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23 juin 2024 7 23 /06 /juin /2024 23:57

Alors là, c'est TRES compliqué... A l'origine de ce film, il y avait un projet pharaonique, probablement inspiré de l'actualité cinématographique des années 70: Anatole Dauman, producteur exigeant et réputé de cinéma d'auteurs, avait produit pour un des plus grands cinéastes Japonais un film aussi explicite que miraculeux, qu'il sur-vendait parfois comme un film pornographique (L'empire des sens, de Nagisa Oshima). Ce qu'il n'était pas. A l'inverse, Bob Guccione, patron d'un empire porté sur la fesse, à savoir le magazine Penthouse, a donc décidé de le faire à son tour... 

En brouillant les pistes, d'une part: son film allait raconter la Rome Antique, et tant qu'à faire cette partie de l'histoire qu'on connait moins, à savoir l'époque de Caligula César, héritier de son grand-père Tibère qui lui-même avait récupéré le pouvoir après Auguste, l'héritier direct de Jules! POur le scénario, Guccione a eu l'étrange idée de faire appel à Gore Vidal, donnant ainsi une connotation sophistiquée à son projet. Mais en confiant la mise en scène à Tinto Brass, réalisateur auto-proclamé obsédé sexuel, qui déjà à l'époque réalisait des films d'une confondante vulgarité avec une obsession particulière pour les popotins, il montrait comme une certaine tendance au grand écart! Grand écart encore, aux côtés de grands acteurs Britanniques comme Peter O'Toole, Helen Mirren, John Gielgud et bien entendu Malcolm McDowell, le film montre des acteurs venus d'autre horizons: Teresa Ann Savoy tournait à l'époque des films érotiques... Et le producteur-impresario est venu avec ses "Penthouse Pets", des mannequins pas souvent frileuses...

Le projet était délirant, et avait trop de capitaines. Vidal est parti en claquant vertement la porte en apprenant que Brass refusait de lire son script. Guccione remplaçait en douce des scènes du film derrière le dos de tout le monde en tournant des scènes porno et en les insérant sans ménagement ni logique. Et Brass afini par être viré pour s'en être plaint!

Les acteurs (les vrais, désolé pour cette vision des choses, mais quand on compare le jeu de Mirren et celui de Savoy on voit bien qu'un métier, ça s'apprend) ont gardé un souvenir vivace d'un tournage, disons, coloré. Mon anecdote préférée reste la réaction de Gielgud qui confessait à la fin de sa vie, lui qui fut longtemps un gay militant dans le milieu du théâtre et du cinéma, quand c'était encore plus difficile que maintenant, qu'il "n'avait jamais vu autant de bites de sa vie"... Le terme est une traduction fidèle du sien...

Ce film raconte, suivant les versions, l'accession (violente) au pouvoir de Caligula, fils adoptif de Germanicus, lui-même fils décédé de l'empereur Tibère. Epris de sa soeur mais marié à une prêtresse libertine, Caligula a lentement laissé le pouvoir le rendre plus fou et tyrannique que jamais. Entretemps, il aura participé avec allégresse à la décadence totale de l'empire Romain...

Il y a si je ne me trompe pas cinq versions: la version originale, dite "uncut", voulue par Bob Guccione, et "volée" à Tinto Brass. Guccione y a inséré une dizaine de minutes de sexe très explicite.  La version originale recoupée pour l'export dans les pays Anglo-saxons, qui culmine à moins de deux heures, et qui élimine une bonne part des scènes les plus problématiques. Pas toutes, sinon il n'en resterait rien! Une version internationale, aussi longue que l'uncut, mais privée de ses scènes porno, remplacées par des séquences alternatives. Une version alternative Italienne (Io, Caligola) a été montée à partir de chutes (le film a été tourné avec un nombre excessif de scènes, autant que de prises) en 1983. Enfin, la nouvelle version, présentée à Cannes en 2023, est supposée donner à voir une vision proche de ce qu'une collaboration éventuelle entre Vidal et Brass aurait pu donner si le metteur en scène avait suivi les plans de son prestigieux scénariste, et le tout sans une seule des scènes pornographiques (elles sont essentiellement regroupées sur deux séquences, en réalité) voulues par Guccione. C'est Caligula, the ultimate cut, confectionné à partir de chutes, là encore, propose un montage beaucoup plus cohérent. Cette version est due à Thomas Negovan, un fan du film qui entendait restaurer la vision originale du film. 

