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29 mai 2024 3 29 /05 /mai /2024 11:52

Une troupe d'acteurs Kabuki arrive sur une petite ville au bord de la mer. Le patron de la troupe, Kihachi, profite du séjour pour aller visiter son ancienne maîtresse, qui a eu un fils de lui. Celui-ci ignore tout de sa véritable filiation. Il a pris l'habitude de considérer Kihachi comme un oncle distant... Mais l'une des actrices de la troupe va provoquer un conflit dans cette fragile "famille" en séduisant le jeune homme...

Le film est souvent considéré comme une comédie, mais quelle amertume dans le destin de ces "herbes flottantes"... Bien sûr, ce sont les comédiens, qui se rendent en train de ville en ville et vivent sans jamais pouvoir totalement s'attacher. Mais si la troupe est probablement assez ancienne, on voit que les jeux de pouvoir et de rivalité ont fini par miner la bonne entente, et Kihachi accuse le coup. C'est la deuxième fois que Takeshi Sakamoto incarne un personnage de ce nom, et il est bien différent de son précédent avatar. Inquiet, amer, il semble arrivé au bout de ses chances de bonheur...

Le film est en même temps que cette chronique de l'amertume, un portrait triste mais tendre et vibrant, d'une profession sinon de ses membres, au vu des chicanes et de l'ambiance délétère de la troupe... Le cinéaste se plait à montrer ses acteurs dansles coulisses, en désacralisant avec humour la magie du spectacle. Il oppose aussi à Kihachi et son ménage secret, un acteur qui est le père d'un petit comédien, qui donne un écho burlesque à la situation principale, un enfant glouton, à l'hygiène déplorable (soulignée avec insistance par Ozu comme il le faisait tant)...

Le film, incidemment, est à la fois un remake officieux du film The barker de George Fitzmaurice, et la source d'un autre film d'Ozu, sorti en 1959 (et en très belles couleurs), intitulé cette fois simplement Herbes flottantes...

 

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Published by François Massarelli - dans Yasujiro Ozu 1934 Muet ** Criterion
20 mai 2024 1 20 /05 /mai /2024 16:02

Kihachi (Takeshi Sakamoto) et Jiro (Den Obinata) sont deux amis, des ouvriers d'une distillerie. Kihachi vit avec son fils, Tomio, qui est probablement plus mûr que lui! Les deux amis rencontrent une jeune femme, Harue (Nobuko Fushimi), et commencent donc à développer une rivalité amoureuse. Si Kihach a tendance à jouer à fond la carte du père célibataire, il se le voit aussi beaucoup reprocher...

Le personnage de Kihachi reviendra dans un certain nombre des dernières comédies muettes d'Ozu, interprétées par le même acteur. Le metteur en scène, qui a pourtant toujours été assez versatile dans cette période, commence à stabiliser son art autour de la comédie familiale, douce-amère, et le personnage bourru, mal dégrossi, même vulgaire (il préfigure presque le paysan devenu soit-disant amouraï par dépit, incarné par Toshiro Mifune dans Les sept Samouraïs de Kurosawa...) incarne parfaitement son idéal comique: un personnage de rustre, interdit de sophistication, mais pour lequel la famille est la plus importante chose du monde, et son fils en est le centre...

Mais la comédie, justement, est saupoudrée dans le film, grâce évidemment au comportement grossier mais lunaire de Kahichi, qui est assez clairement inspiré de Chaplin; et Ozu multiplie les gags, comme ces merveilleuses séquences au début du film, qui nous montre des contagions de comportements (un type d'humour qu'adoraient Chaplin, Stan Laurel et Jacques Tati): trois amis pendant une soirée théâtrale se refilent un porte-monnaire vide comme un sparadrap dont on n'arrive pas à se débarrasser, puis l'un d'entre eux, qui se gratte en permanence, semble semer ses bestioles à toute l'assemblée!

 

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Published by François Massarelli - dans Yasujiro Ozu Criterion * Muet 1933
12 mai 2024 7 12 /05 /mai /2024 12:30

Le film majeur d'Ozu, en cette année 1933, est sans doute le plus représentatif des qualités, du style et peut-être aussi des limitations, largement liées à la censure Japonaise, des films muets du metteur en scène...

