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29 octobre 2024 2 29 /10 /octobre /2024 14:59

Le remake de ce ilm par William Wellman est tellement fidèle, qu'il me semble approprié de répéter les contours de l'intrigue:

L'action commence autour d'un fort en plein désert, qui vient de subir une attaque. Quand les secours arrivent, on constate que tous les soldats au remparts sont les cadavres de la garnison. Il y a juste eu un coup de feu, qui l'a tiré? L'officier en charge examine les lieux, découvre des étrangetés: un cadavre qui tient une mystérieuse lettre dans sa main, s'accusant d'un crime, et aucune trace du mystérieux tireur... Quand il quitte le fort pour retrouver la troupe, un feu se déclare dans le fort.

Quinze années auparavant, nous faisons la connaissance des trois orphelins Geste: Beau, Digby et John, qui ont été adoptés ensemble... Une étrange affaire se déroule en leur présence, un bijou à la valeur inestimable a été dérobé. Chacun d'entre eux peut être soupçonné, Beau (Ronald Colman) décide de partir le premier, pour éviter que ses deux frères soient suspects. Digby (Neil hamilton) part ensuite et enfin John (Ralph Forbes): ils vont tous s'engager dans la légion étrangère française...

C'est de l'aventure telle qu'elle se concevait entre la fin du XIXe siècle, et les quarante premières années du XXe.  Une aventure dominée dans la plupart des fictions par l'image tutélaire de l'Angleterre, des comportements héroïques plus grands que nature, incarnés ici par trois frères dont l'amour les uns pour les autres "est plus fort que la peur de la mort"... Une aventure qui ne pouvait s'accomplir que dans des endroits reculés, forcément exotiques: le contexte de la légion Etrangère permet le recours au Sahara, et à ses mystérieux Touaregs, enveloppés d'un flou artistique savamment entretenu en même temps que d'étoffes protectrices... Le désert et ses batailles ensablées deviennent les éléments décoratifs d'une aventure absolue, enfermée à la fois dans le destin fatal de ses protagonistes, et dans les clichés sagement accumulés pour satisfaire le spectateur venu les chercher dans les salles obscures. Mais comme de juste, cette aventure rocambolesque qui commence par la disparition mystérieuse (et qui ne sera élucidée qu'à la fin) d'un bijou, est en fait construite, d'une certaine façon... sur du vide.

C'est donc un film extrêmement bien fait, par un orfèvre en la matière. Brenon n'était sans doute pas l'un des plus importants metteurs en scènes Américains du temps du muet, ni l'un des plus inventifs. Mais il savait ce qu'il faisait, et son savoir-faire combiné à, semble-t-il, un certain autoritarisme, débouchent à l'écran sur du particulièrement solide!

Et puis, dans cette histoire certes convenue, on aura le plaisir de revoir des acteurs de premier plan et des seconds rôles qui ne sont pas n'importe qui: Ronald Colman, Noah Beery (en officier qui aurait sans aucun état d'âme pu commander le Bounty!), Victor McLaglen, et l'inévitable William Powell en félon... Classique.

 

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Published by François Massarelli - dans William Powell Herbert Brenon Muet 1926 *
18 août 2024 7 18 /08 /août /2024 19:12

Gar Evans (William Powell) est un homme de son temps: lessivé, enclin à la débrouille, il se laisse aller aux opportunités les plus inattendues, devenant en un clin d'oeil un homme d'affaire qui saute sur les inventions les plus saugrenues pour les présenter comme les idées les plus géniales possibles: sa dernière lubie est un caoutchouc supposé révolutionnaire, fabriqué à partir de déchets... Il a ses ennemis, mais aussi ses soutiens: parmi ces derniers, Francine (Evelyn Brent) est en passe de devenir son ennemie, car elle en a plus qu'assez de ses frasques. Mais si elle le lâche, il ne sera plus bon à rien...

William Powell en vendeur de tout et de n'importe quoi, habité par le démon de l'entreprise... Rien que ça c'est vendeur, et il se déchaîne... Mais le film reste quand même une oeuvre mineure, surtout qu'à l'époque et en quatre films, Mervyn Le Roy (Gold diggers of 1933, Little Caesar, Three on a match et I am a fugitive from a chain gang) avait admirablement résumé la période et ses incertitudes... 