Au final, ce film est surtout notable pour ses excès, ses ratés, son baroque, ses horreurs, et pas vraiment pour ses leçons d'histoire. Il semble concentrer à lui tout seul, les possibilités les plus folles de la rencontre entre le cinéma d'auteur (quoique... Tinto Brass?), l'Histoire, et l'esprit Penthouse, soit des filles dans le plus simple appareil. Un résultat plus que vulgaire, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais un mélange détonnant qui était dans l'air: comme on dit souvent, "ça, après tout, on ne l'a pas essayé". Ce qui ne veut pas ire que ce puisse être une bonne idée pour autant, la preuve!

 

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Published by François Massarelli - dans Zizi panpan Mettons-nous tous tout nus
10 février 2024 6 10 /02 /février /2024 21:40

En Floride, la jeunesse désoeuvrée oscille entre petits boulots (vente dans les fast-foods), le surf, la débrouille (un plan improvisé pour du strip-tease masculin), et la consommation de dope et bien sûr du sexe: on est chez Larry Clark, donc les personnages sont tous très portés sur la chose... Bobby et Marty sont deux copains, mais on se demande pourquoi: Bobby (Nick Stahl) est un male alpha typique, dominateur et porté sur le plaisir sadique d'humilier son pote à la moindre occasion, et Marty (Brad Renfro) encaisse - avec difficulté. Ils rencontrent des filles de leur âge: Lisa (Rachel Milner) est amoureuse au premier regard de Marty. Mais elle voit bien qu'il souffre, et elle en vient à concevoir un plan étonnant... Tuer Bobby. Elle va faire appel à un groupe d'amis et à Marty bien sûr...

Rude, cru, naturaliste, le cinéma de Larry Clark explore ce que les films traditionnels ne voient pas ou évitent de montrer, et c'est inconfortable. Ici, c'est inspiré d'une affaire criminelle lamentable, le meurtre d'un jeune homme dominateur par ses amis en 1993, et afin de coller à l'intrigue du fait divers, les noms choisis par le scénariste sont ceux des protagonistes de l'affaire.

Les ingrédients du film, clairement, dessinent les contours d'un monde dans lequel la loi de la nature, déjà passablement dégueulasse par elle-même, se voit encore pervertie par une société dans laquelle la confrontation violente et humiliante devient en quelque sorte le passage obligé pour s'en sortir (comme dit son père à Nick, à propos de Marty, "laisse-le tomber, il te tire vers le bas"...): le film montre vraiment cette réalité si présente dans les écoles Anglo-saxonnes, en particulier les lycées publics Américains.

Si on peut s'assurer en voyant ce film que l'on est bien loin de Disney et du tout venant Hollywoodien, devant un tel déluge de coucheries, violences et dérapages, consommation de drogues diverses et variées, et abus parentaux, il faut quand même dire que l'excès finit (très vite, en fait) par lasser... Et que dans un certain cinéma qui se veut undeground, le passage par des scènes de jeunes aux yeux explosés, qui couchent les uns avec les autres comme on fait son tiercé (le plus souvent en public), en écoutant du rap (cliché parmi les clichés), tout ça ça tourne au conventionnel aussi. 

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Published by François Massarelli - dans Larry Clark Mettons-nous tous tout nus Zizi Panpan
10 novembre 2022 4 10 /11 /novembre /2022 18:09

On tourne une scène intime, pour un film assez typiquement Européen (le réalisateur parle en Allemand, mais aussi en Anglais et parfois en Français, à des techniciens et des acteurs qui sont de plusieurs nationalités. La tension est palpable, c'est un tournage de nuit ou plutôt de fin de matinée, pour obtenir la bonne lumière pour filmer les ébats d'un jeune couple. Outre les acteurs et techniciens, le metteur en scène montre une certaine impatience avec la coordinatrice d'intimité, chargée de maintenir les acteurs devant se dénuder et entrer en contact pour mimer un acte sexuel... Une attitude qui va avoir de réelles répercussions...

Le film est assez atypique, puisqu'il montre l'envers du décor d'une façon qui a rarement été aussi troublante: en effet, la coordinatrice d'intimité est non seulement jouée par une actrice, mais cette actrice est justement la coordinatrice d'intimité sur le plateau de Luis Schubert! Elle a apporté à son rôle (intégralement joué en Anglais, mais Julia Effertz est Allemande) une véracité étonnante... Derrière la tension forte entre le réalisateur et elle, l'équipe semble jouer une comédie: les techniciens ont bien compris que leur matinée sera peut-être compromise à cause de l'ambiance et la scène, de par l'humeur générale, devient presque une comédie...

