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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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22 avril 2024 1 22 /04 /avril /2024 18:28

Roy (Nicolas Cage) est un névrosé, un vrai de vrai, un beau: agoraphobie, germophobie, Tourette, T.O.C., et un certain talent pour les crises de panique. Bien sûr qu'il est suivi par un professionnel, mais le plus étonnant c'est qu'au milieu de tout ça, Riy excelle à son métier, ou plutôt à son activité lucrative... Car Roy est un escroc, et surdoué en prime. Il travaille avec Frank (Sam Rockwell) et leur équipe est très rodée... Mais Roy découvre que son ex-femme, qu'il n'a pas vu depuis qu'elle l'a quitté, enceinte, a eu une fille, qui a désormais quatorze ans. Cette dernière, angela (Alison Lohman) l'a contacté par l'intermédiaire de son psy, et vient s'installer dans sa vie jusqu'alors si bien rangée...

C'est une comédie, et s'il y a bien un terrain sur lequel on n'attendait pas scott c'est bien celui-ci. Son humour s'est parfois manifesté, remarquez: certains passages de Thelma et Louise par exemple sont de la pure comédie... Mais il aura fallu attendre ce film pour qu'il s'y essaie totalement. Et c'est assez étrange: pas raté, non, mais d'une maniaquerie millimétrée assez impressionnante. La vie de Roy, en particulier, nous est livrée avec une acuité et une précsion assez bluffante, qui ne cadrepas avec les habitudes du genre. Mais l'avantage c'est d'offrir au spectateur une place de choix pour observer la façon dont les événements (que je vous laisse découvrir) vont marquer le héros de façon durable...

Pour le reste, comédie ou pas, il en va de ce film comme de tous les scénarios basés sur des coups à faire et des plans machiavélique, on ya assiste à un mélange entre mensonges, manipulations, mise en sccène et morale élémentaire. La froideur occasionnelle du metteur en scène nous mettra parfois mal à l'aise, mais Cage est pour sa part dans son élément. Je sais qu'il a été critiqué pour ce film, c'est injustifié...

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott
21 avril 2024 7 21 /04 /avril /2024 18:01

Depuis le temps qu'on le dit: Ridley Scott est un visuel, un metteur en scène qui a besoin de se passionner pour ce à quoi va ressembler le film, dont il aime particulièrement être à l'origine de tous les contours visibles: cadre, couleurs, vêtements, véhicules, bâtiments, tout l'inspire. Alors quand il a une histoire de terreur (Alien), de science-fiction (Prometheus, Blade runner), de conte fantastique (Legend), une anecodte inspirée de la grande (The Duellists, Gladiator) ou de la petite (The last Duel) à raconter, forcément... C'est intéressant.

Par contre, des fois il se prend les pieds dans le tapis: l'anecdote visuelle tient lieu d'intrigue (Demi Moore en Marine dans un monde d'hommes, pour G.I. Jane, ça tient lieu d'intrigue, et c'est un navet); voire, le pitch prend toute la place, et le reste est cochonné: Hannibal.

Sans trop de surprise au vu de la réputation de ce film (qu'on connaît sous le titre de Cartel dans nos contrées), ce Counselor est de cette catégorie. Un film pour lequel feu la Fox a assemblé un casting grand luxe (Michael Fassbender, Penelope Cruz, Javier Bardem, Cameron Diaz, Brad Pitt, Natalie Dormer), confié le bébé à Scott après avoir commandité un script à un écrivain en vogue, Cormac McCarthy... Et Scott a soigné chaque plan, de façon évidente, sans se préoccuper de donner quoi que ce soit à voir à ses spectateurs qui ne soit un cliché de la pire espèce: la scène-audacieuse-de-sexe-que-vous-ne-verrez-que-dans-la-version-longue dans laquelle deux acteurs dialoguent autour de la teneur d'un cunnilingus, tout en s'assurant que les draps recouvrent bien toutes leurs parties friponnes, ça doit être pratique, tiens... Les anecdotes à la scorsese autour de moyens délirants de tuer les gens, qui sont évidemment annonciateurs. Le mauvais goût immonde de tous ces gens, je vous assure que Javier Bardem ne porte pas de chaussettes dans ses mocassins clairs en peau... 

Du reste, le mauvais goût des parvenus est souvent mis en scène dans ses films, pas toujours avec la distance nécessaire (la façon dont Hannibal Lecter "habille" Clarice starling, par exemple). Cameron Diaz en est d'ailleurs une synthèse, et le film un étendard. Vite vu, vite oublié.

 

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott
10 avril 2022 7 10 /04 /avril /2022 16:04

Deux policiers New-Yorkais, Nick (Michael Douglas) et Charlie (Andy Garcia) arrêtent un bandit Japonais qui vient d'opérer un massacre dans le restaurant où ils déjeunaient... Nick, qui fait l'objet d'une enquête sur sa probité, et son acolyte doivent escorter le prévenu jusqu'au Japon, mais à l'arrivée, des faux policiers les accueillent, et emportent l'assassin. Désormais en délicatesse avec la police locale, et supervisés par l'inspecteur Matsumoto (Ken Takakura), les deux Américains essaient de mener une enquête à leur façon, dans un pays étranger dont ils ne connaissent ni la langue, ni les usages, ni les pièges...

C'est à peu près le thème principal du film, cette plongée de deux étrangers dans une planète qu'ils ne reconnaissent absolument pas... Scott a totalement joué cette partition de bout en bout, en forçant volontairement sur le décalage horaire! Nick et Charlie, ce sont un peu deux cow-boys au pays des yakusas, mais le spectateur est invité à adopter leur point de vue, aussi; du coup, on est dans un certain malaise, le jeu de Michael Douglas, qui est en permanence le-flic-blessé-qui-ne-peut-faire-les-choses-que-de-sa-façon-et-ça-tombe-bien-il-a-raison, finit par agacer, tout comme le point de vue de deux rednecks sur le Japon, fussent-ils New-Yorkais. 

Bon, on va me dire que l'essentiel dans ce film brutal est justement cette aliénation et ce qu'elle révèle de l'être humain, mais bon, si on ajoute l'esthétique 80s en diable, les mulets de Douglas (même négligé un mulet reste un mulet), son goût pour les Harley Davidson à grosses coucougnettes, et la musique horrible d'Hans Zimmer (guitares Ibanez et Yamaha DX7, on est devant un temple du mauvais goût), je dois dire que le visionnage devient vite profondément désagréable...

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott Noir
27 février 2022 7 27 /02 /février /2022 17:06

Un meurtre a eu lieu, sous les yeux d'un témoin: Claire Gregory (Mimi Rogers), une jeune femme de la très bonne société de New York sait qu'elle peut être éliminée à tout moment par le tueur qui a réussi à s'enfuir: on lui assigne un garde du corps pour les nuits, un jeune inspecteur (Tom Berenger) qui vient de monter en grade, et qui va avoir de grandes difficultés, surtout pour ne pas laisser libre court à son attirance pour la personne qu'il doit protéger...

Sur la simple foi de son synopsis, ça peut sembler être un quickie destiné à faire avaler la pilule de l'échec cuisant de son dernier film, Legend, pouur Scott. Mais le film a été en gestation, et Scott était sur les rangs, dès 1982, au moment où sortait Blade Runner... De fait, on est en 1987, et Scott coche absolument toutes les cases du néo-noir des années 80: ambiances nocturnes, ruptures de ton brutales, présence obsédante du monde de la nuit (avec passage obligé par des endroits où l'on danse sur, hum, de la musique), mais aussi lumières bleutées de néon, montage "cut" et codification sommaire de la sophistication, Mimi Rogers en tête.

C'est là que le film fera sans doute sourire, dans l'opposition constante entre la belle New Yorkaise de bonne famille, habillée du plus pur chic 1987, et la famille de Tom Berenger, surtout son épouse: ils sont natifs du Queens et ça se sent... Mais la principale tempête souffle ici dans la tête du héros, d'abord face à un dilemme, puis face à des remords, et surtout face à une confusion monumentale en ce qui concerne la notion de devoir... Le film est visuellement certes bardé de clichés, mais il est efficace de bout en bout, et en dépit des atrocités vestimentaires de rigueur, on s'attache à ce policier et à sa famille, même si Lorraine Bracco en fait quand même un peu des tonnes. Et comme si on anticipait un peu sur d'autres films, c'est à cette dernière qu'on devra le dernier mot... Ou plutôt la dernière cartouche. 

 

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott Noir
27 février 2022 7 27 /02 /février /2022 11:32

Un jeune lycéen se réveille et après une grande difficulté à se mettre en route, prend sa bicyclette pour... ne pas se rendre au lycée, préférant passer du temps en bord de mer et près de sites industriels, de marais et de cabanes désaffectées. Pendant ce temps, il commente, du début à la fin, dans un flot ininterrompu de questions et réponses, d'imagination liée à sa vie familiale et et ses rapports (compliqués) avec les professeurs...