Sa fascination du film de gangsters, clairement, est le plus important aspect de son amour du cinéma américain, et ce n'a jamais été aussi évident que dans ce film, situé dans un Tokyo  contemporain (pour l'époque du tournage évidemment), entre le monde de la journée (le travail des employés de bureau, dont la secrétaire Tokiko interprétée par Kinuyo Tanaka), et le monde de la nuit, qui est dominé par la pègre, et notamment Joji (Joji Oka), un chef de gang: c'est le petit ami de Tokiko, et s'il est évident qu'il est le leader d'un groupe de malfaiteurs, il dirige aussi un club de boxe. On le verra peu dans l'action d'un gangster: il fait attendre la dernière bobine pour le voir en action...

L'intrigue tourne autour de la jalousie de Tokiko, qui surveille de près son Joji, peu enclin à se modérer quand il croise une jolie fille. Lorsque Joji engage un étudiant, Hiroshi (Koji Mitsui), la soeur de celui-ci, une jeune femme très comme il faut Kazuko (Sumiko Mizukubo) l'attire de façon évidente... Tokiko, elle même à cheval entre les deux mondes, est tiraillée entre sa sympathie pour le sacrifice de Kazuko qui voit son frère glisser vers la criminalité, et sa jalousie à l'égard de la jeune femme...

Une bonne part du film se situe dans les bars, les clubs de billard et les clubs de boxe et bien sûr la nuit. On y verra un monde dont les traditions du Japon semblent absentes, et les vêtements, les attitudes, le décor (les affiches de films occidentaux sont partout, comme d'habitude), tout renvoie à une image sublimée d'une certaine idée du cinéma occidental... A côté, Kazuko, avec ses kimonos, incarne un type de personnage courant chez Ozu à cette époque, la jeune femme virginale et effacée derrière un homme, ici en l'occurrence ce sera son frère...

C'est par ce dernier, décidément une erreur de casting pour le gangster Joji, que le film se précipitera dans une action criminelle, d'une part, et c'ets aussi lui qui révélera qui et le centre de ce film, en l'occurrence Tokiko, une figure tragique pour son amour sans fin. 

Totalemet irréaliste, probablement, inspiré d'une vision du monde située clairement uniquement dans l'esprit de son metteur en scène (un peu à la façon décalée dont Sergio Leone voyait la conquête de l'ouest dans ses westerns), le film est aussi très différent de son cinéma austère des années 50, avec des idées stylistiques constantes, des angles de caméra notables, des mouvements de caméra aussi, qui renvoient une fois de plus à ce cinéma de 1927/ 1928 dont le cinéaste s'abreuvait...

Et une fois de plus, Ozu questionne ici les valeurs Japonaises traditionnelles, à travers ces personnages de femmes qui doivent choisir entre deux voies contradictoires, ces gangsters à l'Américaine qui passent finalement plus de temps à paraître être des gangsters, qu'à commettre de mauvaises actions... Fasciné, il oppose le cheminement à petits pas de Kazuko, et les robes élégantes de Tokiko, mais ce sont deux femmes Japonaises, prises au piège des hommes et de leur morale conquérante, qu'ils soient gangsters, étudiants... ou chef d'entreprise.

 

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Published by François Massarelli - dans * Yasujiro Ozu Muet Noir
23 décembre 2021 4 23 /12 /décembre /2021 09:21

C'est une épure, un film de complément de programme qui ne totalise pas une heure, et que Ozu et sa troupe habituelle ont fini en six jours...