Mais au-delà du pittoresque de la comédie et du faux suspense (Gar Evans va-t-il être rattrappé par la réalité? Va-t-il voir ses affaires péricliter lamentablement? La réponse à ces deux questions est assez évidente!), le film séduit par le grand n'importe quoi, le cirque de Powell, qui rejoint ici d'autres héros de la Warner, de William Powell lui même dans Fashions of 1934, de William Dieterle, à James Cagney dans Jimmy the gent, de Michael Curtiz, qui sont autant de sympathiques fripouilles qui tentent de surnager avec comme principe "plus c'est gros, plus ça passera"... Une sorte de portrait en creux d'une époque de grande débrouille, qui masque surtout une grande incertitude: tous les personnages, ici, ont une visibilité sur leur vie qui ne va pas au-delà de six mois...

C'est plus cet aspect du film qui le rend sympathique, que l'absence totale d'alchimie entre Evelyn Brent et William Powell...

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Published by François Massarelli - dans Mervyn Le Roy Pre-code William Powell
4 août 2024 7 04 /08 /août /2024 10:16

Sur un paquebot qui fait route vers Singapour, le playboy Hugh Dawltry (William Powell) rencontre une jeune femme, Philippa (Doris Kenyon), qui ne se laisse pas approcher... Elle est en partance vers son mariage avec le médecin George March (Louis Calhern), un chirurgien tellement accaparé par son métier que très vite, Philippa repense à l'homme qu'elle a croisé...

C'est la deuxième incarnation de William Powell, après ses rôles de méchant à répétition au temps du muet; si le rôle de Philo Vance pour Paramount (trois films) allait précipiter une autre mutation de ses personnages, ce type de film dans lequel il incarnait un playoboy irrésistible allait quand même beaucoup marcher! Une formule qui est ici intéressante, car elle provoque un conflit interne entre le ton, délibérément léger, de comédie (le pauvre George, qui n'a rien compris aux aspirations sensuelles de son épouse, ou encore la petite soeur délurée interprétée sans grande imagination par Marian Marsh), et la sensualité de la fable exotique...

Une scène en particulier est frappante, et a donné lieu à une mise en scène très élaborée: délaissée une fois de plus dans un des lits jumeaux (!) par son mari, Philippa se laisse aller à une rêverie érotique, sur la terrasse de son bungalow, alors qu'à 100 mètres, le voisin Hugh Dawltry semble partager ce moment. Green a utilisé avec bonheur des maquettes pour créer un plan séquence qui montre la caméra s'éloigner d'elle pour le rejoindre lui...

Doris Kenyon, qui était dans le métier depuis un certain temps (elle a tourné pour Alice Guy en 1916!), est une intéressante héroïne pré-code, dont l'érotisme est réel. Dommage que sa carrière n'ait pas pu être relancée au delà de quelques rôles...

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Published by François Massarelli - dans William Powell Alfred E. Green Pre-code
7 juin 2024 5 07 /06 /juin /2024 18:52

Un agent de change plus ou moins corrompu est assassiné dans sa maison, lors d’une réception. Il se trouve que le procureur Markham, un ami du défunt, avait amené une connaissance, Philo Vance (William Powell), dandy, homme du monde, et… détective amateur.

Sans doute le moins intéressant des trois films Paramount avec William Powell, celui-ci est situé dans le milieu de la finance, entre corruption et gangstérisme… Un montage particulièrement adroit, au début, présente aussi les conséquences d’un krach boursier… Une façon comme une autre de laisser l’actualité rattraper le film!

Pour le reste, William Powell est fidèle à lui-même, et il est toujours flanqué d’Eugene Palette, qui n’a pas son pareil pour incarner un sergent obtus, qui voit l’intégralité de l’affaire se dérouler sous ses yeux… avec un train de retard. Avec ses allusions, la présence d’alcool en pleine prohibition et celle d’un authentique bandit parmi les protagonistes, c’est aussi celui des trois qui se conforme le plus au climat des films pré-code.

