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15 mai 2015 5 15 /05 /mai /2015 16:56

Il y a trois films en un dans le superbe 42nd street, qui est au passage le premier musical de la Warner dont on a confié les scènes de spectacle à Berkeley: d'abord un film "de spectacle", qui déroule l'argument numéro un de tant de comédies musicales de toutes les époques; on prépare un show, et il est vu sous les angles combinés des répétitions, de la vie des protagonistes, les obscurs et les sans-grade comme les vedettes, dans les joies comme dans les galères. Le personnage qui sert de fil rouge est le metteur en scène/producteur Julian Marsh, interprété par Warner Baxter. Lorsque le film commence, il est au bout du rouleau et a besoin d'argent. Ensuite, il est tyrannique, mais juste, dur mais efficace durant tout le film, et on a l'impression qu'il est sur les genoux... Autour de lui, on assiste aux ballets des chorus girls Ruby Keeler, Ginger Rogers, Una Merkel, des vedettes Bebe Daniels et Dick Powell, ainsi qu'à des histoires impliquant tout un panel de personnages typiques du cinéma de l'époque: un quasi-gigolo (George Brent), un millionnaire-mécène (Guy Kibbee), des hommes de spectacle de toutes obédiences (Ned Sparks, Allen Jenkins)... L'argument a tellement été utilisé, qu'on croirait s'en lasser, mais il n'y arien à faire, la direction d'acteurs nerveuse, le ton résolument à cheval entre un certain réalisme et la comédie, font merveille.

Ensuite, c'est une impressionnante métaphore qu'il nous est donné de voir, d'une Amérique à la recherche d'un certain volontarisme, et dans laquelle un spectacle se crée grâce à tous ceux qui se retroussent les manches. Cette Amérique ne se sortira de la crise que par un effort commun, et Julian Marsh est l'incarnation de cette nécessité. Il est malade, le sait très bien, mais ne peut vivre qu'en accomplissant son art. Et il ne peut absolument pas le faire à moitié. La société qui nous est présentée, symbolisée par la compagnie de Marsh, est égalitaire: lorsque Dorothy (Bebe Daniels) ne peut assurer son rôle, elle est immédiatement remplacée par une novice (Ruby Keeler) qui va porter le show sur ses épaules... grâce à l'effort de chacun. Et lors du finale, le portrait de l'amérique passe par une représentation de la vie urbaine (Un numéro intitulé, justement, 42nd Street), un véritable portrait d'une Amérique qui bouge, faite d'une multitude d'êtres humains de toutes tailles, de toutes origines, lâchés dans une rue reconstruite pour le théâtre. Chacun y jour un rôle, mais la cohésion y est parfaite... un message à peine voilé, qui sera relayé dans les films suivants de la compagnie qui avait pris le train Rooseveltien en marche, mais ne pas le quitter avant longtemps.

Enfin, le plus célébré sans doute des aspects de ce film, 42nd street est typique de cette vague de films WB co-réalisés par Berkeley, dans lesquels la dernière demi-heure laisse la créativité exploser dans tous les coins, en dynamitant les limites du théâtre filmé: si le premier des trois numéros présentés nous est brièvement présenté dans le cadre d'une représentation théâtrale, les deux suivants sont impossibles à réaliser sur scène, et Berkeley, aidé de ses compagnies de chorus girls (Qu'on reconnait d'ailleurs d'un film à l'autre), s'amuse avec la chorégraphie et la géométrie, dans un jeu permanent sur le point de vue et la forme. Et bien sur, le numéro 42nd street est fait de longs plans virtuoses, et possède tellement de figurants, et un tel décor, qu'il est infaisable! Mais c'est un tel bonheur... Le public ne s'y est pas trompé, et le metteur en scène-chorégraphe a mis de la cohérence dans son projet, obtenant la même cohésion pour ses séquences que celle demandée par marsh à sa petite troupe indisciplinée...

Première pierre d'un cinéma Rooseveltien, première oeuvre majeure d'un cinéaste important (Je ne parle pas de Bacon), premier chef d'oeuvre de la comédie musicale qui sortait enfin des carcans médiocres imposés depuis The singing Fool (De... Lloyd Bacon), première pierre donc d'un chemin qui mène à Singing in the rain, excusez du peu... 42nd street est un peu tout ça, en plus d'un spectacle totalement satisfaisant: bref, un film majeur et significatif.

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Published by François Massarelli - dans Comédie musicale Pre-code Busby Berkeley Lloyd Bacon