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24 mai 2021 1 24 /05 /mai /2021 08:57

Le huitième long métrage de Wright pour les salles a failli ne jamais exister: le choix de travailler à la Fox, soit dans un cadre classique, pour un retour au film noir à l'ancienne, semblait une bonne idée; mais c'était sans compter sur le fait qu'entretemps, Disney allait tout engloutir et commencer à se mêler de tout. Et ajoutez à ça une pandémie, et le film rejoint la longue liste des oeuvres qui seront sorties alors que personne ne peut les voir... Sauf sur Netflix. 

C'est un nouveau projet gonflé d'un metteur en scène qui n'est connu ni pour sa discrétion, ni pour son humilité; il le reconnaît du reste lui-même, Joe Wright est un réalisateur qui s'insère dans ses films, mais surtout il aime le cinéma, ses artifices, ses techniques. Il le prouve en s'attaquant ici à un sujet miné: une personne qui ne peut sortir de chez elle s'occupe en épiant les voisins, et constate qu'il se trame des choses louches dans l'appartement d'en face. Un soir elle voit même un meurtre... 

Tiens donc? D'ailleurs, Amy Adams, qui interprète la personne en question, le Docteur Anna Fox (psychologue pour enfants) a un appareil photo à l'ancienne, un de ces gros appareils à téléobjectif qui semble précipiter le film dans le plagiat de Rear window... Un plan de James Stewart, vu sur un écran, enfonce le clou. Mais... ce serait faux. En vérité, le film qui pique incidemment son titre à Fritz Lang, est un hommage au film noir, en général, et donc à Hitchcock certes, mais pas que. Donc le film, tout en le citant, n'est pas un plagiat de Rear window, ni un remake.

Ana Fox est un personnage riche: une psychologue qui vit désormais sans sa famille, soit un mari et une fillette, et qui apprécie peu la distance; devenue totalement agoraphobe, elle est en liaison téléphonique avec un thérapeute qui sait qu'elle mixe un peu trop facilement ses médicaments avec du vin. Elle ne se contente pas d'épier ses voisins, elle regarde énormément de films, notamment des noirs: nous verrons au entendrons, durant le déroulement, des extraits de Laura, Dark passage, Spellbound, et d'autres. Et si elle vit les films (cette manie de représenter les cinéphiles au cinéma comme des gens qui récitent les dialogues), ils finissent par lui tourner la tête. 

Ajoutez à ça les médicaments, et Anna Fox, la seule personne que nous suivions en permanence dans le film, et que nous ne quittons donc absolument jamais, est donc clairement un témoin sans aucune fiabilité dans sa propre histoire! Et les repères du film, qui sont inscrits sur l'écran (Lundi...mardi... etc) deviennent autant de fausses pistes. D'autres fausses pistes sont disséminées, autant pour Anna que pour nous, et c'est de bonne guerre... Les personnages se succèdent aux côtés d'Anna, et participent à sa confusion: essentiellement, il y en a 5, plus une troupe de policiers de plus en plus impatients et énervés (ils ont l'impression qu'on les appelle pour rien): une femme (Julianne Moore) qui se présente comme la femme d'en face et qui va disparaître; le mari d'en face, Gary Oldman; son fils, Fred Hechingher. Et... Jennifer Jason Leigh qui est l'épouse du type d'en face! En prime, Anna héberge dans son sous-sol un homme à tout faire, qui va s'avérer louche et mystérieux...

La musique de Danny Elfman joue à fond la carte d'un expressionnisme musical bon enfant: certes ce n'est pas sa meilleure partition, mais on s'en contentera. Avec l'aide considérable d'un excellent directeur de la photo, Bruno Delbonnel, Wright met sa mise en scène au service de son huis-clos et tout en se livrant parfois à de la pyrotechnie un peu inutile (je comprends ça, moi aussi j'aimerais être David Fincher), raconte son histoire en maintenant l'intérêt.

Mais...

On avait vraiment besoin de cette manie contemporaine de révélations enchaînées pour donner au public l'illusion qu'il est très intelligent et qu'il s'agit d'un jeu d'esprit très sophistiqué? Fallait-il avoir recours au truc du tueur maniaque qui vient se dénoncer et s'apprête à tuer l'héroïne en racontant son crime? Ca flanque le film par terre et c'est tout, sauf original: c'est bien un film de 2021, pour finir...

Cela étant, on se réjouira d'une prestation phénoménale d'Amy Adams qui a pris plusieurs kilos pour le film, et joue ce rôle sans aucun glamour avec une maestria enviable. Rien ici ne nous détournera de la suivre, et elle assume ce rôle sans qu'il y ait besoin d'une batterie d'explications psychologiques à la noix. Wright retrouve aussi son audace d'Anna Karenine, en osant des rapprochements inouïs, comme le fait de considérer l'appartement d'Anna comme son propre cerveau, et de la faire passer d'une pièce à l'autre comme si elle traversait les époques. Une fois de plus c'est un hommage à Hitchcock et au fameux plan de Vertigo où James Stewart se voit transporté de son appartement à une hacienda, en enlaçant sa petite amie transformée en Madeleine. Donc il y aura des raisons de revenir à ce petit film, ne serait-ce que pour ce genre de petites épices...

 

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Published by François Massarelli - dans Noir Joe Wright