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Published by François Massarelli - dans William Powell Pre-code
7 juin 2024 5 07 /06 /juin /2024 18:47
La famille Greene vit dans un vieux manoir, où tous les membres se boudent avec application : la vieille mère est absolument persuadée que tous ses enfants n’attendent que sa mort, les deux filles se jalousent mutuellement, les deux fils, des oisifs, affichent une inutilité de concours… Bref, c’est à mourir. D’ailleurs, ça va commencer par l’un des deux fils. Qui l’a tué ? Heureusement que le procureur Markham, en charge de l’enquête, est copain avec Philo Vance (William Powell).
C’est tout un style, déjà en place grâce à The Canary Murder Case : établir un univers, fait de médiocrité et de ressentiment, y introduire subrepticement un meurtre, illogique et même absurde, puis multiplier les morts violentes jusqu’à ce que Philo Vance, presque sans sourciller, n’assène la vérité. En attendant, le jeu de massacre est inévitable. C’est d’ailleurs pire que dans le film précédent, puisqu’ici, tout le monde se déteste et bien entendu sans la moindre cordialité.
C’est un petit film très soigné, qui gagne de l’idée de l’avoir situé dans une vieille demeure familiale… Le lieu est gorgé de caractère et le film se joue aussi du fait qu’il est situé en hiver, avec l’omniprésence de la neige, et du froid, qui vont tous deux jouer un rôle fondamental dans le dénouement…
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Published by François Massarelli - dans Pre-code William Powell
6 juin 2024 4 06 /06 /juin /2024 19:01

Le "Canari" a été tué... cette artiste de Music-hall s'appelait en réalité Margaret O'Dell (Louise Brooks) et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle avait des "amis", des riches ou moins riches hommes qui la couvaient de leurs affections... Et qui dit amis, dit aussi ennemi(e)s... Qui, donc, a tué le Canari? La police étant perdue, c'est Philo Vance (William Powell) qui mène l'enquête...

On n'a pas vraiment vu ce genre d'intrigue à l'époque du muet, le film policier de déduction semble taillé sur mesure pour le parlant! Et justement, ce film a été tourné en muet avant que la décision ne soit prise d'en faire un film totalement parlant. Pour la plupart des acteurs ça a pu être fait sans aucn problème... Pour Louise Brooks en revanche, c'était plus compliqué.

D'une part, le studio n'a jamais vraiment su quoi faire d'elle: seconde rôle, utilité, ou comme ici victime d'un meurtre, et donc condamnée à disparaître à la deuxième bobine. Ensuite, elle a eu l'outrecuidance de demander une augmentation. Qui lui a été refusée aussi sec... Enfin elle a refusé de renouveler son contrat et est donc partie pour l'Allemagne où elle a tourné quasiment sans attendre, dès son arrivée, le film Die Büchse der Pandora pour Pabst. Ne la revoyant pas venir pour retourner ou post-synchroniser ses scènes, le studio l'a remplacée pour des retakes (de dos) et un travail de doublage, par Margaret Livingston... ce travail de chirurgie de précision a été effectué par Frank Tuttle...

C'est un film hybride, aux images qui sont très proches d el'atmosphère du muet, mais avec des dialogues. On appréciera le fait qu'un film parlant de 1929 soit aussi soigné au niveau de sa mise en scène, mais le parlant des premiers temps est, inévitablement, daté... Surtout avec l'absence totale de musique, évidemment. William Powell, qui sortait enfin de ses rôles de villain magniifique, est excellent, bien sûr, mais Louise Brooks illumine l'écran sous l'objectif de Harry Fishbeck.

 

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Published by François Massarelli - dans Mal St.Clair Pre-code William Powell Louise Brooks
30 décembre 2023 6 30 /12 /décembre /2023 14:38

La vie de Florenz Ziegfeld (William Powell), célèbre entrepreneur de spectacles, depuis ses débuts en tant qu'aboyeur de foires, jusqu'à sa mort, fêté par tous, un modèle enviable, créateur d'une institution, découvreur de talents... et surtout un homme ruiné jusqu'à son dernier cent par la crise de 1929.

Ziegfeld, c'est un symbole avant tout, un homme qui en tant que tel n'a aucun talent artistique, mais sait parfaitement repérer celui des autres, y compris quand il est potentiel... Et c'est d'autant plus paradoxal que lors de l'élaboration de ce film, on se souvenait sans doute plus de ses échecs que de ses réussites.

Mais voilà: Ziegfeld, c'est aussi l'une des sources du cinéma Américain (les acteurs qui ont transité par lui avant de faire carrière à l'écran forment une troupe impressionnante), et l'un des inspirateurs du virage pris à l'arrivée du cinéma sonore: tant de musicals lui doivent tant, il fallait bien qu'un studio s'empare du bonhomme, et de sa vision d'un rêve Américain, que le cinéma a fini par sacraliser autour du spectacle: les musicals de la Warner (1933-1935), A star is born (quatre versions, entre 1937 et 2018) et beaucoup de films musicaux ou non tournés depuis, ont perpétré cette idée que le monde du spectacle, avec ces entreprises pharaoniques et destinées à n'exister qu'une saison, en faisant le plus de bruit possible, était l'incarnation même de la réussite Américaine, ouverte à tous, mais dont l'accomplissement reste limité aux plus chanceux...