Sauf que c'est un drame si on considère le point de vue des acteurs: sensés jouer la sensualité d'une scène intime, un petit câlin matinal, ils vont se retrouver en conflit corporel. L'acteur prend l'initiative de toucher sa partenaire à un endroit imprévu et la querelle qui s'ensuivra entre réalisateur (qui a poussé le jeune homme à sortir du script) et la coordinatrice les mettra très mal à l'aise. A la fin, l'amour tourne court et la scène sera filmée dans une grande violence... Et ce n'est plus, mais alors plus du tout une comédie.

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Published by François Massarelli - dans Zizi Panpan Court métrage
10 juillet 2022 7 10 /07 /juillet /2022 09:13

Linnea, dite Bella Cherry (Sofia Kappel), est une jeune Suédoise déterminée à réussir dans l'industrie pornographique Américaine; sitôt émigrée, direction Los Angeles où elle va tout faire pour devenir une star dans la voie qu'elle s'est choisie. Mais il va lui falloir composer avec un élément qu'elle n'avait pas prévu: le porno, c'est tout sauf... du plaisir.

Pourtant, le titre est justifié par la toute première scène, lorsque la novice débarque et qu'un agent de l'immigration lui demande si elle est venue pour raisons professionnelles ou par plaisir, elle répond... "Pleasure". A partir de là, son parcours va être assez classique: un premier agent, un premier bout d'essai prometteur, des copines bienveillantes, puis les premiers écueils: il y a manifestement une hiérarchie dans la pornographie, et pour une jeune femme ambitieuse, il n'y a de place que si on montre qu'on est prête à tout faire, tout subir, tout encaisser.

Et c'est là que le film, illustration du monde de la pornographie, se distingue de tous ceux qui l'ont précédé: Boogie nights, notamment, réussissait à envelopper la pornographie d'une sorte de bulle nostalgique, et cédait de loin à la démonstration suggestive. Pleasure en revanche va droit au but de l'explicite, en montrant mais de trop près pour que ce soit vraiment confortable, et si la nudité masculine abonde, la nudité féminine est souvent partielle et protégée par la caméra. Car ici, c'est d'une part l'expérience d'un point de vue féminin au pays du "male gaze", et d'autre part chaque expérience sexuelle tarifée et/ou filmée, devient une sale expérience, un monument d'inconfort, et plus on monte les échelons, pire c'est.

Ninja Thyberg a tenu à son sujet, d'autant que c'est la deuxième fois qu'elle le filme: la première fois, c'était pour un court métrage du même titre. Mais cette fois-ci le film repose sur les épaules de Sofia Kappel, une jeune actrice dont c'est le premier rôle, et forcément ça pose question, dans la mesure où pour un premier rôle, elle doit subir beaucoup de choses. Mais c'est intelligemment fait et si le personnage subit une descente aux enfers, pas l'actrice, c'est évident. La façon dont la réalisatrice (qui a fait appel à des professionnels du genre, pourtant) décrit la pornographie est sans ambiguité: elle est fascinée, mais ne trouve aucune excuse à l'objectification des femmes, la standardisation de la sexualité, le conservatisme, le sexisme, le racisme inhérent au domaine.

Et elle montre que ça reste, y compris quand la 'star' s'est faite toute seule, y compris quand une réalisatrice est aux commandes, un domaine mené par les hommes où les femmes sont appelées à souffrir, comme dans une scène abominable où Bella, venue pour un tournage dont elle savait qu'il allait lui demander des sacrifices, se retrouve entre les mains de deux types adorables entre les prises, mais qui la brutalisent, l'humilient et la poussent finalement dans la position d'une femme violée. Elle voudra raconter la chose à un agent, qui lui dira "attention aux grands mots"...

Conçu sur le mode strict d'une descente aux enfers, le film s'accompagne, hélas, des codes esthétiques du porno (photo flashy, rap de la pire espèce à fond les basses, non-vêtements supposés sexy de la pire vulgarité), se situe dans le monde si répugnant et décérébré de 2022 (un petit selfie après la double pénétration?) parachevant l'inévitable confusion entretenue par Ninja Thyberg entre son réquisitoire et l'objet de sa fascination. 

 

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Published by François Massarelli - dans Zizi Panpan Mettons-nous tous tout nus
23 juin 2022 4 23 /06 /juin /2022 16:19

Une jeune femme, Danny (Hadar Katz) arrive à une fête nocturne, dans un appartement où tout le monde danse, sniffe des trucs ou des machins... Avant d'entrer, elle verra un papillon mourant qui peine à voler, et elle en parlera même quelques minutes plus tard, pour masquer sa gêne. C'est que Danny, dans le premier chapitre de ce film, a une lourde tâche: elle doit annoncer au garçon avec lequel elle a eu des relations récemment, qu'elle est enceinte... Avant de le trouver, elle a une discussion avec des copines, propre à la dégoûter à tout jamais de l'avortement... Max (Leib Levin), donc, le garçon, est bien là, mais il n'est pas seul, il est avec Avishag (Elisheva Weil), sa nouvelle petite amie...