Chikako (Yoshiko Okada) est la grande soeur de Ryoichi (Ureo Agawa), un étudiant brillant. Is habitent ensemble, elle le nourrit, paie pour tout et surveille de loin sa vie amoureuse, qui n'a pas besoin d'elle: il voit régulièrement Harué (Kinuyo Tanaka), une jeune femme très bien comme il faut. Ils vont voir des films ensemble (nous assistons à une projection du film collectif If I had a million, et c'est la contribution hilarante de Lubitsch: Ozu, Ryoichi et Harué ont manifestement les mêmes goûts!). Bref, tout va bien, sauf que... La police semble s'intéresser aux activités nocturnes de Chakiko et vient se renseigner à l'entreprise où elle travaille. Il semblerait que les cours du soir que la jeune femme donne pour arrondir ses fins de mois soient moins catholiques que ne le croit Ryoichi... Le frère (Shin'yo Nara) d'Harué révèle à cette dernière ce qui se dit sur sa future belle soeur, et elle en parle à Ryoichi, qui le prend très mal...

Le poison du patriarcat, comme dans les films de Mizoguchi, voilà le vrai sujet du film, qui prend la forme d'un mélodrame sans une once de graisse... Mais contrairement à Mizoguchi qui dépeint avec une grande ambiguité la prostitution depuis les bordels eux-mêmes, le cinéaste ici prend un point de vue qui part du grand public et de sa morale en révélant peu à peu les dessous sordides de la vie de Chikako, qui assume pleinement un sacrifice qui permettra à son frère de réussir: une mission donnée par ses parents, et on pourrait même dire par l'empereur lui-même... Alors le mélodrame fonctionne à plusieurs niveaux, bien sûr, et le drame ira loin, jusqu'à la mort d'un des protagonistes.

C'est un très grand film en dépit de sa taille, dans lequel Ozu montre qu'il n'a pas besoin nécessairement, contrairement à ce qu'il a fait ailleurs (Va d'un pas léger, L'épouse d'une nuit, Femmes et voyous) du cadre du film de gangsters pour toucher à des sujets plus graves voire criminels... Ici, le crime est l'un des fondements paradoxaux d'uns société qui fait avancer les hommes en marchant sur les femmes: faites tout pour que votre frère, fils, mari réussisse, vraiment tout... mais ne vous faites pas prendre sinon on ne peut rien pour vous. Les derniers plans, qui semblent reposer le cadre du drame en nous montrant les rues vides de façon apparemment anodine, sont une façon comme une autre de nous dire que la vie continue, mais que le drame aussi.

 

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Published by François Massarelli - dans Yasujiro Ozu Muet 1933 *
23 décembre 2021 4 23 /12 /décembre /2021 09:02

Horino (Ureo Agawa) est un étudiant qu'on ne qualifiera pas de modèle. Sans doute la perspective inéluctable de reprendre à l'avenir l'entreprise familiale florissante joue-t-elle un rôle dans ce laisser-aller... Avec ses copains qui ont moins de chance, il passe du temps à la petite pâtisserie à côté de l'université, où travaille la belle Oshige (Kinuyo Tanaka), qui est tellement plus intéressante que toutes les candidates au mariage arrangé que lui propose son père; des liaisons qu'il sabote d'ailleurs consciencieusement par un comportement irresponsable, tout comme ses études. Mais le père meurt et tout va changer...

Le titre est clair: une fois passé à la vie d'adulte, finie la rigolade! Du mois partiellement, parce que dans un premier temps, Horino maintient fermement un contact inchangé avec ses copains de l'université, au point de les embaucher en leur donnant les réponses du test d'entrée! Mais même excentrique, c'est le patron et on est au Japon, et le message d'Ozu est clair: il s'attaque ici au poids des convenances, sous couvert d'une aimable comédie autour de la nostalgie estudiantine (un thème souvent présent dans son oeuvre, au passage)...

Une comédie? Sur le papier et officiellement, oui, bien sûr, mais la comédie s'effrite vite: le premier coup qui lui est porté est bien sûr la mort du père, une scène troublante: quand on le lui dit, Horino ne semble pas réaliser; il est en plein examen, sort de la salle, et croise Oshige avec laquelle il échange quelques mots. Arrivé chez lui, il se rend vraiment compte que son père va mourir, et le film bascule... Tout en ménageant quelques scènes inspirées directement des personnages les plus pro-actifs de Harold Lloyd, son idole, Ozu assène sa vision très critique des effets de la hiérarchie et de la réalité socio-économique du Japon patriarcal, et même une fin en douceur finit par être bien plus amère que douce...