Pour incarner Ziegfeld, William Powell, capable d'incarner dans sa vie aussi bien des bandits inquiétants (à l'époque du muet), des détectives surdoués, excentriques et débonnaires (Nick et Nora Charles, mais aussi Philo Vance), des personnages profondément romantiques (One way passage), des hommes de loi intransigeants mais humains (Manhattan Melodrama), des pères de famille (Life with father) ou tout simplement de braves hommes du monde, élégants et jamais dénués d'humour (l'ensemble de sa carrière parlante): un choix parfait, d'autant plus parfait d'ailleurs qu'il est impossible après avoir vu ce film d'imaginer Ziegfeld autrement qu'incarné par lui. Autour de lui, on trouvera Frank Morgan dans le rôle d'un ami (l'impresario jack Billings) qui est, clairement, sous le charme: constamment concurrents, les deux hommes s'apprécient, et Billings ne résiste jamais très longtemps au rouleau-compresseur de Ziegfeld; Anna Held, la première épouse, est incarnée avec maestria par Luise Rainer, alors que Myrna Loy interprète tout en douceur, pour la dernière heure du film, la deuxième épouse l'actrice Billie Burke. D'autres célébrités (Eddie Cantor, Will Rogers) sont incarnés par des acteurs, avec une certaine efficacité. La comédienne et chanteuse Fanny Brice, de son côté, se joue elle-même... De quoi donner une certaine authenticité au film.

Et puis, finalement, ce que voulait la MGM, qui a tout mis dans ce film, qui a l'outrecuidance de durer plus de 3 heures (ce qui est rare à l'époque, très rare dans le cinéma Américain depuis Intolerance), c'était la reconnaissance des autres, pour ne pas dire la domination sur les autres. Irving Thalberg entendait placer le studio à la tête de la pyramide du cinéma Américain; Louis B. Mayer qui était persuadé que son studio était le champion toute catégorie du cinéma familial (ily a cru toute sa vie, le pauvre), voulait le prouver par un film imperméable à tout: et tant qu'à faire, on pouvait ajouter dans la recette des numéros musicaux spectaculaires... dont un qui est probablement l'un des plus hallucinants plans-séquences de l'histoire. 

Et ce que tout ce petit monde voulait, cyniquement, c'était un deuxième Oscar du meilleur film consécutif après celui de 1936. Pari tenu, donc... mais il n'yaurait pas de troisième, puisqu'en 1938 c'est la Warner qui raflerait la mise. Oui, dit comme ça, c'est tellement plus terre-à-terre, non? En attendant, ce n'est pas le meilleur film de tous les temps, ni même celui de 1936-1937. Mais c'est totalement distrayant!

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Published by François Massarelli - dans William Powell Robert Z. Leonard
13 mai 2023 6 13 /05 /mai /2023 20:55

Dan (William Powell), un prisonnier évadé, se trouve dans un bar à Hong-Kong: il a tué un homme, un bandit redoutable, mais la loi est la loi, et son évasion a eu lieu durant son transfert vers la prison de San Quentin où il était prévu de l'exécuter.

Joan (Kay Francis), une belle dame de la haute société de San Francisco, voyage en extrême orient pour oublier son destin: atteinte d'un mal incurable, elle n'en a que pour quelques mois, quelques semaines même si elle continue. Elle se trouve dans un bar, à Hong-Kong...

Les deux se retournent et se retrouvent nez à nez l'un avec l'autre, condamnés au coup de foudre... Dès le lendemain, ils seront sur le même bateau, en route chacun vers son destin, l'une flanquée d'un médecin qui se désespère de voir sa patiente aux prises avec des émotions qui pourraient la tuer, l'autre accompagné d'un policier embarrassé de devoir accompagner Dan jsqu'à sa mort programmée. 

