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18 juillet 2011 1 18 /07 /juillet /2011 11:41

C'est un Mankiewicz libre comme l'air qui fait un retour remarqué au studio dont il a été congédié en 1943, aux commandes d'une adaptation de Shakespeare voulue et cornaquée par le producteur John Houseman. Celui-ci fait ainsi appel à un cinéaste accompli qui comprend aussi l'écriture afin de préparer un film qui soit à la fois fidèle à la pièce et riche en morceaux de bravoure. Ce sera pourtant difficile, le budget ayant été largement circonscrit par un studio qui se méfie d'une telle entreprise, et le cinéaste ayant décidé de ne pas broder autour de la pièce: ce qui frappe dans cette adaptation de Shakespeare, c'est peut-être qu'il n'y a pas grand chose de frappant, justement. C'est une excellente adaptation, avec bien entendu une lecture propre à l'équipe de production, Houseman et Mankiewicz en tête, mais le réalisateur a laissé la part belle au texte, sans chercher à dynamiser l'ensemble de façon excessive.

 

On retrouve donc le drame de Shakespeare, avec son ambiguité initiale, même si Houseman comme Mankiewicz ont clairement fait pencher la balance, tous les deux du même coté heureusement: à la suite de la spectaculaire relecture de Julius Caesar par Orson welles, qui faisait de César un tyran fasciste et de Cassius et Brutus des démocrates, ce nouveau film aurait pu, selon Mankiewicz lui même, s'appeler Brutus. Rappelons l'argument de la pièce: au moment ou Rome et en particulier un groupe de sénateurs et hommes publics regroupés autour de Marc Antoine, cherche à couronner César et lui donner un pouvoir accru, un autre groupe mené par Brutus et Cassius assassine le grand homme. Mais Marc Antoine et Octave, le futur empereur Auguste, les combattent et les comploteurs se suicident les uns après les autres. César, vu par Shakespeare, pouvait incarner l'accession au pouvoir dans toute son ambiguité. Il était un politicien, qui se méfiait des intellectuels (Son dégout de Cassius s'exprimait par un cinglant 'il pense trop') mais souhaitait gouverner par le sentiment et l'affection. Brutus, de son coté, était mené à participer à l'assassinat uniquement après avoir établi que cet acte serait nécessaire à Rome, plus que la survie de César. Mais il reste un homme juste, qui a à coeur de laisser s'exprimer les autres, ainsi, il laisse Antoine prononcer un discours qui retournera la foule contre les assassins. Cassius, plus radical que Brutus, est suffisamment manipulateur pour parvenir à ses fins, même si ses buts restent les mêmes que Brutus, et enfin Antoine est le fils spitituel de César, celui qui relève le flambeau après le crime dans une scène célèbre, au cours d'une adresse au peuple de Rome.

 

Dans le film de Mankiewicz, donc, Brutus est interprété par James Mason. Il est au centre: aimé par César, il est un homme d'une grande sensibilité, qui répugne à commetre le crime; démocrate, il agit en fonction d'une raison d'état qui lui est agitée avec insistance par Cassius devant se yeux. Il est affecté lui-même par la mort de César. John Gielgud, interprétant Cassius, en fait un personnage manipulateur, certes, mais aussi assez ambigu; il porte la responsabilité du jusqu'au boutisme des félons. César, joué par le très bonhomme Louis Calhern, est un quasi monarque suffisant et assez débonnaire, mais autour de lui, s'agitent de redoutables politiciens qui mettent en place un système totalitaire: les premières scèens du film sont sensées l'établir. De plus, le personnage de César, qui se méfie des intellectuels, tombe dans la catégorie des béotiens pour Mankiewicz... Le principal attrait du film réside dans le personnage de Marc Antoine: si Mankiewicz et Houseman en faisaient le méchant de l'histoire, son monologue dans lequel il retourne le public en sa faveur, en utilisant sa colère et son affection, le propulse dans une autre catégorie; Brando est assez exceptionnel dans ce rôle, et il vole sans aucun effort apparent la vedette à James Mason...

 

Le film était une belle entreprise, et reste une grande adaptation de Shakespeare, dont la plupart des acteurs (Presque tous rompus à l'exercice) se sortent bien; mais il est paradoxal que Mankiewicz ait aussi peu essayé de sortir des sentiers battus; peu d'efforts sont faits pour sortir le film de la logique théâtrale, de ses décors évidents. La bataille de Philippes est tournée à la va-vite, avec des moyens mais peu d'imagination. Reste la magnétisme des acteurs, et la puissance des personnages, Brutus en tête, qui préfigure Hamlet; lui aussi a son fantôme, lui aussi meurt entre deux mondes, sans jamais avoir réussi à faire valoir sa raison d'être. Quant à Mankiewicz, il a quand même fait une fois de plus un film dans lequel il est beaucoup question de cerner les contours d'un personnage par les autres, comme, avant César, Eve ou Addie Ross. Ce moment dans l'histoire (Histoire d'ailleurs soulignée en permanence par le dialogue de Shakespeare, le barde peignant ces politiciens Romains comme conscients d'acrire la marche du monde) garde après tout suffisamment de lens avec l'oeuvre de mankiewicz pour justifier pleinement sa place dans ce cursus... Shakespeare reviendra inévitablement avec Cleopatra, en 1963.

 

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Published by François Massarelli - dans Joseph L. Mankiewicz Shakespeare