The darjeeling Limited est en quelque sorte la réaction de Wes Anderson au tournage long et coûteux de son précédent opus, The life aquatic with Steve Zissou. Le film, marqué par les fantômes du cinéma Indien et d'une certaine vision cinématographique de l'Inde, n'est pas comme ses deux prédécesseurs (Avant Zissou, il y a The Royal Tenenbaums, qui définissait de façon durable le style de son auteur) un film entièrement contrôlé de façon esthétique par Anderson: il a été tourné sur place, avec une équipe réduite, et bénéficie de décors déjà existants, qui sont magnifiés par la mise en scène. Et pourtant il ne dépare pas dans la continuité de la carrière de Wes Anderson, tourné qui plus est avec l'habituelle complicité de Jason Schwartzmann, Owen Wilson, Anjelica Huston, Wally Wolodarsky ou Bill Murray. Cette fois, la crise familiale et identitaire concerne trois frères, les Whitman. Suite à la mort de leur père, et l'absence de leur mère, ils se sont réfugiés plus avant dans leur isolement les uns des autres. Francis (Wilson), chef d'entreprise en pleine crise de la quarantaine, prétend avoir survécu à un accident de la route, et veut imposer à ses deux frères un rapprochement sur fond de séminaire spirituel en Inde. Peter (Adrien Brody) est marié à Alice, une femme avec laquelle il a peur d'affronter l'avenir. Alice est enceinte, et Peter fuit. Enfin, Jack (Schwartzmann), auteur de nouvelles, a quitté les Etats-Unis et s'est réfugié en Europe pour échapper à une histoire d'amour compliquée, qui ne parvient pas à s'achever. Francis a prévu un voyage à bord du train Darjeeling Limited, dont la destination surprise est un couvent dans lequel leur mère s'est découvert une vocation de nonne.
La relation entre les trois frères est dans un premier temps désastreuse; aucun d'entre eux ne progresse, et ils vont jusqu'à se faire exclure du train tant leur comportement est irritant pour les autres passagers... Mais un accident tragique auquel ils onst confrontés va les rapprocher, et ils vont aboutir à une catharsis: un enterrement qui sera vécu avec plus de pudeur, de modestie et de contrôle des sentiments par les trois frères, que les funérailles de leur père... Celui-ci est omniprésent, à travers les valises nombreuses, marquée de ses initiales, qui encombrent les trois frères lors de leur périple Indien. Sont aussi présents des souvenirs nombreux, celui d'Alice, celui de la petite amie lointaine de Jack; clin d'oeil à une vie qui continue, un homme rate un train au début du film, il s'agit de Bill Murray, pour une très courte apparition suivie en fin de parcours d'un court rappel de sa présence... Enfin, comme dans d'autres films (The Life Aquatic et son requin jaguar, Tenenbaums et ses souris dalmatiennes, et Fantastic Mr Fox avec l'apparition d'un loup mythique), un animal symbolise en une très courte apparition l'affrontement d'une vie: un tigre féroce, créé par la compagnie Jim Henson cette fois, après le 'requin jaguar' de Steve Zissou du à l'animation d'henry Selick.
Le film est une comédie sérieuse, traversée par la mort d'n enfant dans un fleuve, triple symbole: à l'eau qui purifie dans la religion Indienne, anderson oppose l'habituelle métaphore de la renaissance, qui passe en effet par la confrontation à la mort pour les trois frères. Ceux-ci sont comme d'habitude, des grands enfants mal grandis, qui sont malgré tout touchants à force d'être humains, et ils ressortiront de leur quête meilleurs qu'en entrant... Anderson, désireux d'échapper à la routine et à la lourdeur tout en tournant dans des conditions gérables, a su s'imprégner de l'atmosphère d'une Inde au quotidien, avec respect. Les fantômes de Satyajit Ray (Dont la musique des films a d'ailleurs été abondamment utilisée), et Jean Renoir (Le fleuve), passent à travers ce film, dont la mise en chantier a quand même pris du temps; la preuve, un court métrage de 2005, Hôtel Chevalier, est en fait la première partie du film, que Wes Anderson a décidé de traiter comme un sujet à part pour deux raisons: la coupure esthétique radicale entre un film réalisé en Inde et une séquence Parisienne d'une part, les délais pris afin de préparer un tournage Indien d'autre part. Deux ans après, c'est ensemble que les deux films, qui se font constamment écho, ont été montrés. Avec son mélange de parfum documentaire et son habituelle rigueur géométrique, le film est aussi l'un des plus attachants de son auteur.
Jack Whitman (Jason Schwartzmann) est un auteur Américain qui tue
le temps dans la luxueuse chambre d'un palace Parisien, où il regarde plus ou moins Stalag 17, de Billy Wilder. Il se remet mal d'une histoire d'amour qui n'en finit pas de
finir, lorsque justement sa petite amie (Natalie Portman) l'appelle et lui signale qu'elle est à Paris pour 24 heures. Elle le rejoint, et comme il n'arrive pas à être fort, il l'accueille...
Pour une dernière dernière fois.
Ce court métrage est à l'origine une séquence d'ouverture pour The Darjeeling Limited, le film que Wes
Anderson planifiait alors. Son intention était de partir en Inde avec les acteurs et une équipe réduite, et filmer sur place, dans les "décors naturels", une histoire tragi-comique d'initiation
pour trois frères que la mort de leur père et le départ de leur mère avait définitivement séparés... Mais Hôtel chevalier, qui partage effectivement le personnage de jack Whitman avec le long
métrage, est resté une oeuvre à part, un court métrage qui se présente (Dès le générique) comme un prélude au long métrage. Bien que réellement situé dans un hôtel, filmé avec une équipe réduite
et tournant autour de deux acteurs (Soit bien moins luxueux que le film précédent, The life aquatic with Steve Zissou), ce court de 13 minutes tranche avec la grande liberté
esthétique de The darjeeling Limited. Mais le film est du pur Anderson, une scène concentrée autour de retrouvailles qui sont plus tristes que sensuelles, et dans lesquelles le
sens du rythme et de l'humour triste (La façon dont Schwatrzmann met en scène les retrouvailles en sélectionnant une musique appropriée), l'utilisatioin du cadre, de la symmétrie et des couleurs
(Jaunes à l'intérieur, bleues à l'extérieur) typiques du réalisateur. Si Hôtel Chevalier peut être vu indépendamment de The Darjeeling Limited, il est malgré
tout souvent cité, jusqu'à une apparition symbolique de Natalie Portman, en costume, à la fin du long métrage. Le dialogue en est aussi cité...
Aboutir, parvenir à quelque chose, laisser une empreinte: le but de tout humain? Si on en croit les meilleures histoires, oui. C'est l'un des grands enjeux du cinéma de Wes Anderson, comme en témoignent les égarements des personnages de Bottle Rocket, privés de direction, de but, de motivation enfin. Steve Zissou (The life aquatic with...) est en crise parce qu'il n'a abouti à rien, que son monde s'écroule, et qu'il a besoin à nouveau de croire qu'il est une source d'inspiration. Moonrise Kingdom nous montre un micro-univers en proie à une crise de direction là encore, avec ses parents déboussolés, son autorité mise à mal (Bruce Willis, mais aussi Edward Norton)... Enfin, le père de famille de The Royal Tenenbaums souhaite revenir dans la vie de ses enfants avant qu'il ne soit trop tard. A chaque fois, ces histoires sont enjolivées, enluminées par une esthétique envoûtante, calibrée et réglée au quart de poil dans un souci maniaque de tout contrôler... Et l'histoire se pare de la beauté irréelle et multicolore de la féérie. Donc The Grand Budapest Hotel ne dépare pas, au contraire: il est une affirmation toute-puissante de cette esthétique, et de cette thématique, un film superlativement réussi, dans lequel tout l'univers de Wes Anderson se retrouve encapsulé.
La narration adopte une structure familière à ceux qui auront vu le fameux film Le manuscrit trouvé à Saragosse (1965), de Wojciech Has et ses poupées russes: un narrateur raconte qu'un narrateur raconte que... Mais cette superposition ne sert essentiellement que dans le premier quart d'heure, le temps d'installer convenablement le récit dans le monde de la légende. Un auteur de la république (Fictive) de Zubrowska, maintenant décédé, est 'visité' (Du moins sa statue) par une admiratrice, qui sort d'un sac un des livres de l'écrivain, The Grand Budapest Hotel, et se met à le lire. S'ensuit un flash-back, de l'auteur vieillissant contant ses souvenirs. Puis on assiste à une scène, l'auteur jeune (Jude Law) se rend en effet au "Grand Budapest Hotel", en Zubrowka, un palace improbable juché sur une montagne, désormais vide de tout client ou presque. L'écrivain rencontre le mystérieux M. Zero Mustafa (F. Murray Abraham), le propriétaire des lieux. Il lui raconte comment il a été amené à hériter de l'hôtel, grâce à son amitié avec le concierge Gustave H., en poste au Grand Budapest lorsqu'il était un jeune aspirant groom. Et à ce moment, le format de l'image, qui oscillait entre du 1:77:1 (Le prologue autour de la statue) et un format d'écran plus large proche du cinémascope (La rencontre de l'auteur jeune avec M. Mustafa), se stabilise en 1:33:1, à la façon des années 30. On est, après tout, et ce pour l'essentiel de l'intrigue, en 1932. Le Grand Budapest Hotel, en attente de moments troublés (Une guerre fictive menace le pays inventé), est déjà un reflet surranné d'une glorieuse époque disparue, et M. Gustave (Ralph Fiennes) est l'âme même de l'établissement. Il connait chaque ficelle de l'hôtel, chaque recoin de l'établissement, et d'une certaine façon règne. Il reçoit le jeune Zero Mustafa (Tony Revolori), réfugié d'un autre pays (Fictif) du proche orient, en guerre. Il souhaite devenir "Lobby Boy", et M. Gustave va être son mentor. Mais un mentor qui a du pain sur la planche: le concierge, qui a l'habitude de coucher avec toutes les clientes fortunées, vieilles et esseulées, est en effet nommé sur le testament de Mme Céline Villeneuve Desgoffe und Taxis (Tilda Swinton), qui vient d'être assassinée. Gustave hérite d'une oeuvre d'art inestimable. Non seulement est-il le principal suspect du meurtre, il est désormais l'ennemi juré du fils de la défunte, Dmitri (Adrien Brody), et de son homme de main, le brutal, laconique et mystérieux Jolping (Willem Dafoe). Aidé de Zero et de sa petite amie Agatha (Saoirse Ronan), pâtissière à l'accent Irlandais, M. Gustave joue sa vie, sa réputation, et celle de l'établissement auquel il a consacré sa vie.