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Published by François Massarelli - dans Yasujiro Ozu Muet 1932 *
11 décembre 2021 6 11 /12 /décembre /2021 11:51

Deux jeunes garçons, les deux enfants d’une famille qui vient de s’installer dans la banlieue de Tokyo, affrontent leur quartier, devant s’affirmer devant une bande de petits voyous qui les menacent de représailles s’ils osent se rendre à l’école… Il va leur être dur de s’imposer. Mais pendant ce temps, nous suivons les efforts du père (Tatsuo Saito) pour s’imposer également, lui qui a le but de devenir le bras droit de son patron, et ne recule devant aucune opportunité pour attendre ce but…

C’est l’un des plus connus sinon LE plus connu, des films muets d’Ozu : une épure aussi, un de ces films que le réalisateur refera dans les années 50, car le mélange de chronique du quotidien et de poignante critique sociale fait mouche sans aucun effort apparent, se reposant pour commencer sur deux personnages formidables : parfaitement dirigés, totalement complémentaires (leurs gestes sont aussi naturels que simultanés), les deux garçons fournissent un fil rouge totalement séduisant, avec leurs histoires de bagarres, de défis à la noix (gober un œuf de moineau en classe) et les anecdotes autour de leur intégration, de plus en plus inéluctable.

Le titre français ne traduit pas vraiment l'original, qui correspond à toute une série de films du metteur en scène qui se terminent en "mais" avec des points de suspension. Je suis né, mais... est autrement plus amer que le fonctionnel mais générique Gosses de Tokyo, et laisse entendre que la vie ne sera pas facile...

Tatsuo Saito, souvent clown en chef dans les films d’Ozu, a un rôle intéressant ici, en père plus préoccupé par son propre avancement que par les frasques de ses deux galopins, mais il est à la source d’une scène formidable : les deux garçons sont invités par le fils du patron, qui a lui-même invité ses employés à regarder les films amateurs qu’il a tournés. Sur l’écran, les deux garçons qui ont une image sanctifiée et assez autoritaire de leur père le découvrent tout à coup en boute-en-train avide de devenir le préféré de son supérieur, et commencent à douter de leur envie de « réussir à l’école pour devenir quelqu’un d’important », comme on le leur serine en permanence…

Avec ses deux anti-héros de la débrouille, qui affrontent l’enfer de l’enfance avec élégance et la main près des fesses (qu’ils se grattent en permanence !), cette comédie douce-amère est un joyau.

 

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Published by François Massarelli - dans 1932 Muet Yasujiro Ozu Comédie *
4 décembre 2021 6 04 /12 /décembre /2021 10:47

Okajima (Tokihiko Okada) travaille dans une compagnie d'assurances de Tokyo, où la prime annuelle va bientôt être distribuée. Au milieu de a fébrilité ambiante ( le bonus est bien plus avantageux qu'anticipé) il remarque un vieil employé prostré: il vient d'être mis à l'écart. Okajima, poussé par les autres, va se plaindre du traitement réservé à son collègue, et est licencié. Commence alors pour lui la galère de devoir trouver un travail alors qu'il est trop qualifié, l'humiliation pour lui et sa famille quand il doit accepter des travaux indignes, et finalement l'entraide des anciennes fréquentations universitaires...

Et pourtant c'est bien une comédie, assez typique de la façon dont Ozu traite de la vie quotidienne avec un regard inspiré de Harold Lloyd, son idole! La vie de tous les jours ne vient malgré tout pas en droite ligne de Safety last, ou de Hot water, deux films qui restent fermement optimistes, mais plus d'une lecture subtilement contestataire vis-à-vis du capitalisme triomphant adopté par le Japon impérialiste... Le patron d'Okajima est montré classant des bagues de cigare de sa collection avant de se livrer à un licenciement sec: Ozu charge le patronat, d'une façon étonnante, et qui lui passera d'ailleurs assez rapidement, pour adopter en permanence le point de vue d'un homme victime de comportements plus que de circonstances... On n'est pas non plus devant un pamphlet communiste, le licenciement d'Okajima étant après tout provoqué par la vindicte syndicale des collègues, qui le poussent à agir tout en s'écrasant!