Dans le deuxième chapitre, nous assistons au quotidien de Max et Avishag. Chez cette dernière, il passent beaucoup de temps au lit, et Avishag demande à Max de ne pas hésiter à épicer un peu leurs rapports. Il va le faire, et y mettre tellement de zèle que ça en deviendra gênant... Toute idée, décidément, n'est pas forcément à mettre en application.

Dans le troisième chapitre, Avishag (qui arrondit ses fins de mois en prenant en charge et en promenant des chiens dont les propriétaires ne peuvent pas s'occuper 24 heures sur 24) rend un service à l'un de ses "clients": elle vient faire du dog-sitting chez lui... Mais elle est troublée par ce qui s'est passé avec Max, et elle préfère s'endormir chez le propriétaire de Blanca, plutôt que de rentrer chez elle... 

Trois tranches de vie, toutes marquées par une mise en scène au plus près des acteurs: la caméra au plus près, et des plans-séquence privilégiés. On apprécie dans la mesure où ce dispositif permet aux acteurs d'habiter leurs personnages. Dans le deuxième segment, le fait que les amants soient un couple "à la ville comme à l'écran" permet à Hadas Ben Aroya d'y aller franchement, et on est pantois devant le naturel des scènes charnelles... Dans lesquelles la douleur et la violence vont s'installer tout doucement. Et si on constate que l'épisode de Danny est finalement assez réduit par rapport aux aventures d'Avishag, il est essentiel: elle raconte une anecdote qui éclaire la relation des deux autres protagonistes: elle a eu une relation lors d'un voyage, avec quelqu'un, et a regretté dès le lendemain d'avoir eu des mots d'amour avec lui... Il semble qu'après avoir (à sa demande) expérimenté l'amour brutal, Avishag se soit trouvée complètement guérie de son affection pour Max...

Cette fable qui montre la façon dont ces jeunes israéliens sont complètement déboussolés malgré leur ouverture d'esprit, leurs opportunités, et leur liberté, se résoudra de façon inattendue, entre Avishag et un quinquagénaire ventripotent, étonné tout à coup de séduire une jeune femme qui s'émeut de le voir ému...

Moralité: il ne faut pas jeter les vieux avec l'eau du bain!

 

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Published by François Massarelli - dans Mettons-nous tous tout nus Zizi Panpan
29 août 2021 7 29 /08 /août /2021 08:19

James et Catherine sont un couple aussi libre que prisonnier: ils s'autorisent mutuellement de coucher à droite à gauche, et ce dès les dix premières minutes du film, mais pour confronter les expériences une fois revenus à la maison... Pourtant ça ne leur procure pas grand chose. James a un accident de voiture, dans lequel un autre conducteur décède. A l'hôpital, James croise sa veuve, qui était dans la voiture elle aussi. Ils se voient dans le parking, autour de carcasses de véhicules accidentés, et James la ramène chez elle: ils se jettent l'un sur l'autre dans la voiture. A partir de là, la sexualité de tous les personnages devient indissociable de la voiture, et du risque d'accidents...

Le propos de Cronenberg, dans ce film adapté d'un roman de J. G. Ballard, est de prolonger sa réflexion sur l'extension du corps humain, enjeu de ce tournant de siècle. James et Catherine, et avec eux Helen et Vaughan, l'obsédé des accidents qui rêve de mourir comme James Dean et recrée les morts automobiles célèbres, recherchent dans le rapport à la voiture, aux accidents mécaniques, à la route et à ses dangers, un frisson érotique. Et bien évidemment, c'est froid, très froid! Mais quand on considère la plupart de ses films, on est devant le même univers finalement, et le cinéaste ne glorifie ni ne condamne rien, il illustre plutôt le tourment d'une humanité prise au piège du progrès technologique, comme plus tôt dans Existenz

Car dans le film, la recherche du plaisir sexuel par les accidents, qui passe par des stades assez rebutants et illustrés avec le même soin que le reste (une rencontre de James Spader avec Rosanna Arquette, en particulier, restera en mémoire à cause de l'usage fait par une cicatrice béante derrière la cuisse de la jeune femme, rescapée d'un accident lointain qui l'a laissée en lambeaux) mène à la mort, et deux personnages décèderont dans leurs frasques automobiles, et lors de la dernière séquence, Catherine est presque déçue d'avoir échappé à la mort, après que sa voiture ait quitté la route!

