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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 15:26

Relayant les mensonges et les petits arrangements avec la vérité de Frank Capra au sujet de Langdon, le grand public a de ce premier long métrage réalisé par Langdon seul l'impression durable d'un gâchis, d'un film raté et maladroit. De fait, ce fut un flop monumental, suivi par deux autres flops et la fin d'une carrière qui était pourtant prometteuse. Il convient néanmoins d'examiner ce film à l'écart de l'habituelle remarque, de cette critique obsessionnelle qui veut faire de cette tragi-comédie un plagiat éhonté de The Kid. On en est loin! le film est typique de Langdon, et confirme son style, enfin laissé libre de toute concession et de toutes interférence; après, bien sur, on aime ou on n'aime pas, mais si on veut voir du Langdon pur, c'est avec ce film qu'on le fera; en effet, Langdon  a conçu The chaser le film suivant, dans la panique qui a suivi l'insuccès embarrassant de Three's a crowd, et avec l'épée de Damoclès des menaces de la First National, qui réclamait un succès (D'autant que le studio était au bord du gouffre); puis, l'acteur et metteur en scène a fait de même avec Heart trouble, un film qui est à peine sorti, et qui a ensuite disparu corps et bien...

Harry vit de façon misérable dans un appartement situé au bout d'un long escalier branlant, dans un quartier pauvre; il est couvé par des amis, qui ne savent pas trop quoi faire de lui, et son rêve le plus cher est de trouver l'âme soeur; exaucé! il recueille Gladys (Gladys McConnell), une jeune femme enceinte qui a fui son amant alcoolique. Sitôt recueillie, la jeune femme accouche, et Harry se prend à devenir papa.

Comparer avec The kid ce film est déloyal, pour les deux; ceci reste après tout le premier effort d'un réalisateur novice, alors que Chaplin était particulièrement expérimenté, d'autre part, Chaplin a construit tout un univers et un quartier alors que Langdon situe 80% de son film volontairement dans "l'appartement" de Harry. Ensuite, Chaplin utilise les ressources du mélodrame pour construire une histoire qui implique une interaction entre ses deux héros, une complicité, un rapport enfin qui n'ont pas de place ici; c'est à peine si Gladys se rend compte de la présence d'Harry, et celui-ci limite ses désirs de rester en compagnie de la jeune femme et du bébé à un rêve, dans lequel, comble de l'ironie, il ne triomphe pas et doit abandonner toute prétention au profit de l'ancien petit ami. Là ou Chaplin nous montre une situation qui avance, Langdon à la fin de ce film ne peut même plus rêver come il le faisait auparavant...

Le style de Langdon diffère de celui de ses trois principaux compétiteurs (ChaplinLloydKeaton), aucun de ses films ne le montre plus que celui-ci. Là ou les autres vont utiliser le physique pour faire avancer l'action et le temps, Langdon utilise le corps pour ralentir l'action et arrêter le temps. Il agit en cartooniste (ce qu'il était d'ailleurs) et creuse les situations très loin. D'où ce décor étonnant, qui prend la place des personnages parfois. Chaque situation du film est donc soumise au développement de la réaction, de l'appréhension de Harry. Celui-ci imprime son propre état rêveur à une action décalée, dans laquelle le seul moment un tant soit peu rassurant est un rêve, qui tourne vite sinon au cauchemar, en tout cas à l'échec. Là où les autres contaient des histoires de réussite (Lloyd, Keaton) ou d'échec triste (Chaplin) au moins ils avançaient; Langdon souhaite nous faire voir l'immobilisme, l'échec sans recours, là ou Chaplin, au moins a avancé par son sacrifice ou sa bonté d'âme. Son personnage a le culot de ne servir à rien... il fallait l'oser, et c'est sans doute ce qui fait le bien méchant sel de ce film qui n'est en rien comparable aux histoires de clowns tristes, chef d'oeuvre paradoxal d'un comédien éternellement controversé: si le film vous rend inconfortable eh bien c'est peut-être parce que c'est précisément ce qu'il cherchait...

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Published by François Massarelli - dans harry langdon Muet 1927 *