Mais cette lecture sociale ne fait de toute façon absolument pas de ce classique, l'un des meilleurs films muets de son auteur, un brûlot. Son propos est plus d'étudier avec sa caméra placée au plus près des hommes et des femmes, l'effet de l'embarras sur les gens, la façon dont les dispositions économiques défavorables s'insèrent entre les gens et le bonheur. Okajima chômeur devient irascible, colérique, perd patience avec ses enfants; Mme Okajima ne comprend pas que son mari s'abaisse à accepter de devenir homme-sandwich, par exemple... 

Tout cela n'empêche pas les gags, comme une ouverture très chorégraphiée avec une revue de détail à l'université (tous les étudiants y portent un uniforme) effectuée par un professeur excentrique (Tatsuo Saito, très présent à l'époque dans les films d'Ozu), puis une séquence enlevée et osée, où les toilettes communes deviennent le seul endroit où les employés peuvent aller compter les sous de leur prime! La dernière partie permet au professeur facétieux de revenir et au ton de redevenir léger, mais on ne s'y trompera pour autant pas: quand Okajima retrouvera du travail, ce sera pour quitter Tokyo, déraciner sa famille et affronter l'inconnu. Toute opportunité a sa part d'ombre...

Pour finir, la petite fille aperçue en haut sur la gauche de la photo, n'est autre qu'Hideko Takamine (1924 - 2010), actrice qu'on retrouve souvent chez Mikio Naruse, et qui fera jusqu'aux années 70 une belle carrière...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Yasujiro Ozu 1931 Criterion
6 août 2021 5 06 /08 /août /2021 06:26

Un étudiant en fin de parcours porte une monumentale barbe, et est particulièrement conservateur. Il porte des vêtements traditionnels, observe un entraînement rigoureux et à la lettre du kendo, etc. Il fascine ou agace les uns et les autres... Notamment la famille d'un camarade, qui le ramène chez lui pour l'anniversaire de sa soeur, dont il gâche sérieusement la célébration. Il a sauvé une jeune femme (en kimono) d'une agression par des voyous, dont une jeune femme habillée à l'occidentale. Il se lie d'amitié avec la victime, qui lui conseille de raser sa barbe s'il veut trouver du travail...

C'est une intéressante synthèse, située tôt dans la carrière du metteur en scène, de tout l'univers de ses films muets: la comédie estudiantine, même si pour le héros il s'agit de quitter la condition d'apprenant pour se lancer dans la vie active; la comédie familiale avec ses conflits de génération déguisés en un choc burlesque entre tradition et modernité: la barbe, bien sûr, symbolise ici ce fossé entre les tenants conservateurs des traditions médiévales du Japon, et la "contamination" de la modernité à l'occidentale, représentée en particulier par ces gangsters à chapeau et une femme de mauvaise vie, qui va justement être fascinée par cet étudiant d'un autre âge, et lui avouer son amour dans une scène troublante. Et tout en restant fermement une comédie, Ozu en profite pour y injecter une dose de son style de films de gangsters aussi, qui lui permet une fois de plus de montrer son affiliation avec les meilleurs films Américains.

Mais grâce au personnage principal, on reste du coté du burlesque, avec un comique d'embarras tel que celui qu'on trouve dans les films Roach (On pense à Charley Chase) ou chez Harold Lloyd, ne fois de plus. Ozu continue à montrer sa fascination du cinéma Américain en exhibant dans les décors les pièces d'une impressionnante collection d'affiches de films: cette fois, on verra beaucoup une affiche de The rogue song, de Lionel Barrymore, un extravagant film en Technicolor, une comédie musicale avec le baryton Lawrence Tibbett, et rien moins que Stan Laurel et Oliver Hardy...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Yasujiro Ozu Muet 1931
24 mars 2018 6 24 /03 /mars /2018 08:48

Après les nombreuses comédies, et Va d'un pas léger qui se tournait vers le film de gangsters avec élégance et une touche d'humour, c'est vers une sorte de film noir qu'Ozu se dirige avec cette épure, un film dans lequel il combine avec génie son univers de quotidien représenté dans toute sa crudité, un certain sens de la tragédie, et le style visuel qui est le sien. Et il le fait cette fois sans s'autoriser la moindre cocasserie...