L'aliénation ici vient de cette recherche d'un échappatoire sexuel par la technologie, dans un monde envahi par la voiture; les décors du films, qui se passe rarement dans le salon des uns ou des autres, est entièrement soumis à cette idée: un atelier par-ci, un garage par-là, une autoroute, des parkings et une casse deviennent le terrain de jeu des personnages. L'humour semble absent, mais c'est ici le boulot du spectateur de goûter la profonde ironie, sans doute teintée de dégoût, devant cette humanité malade, et au passage, j'aime me méfier de ces sempiternelles remarques, toujours liées à une lecture après coup, sur le statut "prophétique" d'un film, mais par certains côté, on anticipe ici sur une sexualité entièrement liée à internet... 

Le film fascine autant qu'il repousse, aujourd'hui comme hier; le jeu volontiers froid et émotionnellement distant des protagonistes, à commencer par James Spader et Deborah Unger, la litanie des cicatrices, les comportements quasi animaux, et cet univers claustrophobe de métal, d'essence et de verre brisé ne créent pas un univers très ragoûtant. La théâtralisation permanente de la sexualité est furieusement agaçante avec ses clichés à deux balles (un monde dans lequel le collant n'aurait jamais été inventé, manifestement), mais le message de Cronenberg, qui crie assez clairement au secours ici, passe.

Tout de même, ça pique.

 

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Published by François Massarelli - dans David Cronenberg Zizi panpan
29 août 2020 6 29 /08 /août /2020 17:53

Un vieil homme solitaire rentre chez lui, en plein hiver, et aperçoit dans la neige le corps d'une femme. Il la ramène chez lui, et la laisse se reposer, venant avec douceur lui permettre de raconter son histoire: elle s'appelle Joe, et raconte son hallucinante histoire, celle d'une nymphomane militante qui a découvert son super-pouvoir particulier avant l'âge de deux ans... La conversation va vite voir les deux protagonistes adopter une position tranchée, Joe avançant l'hypothèse qu'elle n'est qu'une créature maléfique, et Seligman cherchant à justifier chacun de ses pêchés...

Partagé, forcément. Un film dont la version courte dépasse les quatre heures, consacré essentiellement à une conversation illustrée de flash-backs et de digressions, entre Charlotte Gainsbourg et Stellan Skarsgaard, ça interpelle et ça donne envie au moins d'être tenté, voire défendu. C'est d'ailleurs fort bien rythmé justement par l'intimité étrange qui s'installe entre ces deux personnages, la nymphomane qui cherche à faire comprendre qu'elle se trouve ignoble et l'assume, et le vieil érudit théologien, vierge et qui réagit constamment (ou presque) aux révélations salaces les plus embarrassantes en effectuant des comparaisons avec la philosophie, la religion, la pêche à la mouche, etc... Mais voilà: c'est Lars Von Trier, et c'est ce que dans une énième provocation dont le personnage est coutumier, il avait présenté a priori comme "un porno avec Charlotte Gainsbourg". 

Le sujet justifie pleinement le recours à l'anatomie frontale, comme avant lui Shortbus ou L'empire des sens. Mais ça fait quelques années (Depuis Les idiots, films qui l'est tout autant que ses personnages) qu'il semble obsédé par le fait d'insérer des plans de vrai zizi panpan dans ses films, et de jouer avec l'image de ses acteurs et actrices (l'ont-ils fait ou pas?) en guise de publicité, qu'on en baille d'avance. D'ailleurs, et c'est à porter au crédit du film, j'avoue que le film n'a rien, mais alors rien de titillant. Mais on se demande si tous les tripatouillages auxquels s'est livré le réalisateur s'imposaient: filmage de toutes les scènes de rapports sexuels avec les acteurs (qui simulent) et avec des doublures de porno (qui y vont à l'espagnole, c'est à dire Franco), puis mélange numérique des deux sur l'écran, hop-là, personne n'y voit que du feu.

Tout ça pour avoir à la fois, comme le dirait Marlon Brando le beurre (Du cul), l'argent du beurre (des acteurs) et le sourire de la crémière ("ça alors, de vrais acteurs qui font du sexe!"): peut-être pour justifier aussi, voire adoucir les autres excès, voire provocations, dont le film fait un usage consommé... En vrac: une conversation qui oppose en permanence la religion et le sexe, pris dans sa réalité la plus crue; un avortement auto-prodigué, filmé de façon aussi directe et frontale que possible; des opinions provocatrices qui renvoient à l'obsession du réalisateur de faire grincer les dents des journalistes (Joe exprimant de la sympathie pour Hitler)... Au regard de ce fatras, les scènes truquées mais fort réalistes de sexe deviennent un véritable écran de fumée.

En dépit de ces scories, il faut reconnaître que Von Trier a au moins l'avantage de pratiquer l'humour à froid avec un certain talent, ce que le dispositif de narration distanciée sur des images crues permet toujours bien. Certaines scènes sont même hilarantes, je pense ici à la scène du sandwich (que je ne décrirai pas ici, je vous fais confiance)... La structure, je le disais plus haut, est très bien charpentée, et si je ne goûte pas l'obsession de la caméra épileptique, la façon dont l'auteur joue sur les formats, la couleurs, la chronologie, faisant agir les digressions sur la continuité, est assez emballante. Il faut aussi reconnaître que la plupart des acteurs sont excellents, et ce doit être difficile de pratiquer son métier d'acteur lorsque au fond de la pièce des gens tous nus s'apprêtent à vous succéder pour compléter le plan en s'allongeant les extrémités. Evidemment, Stacy Martin et Charlotte Gainsbourg, qui partagent le redoutable honneur d'avoir à interpréter Joe, l'une jeune et l'autre plus âgée, sont époustouflantes de bout en bout. Et il faut du cran pour certaines de ces scènes (ne serait-ce que l'épisode atroce du sado-masochisme)...

S'il est un provocateur né, Von Trier est aussi un moraliste qui s'est suffisamment fait taper sur les doigts pour en concevoir une certaine rancoeur, voire une envie de revanche; du coup il tend à se placer subtilement (ou non, d'ailleurs) du côté des accusateurs, et donne de plus en plus raison à Joe au fur et à mesure de son exercice d'auto-flagellation; il nous montre le pouvoir maléfique du sexe, à travers une scène d'ailleurs hallucinante durant laquelle une épouse légitime débarque avec ses enfants chez la maîtresse de son mari; plus embarrassante encore est la conversation qui suit la scène d'avortement, qui en rajoute beaucoup pour que le spectateur sache que c'est mal; enfin, le film met un point d'honneur à cocher toutes les cases du sexe à l'écran, avec une insistance un peu trop empressée: c'est mécanique, ces choses, à force. Du coup, au bout de ces cinq heures et quart, la question, lancinante, est inévitable: pourquoi? Ce n'est pas que le film est sans intérêt, mais... on peut vivre sans, sans aucun problème. Vous pouvez retourner à vos occupations.

 

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Published by François Massarelli - dans Zizi Panpan Lars Von Trier Mettons-nous tous tout nus
30 octobre 2018 2 30 /10 /octobre /2018 11:23

Comment commencer? Deux solutions. La première consisterait en une simple mais efficace entrée en matière: ce film sur le sexe est rempli de scènes de sexe qui ne sont pas simulées, et ne fait pas grand chose pour nous le faire oublier.

Le problème, c'est qu'à partir de là, on se dit oh, ben c'est un porno, quoi, alors qu'il n'en est rien. Mais alors pas du tout. C'est juste que Mitchell, qui souhaitait faire son film sur la vérité de la sexualité, et parfois sur les actes même, a trouvé qu'il serait dommage de se limiter, et a demandé (jamais exigé) à ses acteurs la franchise absolue. Mais nous ne verrons pas ici de ces parcours obligés, de scènes rituelles enfilées les unes après les autres, par des corps sans autre talent que d'être fidèles aux canons de la beauté qui sont courants dans ce genre de production: il me vient tout à coup en tête une conversation téléphonique dans une scène du Fabuleux destin d'Amélie Poulain, de Jean-Pierre Jeunet, quand on demande à Audrey Tautou si elle est épilée, parce que "Le tablier de sapeur, ça rebute le client"... Eh bien pas de ça dans Shortbus, le MacDonald de la sexualité: come as you are! grand gros petit rablé beau moche d'ailleurs tout est relatif petit zizi gros zizi homme femme jeune pas trop quand même vieux féminin masculin tout le monde vient, et puis c'est tout...  Come as you are, and then come.

L'autre façon de commencer cet article serait peut-être tout simplement de situer l'intrigue, qui est chorale: un certain nombre de personnages, dans le New York post 9/11, sont en pleine crise émotionnelle, et cherchent le refuge (ou la solution) dans leur propre sexualité, mais aussi dans le partage avec les autres. Ils se rendent donc dans un club, le Shortbus (donc un chemin plus court vers la sagesse et le bonheur), où ils vont pouvoir exprimer leur sexualité et leur différence. 