Le garçon, c'est le jeune Tony Scott, le frère de Ridley: le futur jeune réalisateur avait 18 ans quand il est apparu pour ce film devant la caméra de son grand frère, et ils inauguraient tous deux une longue histoire commune de passion pour le cinéma. Le film, d'une durée de 27 minutes, a été tourné en 1962 alors que Ridley poursuivait des études de photo, et a attendu un peu avant d'être fini et monté.

C'est du 16mm, mais on sent que Scott (Ridley) a pris soin d'utiliser toutes les ressources des lieux qu'il a choisi, du temps aussi. Il se plait à utiliser la profondeur de champ en répétant des plans qui montrent, en amorce, son frère en gros plan, avec d'autres éléments à l'autre bout du champ... Il montre déjà une certaine fascination pour les paysages industriels qui trouveront des échos dans certains de ses films. Et il capte la poésie un peu canaille d'une journée d'école buissonnière avec un écolier qui réussit à tromper son ennui en se faisant la conversation.

de façon intéressante, l'un de ses futurs travaux les plus notables, avant de passer au long métrage, sera une publicité pour les pains Hovis: il y répètera le motif du garçon seul avec un vélo, mais sans l'école buissonnière cette fois: le film publicitaire en question, d'une durée de 45 secondes, a tellement marqué les esprits lors de ses diffusions télévisées en 1973 qu'il a été restauré par le BFI. Pas ce film, par contre...

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott
27 février 2022 7 27 /02 /février /2022 08:17

Entre la rencontre en 1978 du jeune Maurizio Gucci (Adam Driver) et de Patrizia Reggiani (Lady Gaga) et l'assassinat par l'un des deux de l'autre en 1995, nous assistons à presque trente années d'amour, de haines, de trahisons, de montée en puissance et de dégringolades et illusions, dans la famille Gucci: les deux déjà mentionnés, rapidement mariés à l'écart de la famille avant de revenir par la grande porte, les deux frères héritiers de la maison, le père de Maurizio Rodolfo (Jeremy Irons) et Aldo (Al Pacino), et bien sûr Paolo (Jared Leto, absolument méconnaissable), le fils d'Aldo auquel ce dernier choisira plutôt Maurizio pour partenaire...

Le tout est largement vu du point de vue de l'outsider: Patrizia, celle par qui le renouveau arrive dans la maison Gucci, est au départ le pire casting imaginable pour Rodolfo, puisqu'elle vient du peuple: son père est un entrepreneur, mais à l'autre bout de l'échelle, et elle ne peut être selon lui qu'une chasseuse de fortune... C'est donc avec les yeux de Patrizia, que nous allons découvrir le reste de la famille. Mais nous verrons aussi, comme eux du reste, que Patrizia n'est pas un modèle de sophistication, d'où des scènes souvent cruelles, qui la montrent ignorante, naïve et à la limite de l'analphabétisme... 

Ce serait faux de dire qu'elle est le vilain petit canard dans la famille, dans la mesure où il n'y a pas un Gucci pour rattraper l'autre: là où Patrizia et Paolo se distinguent par leur ignorance, leur populisme ou leur mauvais goût proverbial (Paolo se le verra signifier dans une scène tout à fait cruelle aussi par Rodolfo qui soulignera sa médiocrité), les trois autres Gucci se signalent par leur froideur émotionnelle, leur obsession du nom Gucci, voire leur méchanceté...

Ridley Scott, fasciné par les jeux de pouvoir (GladiatorKingdom of heaven, American GangsterRobin Hood, Prometheus, Exodus, The Counselor, All the money in the world, The Last Duel... Faut-il insister?) trouve ici le prétexte d'un jeu de massacre bien dans sa manière, qu'il tourne aussi souvent que possible en dérision, une dérision grinçante qui a attiré beaucoup de critiques: c'est vrai que la cruauté de ce qui nous est montré est d'autant plus méchante que comme d'habitude il a tout fait pour recréer l'époque, les lieux, les petites manies des uns et des autres. Mais la cible du metteur en scène est de réaliser un opéra à partir de la famille Gucci, assez proche en soi de ce que Coppola a fait avec ses Corleone. Scott oppose à la vision de la mafia un portrait d'une organisation qui se déchire dans la légalité, mais on verra que la mesquinerie et la trahison, même légales, mènent aussi à la mort ici...