Les personnages, fidèles à l'environnement du metteur en scène, sont un mélange savant de caractérisation extrême, avec le sens du cliché monté en épingle qu'on connaît à Anderson (A ce titre, les interventions d'Edward Norton en policier 'qui ne fait que son devoir' sont savoureuses, tout comme celles de Jeff Goldblum en avocat victime des évènements), et de transgression. Dans cet univers à la Tintin, Ralph Fiennes en particulier a un talent exceptionnel pour proférer sans se départir de son flegme et de sa classe naturelle des horreurs révélatrices de ses relations privilégiées avec ses clientes... C'est que rien ne va plus dans le beau monde du Grand Budapest Hotel ou tout est si propre, en ordre, et symétrique (On connaît les habitudes de composition de Wes Anderson, et dans cet univers à la Lubitsch, qui plus est avec ce format plus carré que ses autres films, il s'en donne à coeur joie). La guerre, donc, menace, et les habitudes policées, les manières douces, n'ont plus cours. Les policiers, en marge de l'aventure rocambolesque de M. Gustave et Zero Mustafa, ont d'ailleurs tendance à se comporter en véritables rustres, à l'imitation sans doute de leurs voisins plus ou moins lointains des pays fascistes, dès qu'ils ont entre leurs mains, le 'lobby boy' d'une autre couleur... Ce qui fait à chaque fois voir rouge à M. Gustave. Une fois de plus, Anderson se sert à merveille de l'uniforme, qui a comme toujours un rôle à la fois de caractérisation facile et répétée, chaque personnage habitant son propre uniforme (Et M. Gustave passe de celui de Concierge à celui de prisonnier, puis à celui de moine, et enfin à celui de pâtissier!), mais l'uniforme est aussi un cadre dans lequel s'amuser, comme ces allées rangées si propres et ces couloirs d'hôtel si géométriquement harmonieux.
Le jeu sur le cadre renvoie, comme je le signalais, à Lubitsch et ses opérettes de 1929-1932, situées immanquablement dans des pays inventés pour l'occasion. C'est vrai que l'atmosphère 'Mitteleuropa' comme on disait alors convient à merveille à Anderson, avec son monde recréé de façon polie, mais comme chez Lubitsch, la gravité est partout. Derrière cette histoire délirante, la mort rôde, sous les traits certes caricaturaux de Willem Dafoe (Qui reprendrait presque son rôle d'un autre film de Anderson, le film d'animation Fantastic Mr Fox, s'il n'avait été dans ce dernier remplacé par une marionnette de rat!) et son pur visage de tueur. Il n'en reste pas moins que le tueur en question est très efficace, comme en témoignent les quelques intrusions de Wes Anderson dans l'horreur graphique: doigts coupés, personnage décapité... La mort, souvent présente dans ses films, prend cette fois une allure beaucoup plus tangible, provoquant de fait des sursauts de la part du public. Ce n'est pourtant pas si déstabilisant, les scènes de violence restant confinées dans le cadre ultra-maîtrisé du metteur en scène. Mais c'est un moyen comme un autre de rappeler que sur la route qui mène à la vieillesse, les embûches ne manquent pas. Et là ou le film précédent contait une aventure donnée dans un temps limité en quelques jours d'un lointain passé, The Grand Budapest Hotel est marqué dès le départ du sceau du temps révolu. On est devant une histoire qui s'est déroulée il y a longtemps, contée par un protagoniste probablement décédé, à un auteur désormais statufié, donc probablement mort, à propos d'un hôtel certainement détruit dans un pays qui n'existe plus... On est donc en pleine légende, au sens westernien du terme (Selon John Ford, bien entendu), d'où le recours attendri à un grand nombre de coups de théâtre, à une évasion spectaculaire (Et hilarante), menée par Harvey Keitel, à une poursuite à skis... et lors d'une scène, une seule, mais très importante, à du noir et blanc qui finit par cristalliser cette impression d'assister à un film des temps héroïques du cinéma. Et au passage, Anderson (Qui signe seul le script du film, une première) décoche une allusion gourmande à Michael Powell et son Colonel Blimp, lorsqu'il est annoncé que 'la guerre a commencé à Minuit' (il y a aussi une allusion fort subtile à un autre chef d'oeuvre de Powell, The red shoes, qu'il faut s'amuser à découvrir)...