Ce n'était pas la première fois qu'un film réunissait Kay Francis et William Powell, dont l'alchimie était rendue évidente par leur capacité à évoluer aussi bien dans la fantaisie que dans les sentiments. Mais ici, c'est le souffle romantique qui gagne, rendu d'autant plus poignant par le fait que chacun des personnages est non seulement condamné, mais en plus a décidé de le cacher à l'autre... Il en ressort une impression d'urgence, dont Garnett a l'élégance de la rendre très subliminale. Mais quand ils se rencontrent, aucun doute possible: nous savons que nous avons assisté à un coup de foudre, dont le motif des deux verres cassés (qui permettra d'ailleurs quelques gags) sera un écho jusqu'à la toute fin du film.

Le film repose totalement sur l'alchimie entre les deux personnages, mais aussi sur leur talent propre, singulièrement; on a rarement vu Kay Francis utiliser autant le magnétisme de son regard sans pour autant tomber dans le cliché, ou William Powell suggérer la gravité sous-jacente avec aussi peu d'efforts.

On repose ici sur une tradition tellement ancrée dans les années 30 qu'elle serait presque un genre à part entière, celle du film de croisière... a ces deux personnages mentionnés plus haut, et ce brave policier sentimental incarné par Warren Hymer, viennent s'ajouter deux personnages qui à la fois aident l'intrigue, et la saupoudrent d'une dose de comédie: un pickpocket alcoolique (Frank McHugh), qui va contribuer à des tentatives de sauver Dan, et une fausse comtesse (Aline Mac-Mahon) dans un de ses rôles les plus touchants. Le tout enveloppé dans la classe des productions de la Warner des années pré-code, et en prime le film ne dure que 67 minutes... 

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code William Powell
16 mai 2021 7 16 /05 /mai /2021 10:11

C'est un film plusieurs fois paradoxal: à la fois un film de prestige et un tournage bâclé, un casting prestigieux et une note en bas de page de la plupart des filmographies de ses protagonistes, un film de John Ford ET un film de Mervyn Le Roy... Avec avantage évident au premier, mais ce n'est pas clair...

Le film conte la vie sans enjeu à bord d'un bateau stationné dans le Pacifique, sous la responsabilité d'un capitaine despotique (James Cagney) et détesté de tous: l'équipage, mais aussi son lieutenant Doug Roberts (Henry Fonda), le médecin du bord (William Powell) et un jeune officier qui en quatorze mois a réussi à éviter de croiser son supérieur tellement il lui fait peur (Jack Lemmon)... Roberts reste la mascotte de l'équipage, à force de faire tampon entre les hommes et leur capitaine... Pourtant il souhaite ardemment quitter le navire, non seulement pour échapper à son officier, mais surtout parce qu'il souhaite faire son travail de soldat, ce que la vie indolente du bateau ne lui permet pas de faire. Seulement, en conflit permanent, le capitaine refuse de l'aider à se faire muter.

Le tournage n'a pas été de tout repos: Ford a, paraît-il, été infect sur le plateau, en cherchant constamment des poux dans la tête de Fonda et surtout de Cagney. Pour Fonda, on peut sans doute l'expliquer, puisque le réalisateur vétéran le considérait, comme John Wayne, comme une de ses propres créations à tort ou a raison, et appréciait sans doute peu le fait d'avoir été engagé sur un projet qui venait de l'acteur. Ca ne justifie en rien, mais ça explique... Pour Cagney, en revanche, ça a l'air particulièrement gratuit, et l'acteur ne s'est pas gêné pour opposer une fermeté face à son metteur en scène, que Ford a rarement eu face à lui... Au final, Ford a quitté le plateau, d'autant qu'il était sujet à de sérieux ennuis de santé. Deux metteurs en scène l'ont remplacé, Mervyn Le Roy (qui selon ses dires à imité le style de Ford!) et Joshua Logan, auteur de la pièce, qui a retourné des scènes à la demande de Fonda.

Le résultat porte deux empreintes: une, anonyme, qui peut être aussi bien celle de Logan que de Le Roy, puisqu'il s'agit d'une stricte tendance à filmer les acteurs récitant le texte de la pièce (Le Roy avait tendance à le faire à cette période). On s'apprête à bailler, mais... Fonda, Powell, Cagney, Lemmon. L'autre marque stylistique est du pur Ford: des premières prises, bonnes ou mauvaises, remplies de santé comme pétries de menues erreurs techniques, assez typiques de ce que le vieux réalisateur pouvait faire y compris dans des projets plus personnels (il y a de éléments de ce genre y compris dans The searchers)... Et il y a des moments où certains acteurs, Fonda en particulier, sont de façon évidente saouls. C'est donc du Ford, brut, mal poli, grossier et sans filtre. Y compris, donc, quand c'est du Le Roy imitant Ford!