Alors, oui, c'est rude, et il est difficile d'aimer les personnages, de choisir entre les ambiguités des uns et des autres: quand Aldo favorise son neveu sur son fils, ne le fait-il pas un peu par affection? Patrizia s'est faite toute seule, et elle va beaucoup apporter à Maurizio... Ce dernier, un grand naïf pas plus intéressé que ça au départ par les millions de sa famille, est foncièrement sympathique pendant au moins un bon tiers du film, et le fait de favoriser le point de vue de Patrizia en fait parfois une victime. - à nos yeux du moins, mais ce serait quand même un peu trompeur. Le jeu est souvent opératique, et Scott n'a pas engagé Al Pacino, Lady gaga et surtout Jared Leto pour faire dans le subtil. Salma Hayek non plus!

Alors? Alors une fois de plus, Ridley Scott examine le pouvoir de l'argent sur les hommes, l'héritage grippé et rouillé d'un système qui va à la fois se désagréger, et se perpétrer sous nos yeux. Il jongle avec les thèmes du pouvoir, de l'ambition, de la trahison, et le fait sous le vernis rigolard d'un film dans lequel une coiffure choucroute, des mocassins avec une feuille d'or, ou des lunettes que même François Léotard n'oserait pas porter aujourd'hui, sont le comble de la sophistication. Il sonde notre inconscient collectif en exposant les travers de l'humain dans une période que nous avons vécue, et qu'il n'a modifiée comme d'habitude que pour la rendre un peu plus pratique à l'usage...

Car le film n'est pas sans défauts: on sait que le metteur en scène est friand d'une certaine forme de pédagogie, encourageant ses scénaristes à utiliser aussi souvent que possible les dialogues pour véhiculer une aide aux spectateurs... ce qui est intéressant devant un film situé au Moyen Age, par exemple, où les balises fournies par le dialogue nous aideront à nous situer. Même chose avec un film d'anticipation... Mais pour un film comme celui-ci, cette petite manie tourne à la redondance pure et simple, et alourdit le tout. Je sais par ailleurs avoir été élevé aux films Américains des années trente, qui ne faisaient aucun effort pour cacher l'accent Américain des acteurs, quand ils interprétaient un Anglais, un Irlandais, voire un Berrichon... Mais de même que j'ai la plus grande irritation quand les acteurs d'un film situé en Allemagne prennent l'accent "Nous afons les moyens de fous faire parler", ici les accents Italiens de tous ces gens qui parlent en Anglais (un Anglais sensé traduire des situations qui dans la vraie vie étaient en Italien, si vous me suivez) est assez horripilant... Ou participe de la caricature aussi. Notons pour finir sur ce chapitre que si Coppola faisait parler ses protagonistes avec un accent similaire, c'est aussi et surtout parce que cette fois c'était authentique, l'accent en question étant justement Italo-Américain. Certaines scènes vont tellement loin dans la caricature qu'elles sont un peu gênantes, Lady Gaga et Salma Hayek rencontrant deux tueurs, par exemple, m'ont fait un peu penser à JFK d'Oliver Stone, Lady Gaga jouant dans cette scène avec la même intensité que Joe Pesci dans sa grande scène de paranoïa!

Voilà, en tenant compte de ces réserves, et en admettant que le film n'est pas à la hauteur de celui qui l'a précédé, House of Gucci, exploration de la proverbiale puissance et dégringolade d'une famille et fable sur la roue de la splendeur qui tourne en même temps que le siècle, est une intéressante addition à l'univers d'un cinéaste passionnant, même s'il l'est aussi... pour ses défauts.

 

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott
28 janvier 2022 5 28 /01 /janvier /2022 18:17

Deux hommes liés par un passé militaire, l’un ayant sauvé la peau de l’autre, vont s’affronter en duel. Ce duel est l’aboutissement du film, mais il n’est pas le vrai sujet. D’emblée, on doit balayer toute référence à The duellists, malgré la tentation: contexte différent, finalité différente, ce nouveau film n’a rien à voir et tout en offrant une belle vision du Moyen Âge, est très fermement ancré dans le contexte de ce premier quart d’un nouveau siècle…

Jacques Le Gris (Adam Driver) et Jean de Carrouges (Matt Damon) vont s’affronter en duel parce que l’un d’entre eux accuse l’autre d’avoir violé son épouse (Jodie Comer). Il a demandé le jugement de dieu afin de régler l’affaire et de rendre le duel « légal »… L’enjeu est simple : si Carrouges gagne le duel, et donc tue son opposant, il aura prouvé devant Dieu que Le Gris a bien fait ce dont on l’accuse. Si en revanche Le Gris gagne, il « prouve » qu’il n’a pas violé l’épouse de son adversaire, et que celle-ci en l’accusant a menti. Pire: elle a sans aucun doute consenti (et pris du plaisir) à un rapport adultérin, elle sera donc humiliée et brulée vive…

Scott encadre son récit avec le commencement du duel, mais l’essentiel de la narration va nous exposer les faits, à travers les trois points de vue, celui de Carrouges d’abord, puis Le Gris enfin Marguerite de Carrouges… L’un de ces points de vue sera la vérité. Le film ne brouille pas les pistes, la vérité sera claire et il est même, à un moment, annoncé par un intertitre que le témoignage auquel nous allons être confrontés EST la vérité (chaque « chapitre » commence par une annonce : The truth according to… (La vérité selon...) Pour l’un des trois témoignages, les mots « the truth » restent un peu à l’écran quand le nom du protagoniste disparaît): on n’est donc pas dans le film de Clouzot La vérité, ou tout autre film judiciaire, où le spectateur aurait été amené à délivrer ses propres conclusions, la cible est donc ailleurs…

Depuis The Duellists, on sait à quel point Scott a du talent pour se glisser, et son film avec lui, dans une époque lointaine qu’il s’agira de recréer (au sens propre, ce n’est jamais une illustration rigoureuse, plus une variation créative). Le XVIIIe siècle dans son premier long métrage, le XVe et XVIe siècle dans 1492, l’empire Romain dans Gladiator, Jerusalem au temps des croisades (Kingdom of heaven), le Moyen Age de Robin Hood et l’Egypte de Exodus peuvent en témoigner. Ici, il a replongé avec gourmandise dans ce plaisir de créer/recréer une époque, en se rendant dans des endroits qu’il connaît bien, principalement l’Irlande et la Dordogne… Ce film fait dans des conditions inattendus (la Covid!) et avec une équipe entièrement masquée est pourtant beaucoup plus à prendre comme une réflexion ironique sur la nouvelle donne des rapports homme-femme, qu’une simple plongée dans l’idéologie du passé. D’emblée, à travers les points de vue différents qui nous sont montrés, Scott nous montre non seulement ce qu’ont à dire les trois protagonistes, il nous donne aussi à voir des recoupements, des tendances et des variations infimes qui sont autant de révélateurs d’un aveuglement masculin opposé à une condition féminine qui est soumise à des lois qui ne seront, jamais, faites pour les femmes… Par ailleurs, les témoignages successifs de Carrouges et Le Gris, qui utilisent l'affaire à des fins politiques, sont des preuves assez flagrantes d’une société dominée par les mâles, et d’une certaine duplicité de l’un comme de l’autre. Ce qui n’empêche jamais, bien entendu, certaines anecdotes de pouvoir être vues au travers d’une embarrassante sincérité naïve, pour l’un comme pour l’autre !

Il faut aussi comprendre que ces chapitres sont plus les données objectives, que des témoignages forcément douteux assemblés par les protagonistes lors de leur interrogatoire: quand on aura le point de vue de l’un des trois, ce sera un vrai point de vue, et ce qui nous y sera montré est le souvenir que potentiellement chaque protagoniste aura gardé des actes et paroles échangés.

Une scène répétée dans le film ne l’est jamais pour rien: occasionnellement, il s’agit principalement d’ancrer un moment dans la tête du spectateur pour permettre de repérer un moment particulier de l’intrigue ; mais la plupart du temps, la répétition est surtout une invitation à la comparaison entre les points de vue. L’un des exemples les plus frappants est une scène d’une incroyable importance, lorsque dans son propre chapitre Jean de Carrouges présente son épouse à Le Gris, celui-ci s’avance et lui serre la main, avant d’accepter l’offrande d’un anecdotique baiser de la jeune femme. Dans le témoignage de Le Gris ce baiser devient un acte fougueux et passionnel. Chez Marguerite, l’acte est lié à son propre embarras… Dans chacune des interprétations, le contexte donné est différent, car les souvenirs sont différents. Une autre preuve de cette façon d’utiliser le point de vue est la peinture des actes sexuels : chez Carrouges, rien. Aucun souvenir lié à l’acte, probablement relégué au rang de devoir conjugal… Chez Le Gris qui est un passionné, et un participant aux orgies de son copain Pierre (Ben Affleck), le viol nous est montré entièrement de son point de vue à lui, et sa logorrhée sur le supposé amour entre lui et sa victime est débitée alors qu’il prend la fuite. Mais Marguerite, pour sa part, contient dans son point de vue une vision, non seulement plus violente et traumatisante du viol, mais aussi de l’acte sexuel avec son mari, qui est montré comme une infecte corvée… Un fil rouge, aussi: car dans ce Moyen Âge obsédé par la filiation, il faut que les rapports rapportent, et donc qu’un enfant soit conçu. On fait beaucoup reposer de croyance sur le lien supposé entre orgasme et conception : le premier serait la récompense (divine, sans doute,) de la deuxième… Si Le Gris dit que le rapport a été consenti avec marguerite, et que par-dessus le marché un enfant est probablement né de cette union, on le voit : la jeune femme est mal partie dans son affaire…

Le film, qui ne nous fait rien ignorer des us et coutumes de l’époque, reconstitue aussi la difficile lutte sociale d’un petit seigneur comme Carrouges pour s’imposer, bien sûr; du coup, la guerre devient autant un défouloir qu’un levier… Les scènes de violence guerrière sont contées comme celles qui permettent à Jean d’exister, pendant que Le Gris s’en tient aussi éloigné que possible. Nul doute que le duel final sera un règlement de comptes qui a bien plus de résonnances que le seul affront personnel que reproche Carrouges à son ancien ami. Pour Le Gris, c’est l’occasion trop belle de se débarrasser une fois pour toutes d’un gêneur. Pour Carrouges, c’est l’occasion de retourner en bonne grâce à la cour. Et tant pis si dans l’affaire il perd sa femme… Ce duel, qu'il a voulu et pour lequel il n'a pas consulté sa femme qui toutes les chances d'en souffrir, est pour lui l'occasion de renaître après des années de disgrâce. Donc d'une affaire parfaitement authentique, mais obscure, Scott fait une fresque qui raconte de quelle façon une femme doit subir un calvaire incluant la menace de sa propre mort, pour faire exister sa propre vérité, qui ne sera reconnue qu'à la suite d'un rituel barbare et hautement hasardeux... et par-dessus le marché il lui aura quand même fallu subir un viol. Et tant qu'à faire, les mots de son mari peu de temps après lui avoir raconté son sort, ont du faire mal: viens ici, il est hors de question que la dernière fois qu'un homme t'aura touchée soit dans le cadre d'un viol. Et manifestement, elle n'a pas le droit de dire non...

L'esthétique particulièrement travaillée, ce sens du détail mélangé à des fresques faites de décors splendides et de re-créations numériques, fait évidemment merveille, dans un film d'une grande beauté, mais une beauté qui ne cherche jamais le cachet ni la joliesse, comme toujours depuis The duellists... Le choix des acteurs est au-dessus de toute critique, aussi bien Matt Damon (qui a co-écrit le film avec Ben Affleck et Nicole Holofcener) qu'Adam Driver mettent toute leur énergie et tout leur talent dans ce conte cruel à points de vue variables. C'est formidable de constater à quel point Scott a fait peser le jeu de ses deux acteurs masculins dans ces variations minutieuses... Et Jodie Comer, relative nouvelle venue, adopte dès le départ une posture énigmatique, d'abord effacée puis de plus en plus affirmée, qui la fait parfois ressembler à... Margarethe Schön, qui jouait Kriemhild dans Die Nibelungen de Fritz Lang. Je ne sais pas si c'est délibéré, mais ça contribue à mes yeux à en faire un personnage saisissant, une femme arc-boutée sur sa volonté ferme de faire triompher la vérité parce que c'est la même que SA vérité. Et ce au détriment de son mari s'il le faut, puisqu'en l'excluant de la décision de "participer à ce jugement de Dieu", il se rend a priori complice de sa propre mort. La jeune actrice est splendide dans ce rôle crucial. Le film aussi, et je pèse mes mots quand je dis que c'est l'une des plus belles réussites de son metteur en scène.