Tout ce petit théâtre codifié, réglé au quart de poil, n'est pas que le refus d'un monde dépeint tel qu'il est, que la création idiosyncratique d'un monde impossible et maniaque comme on le dit parfois des films si impeccables de l'auteur de The Darjeeling Limited. Souvent situés dans des lieux surcodés qui font d'excellents titres (Moonrise Kingdom, Rushmore, Hotel Chevalier, The darjeeling Limited), ses films sont aussi et surtout des parfaites métaphores du parcours accidentés d'un être humain. Et cette fois plus que jamais, dans cette histoire ou un homme réussit à aboutir à un but qu'il osait à peine se fixer dans ses rêves les plus fous, la conclusion douce-amère du film permet de toucher à l'humanité, au sens large: The Grand Budapest Hotel est non seulement un chef d'oeuvre, c'est aussi le film le plus chaleureux que j'ai vu depuis longtemps.
Foxy et Felicity sont deux renards qui s'aiment: un jour, Foxy apprend de sa compagne une bonne nouvelle, à un fort mauvais moment: ils sont pris au piège dans une ferme remplie de volailles appétissantes. Apprenant qu'il va être père, Foxy jure à la jeune renarde d'abandonner cette vie de vagabondage et le vol de poules... Passent plusieurs années: Foxy est chroniqueur frustré dans un journal local, Felicity mène son ménage avec douceur, et leur fils Ash est, comme ce sera souvent répété dans le film, "différent". Petit, peu sur de lui, inadapté, colérique... Deux événements vont se dérouler qui auront des conséquences non seulement sur la famille, mais aussi sur toute la campagne, autant dire l'univers. Foxy trouve une maison idéale, qui a le malheur de faire face à trois fermes qui produisent tant de bonnes choses que la tentation va être difficile à combattre; et le cousin d'Ash, Kristofferson, vient s'installer pour quelques semaines, provoquant rapidement la jalousie du fils de famille... Entre un fils qui va devoir enfin trouver qui il est et défendre son pré-carré face à un cousin flamboyant et à qui tout réussit, et un père qui redécouvre les joies essentielles (Et salissantes) de la vie d'un prédateur, comment la situation va-t-elle évoluer?
Après la sortie de The life aquatic with Steve Zissou, et peu avant celle de The Darjeeling Limited, l'annonce de l'adaptation par Wes Anderson de ce roman célèbre de Roald Dahl avait de quoi déconcerter. D'une part parce que tous les films du metteur en scène avait jusqu'à présent été basés sur des idées (O combien) originales, d'autre part parce qu'on n'associait pas a priori Wes Anderson au monde de l'animation, et enfin et surtout parce que pour l'essentiel son cinéma est plutôt adulte, consacré à des crises de la vie, des familles dysfonctionnelles, ou encore des moments-clés ou embarrassants de la vie des grands... Mais une fois le film arrivé, force est de constater qu'on avait tort sur tous les points: d'une part, l'argument de Dahl convient à merveille à Anderson, qui a en compagnie de Noah Baumbach écrit une adaptation à la fois fidèle et très personnelle. Le monde de ce Fantastique renard, interprété par George Clooney, Meryl Streep, et les habitués Jason Schwartzmann, Michael Gambon, Willem Dafoe, Owen Wilson (Pour une très courte apparition) et bien entendu Bill Murray, est bien cet univers parallèle, aux arrangements de paysage symétriques et si esthétiques, avec ces adultes en questionnement et ces ados qui souffrent... de façon toujours aussi drôle. Film d'animation oblige, toutefois, à la fin les choses rentrent dans l'ordre pour nos renards qui ont tous fini par s'accepter tels qu'ils sont...
Dahl était bien sur Gallois, Anderson est Texan, et le monde du film doit autant à l'Angleterre (L'accent de Michael Gambon) qu'à l'Amérique (Le rat et son accent sudiste, le Whack-Bat qui ressemble plus à une version du base-ball qu'au cricket)... Enfin, toutes ces tribulations sont mises en musique par Alexandre Desplat, qui s'est plu à pasticher les partitions de Morricone pour Sergio Leone, mais on a droit à une solide dose de rock des années 60, donc tout va bien. Et la cerise sur le gâteau, c'est que ce film superbement mis en scène est une joie esthétique permanente, avec une animation constamment inventive, et nerveuse: Il fallait du rythme pour se glisser dans la peau des renards, dont le calendrier utilise d'ailleurs deux types de tempos: ils comptent leurs années en temps "renard" et en temps "non-renard", suivant la conversation.
Max Fischer est entré à l'école de Rushmore Academy à l'age de sept ans; il avait écrit une pièce de théâtre et sa mère avait décidé qu'il lui fallait le meilleur. Huit ans plus tard, il est parfaitement intégré dans l'école, où il pratique un nombre impressionnant d'activités extra-curriculaires. Par contre, ses résultats sont catastrophiques, et il est menacé d'être renvoyé s'il ne s'améliore pas. Cela ne le dérange pas, il continue donc ses activités, mais va faire deux rencontres déterminantes: d'une part, M. Blume, un industriel richissime qui s'ennuie terriblement va se prendre d'affection pour le jeune Max qu'il trouve brillant en dépit de son originalité. D'autre part Max va rencontrer une femme, Miss Cross, une jeune veuve qui enseigne dans la section primaire de l'établissement... C'est le début des ennuis pour tout le monde.
Notre première rencontre avec Max Fischer se fait à travers un rêve, dans lequel il s'imagine résoudre un problème de maths, apparemment impossible. Il triomphe, bien sur, mais si le rêve est évidemment piloté par le talent inné de Max pour la mise en scène (Il n'y a qu'à voir les pièces que son groupe de théâtre, les Max Fischer Players, interprètent pour s'en convaincre), il est aussi curieusement en phase avec la personnalité de Max lui-même. Si on excepte le fait que dans le rêve le jeune homme est un génie des maths, ce qu'il est loin d'être, pour le reste, c'est toute sa personnalité qui s'y exprime: hautain, menteur (Il a inventé pour son père veuf un métier à la hauteur du standing de l'Académie, mais le brave homme est en réalité coiffeur), calculateur (Ô combien!), sur de ses effets, et détaché du monde tout en le contrôlant dans ses moindres détails... Wes Anderson, avec Fischer, a créé le premier de ses petits génies inadaptés. Et c'est un somptueux révélateur de tout un univers, fait cette fois d'enfance mal achevée, d'adolescence décalée, et de rêves enfouis. Il y a beaucoup de similitudes entre Max Fischer et Herman Blume, même si sur bien des points ils sont plus complémentaires que semblables. Pour autant, ils ont un certain nombre de points communs: par exemple, tous deux ne s'acceptent pas, même si leur façon d'y remédier est différente; Max invente un univers, et Herman boit, est odieux en public, etc... Ils partagent le même enthousiasme pour la marge, pour le talent qui ose au détriment du système. Et les personnages sont amoureux de la même femme... Le triangle, incarné par Jason Schwatrtzmann (Max), Bill Murray (Herman) et Olivia Williams (Rosemary Cross) est un ressort dramatique qui permet l'expression de bien des sentiments. La meilleure scène sans doute est celle qui voit Max tenter sa chance une dernière fois auprès de la jeune femme, s'introduisant chez elle sous un odieux prétexte. On y passe du burlesque aux larmes sans aucune impression de mélange, et toute la vérité d'un personnage y passe: Miss Cross le dit elle-même, son mari décédé était très proche de Max, mais il n'est pas interdit d'imaginer que devenu plus agé il aurait fini par ressembler à Herman...
Après Bottle Rocket, fait avec les moyens du bord, Anderson a bénéficié avec Touchstone de moyens conséquents, ce qui lui permet de donner enfin vie à son univers, ici centré sur l'excentrique Max Fischer. Contrairement à ce qui se pasera dans les films suivants, Anderson n'a pas encore étendu à tout et tout le monde la distortion ethétique si particulière de son monde graphique, seul Max Fischer apparait comme franchement décalé de notre monde. C'est en fait un univers proche du notre, mais dans lequel une personne ne tourne vraiment pas rond. Max a décidé une bonne fois pour toutes ce qu'il voulait faire toute sa vie: rester à Rushmore Academy. C'est donc l'histoire d'un être humain souhaitant plus que tout être accepté par le monde qui l'entoure, et se refusant à laisser le monde qui l'entoure fonctionner tout seul sans qu'il interfère en quoi que ce soit. Bref, c'est une histoire d'adolescence, parfois embarrassante, parfois drôle, souvent touchante, et profondément émouvante. Et Wes Anderson a même la gentillesse de nous laisser apprécier une évolution très positive: à la fin, Max, semble-t-il, accepte au moins partiellement de vivre pour les autres, et semble s'accepter lui-même.
Les deux premiers films de Wes Anderson ont le même titre, et pour cause: à l'origine, le cinéaste avait commencé à bricoler, avec ses copains les frères Wilson, un film indépendant en 16 mm noir et blanc qui n'avait pas vraiment pu se faire, et qui avait fini par être montré à Sundance, sous la forme d'un court métrage. Il contait les mésaventures de trois jeunes hommes, qui échaffaudaient des plans délirants afin de devenir des maîtres du crime... Et qui n'allaient pas vraiment plus loin que le cambriolage de la maison de l'un d'entre eux. Aucune méchanceté dans l'intention à la base, mais la forme courte qui était rappelons-le accidentelle avait fini par faire du film un objet bien plus cynique qu'il n'y parait puisque sa brièveté empêchait Anderson de véritablement développer le lien particulier, presque tendre entre les trois losers, interprétés par Owen Wilson, Luke Wilson et Robert Musgreave. Ces trois jeunes, obsédé par le crime, sont en fait de doux rêveurs...
