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1 juillet 2015 3 01 /07 /juillet /2015 17:58

Il existe des films inhabituels, excentriques, étonnants, anachroniques ou en avance sur leur temps... Il me semble toutefois que celui-ci les dépasse tous d'une manière ou d'une autre. Il me vient deux hypothèses, d'ailleurs compatibles, pour en expliquer l'existence d'un tel court métrage (Deux bobines) avec Douglas Fairbanks, dont le format habituel était à cette époque le long métrage de cinq bobines. D'une part, le succès de l'adaptation de la pièce "Sherlock Holmes" avait provoqué un certain engouement pour le détective, ce qui encourageait bien sur la parodie, et d'autre part, Fairbanks avait peut-être envie de se frotter au burlesque. Le cocktail qui en résulte est donc ce film, dont le script est du à Tod Browning, alors en convalescence après un accident de voiture spectaculaire qui l'avait éloigné des studios.

Coke Ennyday (Douglas Fairbanks) est un détective moderne, épris de technologie de point: il possède un attirail impressionnant de déguisements, tous plus ou moins dans les mêmes couleurs car on a sa coquetterie, il a un système de télévision interne dans son bureau qui lui permet de voir ses visiteurs avant qu'ils ne le rencontrent (Pourquoi? On ne le saura pas!), et sa journée est rythmée par une pendule qui lui indique les moments essentiels de la journée: boire, manger, consommer de la drogue... Oui, car le prédestiné Cole Ennyday ("De la coke quand je veux", en gros) est comme son illustre modèle, c'est-à-dire cocaïnomane. Un officier de police au bout du rouleau (Tom Wilson, décidément destiné à jouer les pandores!) lui apporte une affaire étrange; il s'agit d'une part de déterminer la source de la fortune considérable d'un gentleman qui nage littéralement dans l'argent (Allan Sears), et d'autre part de comprendre à quel jeu se livrent les Asiatiques qui louent des poissons gonflables sur les plages d'Atlantic City. Chemin faisant, Ennyday va consommer des doses impressionnantes de cocaïne, rencontrer une jolie demoiselle interprétée par Bessie Love (L'un de ses premiers rôles), manger de l'opium avec les doigts comme si c'était de la pâte à tartiner, déjouer un trafic de drogue (Ironie qui n'est même pas soulevée par le script), et enquêter "discrètement" avec sa Coke-omobile ultra-voyante...

Plus grotesque que le moindre film Sennett de 1916, le court métrage a été tourné non pas une, mais deux fois: Christy Cabanne en avait en effet dirigé une première version, jugée ratée, il a donc été demandé au complice John Emerson de reprendre le tournage. Certains créditent Tod Browning comme son assistant, mais il ne reviendra à l'ouvrage qu'en 1917, et était d'après ses biographes salement amoché à cette période. Mais même cette deuxième version réalisée par son complice favori n'a pas plu à Fairbanks qui a même été tenté de s'opposer à sa sortie. Le résultat est absolument idiot, c'est le moins qu'on puisse dire, mais il l'est volontairement, et c'est à ma connaissance le seul film muet Américain dans lequel le personnage principal consomme en 25 minutes autant de drogues que les Rolling Stones en 60 ans, et s'en tire avec le statut de héros! Coke Ennyday est en plus, une parodie permanente, d'ailleurs assez franchement éloignée de son modèle. Il sautille constamment sous les effets additionnés des produits qu'il ingère en quantités astronomiques, et se ridiculise volontiers. Pas autant que le film, il est vrai... Voilà un cas d'école, un film impossible à aimer, impossible à détester. Un film rondement, absolument, totalement, irrémédiablement, définitivement, volontairement... crétin.

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Published by François Massarelli - dans Muet Douglas Fairbanks