Hulk est le plus mal-aimé des personnages Marvel, semble-t-il, ce qui explique le fait qu'outre ce film et la tentative antérieure d'Ang Lee, avec Eric "groumf" Bana, il faille se contenter des apparitions éventuelles du personnage dans The Avengers et au-delà. Ce qui explique aussi le fait qu'en trois films sous la bannière Marvel, il y ait eu trois acteurs différents: Eric "Ungawa" Bana pour le film de Lee, Mark Ruffalo avec Joss Whedon (Ruffalo qui est excellent comme toujours, et qui semble-t-il a décidé de continuer à explorer cette voie, donc tant mieux) et bien sur Edward Norton pour ce film. "Bien sur" n'est peut-être pas approprié, si on considère uniquement le phénomène Hulk sous l'angle d'une grosse bestiole antropomorphe toute verte avec des muscles. Je viens d'ailleurs de peindre un portrait peint en vert d'Eric Bana!! Mais Norton, c'est un excellent choix si on considère que Hulk, c'est une matérialisation de tout ce qui est normalement enfoui chez un super-héros, pour ressurgir au moment le moins opportun. Basiquement, un super-héros est un sur-être humain pour qui tout baigne jusqu'à ce qu'une crise existentielle ne vienne tout foutre en l'air. Eh bien, Hulk EST cette crise existentielle, tout comme il est l'incarnation même de la force brute (Loki: "I have an army"; Stark: "Yes, but we have a Hulk" dans The avengers). Et Norton donne à voir cette fragilité de l'humain face à des forces qui le dépassent, avec tout le talent qui le caractérise. Et paradoxalement, le fait qu'on ait confié ce film à un Français, un de ces exilés qui travaillent sur des films en oubliant toute prétention et en mettant toute la gomme sur l'action, n'a pas empêché le film de garder tout son intérêt; oh, bien sur, toute l'intrigue est dirigée avec insistance vers la confrontation finale entre Bruce "Hulk" Banner et un super-soldat qui lui a été volontaire pour se Hulkiser, avec des voitures qui volent partout, des gens qui crient et des damoiselles mises en danger. Mais en attendant, on a vu Banner tout faire pour reprendre pied dans une humanité qui ne peut que souffrir de sa présence, dans un suspense assez valide, annoncé d'ailleurs par un résumé en forme de montage rapide, rythmé au métronome. Et symbole d'un fil dans lequel Banner essaie de contrôler son inconscient embarrassant, il est celui qui arrêtera le métronome, justement. Et Leterrier, qui n'est heureusement pas cet escroc de Luc Besson (Oui, c'est gratuit, je sais) a laissé du temps aux personnages d'exister tout en s'amusant à des private jokes (Bruce Banner qui laisse l'antivirus Norton faire son tour de piste sur l'écran) et des allusions à l'histoire du cinéma (Hulk se réfugie avec sa bonne amie sur un promontoire qui ressemble furieusement à l'antre de Kong sur Skull island). On débouche sur un film limpide, et qui laisse l'impression d'un héros qui vit une galère décidément pas gérable, tout en distribuant des bourre-pifs. Le beurre et l'argent du beurre, quoi.