Le long métrage produit par Columbia, et réalisé en couleurs, sorti en 1996, prolonge le court, tout en en reprenant l'essentiel: Dignan (Owen Wilson) et ses plans délirants, conçus pour être exécutés par des gens qui n'apporteront aucun changement au déroulement ultra-prévu déjà inscrit dans sa tête, est forcément un être dont la confrontation avec la réalité est douloureuse. Mais c'est pourtant Anthony (Luke Wilson) que Dignan va chercher dans une institution psychiatrique. Il a souhaité se retirer du monde: contrairement à Dignan, Anthony est celui qui a ouvert les yeux, au moins un peu, sur la vérité brutale: il ne sait pas ce qu'il fait sur terre. Enfin Bob (Robert Musgreave), un fils de riches, sait pourquoi il veut se rebeller: il vit dans l'ombre insupportable de son frère, une brute (Andrew Wilson) au surnom surdéterminé: on l'appelle 'Future Man'. Afin de s'élever, les trois compères montent un coup, en attaquant une librairie. Avec le maigre butin, ils prennent la fuite et vont voir s'effriter leur camaraderie dans un motel au milieu de nulle part, ou Anthony va tomber amoureux... Mais Dignan a d'autres plans: il souhaite convaincre le boss criminel local, M. Henry (James Caan), de l'engager afin de faire un coup...
Anderson a coutume de dire que ce film est celui de ses longs métrages qui divise le plus les commentateurs. C'est aussi le moins typique, même si son univers fait de décalage, de symétrie, d'une netteté graphique exceptionnelle et d'extrême lisibilité se met déjà en place. Surtout, ses personnages si complémentaires et si doués pour la tragi-comédie, sont de la même famille, de la même excentricité -surtout Dignan, il est vrai- que bien des protagonistes à venir. Et ce mélange de burlesque, de comédie de situation, de parodie de film de gangsters, et de road-movie au second degré est attachant par sa sensibilité toujours tendre et complice... La façon dont Dignan assume enfin sa condition à la fin du film, est en particulier très touchante.
Le cinéma de Wes Anderson passe depuis Rushmore, surtout, par la représentation d'un monde appréhendé de façon horizontale et latérale. Ses plans sont souvent organisés en fonction d'un mouvement de caméra de la gauche vers la droite (Mais pas exclusivement), représentant toute la longueur d'un aspect de l'univers dépeint: le bateau de The life aquatic, la grille et l'extérieur de la Rushmore academy, le train de The Darjeeling limited, la belle maison de The royal Tenenbaums et celles des voisins, et l'univers de cartoon de Fantastic Mr Fox, sans oublier bien sur le spot pour American express, avec le plateau de tournage parcouru par le metteur en scène dans un plan séquence qui prend 90% du métrage. Cette disposition est réutilisée ici, avec un fort accent sur le plan-séquence d'une part, et de façon répétée et systématique. Gageons qu'après avoir travaillé sur une film d'animation en volume, il était peut-être nécessaire à Anderson et ses acteurs de retrouver la liberté grâce à des plans-séquences...
Dans ce film ambitieux, en forme de retour aux fondamentaux, Anderson assisté de son co-scénariste Roman Coppola nous intéressent à un camp scout sur une île de nouvelle Angleterre, durant l'année 1965... Le souffre-douleur de la patrouille, Sam Shakusky, est parti un matin, et a rejoint une jeune fille, dont les parents avocats n'ont pas constaté la fugue: Suzy et Sam s'aiment, et ont élu l'autre pour accomplir leurs désirs romantiques... Mais l'histoire va vite se compliquer, puisque le chef de la patrouille décide de se saisir de l'affaire pour affirmer sa maîtrise de la situation, que le chef de la police locale a une liaison extra-conjugale avec la maman de Suzy, ce qui fait que les rapports entre les deux avocats se détériorent rapidement, les camarades de patrouille de Sam ont la mission de le ramener, mais pourraient bien en venir à lui faire la peau, et surtout les parents adoptifs de Sam ne veulent plus de lui... Pendant ce temps, les deux très jeunes tourtereaux s'apprivoisent, s'aiment, se découvrent, et s'inventent un monde à l'écart de toute cette agitation.