Mais au Shortbus, qu'on se le dise, il va y avoir de l'intrigue aussi, la grande force du film est d'avoir fait du sexe à la fois le sujet et la toile de fond, donc on y assiste souvent à de joyeuses orgies hallucinantes, mais la caméra ne s'attarde pas, ou jamais inutilement, sur les corps: ce qui compte, ce sont les petits drames des protagonistes: dans un couple, un des deux hommes (Paul Dawson et PJ DeBoy) vit très mal son secret intérieur, puisqu'il a été violé il y a longtemps, et ça le bloque; il songe au suicide... un autre protagoniste (Peter Stickles) a pris depuis deux années l'habitude de regarder les deux hommes du couple précédent, et se considère presque, à leur insu, comme leur amant; Sofia (Sook-Yin-Lee), qui est par ailleurs une sexologue réputée, n'admet pas souffrir, mais elle n'a pourtant jamais connu d'orgasme. Elle se met en quête, une recherche à la fois spirituelle et physique; Lindsay Beamish incarne Severin (ce n'est pas son vrai nom, elle avoue, embarrassée qu'elle s'appelle Jennifer Aniston, comme l'actrice) est dominatrice, mais elle aspire au bonheur sans savoir où le chercher... Etc etc etc. Chaque situation est explorée en relation, bien sûr, avec les autres, et donne lieu à de nombreuses scènes de comédie, mais aussi des moments plus poignants...

...avec des gens qui font du sexe à l'arrière-plan.

Le plus grand mystère de ce film (qui ne ressemble absolument pas à L'empire des sens, je le dis tout de suite car il semble impossible de parler de ce genre de production sans mentionner le chef d'oeuvre d'Oshima) c'est la façon dont il réussit à installer cette atmosphère de franchise sexuelle absolue: on y voit Sook-Yin-Lee, présentatrice de talk-shows Canadienne, y faire à peu près tout et dans toutes les positions, en un montage hilarant, on y voit un onaniste en pleine action rajouter un peu de matière dans une reproduction d'un Jackson Pollock, un contorsionniste gay tirer en solitaire avantage de ces deux particularités, et une scène hilarante d'un ménage à trois, dans lequel l'un des acteurs suggère qu'on chante littéralement l'hymne national en se servant d'un anus comme caisse de résonance: sitôt dit, sitôt résonné. Eh bien dans aucune de ces scènes, une fois passés la surprise et l'éventuel choc (c'est sûr qu'on ne voit sans doute pas ça tous les jours), on regarde car ce sont des scènes jouées, entre d'authentiques personnages: elles sont par dessus le marché, souvent très drôles...

Pour obtenir un tel niveau de don de soi de la part de ses acteurs, Mitchell a du baser la construction du film (qui a pris trois années de préparation) sur une série d'improvisations, de suggestions aussi, ce qui fait que toutes les scènes, qu'il s'agisse d'une engueulade comique chez la sexologue, ou d'une partie de jambes en l'air à quinze, ont été planifiées et intégrées dans la continuité par les acteurs aussi bien que par le metteur en scène. Qui a lui même, d'ailleurs, participé de façon très gourmande aux orgies occasionnelles, mais chut, c'est un secret!

Il en résulte à un cri d'amour à l'humanité, qui dans l'ombre du cataclysme du 11 septembre (présent incidemment à travers un plan de Ground Zero), la vie continue est qu'elle passe nécessairement par la sexualité. Un film qui commence sur de l'action (il s'agissait dès le point de départ de mettre le spectateur dans l'ambiance, et on est servis), et se termine par un feu d'artifice: car l'immense qualité de ce film est sans doute de ne jamais suivre la mode de ces films d'auteur explicites (loin de moi, Catherne Breillat et ses phrases philosophiques à la con débitées d'un ton funéraire par Rocco Siffredi alors qu'il enfile un préservatif de marque Monstrous plus, modèle jumbo), dans lesquels on a le sentiment qu'il faut que les personnages souffrent. Ici, ils cesseront de souffrir, grâce au sexe. Merveilleux, non?

 

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Zizi panpan Mettons-nous tous tout nus
12 octobre 2018 5 12 /10 /octobre /2018 08:30

Le titre, pour commencer...

Justifié de façon un peu balourde par la structure, ce film qui nous annonce plus ou moins une descente onirique, façon Alice, d'une hypothétique jeune femme au pays des merveilles des sens, est finalement mensonger: c'est plutôt un voyage lourdingue dans le dédale de coïncidences tirées des pires romans de gare.

Bien sûr, certains metteurs en scène sont passés maîtres dans l'art de sublimer, par leur science du mélodrame, les dites coïncidences tirées des pires romans de gare. Je pense en particulier à un grand réalisateur, justement originaire du même pays que Medem. Mais on en est loin...