 

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott
10 janvier 2022 1 10 /01 /janvier /2022 03:56

En Iraq, un agent de la CIA s'est extrêmement bien acclimaté: Ferris (Leonardo Di Caprio) aime le moyen-orient, s'y imprègne de la culture et y mène des missions dangereuses afin de contribuer à la lutte contre les organisations terroristes. Il va devoir se faire aider, de la population locale pour commencer: Bassam (Oscar Isaac) est une aide précieuse mais il va être tué dans une mission. Ensuite, il est constamment ou presque en liaison avec Ted, un agent (Russel Crowe), un agent qui supervise actions depuis Washington. Enfin, il va devoir faire avec Hani Salaam (Mark Strong), un responsable Jordanien de l'intelligence et du contre-espionnage: pas un tendre...

C'est dans ce contexte qu'il fait la connaissance de Aisha (Golshifteh Faharani), une infirmière qui ignore tout de sa vraie vie, mais qui est séduite par les efforts qu'il déploie pour l'approcher, ainsi que les marques de respect qu'il lui témoigne.

Ridley Scott s'est toujours attaché à peindre des personnages qui semblaient passer à l'ombre de l'histoire, en marge. En particulier dans des films "historiques" ou prétendus tels comme Gladiator ou Kingdom of Heaven, et d'autres personnages peuvent assez facilement être assimilés à cette tendance tout en étant encore plus marqués du sceau du mythe: on pense au Moïse récalcitrant d'Exodus, par exemple... Mais avec Ferris, on touche aussi à l'univers propre à l'acteur, qui depuis Gangs of New York nous montre des personnages de plus en plus durs, à la vie intérieure complexe: Jordan Belfort, Howard Hughes ou bien sûr J. Edgar Hoover...

Mais la force du film, un thriller très maîtrisé, nerveux et sans un gramme de graisse, est de nous donner à voir le quotidien souvent franchement sale de l'espion moyen, qui doit parfois assumer de mener d'autres, généralement innocents, à la mort. C'est ce qui arrive à Ferris dans le film qui s'estime non seulement responsable de la mort de son collaborateur Bassam, mais en prime a provoqué par une manipulation le décès d'un quidam qui n'avait rien demandé à personne, et qui tombe dans les mains des jihadistes. Comme Ferris est en pleine découverte passionnelle du monde qui l'entoure, symbolisé par Aisha, c'est la source d'un dilemme permanent.

Et Scott, qui aime à recréer selon ses propres termes le monde qu'il nous représente, a choisi de montrer son personnage principal pris entre le marteau (Hani Salaam, adepte de méthodes, disons, radicales) et l'enclume (Ed, qui ne s'embarrasse pas de sentiments): deux méthodes qui vont s'avérer aussi efficaces qu'avilissantes... On en sort secoué mais instruit, et le film nous montre bien la dureté de la réalité de la guerre contre le terrorisme, une guerre qui est vécue à plein temps. Mais vraiment à plein temps...

Pour finir, si certains personnages sont un peu convenus (on admire Crowe et Strong, mais ici, ils ont quand même des personnages qui sont bardés de clichés du genre), l'interprétation de Di Caprio, et de Golshifteh Faharani dont c'était si je ne m'abuse le premier film de premier plan, est excellente.

 

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott
11 août 2020 2 11 /08 /août /2020 19:20

Fuyard (il a tué son frère qui manigançait contre lui), le jeune Balian rejoint son père biologique (Liam Neeson) qui part pour Jérusalem: la ville sainte est à nouveau en proie à des troubles, et le Sultan Saladin menace de reprendre la forteresse... Mais son père meurt en route et Balian, devenu chevalier et nouveau seigneur d'Ibelin, va apprendre à sa façon les jeux du pouvoir et de la guerre, confronté à un ennemi décent, une cour embarrassée de la maladie de son roi lépreux, et apprenant avec la belle Sybilla comment se laisser envoûter par la culture locale... Pendant ce temps les templiers et autres fanatiques fomentent complot sur complot...

Voici un film à défendre! Sorti en 2005 et aussitôt accusé d'être une sorte de Gladiator médiéval situé à Jérusalem, Kingdom of Heaven n'a pas bonne presse: trop long, trop simpliste, un héros (Orlando Bloom) empêtré dans une intrigue qui semble ne pas vouloir de lui... Et c'est dommage, surtout si on considère l'envoûtante version longue (190 mn) dans laquelle il est bon de se perdre, de profiter d'une histoire largement réécrite et dramatisée, et ses personnages hauts en couleurs: le juste Tibérias (Jeremy Irons), coincé entre son sens de la justice, sa loyauté à une couronne chancelante et la raison d'état; le bon roi Beaudoin IV (Edward Norton, parfaitement génial), le roi lépreux qui tente de maintenir la paix et la tolérance en dépit des factions extrémistes qui souhaitent bouffer du sarrasin; enfin Sybilla (Eva Green), la romantique soeur du roi, et mère de son successeur au destin tragique, elle-même éphémère reine de Jérusalem.

