
Alors là, c'est TRES compliqué... A l'origine de ce film, il y avait un projet pharaonique, probablement inspiré de l'actualité cinématographique des années 70: Anatole Dauman, producteur exigeant et réputé de cinéma d'auteurs, avait produit pour un des plus grands cinéastes Japonais un film aussi explicite que miraculeux, qu'il sur-vendait parfois comme un film pornographique (L'empire des sens, de Nagisa Oshima). Ce qu'il n'était pas. A l'inverse, Bob Guccione, patron d'un empire porté sur la fesse, à savoir le magazine Penthouse, a donc décidé de le faire à son tour...
En brouillant les pistes, d'une part: son film allait raconter la Rome Antique, et tant qu'à faire cette partie de l'histoire qu'on connait moins, à savoir l'époque de Caligula César, héritier de son grand-père Tibère qui lui-même avait récupéré le pouvoir après Auguste, l'héritier direct de Jules! POur le scénario, Guccione a eu l'étrange idée de faire appel à Gore Vidal, donnant ainsi une connotation sophistiquée à son projet. Mais en confiant la mise en scène à Tinto Brass, réalisateur auto-proclamé obsédé sexuel, qui déjà à l'époque réalisait des films d'une confondante vulgarité avec une obsession particulière pour les popotins, il montrait comme une certaine tendance au grand écart! Grand écart encore, aux côtés de grands acteurs Britanniques comme Peter O'Toole, Helen Mirren, John Gielgud et bien entendu Malcolm McDowell, le film montre des acteurs venus d'autre horizons: Teresa Ann Savoy tournait à l'époque des films érotiques... Et le producteur-impresario est venu avec ses "Penthouse Pets", des mannequins pas souvent frileuses...
Le projet était délirant, et avait trop de capitaines. Vidal est parti en claquant vertement la porte en apprenant que Brass refusait de lire son script. Guccione remplaçait en douce des scènes du film derrière le dos de tout le monde en tournant des scènes porno et en les insérant sans ménagement ni logique. Et Brass afini par être viré pour s'en être plaint!
Les acteurs (les vrais, désolé pour cette vision des choses, mais quand on compare le jeu de Mirren et celui de Savoy on voit bien qu'un métier, ça s'apprend) ont gardé un souvenir vivace d'un tournage, disons, coloré. Mon anecdote préférée reste la réaction de Gielgud qui confessait à la fin de sa vie, lui qui fut longtemps un gay militant dans le milieu du théâtre et du cinéma, quand c'était encore plus difficile que maintenant, qu'il "n'avait jamais vu autant de bites de sa vie"... Le terme est une traduction fidèle du sien...
Ce film raconte, suivant les versions, l'accession (violente) au pouvoir de Caligula, fils adoptif de Germanicus, lui-même fils décédé de l'empereur Tibère. Epris de sa soeur mais marié à une prêtresse libertine, Caligula a lentement laissé le pouvoir le rendre plus fou et tyrannique que jamais. Entretemps, il aura participé avec allégresse à la décadence totale de l'empire Romain...
Il y a si je ne me trompe pas cinq versions: la version originale, dite "uncut", voulue par Bob Guccione, et "volée" à Tinto Brass. Guccione y a inséré une dizaine de minutes de sexe très explicite. La version originale recoupée pour l'export dans les pays Anglo-saxons, qui culmine à moins de deux heures, et qui élimine une bonne part des scènes les plus problématiques. Pas toutes, sinon il n'en resterait rien! Une version internationale, aussi longue que l'uncut, mais privée de ses scènes porno, remplacées par des séquences alternatives. Une version alternative Italienne (Io, Caligola) a été montée à partir de chutes (le film a été tourné avec un nombre excessif de scènes, autant que de prises) en 1983. Enfin, la nouvelle version, présentée à Cannes en 2023, est supposée donner à voir une vision proche de ce qu'une collaboration éventuelle entre Vidal et Brass aurait pu donner si le metteur en scène avait suivi les plans de son prestigieux scénariste, et le tout sans une seule des scènes pornographiques (elles sont essentiellement regroupées sur deux séquences, en réalité) voulues par Guccione. C'est Caligula, the ultimate cut, confectionné à partir de chutes, là encore, propose un montage beaucoup plus cohérent. Cette version est due à Thomas Negovan, un fan du film qui entendait restaurer la vision originale du film.
Au final, ce film est surtout notable pour ses excès, ses ratés, son baroque, ses horreurs, et pas vraiment pour ses leçons d'histoire. Il semble concentrer à lui tout seul, les possibilités les plus folles de la rencontre entre le cinéma d'auteur (quoique... Tinto Brass?), l'Histoire, et l'esprit Penthouse, soit des filles dans le plus simple appareil. Un résultat plus que vulgaire, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais un mélange détonnant qui était dans l'air: comme on dit souvent, "ça, après tout, on ne l'a pas essayé". Ce qui ne veut pas ire que ce puisse être une bonne idée pour autant, la preuve!
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