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5 janvier 2013 6 05 /01 /janvier /2013 17:20

C'est à peu près avec ce film que Clint Eastwood a enfin fini par être considéré comme un auteur. C'est assez paradoxal, d'autant que Pale rider, au regard de films comme Honky tonk man ou Bronco Billy, est quand même facilement considéré comme un Eastwood mineur... Mais il présente une facette formelle fascinante en même temps qu'une relecture double de quelques tendances westerniennes, en même temps qu'un éclairage sur l"idéologie Libertarienne telle que le metteur en scène la conçoit... C'est aussi un de ces beaux westerns situés en Californie du nord, qui utilise avec bonheur la belle nature montagneuse locale.

Californie, deuxième moitié du XIXe siècle; En pleine ruée vers l'or, un conflit d'intérêts oppose les hommes du magnat local Coy LaHood (Richard Dysart), qui envisage d'engloutir toute la région afin d'en exploiter les richesses, et un groupe de mineurs indépendants, que le riche industriel harcèle afin qu'ils lui cèdent les droits à leurs terrains. On s'intéresse en particulier à Hull Barret (Michael Moriarty), Sarah Wheeler (Carroe Snodgress) et Megan Wheeler (Sydney Penny), une étrange famille presque recomposée: Sarah est la mère de Megan, son mari a disparu, et Hull a juré de s'occuper des deux femmes, sans pour autant profiter de la situation; après un raid des hommes de LaHood qui ont une fois de plus tout saccagé, Megan prie: elle souhaite un miracle... c'est à ce moment qu'un étranger, manifestement un révérend, vient s'installer à LaHood, et va intervenir pour aider les mineurs indépendants.

 

Aussi frontal qu'un western de Eastwood peut l'être, Pale rider puise à deux sources dont le rapprochement est inattendu, mais reste logique quand on connait un peu le metteur en scène: inspiré de Shane, de George Stevens, le film semble aussi largement s'abreuver chez Leone, notamment à travers les personnages de shériff et d'adjoints vêtus de ces longs manteaux qui sont censés protéger les vêtements des cavaliers de la poussière; ils viennent en droite ligne de Once upon a time in the west... A la fascination exercée par Shane sur un petit garçon, Eastwood ici oppose l'amour ressenti non seulement par Sarah, mais aussi par la jeune Megan, à l'égard de ce mystérieux cavalier venu de nulle part comme pour répondre à sa prière.

 

Eastwood donne de la place dans son film, comme il l'a d'ailleurs souvent fait, à la vision des hommes au travail, dans leur organisation, un thème riche qui renvoie au cinéma de Hawks. Dans ces compositions ou les personnages sont campés devat des magnifiques vues de montagnes, on sent le souvenir des grands westersn intérieurs de Mann... Mais le film n'est pas que référentiel: par ailleurs, Eastwood a depuis longtemps révélé sa profonde adhésion au libertarianisme, cette philosophie politique qui va d'un certain anarchisme à l'Américaine, jusqu'aux ultralibéraux les plus acharnés: le principe fondamental des libertariens, c'est de considérer que chacun doit avoir le droit d'entreprendre, ce qui légitime aussi bien le courage des mineurs indépendants, que la volonté d'hégémonie de Coy LaHood; mais chez l'humaniste Eastwood, la liberté absolue n'est circonscrite que par la nécessité de respecter les autres. on notera que dans ce film, comme chez Capra ou d'autres réalisateurs populistes des années 30 (McCarey, La Cava), LaHood tente d'utiliser aussi bien la justice que la loi (Un shériff qui a des méthodes expéditives) afin de l'aider dans ses démarches fascisantes. Un  propos qui là encore renvoie au cinéma des années 30, chez les réalisateurs qui se méfiaient d'un gouvernement Rooseveltien qui intervenait trop dans tous les domaines. LaHood, qui a donné son nom à la ville locale, entend contrôler tous les magasins, toute l'industrie, toutes les consciences...

 

La dimension fantastique du film est une réalité dans la continuité de son déroulement, sans jamais être explicitée; eastwood aime laisser les portes ouvertes, et s'il maintient par le biais d'un fondu enchaîné un certain doute sur le lien entre la fameuse prière et l'arrivée de l'inconnu interprété par Eastwood, jamais celui-ci n'apportera d'explication quand à son identité, son arrivée, ses motivations... ange exterminateur, il s'oppose à sept cavaliers que leur uniformité rend clairement diaboliques, et le shériff Stockburn périra criblé de balles, dont la disposition rappelle les plaies dans le dos du héros, justement: on sent, on sait que c'est sans doute Stockburn qui a causé ces belessures, laissant sans doute le "prêcheur" pour mort dans un lointain passé, mais comme dans High plains drifter, on n'en saura pas plus... Comme chez Leone, les pièces disparates d'un puzzle lié au passé, suffisent à donner au personnage une motivation, voire ici une certaine morale...

 

Beau film un peu vide, ou exercice de style, le troisième et avant-dernier western d'Eastwood est un film distrayant, dont l'éclairage qu'il offre sur la civilisation sur la frontière lors de la fameuse ruée vers l'or permet d'éclairer une certaine idéologie replacée dans un contexte urgent: bien sur, on comprend mieux une idéologie de l'auto-défense des intérêts privés dans un domaine ou les petites gens sont confrontés à un personnage comme LaHood. Eastwood, généreux comme d'habitude, n'en fait pas un fromage, il en fait un film, dans lequel on retrouve avec plaisir les accents locaux des protagonistes, reproduits avec une certaine verve, et on est bien dedans, le temps que ça dure...

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Published by François Massarelli - dans Clint Eastwood