Pourtant, dans cette comédie de caractères, située sur un bateau en plein Pacifique, il y avait vraiment de quoi attirer le metteur en scène: c'est l'univers dont il se réclamait, et ça se voit aussi dans la façon dont il a mis en valeur les anecdotes pendables, les farces, les resquillages de toutes sortes sur le bateau, où désobéir devient un art. Le temps devient suspendu comme dans la vie au fort dans les films du cycle de la cavalerie... Ford, qui tenait son passage dans la Marine comme le point culminant de sa vie, a quand même du apprécier un peu ce tournage.

Après, tout est affaire de goût: bien sûr que c'est un film mineur, ce n'est pas pour autant un film indigne (il y en a chez Ford, ils s'appellent What price Glory? avec... James Cagney, et The rising of the moon, qui est l'un des pires moments de sa carrière): on y retrouve cet univers foutraque et sympathique, ce sentimentalisme aviné, ce refus de la sophistication qu'on trouve dans tant de ses films. Et puis... il y a Ward Bond, Harry Carey Jr, Jack Pennick et Ken Curtis! 

Lemmon y a gagné ses galons de future vedette, Fonda y fait des adieux probablement très douloureux à son mentor et ami John Ford, et William Powell y fait ses adieux au cinéma avant de prendre une authentique retraite bien méritée... Ce n'est pas rien.

 

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Published by François Massarelli - dans James Cagney John Ford Mervyn Le Roy Comédie William Powell
2 janvier 2021 6 02 /01 /janvier /2021 09:03

La direction du New York Evening Star est en émoi: ils viennent juste de laisser sortir de presse un nouveau numéro avec une fausse nouvelle, un article rédigé par un journaliste qui a oublié de vérifier si les ragots qu'il publiait étaient fondés... Ils ne l'étaient pas, et la victime, la jeune femme de la très bonne société Constance Allenbury (Myrna Loy) a décidé de faire un procès pour l'exemple à hauteur de sept millions de dollars. La mission de Warren Haggerty (Spencer Tracy), le rédacteur en chef, est de trouver un moyen de sauver le journal, sachant que toute négociation directe avec la jeune femme et surtout avec son père (Walter Connolly) est impossible, ce dernier ayant été trop souvent la cible gratuite de leur publication...

La solution viendra finalement d'une idée simple, mais ô combien tordue moralement: mettre dans les jambes de la jeune femme un homme marié afin d'avoir un vrai scandale qui accréditerait les ragots sur elle. C'est à un journaliste sans trop de scrupules, et au compte en banque sérieusement dans le besoin, qu'on fait appel, William Chandler (William Powell); et pour lui confier une épouse, il doit se marier instantanément avec la propre fiancée de Haggerty, Gladys (Jean Harlow)...

Forcément, William Powell et Myrna Loy... Ils sont destinés à finir ensemble, et c'est que le public attend: le film évite une erreur que feront la Warner et Michael Curtiz lorsque Errol Flynn et Olivia de Havilland ne finiront pas en couple! Mais pour parvenir à leurs fins, que de tractations, de situations compliquées et savoureuses... C'est un modèle de comédie, digne représentant de la "screwball comedy" des années trente, mis en scène avec un solide savoir-faire par le vétéran Jack Conway. Bien sûr que le studio a énormément misé sur l'impressionnant casting, mais qui les en blâmera?

La dynamique repose sur quatre duos principalement: Spencer Tracy dans une rivalité agressive avec William Powell, Tracy et Jean Harlow qui sont tous les deux formidables en combinards aguerris (et Jean Harlow, enfin, es excellente, ce qui n'a pas souvent été le cas auparavant!), Powell et Harlow en vrai-faux jeunes mariés apportent une formidable dynamique à l'ensemble, et enfin, le couple romantique Powell-Loy bénéficie du timing impeccable des deux comédiens, et bien sûr du subtil talent comique de l'actrice. Si on ajoute la façon adroite dont tout ce beau monde réussit à jongler avec le scabreux, l'excellence de Walter Connolly, et le talent de William Powell pour la comédie physique, lui qui assume la charge d'un combat homérique contre une truite récalcitrante, on n'aura plus à avouer qu'on est comblé:

On est comblé.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie William Powell