Un homme cambriole un bureau, après avoir ligoté le personnel. la police est prévenue, et la chasse à l'homme commence. Pendant ce temps, une femme attend, fébrile, que son mari rentre: il est parti "chercher de l'argent" pour payer un médicament qui pourrait sauver la vie de leur fille, qui s'apprête à passer une nuit délicate. Bien sûr, les deux histoires sont liées, et quand le mari rentre avec l'argent, c'est le cambrioleur de tout à l'heure. Mais il a été suivi par un inspecteur, qui ne met pas longtemps à comprendre la situation...

Il y a assez peu d'éléments, finalement, et pour environ quarante minutes sur les 63 que dure le film, Ozu installe une unité de lieu et de temps, avec un nombre de personnages limités à quatre (Le père, la mère, l'inspecteur de police et la fille qui passe surtout le temps à dormir). Rien de théâtral pourtant dans ce film, dont la réussite repose d'abord sur une exposition méthodique, suivie par une utilisation de l'espace et de la caméra (Ozu aime à la faire bouger brusquement, pour nous imposer un point de vue, c'est toujours un effet qu'il réussit dans ses films muets), qui nous permet d'assister à un quotidien tangible, dans lequel la survie de la petite fille devient l'enjeu principal, pour tout le monde.

Et puis il y a ici des personnages fantastiques, interprétés par des acteurs qui ne commettent pas une seule faute de goût: les émotions affleurent, mais parfois le metteur en scène obtient d'un rien (le visage impassible de l'inspecteur, un vieux de la vieille qui en a vu d'autres, par exemple) une foule de possibilités. C'est un chef d'oeuvre.

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Published by François Massarelli - dans Muet Noir 1930 Yasujiro Ozu *
21 mars 2018 3 21 /03 /mars /2018 18:40

Ce film d'Ozu est une comédie étudiante, et le titre fait bien sûr écho à J'ai été diplômé, mais..., de 1929. ce genre de titre, en particulier pour des comédies, est assez courant dans la production de l'époque. On décèle une fois de plus dans ce film Japonais l'amour d'Ozu pour les comédies de Harold Lloyd, dont le modèle ici choisi est le film The Freshman, de 1925... Ca nous apparaîtra dans plusieurs détails, et une scène de tendresse amoureuse.

Le héros est interprété par Tatsuo Saito, et il fait partie d'une confrérie de zozos fort sympathiques, mais pas destinés à la réussite. Leur principale activité académique consiste à préparer des moyens de tricher, qui ont tous tendance à rater lamentablement. Cela étant dit, s'ils sont unis dans leur tricherie, le plus à même de réussir est justement le personnage principal.

Et s'ils sont tous un peu amoureux de la voisine (Kinuyo Tanaka), celle-ci ne s'intéresse qu'à lui, justement: elle lui promet une cravate pour son diplôme... Mais la réalité va rattraper tout le monde avec une ironie particulièrement cruelle...

Le film de Lloyd dont s'inspire Ozu était construit selon le modèle habituel des films estudiantins: on y faisait du sport, du sport, du sport et encore du sport. Chez Ozu, on va certes en classe, mais l'université et les études nous apparaissent surtout comme une période glorieuse de camaraderie et de rigolade... Le film maintient un ton léger jusqu'au dernier quart d'heure, mais réussit à éviter le pathos lors de la séparation des amis... et lors des résultats inattendus. C'est un peu tout le petit monde de Yasujiro Ozu, ses acteurs et techniciens habituels, que nous voyons à l'oeuvre dans ce petit film sympathique.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Yasujiro Ozu 1930 *