Tous ces personnages ont passionné Ridley Scott, et ça se sent. Mais le pompon, c'est bien sur Saladin (Ghasson Massoud), le magnanime, le visionnaire, dont Scott fait le véritable père du statu quo actuel sur Jérusalem, la ville trois fois sainte dans laquelle toutes les religions présentes ont le droit de coexister. En 2005, à l'heure ou les dirigeants Américains se lancent dans la guerre sainte, rappeler l'existence de la tolérance, profondément inscrite dans l'Islam, ça faisait un film résolument à voir, non? 

Et on sent que c'est pour moitié ce qui a motivé Scott pour faire le film: prendre le contrepied des schémas héroïques habituels, montrer comment un homme prend les armes pour défendre une ville d'abord et avant tout parce qu'il n'y a pas moyen de faire autrement; et quand la trêve se dessine, permettant à l'humanité d'y trouver son compte, il n'y a plus de fanatisme qui tienne. Le film attaque à plusieurs reprises non la religion, mais le fanatisme, et comme une riposte à l'égard de tous les islamophobes bêlants, il réserve ses coups pour une chrétienté arc-boutée sur ses propriétés et ses intrigues... Et pour moitié, Scott a aussi manifestement profité de l'occasion pour signer l'un de ses films les plus ouvertement splendides, et ça se sent!

 

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott
5 octobre 2018 5 05 /10 /octobre /2018 16:39

En 1973, un gamin est kidnappé à Rome: Paul Getty (Charlie Plummer) est le petit-fils de John Paul Getty (Christopher Plummer), l'homme qui a la réputation d'être le plus riche de tous les temps, et les bandits qui l'ont enlevé sont loin de s'imaginer que la rançon extravagante qu'ils demandent à la maman sera difficile à rassembler: la belle fille du milliardaire (Michelle Williams) est en effet divorcée, et a du mal à joindre les deux bouts. Quant au grand-père, il ne veut rien savoir, persuadé que sa belle-fille est en train de lui monter un bateau pour lui extorquer de l'argent...

Un employé de Getty, l'ex-agent de la CIA Fletcher Chace (Mark Wahlberg) est donc dépêché pour s'assurer du bien-fondé de la demande, voire pour temporiser, car au fur et à mesure de la progression de l'affaire, John Paul Getty ne semble pas bouger d'un cil pour faire quoi que ce soit pour sauver son petit-fils.

Je ne parlerai pas ici de l'affaire regrettable autour de Kevin Spacey, "enlevé" du film un mois avant la sortie, et remplacé par Plummer: le vieil acteur est un monstre sacré lui aussi, la prouesse de Scott est phénoménale, fin de l'histoire... Sinon, bien sûr, le vieux renard est en pleine forme, ce qui veut dire que ce vingt-sixième long métrage de Ridley Scott partage avec les autres cette maestria désarmante pour les images composées et définitives, une palette de couleurs totalement appropriées, et un goût certain pour la recréation d'une époque avec ce je-ne-sais-quoi de décalé qui fait qu'on sait que ce n'est pas vrai...

L'intrigue est basée sur un suspense assez fort aussi, course contre la montre oblige. Mais tout n'est pas que suspendu à l'angoisse de Michelle Williams, qui doit se battre contre l'impressionnante pingrerie maladive de son beau-père plus que contre les bandits qui ont enlevé son fils; ni au destin du fils, dont les aventures assez mouvementées (et même Van Goghiennes) sont certes dramatiques, mais surtout fonctionnelles. Non, Scott met finalement beaucoup l'accent sur l'amitié curieuse entre Paul et un des bandits joués (avec excès, mais on lui a demandé de le faire à la Jean Réno) par Romain Duris: un mafieux, un dur, mais un homme finalement plus humain que ne l'est ce vieux salaud de Getty: car dans ce film l'homme richissime cache des secrets, mais il est surtout une vieille ordure, essentiellement.

Bref: Scott caresse depuis de nombreuses années le désir de réaliser une grande fresque de l'argent. Ce n'est pas ce film, excellent divertissement, mais film relativement mineur dans sa carrière. Le fera-t-il un jour? L'heure tourne...

 

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott