Un glissement raconté par le menu, étape par étape, avec intelligence et sensibilité. Virginie Efira joue de tous les registres, depuis le sentimentalisme un peu caricatural (mais regardez bien, c'est totalement assumé et volontaire) des idylliques premières vingt minutes, jusqu'à la fuite en avant dans l'atrocité sur la dernière demi-heure. Malvil Poupaud en maniaque obsessionnel est fantastique, il nous rappelle à quel point il a du talent. Je m'interroge encore un peu sur la pertinence de la présence d'une jumelle (une occasion gâchée aurait dit Hitchcock... Cela dit les possibilités des pires clichés mélodramatiques abondent), mais les scènes entre les deux jeunes femmes nous montrent deux caractères différents, et on oublie qu'on est face à une seule et même actrice... Une grande.

La fin est un brillant et nécessire retour sur le monde réel, qui semble nous dire que dans ce bas monde, tout en matière de maltraitance masculine, est à faire, à construire et à reconstruire...

 

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Published by François Massarelli - dans Virginie Efira
3 juin 2023 6 03 /06 /juin /2023 11:12

Une scène énigmatique ouvre le film: une jeune femme dans un magasin de vêtements (en Suisse, comme l'indiquent certains idiomes très spécifiques) a un malaise, puis sort. Hors champ, elle s'écroule, et la réaction des passants est sans équivoque: elle est décédée...

Nous faisons la connaissance de Judith, un femme un peu plus agée, qui vit semble-t-il avec son mari Abdel, et leur fille Ninon. Mais elle quitte le domicile familial pour se rendre... chez son mari, le chef d'orchestre Melvil Fauvet. Judith est mariée à Abdel ou Melvil? Si elle est la mère de Ninon, comment a-t-elle pu le dissimuler à Melvil? De son côté, que sait ce dernier? Qui est la jeune femme du début?

Hélas, on aura TOUTES les réponses, bien rangées sous un paquet cadeau, le même pour tout le monde.

On nous mène en bateau, ce qui peut être plaisant, mais force est de constater que ce jeu de l'esprit est un peu vain, si ce n'est pour permettre à la fois une performance exceptionnelle d'actrice (c'est Virginie Efira), et la construction d'un vague malaise sur l'existence et le sens de nos affections. Sans aller jusqu'à être Attention une femme peut en cacher une autre, le film offre effectivement la vision d'une personne qui, jusqu'à un certain point, se satisfait de vivre au moins une double vie. 

Quant à être une réflexion pertinente sur la folie, ou un trouble de la personnalité... n'exagérons rien.

 

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Published by François Massarelli - dans Virginie Efira
27 février 2023 1 27 /02 /février /2023 17:48

Dans les années 60, Camille (Virginie Efira) et Georges (Romain Duris), se marient et ont un enfant: il se rend assez vite compte du fait que ses parents sont hautement originaux, vivant dans un maelstrom de fêtes, de bonheur sans souci apparent, et d'insouciance militante, au mépris des conventions, de la morale ambiante et de toute réalité. Mais le petit Gary (Solan Machado-Graner) va aussi se rendre compte que derrière cette douce loufoquerie, se cache un problème plus profond: sa maman est, manifestement, bipolaire, et chez elle les changements de personnalité, d'abord un jeu, deviennent de plus en plus inquiétants...

Côté face, un territoire risqué, celui d'un film tire-larmes, dont l'apparence de comédie cache à peine une gravité qu'on craint programmée, balisée d'intentions malhonnêtes et inavouables... 

Côté pile, un film sensible et osé sur l'envie du bonheur, et le droit d'y succomber, comme un pied de nez vaguement anarchisant, dandy jusqu'à l'extrême, avec des gens qu'on croirait volontiers sortis du film You can't take it with you, de Capra, avec sa famille de farfelus qui se calfeutrent dans une attitude de laisser-aller à leurs lubies, envies et autres fantaisies vaguement rebelles... 

Et quant à trancher, c'est à chaque spectateur de le faire, pour savoir s'il aime ou non ce drôle de film, aussi farfelu que franchement triste, dans lequel l'amour devient une autorisation de se laisser aller, jusqu'à ce que mort s'ensuive, au bonheur. Avec Romain Duris et Virginie Efira, et Grégory Gadebois en ami fidèle et un peu grognon (mais si peu), c'est assez difficile de ne pas se laisser faire.

 

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Published by François Massarelli - dans Virginie Efira
29 janvier 2023 7 29 /01 /janvier /2023 09:27

Sibyl (Virginie Efira) est psychothérapeute avec une clientèle acquise sur dix années d'activité, mais elle souhaite retourner à ses premières amours: l'écriture. Elle accepte quand même de répondre à un appel au secours, celui d'une jeune actrice (Adèle Exarchopoulos) qui vit un enfer sur un tournage: elle est enceinte de l'acteur principal (Gaspard Ulliel), mais celui-ci est en couple avec la réalisatrice, et de surcroît elle pense qu'il la manipule pour qu'elle garde le bébé... 

Parallèlement, Sibyl doit jongler avec une foule de choses: son propre alcoolisme, qu'elle a réussi à garder sous contrôle mais qui menace à tout moment de pointer le bout de son nez; le fantôme d'une histoire d'amour avec le père de sa première fille, et la frustration de cette dernière de ne pas le connaître; les séquelles de la mort de sa mère, elle-même alcoolique; une soeur qui n'a pas l'air très bien partie dans la vie; un couple fragile; et enfin, un sentiment d'insécurité permanent qui lui fait faire bien des bêtises...

Mais le pire sera quand même pour elle la tentation de s'approprier l'histoire sordide de la jeune actrice pour en faire un roman... Elle y cédera, et avec elle replongera dans ses pires excès...

Virginie Efira, dans un film tordu au possible, reste quand même excellente. Chapeau... Car...

Le film joue une étrange partition qui distille un malaise, pour commencer en disséminant les scènes un peu dans tous les sens, aussi bien thématiquement que chronologiquement. Un puzzle psychologique qui tend à brouiller les pistes, mais qui en se substituant à une intrigue linéaire, rend mieux possible une certaine adhésion à une histoire décidément trop riche. Il est de bon ton de râler quand une histoire paraît embrouillée, mais celle-ci, dans l'ordre chronologique, serait sans doute bien pire!

Et puis il est question de cinéma ici, avec ces scènes de tournage qui virent en permanence au psychodrame. Sandra Hüller, qui interprète la réalisatrice, en fait tellement qu'il est très difficile de la détester, et est-ce volontaire? ce sont souvent des scènes de comédie... Reste que le film est le récit embrouillé et tortueux d'un enfer psychologique, et que les doutes sur les manipulations et autres allers et retours présentés ici, sont intéressants...

...Un peu.

 

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Published by François Massarelli - dans Virginie Efira Justine Triet
22 janvier 2023 7 22 /01 /janvier /2023 09:15

Alice (Virginie Efira) est une "executive woman" à la Française, une rédactrice d'un magazine féminin, et elle convoite la direction, d'ailleurs, qui pourrait lui être offerte d'ici peu. Mais elle est aussi la cible de railleries: séparée et vivant seule avec sa fille depuis 8 ans, elle n'a jamais souhaité se lancer dans la recherche d'une âme soeur, et à cause de son caractère austère, on la surnomme Desperate fraulein

Revenant du Brésil, elle est assise durant le voyage à côté d'un jeune homme de 20 ans son cadet. Un courant passe entre eux... c'est du moins ce que pense Balthazar, l'étudiant (Pierre Niney): constatant que la belle dame a oublié sa clé USB, il se met en quête de la revoir... Et de son côté, pressée d'adopter une attitude moins conservatrice, Alice se fait violence et profite de l'aubaine pour montrer sa modernité à ses patrons... 

Bien sûr que les sentiments vont se mêler de la partie, sinon ça n'aurait aucun intérêt! les sentiments de l'un et de l'autre, d'ailleurs... Mais le film n'est pas un plaidoyer, juste une comédie sentimentale bien ficelée, avec suffisamment d'éléments gentiment satiriques pour pimenter: l'ambition, ici, est une fin en soi avant de devenir un handicap, et le portrait du monde de la mode est, sans trop d'exagération, assez savoureux. Le décalage entre les deux personnages principaux évite les clichés, de part et d'autre...

Et de toute façon, ce qui motive en premier lieu ici est la confrontation entre deux acteurs exceptionnels. Bon, autant dire qu'on est servi: ils sont justement excellents... L'impayable vulgarité de la principale concurrente d'Alice (La Québécoise Amélie Glenn, qui a tout vu, tout compris, et couché avec toutes et tous) est un ressort comique assez intéressant, et sinon Charles Berling est ici présent, il interprète le père de Balthazar, et... il joue formidablement bien. Je n'aurais jamais cru écrire cette phrase.

Pour finir: on se réjouira du fait qu'aux Etats-Unis, le film aurait permis, non seulement au couple de s'assumer, mais aussi à Alice de gagner sa promotion. Ici? On est en France, donc...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Virginie Efira
9 septembre 2022 5 09 /09 /septembre /2022 15:07

Mia (Virginie Efira) est interprète, titulaire d’un diplôme de Russe, technicienne incontournable lors des échanges Franco-Russes à la Maison de la Radio. Sa relation avec son compagnon bat de l’aile, mais le savent-ils? Nous, nous nous en doutons: lors des premières scènes, nous voyions d’une part que le point de vue privilégié est celui de Mia, son ami restant plus ou moins à l’écart; et puis la façon dont la caméra se fige parfois sur des détails en apparence insignifiant, comme pour signaler que quelque chose se trame, nous donne en effet une indication…

Mia et son compagnon, justement, vont dans un café, mais il doit partir, une urgence. Sauf qu’elle, de son côté, va nous faire profiter de son évidente solitude, ce qui l’a poussée à se rendre, alors qu’il pleuvait, dans un café, pour attendre la fin de la pluie. Là encore, chaque détail semble nous donner un avertissement, quelque chose se prépare. Sans crier gare, alors que Mia ne sait pas trop quoi faire de sa peau, elle va entendre le premier coup de feu. La brasserie est le siège d’une attaque terroriste. Tout ce qui suit va s’effacer de la mémoire de l’héroïne, désormais considérée survivante, d’un blackout béant, et d’un certain nombre d’interrogations…

Le prologue mène le spectateur droit dans une scène dramatique, l'attentat vu à hauteur de victime, sans aucune visibilité réelle. Une scène à la puissance phénoménale, qui se situe juste avant le fameux black-out, dont il est question plus haut: c'est magistral...

D'emblée, le film se place dans une optique beaucoup plus large que celle d'une commémoration, d'une reconstitution des attentats du 13 novembre 2015, à Paris. Ce qui aurait été la manière Américaine, par exemple, aurait été de privilégier une reconstitution heure par heure, en multipliant les personnages et bien sûr les situations, d'autant qu'on sait bien que les attentats de ce jour ont été perpétrés dans plusieurs endroits, choisis pour leur importance culturelle. Donc en choisissant de nous montrer une expérience, et qui plus est celle de la femme qui a tout oublié, qui a bloqué son traumatisme dans sa mémoire, Alice Winocour a donc délibérément réduit le champ de son film et l'a placé dans la sphère privée... 

Je connaissais la réalisatrice en tant que co-scénariste du très beau film Mustang, de Deniz Gamze Ergüven, qui s'intéressait aux filles d'une famille Turque, saisies dans leur adolescence, entre permissivité à l'Européenne, et rigorisme sous influence patriarcale. Le point de vue privilégié est celui d'une femme, c'est incontestable, et le film va donc évoquer plusieurs points: affronter le traumatisme, d'abord, à travers la rencontre entre Mia, qui ne se rappelle plus, et Thomas (Benoît Magimel), qui était dans la même brasserie, et se souvient de tout. Il en est sorti estropié, et a perdu ses amis et collègues, qui fêtaient son anniversaire au moment de l'attaque. La rencontre des deux qui ne se connaissent pourtant pas, semble inéluctable, et nécessaire... Et c'est un échange: à Mia qui doit vouloir ouvrir la boîte de ses souvenirs parce qu'elle ne se rappelle plus, Thomas dit qu'elle a bien de la chance de ne pas se souvenir. Leur rapprochement va devenir un moyen pour eux d'affronter la suite.

Et Mia affronte aussi la réalisation du fait que sa vie a changé, elle a bifurqué... Professionnellement, sans doute. Personnellement et amoureusement, certainement. C'est le portrait d'une femme pour qui, aussi bien  symboliquement que concrètement, plus rien ne sera jamais comme avant. Le film va aussi nous montrer deux quêtes: d'une part, une femme, lors d'une réunion cathartique de victimes survivantes, au lieu de l'attentat, accuse Mia d'être celle qu'on a vue se réfugier aux toilettes, et s'enfermer, se sauvant ainsi et condamnent ceux qui la suppliaient de lui ouvrir. Mais Mia, bien qu'elle ne s'en rappelle pas, ne se reconnaît absolument pas dans cette anecdote.

Et d'autre part elle va finir par se rappeler de bribes de ce qu'elle a vécu durant l'attaque, en se cachant, ailleurs: une rencontre, avec un mystérieux homme, dont elle se rappelle qu'il avait un tatouage, et qu'il lui a pris la main pour l'aider à passer son angoisse... La quête de cet homme, un étranger, certainement un sans-papiers, devient centrale au film, au parcours commémoratif comme à l'expérience privée de Mia. Mais ce qu'elle voit nous renseigne aussi sur les autres, à commencer par Thomas, cette victime qui devient incapable de vivre avec ceux qui n'ont pas vécu ce drame.

De la sorte, tout ici est subordonné à cette expérience, à cette douleur, à la peur qu'on a vécue, à chaque détail, à chaque objet aussi. Aucun héroïsme exacerbé dans le film, aucune trompette, aucun véritable deuil non plus. Dans ce monde terrible, où pour chercher un homme qui a été tout simplement là pour vous, il faut se lancer dans un difficile parcours du combattant à travers les arcanes du travail clandestin, Alice Winocour nous montre aussi une France qui va bien mal... Si les deux quêtes trouveront une issue dans le film, le constat est amer. C'est donc un film fort, totalement de son époque, et qui sort complètement de ce qui serait attendu d'une oeuvre consacrée au terrorisme: c'est une excellente surprise, assurément!

 

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Published by François Massarelli - dans Alice Winocour Virginie Efira
4 septembre 2022 7 04 /09 /septembre /2022 09:29

Diane (Virginie Efira) est avocate; un jour, elle reçoit un coup de téléphone un inconnu a trouvé son portable, et a repéré dans le répertoire un numéro qui indiquait "Maison". C'est ainsi qu'elle fait la connaissance d'Alexandre (Jean Dujardin), qui la change tellement de Bruno, son ex-mari et associé: dans un premier temps elle n'en connaît que la voix, mais il lui promet de lui rendre son portable en échange d'un dîner...

C'est au cours de ce dîner en tête à tête qu'elle se rendra compte qu'Alexandre, qui est architecte, aisé, cultivé et gonflé, fait moins d'1m40: problème de croissance, assure-t-il... 

Le ressort de la comédie, ici, c'est quelque chose qui sert depuis Chaplin, Langdon voire Keaton: le ver de terre amoureux d'une étoile. Sauf que dans la tradition, le ver de terre est un homme (vagabond, marginal...) et l'étoile est une femme (inaccessible, une actrice par exemple, ou "trop belle pour toi"...). Ici, le procédé est inversé, avec deux empêchements de s'aimer en toute tranquillité. Premièrement, Virginie Efira (qui porte talons en permanence et c'est tout sauf un hasard) est de "taille normale" (ce n'est pas moi qui le dis, c'est dans le film!) et Dujardin, tout en assumant pleinement sa taille, est appelé 'le nain' par toute la distribution, jusqu'à des moments gênants, comme lorsqu'une secrétaire lui apporte une paille comme on le ferait avec un enfant. Deuxièmement, la grandeur d'âme (désolé... le titre aussi nous incite au jeu de mots, et il est difficile de prendre de la hauteur) du bonhomme en fait un rêve inaccessible pour une dame qui s'en veut de ce qu'elle considère comme de la mesquinerie...

C'est souvent farfelu (je rappelle que "farfelu" chez moi est toujours un compliment), et si j'ai un regret, c'est dans le fait que les personnages qui entourent nos deux héros soient quand même un peu trop expédiés, surtout ce connard de Bruno. Mais Efira et Dujardin? Comment voulez-vous que ça rate? Elle brille dans la comédie, et sait jouer la confusion à merveille. Quant à Dujardin, soumis à des effets spéciaux draconiens et plutôt réussis, il compose avec aplomb un personnage atypique, qui séduit par l'évidence de son aisance dans la vie. Il n'empêche, regardez-le quand ils se parlent tous les deux, il lui suffit d'un rien pour être touchant... 

Certes, c'est un film qui, en mettant à l'envers les situations comiques, et en affrontant le souci de l'image de la différence, s'intéresse à une forme d'inclusion.. Mais surtout c'est une comédie sentimentale, elle se finit bien. On s'abandonne, quoi!! Vous verrez, ça fait tellement de bien...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Virginie Efira
28 avril 2022 4 28 /04 /avril /2022 17:37

En Italie, au XVIIe siècle, la jeune Benedetta Carlini est amenée par ses parents au couvent. Elle est destinée depuis son plus jeune âge à entrer dans les ordres, et clairement elle a la vocation, puisque son assurance devant la foi qu'elle professe lui permet, ainsi qu'à ses parents, d'échapper à une attaque de mercenaires qui voulaient les détrousser. Devenu une adulte, Benedetta (Virginie Efira) attire souvent le regard: elle joue le rôle de la vierge dans une représentation théâtrale par exemple, et commence à avoir des visions: elle prétend avoir été visitée par le Christ... Elle pousse la mère supérieure du couvent (Charlotte Rampling) à recueillir une paysanne locale, Bartolomea (Daphné Patakia) qui cherche à échapper à son père qui a décidé que la jeune femme remplacerait sa propre mère dans son lit! Les visions de Benedetta prennent alors des proportions incroyables et en dépit des réserves de la mère supérieure, Benedetta commence à être considérée comme une sainte...

Verhoeven a tout fait pour adapter cette étrange histoire au cinéma, et surtout, semble-t-il, pour la situer dans la descendance des Diables de Ken Russell. Mais la donne a changé: d'une part Russell était probablement surtout amusé par l'idée que face à un allègement des restrictions morales du cinéma et de la censure, il allait quand même pouvoir suffisamment pousser le bouchon pour déclencher un scandale (ce qui n'a pas loupé), Verhoeven à son époque sait que la permissivité actuelle l'empêcherait de provoquer un scandale. Mais là où on le retrouve, sous un vernis de classicisme remarquable, et à travers une mise en scène rigoureuse et esthétiquement très convenable, c'est dans le mélange savant entre les différentes épices qui composent le plat...

Si le film ne se contente pas de taper sur l'église, il ne s'en prive pas: l'église, corrompue, est symbolisée par un Nonce Apostolique (Lambert Wilson) qui est un sale type, profondément cynique, pervers, libidineux (on se doute que la servante enceinte qui vient lui déballer ses seins en pleine réunion s'est faite engrosser par lui), soucieux de son image et de ses habits, méprisant pour tout ce qu'il ignore ("ces femmes sont folles! comment peuvent-elles penser qu'elles peuvent s'aimer comme un homme et une femme"), et constamment à l'affût de la portée politique de son action, et constamment amené à avancer les intérêts de l'église, donc les siens propres. Bref: un dignitaire catholique à l'ancienne, un vrai, un beau, un gros! Mais l'église dans sa complexité est aussi représentée dans le rapport du couvent à l'argent, représenté par la dureté au négociations de la Mère Supérieure incarnée par Charlotte Rampling. celle-ci, qui a cessé de croire, et restera de marbre face aux "miracles" de Benedetta, est probablement une femme qu'on a poussé à entrer dans les ordres, et qui s'y est fait une place. Elle aussi a des réflexes politiques... Mais elle est plus compréhensible. Non, le film ne se contentera pas de ce menu-là...

Sinon, comme souvent, la foi est malmenée, et représentée par des gardiens du temple qui font tout ce qu'ils peuvent pour l'étouffer: à Benedetta qui prétend être visitée par Jésus, beaucoup font tout ce qu'ils peuvent pour opposer leur incrédulité, leur refus même de ses miracles. Avec et sans arguments: à chaque fois que Benedetta se retrouvera avec des stigmates après ses rêves de Jésus, on aura des doutes, et quand on retrouve du verre brisé sous son corps une fois que des écorchures se soient retrouvées sur son front, on la soupçonnerait volontiers... Mais que ces gens qui ont dédié leur vie à la religion refusent de la croire finit par résonner d'une profonde ironie...

Cette ironie ne sera jamais subtile, Verhoeven aimant toujours tout bousculer: les limites, les conventions, les acteurs (demandez à Sharon Stone ce qu'elle en pense, lors du tournage de Basic Instinct), le bon goût (Showgirls), les traditions de genre, et même l'histoire. Prendre le contrepied est devenu une habitude chez lui, donc en s'attaquant à cette histoire il multiplie les cibles. S'il nous indique souvent, par le biais de Bartolomea (qui y compris à travers son amour pour Benedetta, ne croira jamais en la véracité de ses miracles, se contentant de profiter de la situation) que les excentricités de la religieuse sont simulées ou enjolivées, il garde le mystère sur la duplicité de Benedetta, devenue une sainte pour toute sa région: "hystérique" (comme on le dirait au XIXe siècle) atteinte d'un délire érotique pour Jésus, et qui transpose sa frustration vers une recherche d'un orgasme (avec une statuette de la vierge, tout un symbole), illuminée réellement atteinte d'un complexe de sainte, ou opportuniste tentant de faire son intéressante pour profiter de la bêtise de tous les croyants qui l'entourent. Entre ces hypothèses, le film choisit son camp, avec ironie, et s'amuse beaucoup du décalage entre la vie de couvent, l'intelligence cynique des unes (Rampling, géniale), et la découverte gourmande du plaisir, de l'interdit et d'une sexualité partagée chez deux femmes qui n'auraient sans doute jamais du se rencontrer!

Et le tout, avec une actrice géniale, elle aussi, et habitée: Virginie Efira, ça commence à devenir une habitude, est exemplaire... Et n'a pas froid aux yeux: on est chez Verhoeven. Un Verhoeven, une fois de plus, qui a joué avec subtilité la carte de l'ironie violente. Il faut le faire...

 

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Published by François Massarelli - dans Mettons-nous tous tout nus Hallelujah Paul Verhoeven Virginie Efira
2 juin 2021 3 02 /06 /juin /2021 09:30

Deux faits aussi navrants l'un que l'autre, et sans aucun rapport l'un avec l'autre, vont se télescoper: Suze Trappet (Virginie Efira), coiffeuse, apprend d'un médecin bredouillant que les cosmétiques utilisés dans son métier lui ont refilé une maladie mortelle, et incurable. Effondrée, elle prend une décision: avant de mourir, elle va retrouver la trace de l'enfant qu'elle a eu 28 ans auparavant, et qu'elle a sous la pression de ses parents abandonné pour adoption; de son côté, Jean-Baptiste Cuchas (Albert Dupontel), informaticien surdoué à la sociabilité plus que perfectible, apprend qu'il va devoir laisser la place à des petits jeunes, à la demande de ses supérieurs...

Ce qui va les rapprocher, c'est que Cuchas travaille dans l'administration sociale, et quand il tente de se suicider, son bureau est juste à côté du cubiculum où Suze tente d'obtenir d'un fonctionnaire morne et mécanique une aide pour retrouver son enfant: quand il se rate, Cuchas tire avec une grosse carabine, par erreur, sur l'infortuné gratte-papier. Pour les deux losers, c'est le début d'une cavale: Suze demande à Jean-Baptiste d'utiliser sa science de l'informatique afin de retrouver son fils perdu, et Jean-Baptiste attend de Suze qu'elle témoigne du fait que son geste était bien une tentative de suicide, et non une chaotique forme de protestation terroriste et meurtrière... Ils seront aidés dans leur périple par deux autres perdants, le Docteur Lint (Jacky Berroyer), obstétricien atteint d'Alzheimer, et Serge Blin (Nicolas Marié), un ingénieur EDF qui a perdu la vue...

Dédié à Terry Jones: le grand universitaire Gallois, écrivain, cinéaste, comédien, auteur dramatique, spécialiste reconnu de Chaucer, et membre à vie (et à mort) des Monty Python, est décédé au début de la triste année 2020, et Dupontel qui a souvent travaillé avec lui (c'était lui qui jouait Dieu dans Le créateur) lui rend ainsi hommage... Pourtant c'est à l'univers d'un autre Terry, tout aussi Monty mais beaucoup moins Gallois, que le film fait penser. D'ailleurs Gilliam est lui aussi un mentor de Dupontel, auquel il a fait l'amitié d'accepter de participer avant ce film à Enfermés dehors, et 9 mois ferme. Ici, il participe, en quelque sorte, de deux façons: d'une part il joue un petit rôle, propice à déclencher l'hilarité, je vous laisse découvrir par vous même; et d'autre part son univers de cinéaste a servi de matrice à ce septième long métrage de Dupontel, et par au moins trois détails. Enfin, "détails", c'est un mot un peu vague: d'abord, il y a ici un acteur qui joue un rôle, celui d'un certain M. Tuttle, ce n'est sans aucun doute pas un hasard, quand on sait que Tuttle est l'un des personnages-clés de Brazil. Ensuite, Dupontel utilise le décor, lors de la scène du suicide chaotique, pour citer l'ambiance de Brazil, justement: les tuyaux en plastique à poubelle qui pendouillent du plafond, les fils électriques en grappe, tout renvoie à la fameuse scène de l'appartement envahi par les matières fécales dans le film de science-fiction de Gilliam. Enfin, le propos des deux films est étrangement similaire, avec dans les deux la fuite en avant de deux personnes, un fonctionnaire associable et gauche, et une jusqu'au-boutiste condamnée à plus ou moins brève échéance. Et les deux films sont d'imposantes radiographies d'un monde en déliquescence...

Ce qui ne veut pas dire, d'une part, qu'Adieu les cons soit un plagiat, absolument pas, et on en est très loin. On est plus devant un hommage structurel, à la façon dont les frères Coen, par exemple, revisitent les genres en se servant de films comme modèles dont ils vont refaçonner les contours: The big sleep, d'Howard Hawks, pour The big Lebowski, ou encore Sullivan's travels de Preston Sturges pour O Brother where art thou?... Et d'autre part, ce n'est pas parce que le film de Dupontel se veut une charge d'un monde en pleine détresse émotionnelle, que l'on n'y rigole pas, au contraire... Les gags pleuvent, et c'est du grand luxe: bien sûr, il y a des répliques superbes, cette obsession du cinéphile français qui n'a pas toujours compris que le film c'est aussi de l'image (Dupontel: "Comment il va, M. Dupuis?"; Efira: "Moyen"; Dupontel: "Moyen mort, ou moyen vivant?"); évidement, le film repose aussi sur le concours d'une troupe d'acteurs qui reviennent de film en film avec le metteur en scène: Marié, déjà cité, Michel Vuillermoz formidable en psychologue du ministère de l'intérieur, et Philippe Uchan qui interprète le supérieur de Cuchas, il s'appelle Kurtzman (et ça aussi c'est une piste), et il est incapable de prononcer "Cuchas"; le médecin au début n'est autre que Bouli Lanners, et il est royal... Normal: il est belge! Non, le plus beau, c'est l'abondance d'humour physique, donc visuel, et l'énergie formidable qui se dégage du film, monté sans un poil de graisse. De plus, les deux acteurs principaux, qui doivent constamment évoluer du tragique vers le comique, dans un seul souffle, sont superbes, et j'applaudis enfin Virginie Efira qui cette fois m'a plus que convaincu.

Je parlais du rythme soutenu... C'est pourtant une fable, comme Brazil, et des plus cruelles; le portrait du monde dans lequel nous vivons, et où l'ironie du sort a fait qu'au moment de sortir, le film a du se prendre une pandémie internationale dans les dents, est sans équivoque: on vit mal, le nez dans des portables (pour ceux qui en ont, car il y en a), on ne sait plus communiquer, la preuve les noms sont d'une grande difficulté à retenir; on remplace le vieux qui a fait ses preuves (Jean-Baptiste ou les quartiers d'île-de-France) par du jeune clinquant et du style moderne; les administrations sans aucun lien apparent avec la réalité, les policiers, les DRH: tout le monde fonctionne au protocole, et pour se faire aider, on n'a plus que deux ressources: le système D, et... les faire-valoir à la fois minables et sublimes: le Dr Jacques Lint ("Jacques... c'est moi?") à la fois reflet d'une époque nostalgique et symbole de l'oubli par sa maladie, et bien sûr l'archiviste aveugle, source inépuisable de gags potaches, interprété par Nicolas Marié: il n'empêche, cet handicapé un peu dragueur, un peu veule, va se conduire en héros... et se cogner dans à peu près tout et tout le monde, aussi, car on est dans une comédie.

Oui, mais une comédie noire, qui touche juste, qui a un message tout simple: et si on levait la tête et qu'on s'aimait. Ca ne va pas loin? Parce que "traverse la route, tu vas en trouver du boulot", ou "suicidez-vous", "il y a ceux qui ne sont rien", ou "la république, c'est moi", ça va loin peut-être? Non, c'est bien une comédie, mais elle vise juste et à la fin, 

Non, voyez-le, c'est une merveille.

 

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Published by François Massarelli - dans Albert Dupontel Comédie Terry Gilliam Virginie Efira
9 août 2017 3 09 /08 /août /2017 08:57

En France, on ne sait plus comment vendre un film... A plus forte raison une comédie. Ce film au demeurant pétri de qualités est aujourd'hui vendu comme, je cite, une comédie hilarante, et une bande-annonce le fait passer comme une comédie sentimentale à l'Américaine... Rien à voir pourtant.

Victoria (Virginie Efira) est avocate, mère de deux charmantes filles dont elle ne s'occupe pas vraiment: elle n'a pas le temps. Comme elle ne sait plus trop où elle va, elle consulte des magnétiseurs, voyantes et autres psys, afin de mettre de l'ordre dans sa vie... et son ex-compagnon, un écrivain, lui taille un costard dans une publication à succès sur un blog. Comme si tout ça n'était pas suffisant, deux nouveautés lui tombent dessus lorsqu'elle se rend au mariage d'une amie: d'une part, l'un de ses meilleurs amis (Melvil Poupaud) est soupçonné par sa compagne d'une tentative de meurtre, en pleine confusion lors d'un mariage; d'autre part Sam (Vincent Lacoste), un ancien client qui se trouve être à la même fiesta, sollicite une aide de sa part, et elle l'engage comme jeune homme au pair...

A partir du moment où Sam entre dans la vie de Victoria, on n'attend plus que l'inévitable rapprochement entre les deux. Il viendra bien, mais tardivement, et ce ne sera pas le feu d'artifice qu'on attendrait normalement... Justine Triet l'a bien dit, elle a choisi une approche de comédie, mais elle est partie d'une situation de drame, plus que d'autre chose: son film nous parle de l'aliénation d'une femme qui travaille. Et Virginie Efira cumule les casquettes: mauvaise mère, accro aux médicaments (ce qu'une voyante lui fait remarquer avec insistance), plus aussi pointue dans son boulot d'avocate qu'elle aurait pu l'être, et sentimentale au mauvais moment: elle ne souhaite pas défendre son ami accusé de meurtre parce qu'il ne va lui apporter que des ennuis, mais elle n'arrive pas à lui dire non. Elle est formidable, comme si souvent...

Et Vincent Lacoste, avec son éternelle adolescence, est jeté là-dedans, comme un lutin, et ça donne le meilleur: d'une certaine manière sa seule présence rend le film intéressant... Donc, "hilarant", non. "Déjanté", cet ignoble adjectif qui ne veut plus rien dire, encore moins. Mais ça en vaut la peine...

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