Car pour bien faire comme Pedro, il faut aimer comme Pedro, et je n'ai pas l'impression, mais alors pas du tout, que Medem aime Lucia (Paz Vega), dont il fait finalement une midinette un peu dépassée par les événements, et dont la découverte de la sensualité passe un peu par l'incroyable audace... de faire un strip-tease à son compagnon: on tremble.

Non, dans cette histoire de chassés-croisés sentimentaux, où l'on se perd tant que je ne vais pas me lancer dans un résumé, c'est le n'importe quoi qui l'emporte: mystico-adultérin, hasardo-policier, et souvent d'un ridicule absolu, avec de grandes actrices gâchées: Najwa Nimri, Helena Anaya surtout; cette dernière a une scène bouleversante vers la fin, gâchée par le fait qu'au fond aucun des protagonistes qui l'entourent ne comprennent son tourment. Pour le reste, ce film qui joue un peu trop au jeu de "et ça, tu l'as déjà vu dans un film autre que du porno?" est long, ennuyeux et franchement raté.

Et l'idée de placer la clé du film dans un trou creusé à deux pas d'un phare, est un symbole de la plus grande stupidité.

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Published by François Massarelli - dans Navets Zizi panpan
30 juillet 2016 6 30 /07 /juillet /2016 21:51

Le cinéma de Bruno Dumont, ce sont des moments contemplatifs, qui ont la particularité de ne rien contempler, de ne rien donner à contempler. On l'a vu filmant des acteurs non-professionnels dans La vie de Jésus, ou L'humanité, ses deux premiers films, et les poussant à ne pas jouer, mais parfois simplement être... Choisis parce qu'ils étaient ce qu'ils étaient, justement.

Ici, il passe à la vitesse supérieure et met en scène un couple qui s'aime sur une route touristique de l'ouest Américain: Voiture, pompe à essence, faire du sexe dans la montagne, retourner à la voiture.... Puis faire du sexe dans la piscine d'un motel, faire du sexe sur le lit... Une séquence fascinante les montre faire deux KM à pieds pour aller acheter du polish dans un drugstore, en temps réel. A la fin, les deux touristes (Un américain et une Bulgaro-Serbo-Polono-française) se font agresser et lui se fait même violer sous le regard de sa copine, et on est prié de regarder, longuement, péniblement, parce que c'est le sujet, justement: Bruno Dumont admet avoir eu l'idée de ce film comme un plan b, après avoir fini les repérages aux Etats-Unis en compagnie de sa petite amie, pour un film qui est finalement tombé à l'eau. Que le film retrace le périple de gens décalés qui ne vont nulle part tout en se rendant partout prend donc tout son sens...

Je pense que les acteurs jouent mal, et dans deux langues: le Français (Aucun des deux ne le maitrise voire ne le comprend), et l'Anglais. Mais ce qu'il en sort, c'est bien sûr cette impression qu'on ne va nulle part, alors autant regarder... Et ce qu'on voit, c'est un retour méthodique, systématique, à l'état animal: je me suis souvent demandé comment il se faisait que les personnages de Dumont (qui ont une vie sexuelle visiblement active) ne se livraient jamais à des préliminaires, eh bien ce film donne un élément de réponse: cette absence de sophistication dans l'acte sexuel les renvoie à leur animalité et c'est le processus qui va faire régresser l'homme (au détriment de sa compagne comme on le verra à la fin) vers la condition d'un animal qui nous est contée par le menu: nudité, langage de moins en moins pertinent, brutalité, viol, et finalement meurtre.

En attendant, Yekaterina Golubeva est bien meilleure que dans POLA X, de Leos Carax; son rôle, une fois de plus, situe le plus souvent la caméra au plus près de son corps dénudé, mais elle réussit à porter ses doutes et son envie de faire fonctionner un couple qui bat de l'aile. Elle n'est pas aidée par son partenaire, mais on le verra, celui-ci a la mission d'incarner ce glissement vers l'inhumain (pour reprendre l'expression du commandant Van Der Weyden)... 

Quand même, loin des Flandres, il se passe des choses pas très catholiques: je termine en précisant que si on peut faire tenir l'importance d'un film dans ses cinq dernières minutes alors ce serait un chef d'oeuvre du cinéma d'horreur. Mais il y a 105 minutes avant d'y arriver, et donc, vous pouvez soit voir plus haut soit profiter du résumé suivant: voiture, sexe, pipi, voiture, motel, sexe, télévision, engueulade, voiture, montagne, sexe, caca, viol, mort. Ouf!

 

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Published by François Massarelli - dans Zizi panpan Bruno Dumont Mettons-nous tous tout nus