Tous les films d'Anderson font l'objet d'une crise ou du déroulement faussé d'un système: Bottle rocket raconte non seulement une tentative de coup d'éclat pour des apprenti-gangsters qui n'arriveront jamais à rien, Rushmore le comportement erratique d'un gamin inadapté pour exister dans le système scolaire qu'il s'est élu envers et contre tous, The Royal Tenenbaums la tentative de sabotage par un homme qui a quitté sa famille, du remariage de son ex-épouse, alors que ses enfants vivent tous une période grave de remise en question, The life aquatic with Steve Zissou analyse de quelle façon un homme devenu un héros se met soudain à douter de tout, de lui-même en particulier, et avec raison. Dans The Darjeeling limited, les trois héros subissent une crise identitaire et affective, une remise en question qui suit la mort de leur père; dans Fantastic Mr Fox enfin, les héros renard subissent tout à coup la remise en question de leur vie qui aurait du continuer comme toujours, sous l'influence d'un étranger qui est momentanément intégré à la famille... dans ce nouveau film, tout personnage a sa petite crise, de Ward (Edward Norton), le chef scout dépassé par les événements, au chef de la police locale (Bruce Willis), qui ne parvient pas à dépasser son amour sans issue pour une femme mariée (Frances Mc Dormand). Mais les deux héros sont jeunes, très jeunes... Et pourtant Wes Anderson n'a pas hésité à en faire les deux personnages les plus déterminés de tout l'ensemble, en allant jusqu'à faire une allusion à une possible vie sexuelle de façon assez frontale (On notera d'ailleurs que l'adultère de Willis et McDormand semble apparemment dénué de tournure physique, ce qui tend à rééquilibrer le fait que les deux petits passent clairement la nuit ensemble)... Ce n'est pas tout, le metteur en scène se permet même des flambées de violence, aussi symbolique soit-elle, perpétrée lors de la rencontre entre Sam et ses anciens camarades. D'un autre côté, le plus remonté d'entre eux, qui finira à l'hôpital, passe un certain temps en blouse de malade, avec une croix rouge qui le fit ressembler à s'y méprendre à un chevalier du KKK qui aurait oublié son ridicule chapeau pointu... Une façon comme une autre de prendre arti et d'inviter les spectateurs à faire de même, s'il en était besoin.
Mais le tout, qui finit bien, se pare des couleurs du conte, grâce aux dispositifs de mise en scène du réalisateur, grâce aussi à la tonalité très cartoon de l'ensemble, et comme toujours au jeu dénué d'excès d'émotion, et d'une savante énonciation décalée de clichés parfaitement assumés. Ce qui aurait pu être une série de provocations et la création facile d'un univers déjanté devient la sincère et poignante histoire d'un amour inattendu, et se pare facilement des couleurs déformées du souvenir, dont on s'empare au sortir de la salle, comme si chaque spectateur pouvait se dire: "cette histoire de 1965, j'ai l'impression de l'avoir vécue, il y a longtemps"...
Royal Tenenbaum est un dandy vieillissant, revenu de tout, et qui n'a rien réussi, traversant la vie en affichant un mépris souverain pour les règles et les convenances, détaché de sa famille qu'il voulait nombreuse, mais dont il n'a pas su éviter les crises: marié, il a eu deux enfants, et en a adopté une autre. Mais Chas, Richie et Margo ne se sont jamais remis de leur impressionnante précocité, pas plus sans doute de la fuite du domicile familial de leur père mis dehors par une épouse qui en avait marre de ses infidélités. Après avoir été respectivement un financier génial (Chas), un champion de tennis (Richie) et une dramaturge reconnue (Margo), tous ont commencé à s'essouffler, et le temps a fait le reste. Les cassures de leurs vies se sont symboliquement traduites par d'authentiques fêlures: Margo, qui s'est mariée à un médiocre psychologue dépassé par les événements et qui poursuit des ambitions étranges (Notamment écrire un livre sur un pré-ado imbécile), a perdu un doigt dans des circonstances étranges; Richie se coupe les cheveux (Qu'il porte longs depuis toujours, c'est un tennisman) avant de tenter de se suicider, et Chas ne met plus de costumes, il porte en permanence un jogging rouge qu'il impose aussi à ses deux garçons. Son épouse est décédée, et il a pris la décision de revenir au domicile familial.... C'est la période durant laquelle Royal revient lui aussi, en prétextant qu'il va mourir. Il a surtout envie d'empêcher Etheline, son épouse, de se remarier avec un homme qui lui, a réussi: Henry Sherman, en effet, est un homme du monde à succès. C'est le début d'une folle et chaotique période pour la famille Tenenbaum...
Le choix des acteurs, dans la famille Anderson (Luke et Owen Wilson, Bill Murray, Seymour Cassel) ou pas (Gene Hackman, Ben Stiller, Gwyneth Paltrow, Anjelica Huston pour sa première collaboration avec le cinéaste) est parfait. Chacun a su faire sienne la manière étrange, dénuée d'expression directe des émotions, de vivre les psychodrames, qu'on les personnages du petit cirque intime et burlesque du réalisateur. Le scénario, co-écrit avec Owen Wilson (qui s'est ménagé un rôle annexe, celui d'Eli, un voisin qui ambitionne de 'devenir un Tenenbaum'!) est en fait une variation sur les mécanismes de l'échec, la médiocrité après la puissance, la déconfiture, et le renfermement sur soi, qui réussit d'une part à être drôle, grâce à un savant univers de décalages en série (Les trois clones en jogging, les errances de Margo, en fourrure, qui promène son rictus Keatonien de cigarette en cigarette, les "souris dalmatiennes" qui envahissent la maison sans que personne ou presque n'y prête attention), et une légère exagération Lubitschienne. Surtout, la tendresse naturelle du metteur en scène revient mettre suffisamment de bon ordre la-dedans pour qu'on finisse par croire avoir assisté à une histoire édifiante. Ce film, l'un des meilleurs de son auteur, est une étape indispensable, un objet fascinant, dominé par le jeu sur les ambitions littéraires (Chaque personnage est présenté par un livre qu'il ou elle a écrit), et c'est un sacré roman...
Nous rencontrons l'océanographe Steve Zissou (Bill Murray) à un festival Italien, ou il présente son nouveau documentaire, partie intégrante de sa série The life aquatic with Steve Zissou: il tourne autour de la mort de son partenaire et ami Esteban (Seymour Cassel), disparu suite à une rencontre avec un animal que tout le monde croyait mythique: le requin jaguar. La suite des évènements est claire: Zissou est décidé à reprendre la route, afin de trouver le requin et venger son ami. Mais d'une part, le producteur (Michael Gambon) est dans une mauvaise passe, et d'autre part, le couple Steve et Eleanor (Anjelica Huston) bat de l'aile. Mais pour corser le tout, il y a deux nouveaux arrivants sur le bateau Belafonte: une journaliste assez caustique et enceinte jusqu'aux yeux (Cate Blanchett), et un jeune homme qui se prétend le fils illégitime de Steve, Ned Plimpton (Owen Wilson)...
La crise et ses conséquences, un thème cher et récurrent chez Anderson, prennent ici les couleurs saturées et irréelles des films kitschissimes de Steve Zissou, un enthousiaste de la mer qui reconnaît lui-même bâcler ses oeuvres, cuisinées dans le laboratoire autarcique qu'est le bateau Belafonte, dont Wes Anderson fidèle à ses petites habitudes nous présente une impressionnante vue en coupe. Belafonte, chanteur de... calypso, et un bonnet rouge pour toute l'équipe: Zissou est un démarquage de Cousteau, dont l 'enthousiasme boy-scout laisse ici la place à une série de doutes, et l'impression insistante d'un beau gâchis: en dépit de l'indéfectible soutien de membres de son équipe (Willem Dafoe, formidable), du triomphe fait par le festival Italien dont Zissou est supposé être l'invité, le fait est que Zissou est en décalage constant. L'envie d'Eleanor de prendre le large après trop d'infidélités, le fait que le producteur soit marron, et l'arrivée inopinée d'un fils venu de nulle part, et d'une journaliste qui ne mâche pas ses mots, viennent s'ajouter à la mort traumatique d'Esteban.
Esteban? Steve? Ne cherchons pas plus loin: C'est de lui-même que le personnage principal doit apprendre à faire son deuil. Le film s'ouvre effectivement, via la comédie, sur la mort du double de Steve, celui des années d'insouciance, dernier vestige sans doute de la jeunesse du héros... Et bien sur, Anderson finit par montrer d'une part la mort du fils choisi, Ned, traumatisme plus vivace encore, et l'abandon de la vengeance: Zissou est un homme qui n'arrive pas à faire face à la mort, et peine à dire adieu à ce qu'il a été si longtemps, que ce soit ou non caricatural... La politesse de l'absurde, le sel de la parodie dans ce qui est sans doute le plus excentrique de tous les films d'Anderson, n'y font rien: il y est question d'une crise énorme dans la vie d'un homme. Tout renvoie à lui, y compris son ennemi, sorte de négatif parfait de Zissou: lui aussi océanographe imbu de lui-même, Hennessey (Jeff Goldblum) laisse son nom sur tous les objets qui l'entourent, mais de façon plus professionnelle. Il a lui aussi été le mari d'Eleanor, mais est forcément en proie au doute, de son propre aveu: il se présente comme "en partie gay". A la fin du film, il est sauvé par Zissou, et devient un membre de sa petite troupe, au moins symboliquement.
Zissou, donc atteint par l'age, s'interroge sur sa vraie place, sur le sens de toutes ces babioles et billevesées, de ces costumes et de ces coutumes, survivances d'années d'autarcie sur un bateau irréel, avec ses deux dauphins cameramen... il part à la recherche d'un Moby dick, cet improbable "requin jaguar" aussi irréel et bizarroïde que tous les animaux animés pour ce film (Par une équipe dirigée par Henry Selick), et se trouve en chemin, changé, plus à l'aise avec lui même après avoir affronté quelques dragons. Un héros de Wes Anderson, en somme. Restent quelques particularités à ce film, qui prend occasionnellement l'apparence d'un des documentaires mal fichus de Zissou, et tente même lors d'une tentative de sauvetage épique, de se métamorphoser en film d'action, sans qu'aucun de ses personnages ne se départisse de son absence de sentiments apparents... Sinon, bien sur, on peut essayer de résoudre deux énigmes: pourquoi Anne-Marie, la scripte de Zissou, doit-elle passer les 45 premières minutes du film topless? Et ce, en toute circonstances... Pourquoi enfin Pelé (Seu Jorge), l'un des assistants de zissou, chante-t-il en permanence du Bowie.... en Portugais? Remarquez, concernant David Bowie, c'est un exemple d'artiste polymorphe, qui a tout fait, tout vécu... et pourtant il n'est toujours pas lessivé. Comme Zissou? J'ose à peine l'écrire.