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3 juin 2023 6 03 /06 /juin /2023 17:02

Inspiré de faits réels, ce film est situé entre The Lost World et Saving Private Ryan. D'une certaine manière, Spielberg répétait l'étrange coup double entre Jurassic Park et Schindler's list, de sortir coup sur coup un blockbuster pas trop regardant et un film visant haut. Mais le malentendu autour d'Amistad, jugé un très piètre reflet de Schindler's list, voire taxé de bêtise par certains commentateurs (Spike Lee n'est pas tendre à son égard, par exemple) est toujours là: film simpliste, manichéen, raté, trop long, qui adopte un point de vue blanc, etc... Les reproches sont nombreux et tous ne sont pas infondés. Mais revu aujourd'hui, alors que la carrière de Spielberg a continué dans ces directions multiples et que le metteur en scène a aussi accumulé les réussites (parfois contestées, mais tant pis) dans des domaines très divers, ainsi que quelques échecs bien entendu, Amistad semble porter en lui une ébauche du style des films à venir...

Rappelons que le script de David Franzoni concerne un incident réel, celui du procès de la Amistad, un bateau Hispanique appréhendé par les autorités Américaines alors que le vaisseau dérivait, conduit tant bien que mal par des esclaves mutins qui avaient pris deux de leurs bourreaux en otages. Ceux-ci, des sujets de la couronne d'Espagne, clamaient être d'honnêtes propriétaires d'esclaves venus de Cuba, et non des trafiquants qui apportaient de la chair fraiche: en effet, en 1839, les Etats-Unis ont banni la traite des esclaves afin de concéder aux abolitionnistes, mais sans abolir l'esclavage afin de satisfaire les esclavagistes du Sud. Un groupe de citoyens et d'avocats, unis par la volonté d'en finir avec l'esclavage, s'emparent du dossier afin de déterminer si les noirs appréhendés sont des esclaves victimes d'un trafic, ce qui légitime leur révolte, ou des esclaves en route depuis Cuba, ce qui les rendrait coupables de meurtre aux yeux de la loi. Parmi les défenseurs, un avocat, Mathew McConaughey; un chef d'entreprise noir, Morgan Freeman, et... un ancien président des Etats-Unis, Anthony Hopkins qui interprète John Quincy Adams! ...Avec eux, les noirs sont représentés par un grand gaillard interprété par Djimon Hounsou, avec lequel la confrontation va tourner au choc de civilisation.

Le contexte est extrêmement bien campé, anticipant bien sur sûr la réussite de Lincoln. Mais en prime, on a le style de Spielberg, qui aime à prendre le spectateur par surprise dans un premier temps et le plonger directement au coeur de l'action avant d'exposer l'intrigue: le film commence en très gros plan par la vision d'un objet qui gratte sur du bois. C'est un esclave qui tente de dégager les chaines qui l'entravent... La séquence qui suit est exemplaire, tout comme les vingt-cinq premières minutes, qui partent dans tous les sens, en adoptant le point de vue des esclaves la plupart du temps. Mais le procès fait largement glisser ça vers un point de vue qui est essentiellement blanc (même Morgan Freeman est d'ailleurs considéré comme tel par le groupe d'esclaves qui rappelons-le ne parlent pas l'Anglais). Mais d'une certaine façon, le choix de Spielberg, pour naïf qu'il soit, est aussi dicté par le fait qu'il y a un monde entre ces esclaves et ces Américains, tous regroupés par un langage commun et une certaine façon d'exercer la démocratie... C'est d'ailleurs à un interprète noir (Chiwetel Ejiofor) qu'il va falloir faire appel lorsque la communication sera nécessaire. John Quincy Adams quant à lui vole évidemment la vedette (Hopkins fait ce qu'on attend de lui) dans un épisode d'appel auprès de la cour suprème qui ne s'imposait pas, et qui est assez pompeux, noyé sous une partition de John Williams qu'on a connu plus inspiré.

Alors que le début était souvent impressionnant dans ses échanges de point de vue (les Mendes pris en esclavage ayant souvent un point de vue très rafraîchissant sur leurs défenseurs), le film tend donc à s'alourdir considérablement sur la fin, après avoir été un exercice excitant et novateur (un peu comme le sera le film suivant dans son ouverture spectaculaire) puis un film de procès honnête mais appliqué. L'histoire y trouve son compte, et le fan de Spielberg y retrouve au moins sa générosité en même temps qu'une bonne dose de roublardise partagée avec Anthony Hopkins...

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg