Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 juillet 2025 6 05 /07 /juillet /2025 22:18

Un chien et son petit discutent: le chiot voudrait que son père lui raconte la vie de leur maître... Et le chien raconte, comment Bob (George Hackathorne), amoureux de Marie (Marjorie daw), s'est retrouvé complètement mis à l'écart par le caïd de la ville (Brooks Benedict) qui non seulement a payé des vagabonds pour lui casser la figure et prendre sa place auprès de la jeune femme, mais en plus lui a piqué son idée de design pour une bibliothèque locale... Puis le jeune homme est parti à la guerre et là tout a changé...

On s'attend (légitimement) à un film de série B voire Z, mais il est soigné... L'idée de faire en sorte que le point de vue soit celui d'un chien qui a pris l'habitude de veiller sur son maître et ami, à travers cette structure encadrée par les "discussions" entre le chien adulte et son chiot, est assez étonnante et efficace.

Le reste du film aussi, qui repose sur des acteurs compétents (George Hackathorne, on s'en rappelle, était le bossu, amoureux éconduit de Mary Philbin, dans The merry-go-round, de Stroheim (et Julian). Et l'ombre de Grandma's boy, de Harold Lloyd, et de Tol'able David, de henry King, plane sur cet honnête petit film.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1925 ** Wonder dogs
2 juillet 2025 3 02 /07 /juillet /2025 07:45

Les forêts du Canada... Un mountie dont le copain a été tué lors d'une rixe avec des contrebandiers se fait aider d'un chien pour démasquer les auteurs d'un trafic de fourrures...

En guise de Canada, le film a été tourné en Californie, plus précisément à Los Angeles, dans un décor de "trading post" passe-partout qui servait souvent pour les westerns de série B. Et je pense avoir rarement vu de film muet dans une copie aussi belle, qui soit aussi ennuyeux et vide...

Aucun acteur ici ne parvient à être aussi bon que le chien, qui par ailleurs est un chien. Les adjectifs "fade", "tiède", "play" et "inexistant" ont été inventés pour cette production Pathé de 1928. C'est sûr...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1928 ** Wonder dogs
30 juin 2025 1 30 /06 /juin /2025 08:27

C'est la première version cinématographique de la fameuse légende, inutile de dire que ce n'est pas la dernière! Le contexte de l'existence de ce film est assez particulier, puisqu'il a été produit par la compagnie Eclair, venue s'installer aux Etats-Unis pour tenter de conquérir de nouveaux marchés. Parmi les techniciens et artistes qui étaient venus se charger de cette opération, on trouvait Maurice Tourneur, Emile Chautard, et Etienne Arnaud, qui s'était construit une solide réputation de films historiques et en costumes. Mais le film est aussi crédité à Herbert Blaché...

Je ne reviens pas sur l'intrigue, qui est ici plutôt divisée en séquences attendues, et remarquablement étendue sur trois bobines, même si le film a perdu son début...

C'est flagrant de voir que même si deux metteurs en scène se sont penchés sur le berceau, le film est très peu inventif. Bien moins réussi que les films Eclair français contemporains, et bien en -dessous de ce que proposait la Biograph à l'époque. Quelques bonnes idées (des surimpressions et autres insertions) en plus d'un tournage qui privilégie constamment les décors naturels de sous-bois (...il n'y a pas beacoup de châteaux dans le New Jersey!) permettent quand même de conférer quelques qualités à cet incunable...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1912 **
27 juin 2025 5 27 /06 /juin /2025 07:45

Le vieux Wilson (J.P. Lockney), un magnat de l'aviation, a des problèmes pour anticiper son héritage: pas de souci avec son fils Dick (Gareth Hughes), un grand boy-scout qui est son meilleur pilote, ni avec la fiancée de celui-ci, Alice (Josephine Hill), qui est blonde comme les blés...

Non, le problème, c'est Joseph (Joseph Tansey), le neveu: un excellent pilote, mais pas aussi bon que Dick... Et surtout pas aussi valeureux, car la fripouille a surtout utilisé ses talents de pilote pour faire du trafic de bibine! Décidé à récupérer ce qu'il estime son dû, il kidnappe son oncle, le confie à un ami charlatan douteux qui tient un sanatorium douteux, le douteux Dr Shade (Sheldon Lewis), pour faire on ne sait pas trop quoi, mais sans doute pas des câlins.

Il kidnappe aussi tant qu'à faire la belle Alice et tente de l'obliger à, je cite un intertitre, "se marier volontairement" avec lui... Bonne chance! ...Sinon, il y a aussi un chien.

C'est un film de la compagnie Cheserfield, qui témoigne d'un aspect de l'industrie cinématographique qu'on a eu tendance à ignorer pendant longtemps: derrière tant de chefs d'oeuvre, il y a des films de série B, estimables ou non, qui ont fait régulièrement bouillir la marmite... Des produits de série qui alimentaient les programmes et proposaient des frissons vite faits mal faits pour pas grand chose. Ici, un chien savant, qui sait surtout aboyer sur commande, des avions, un méchant à moustache avec regard torve, un sauvetage en plein air, une clinique douteuse avecdes opérations douteuses, et des héros avec le charisme d'une brosse à dents...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Wonder dogs ** 1927 Muet
20 juin 2025 5 20 /06 /juin /2025 08:33

Grand Œuvre de DeMille ou simplement passage obligé d’un showman chrétien? On ne résoudra pas cette question. Quoiqu’il en soit, c'est l’avant-dernier muet de son auteur, dont l’opus suivant contiendra des séquences parlantes - une page se tourne. Et elle se tourne de façon spectaculaire. Devenu un producteur-réalisateur indépendant mais puissant, DeMille est toujours plébiscité par le public; après ses Dix commandements, il avait eu une crise d’inspiration, qui avait notamment abouti au très saugrenu Road to yesterday. Après la crise d’inspiration, la crise de foi: The King of kings, en réponse à Ben Hur, a Tale of the Christ, allait être la vision DeMillienne des derniers jours du Christ, des derniers miracles à la résurrection, avec des acteurs de premier plan partout, du Technicolor, des décors et des costumes grandioses…

Ecrit avec l’inévitable Jeanie McPherson, monté avec des acteurs priés de s’investir dans leur rôle de façon spirituelle et créé par une équipe technique acquise à la sincérité du projet, ce film est un monument à plus d’un titre. Certes, nous sommes en pleine vision officielle, qui plus est approuvée par les instances W.A.S.P les plus fondamentalistes de l’époque, en dépit de quelques extravagances, généralement bien rigolotes (Marie Madeleine en courtisane richissime - en Technicolor!); comme souvent dans ce genre d'entreprise les Juifs ont le mauvais rôle, mais de nombreux intertitres (Tirés des évangiles) viennent rappeler qu'ils n’ont souhaité la crucifixion de Jésus que parce qu’ils étaient manipulés par de fins politiques... Ce qui du reste correspond à la deuxième version du film, sortie en janvier 1928 et amendée par une association qui souhaitait veiller au respect de la communauté Juive et à éviter d'éventuels incidents antisémites: de nombreux acteurs juifs ont répondu présent, en particulier Rudolph et Joseph Schildkraut (ce dernier un habitué des établissements DeMille-McPherson), qui jouent respectivement Caïphe, le grand prêtre du temple, et Judas, le « Disciple préféré » qui deviendra le traître que l’on sait. L’idée de le faire jouer par un acteur de premier plan, conjuguée à d’astucieuses ficelles de scénario, lui donne un poids peu commun, des motivations et une humanité qui sont sans prix: Judas trahit par dépit politique (Il se voyait déjà premier ministre d’un Jésus-roi) et va suivre le chemin de croix, et le remords va monter jusque au suicide; la corde, il l’a ramassée lorsque les romains ont délié Jésus pour lui faire porter sa croix… La scène de sa mort est traitée d'une façon spectaculaire. Il y a un côté Shakespearien dans l'arc du personnage, mais le sentiment qui domine est quand même gênant! Judas est un ambitieux, Caïphe un homme de pouvoir peu désireux de le partager, et finalement les Romains sont comme manipulés...

Autre acteur dont il faudra bien parler, H.B. Warner joue Jésus : on est loin de ce à quoi devait ressembler un charpentier Palestinien, mais après tout, c’est vrai aussi pour Willem Dafoe. Warner, un alcoolique bon vivant, qu’on connaît pour tous ses rôles chez Capra, s’en sort plutôt bien, ayant surtout comme tâche d’incarner plus que de jouer. Il reprend les canons en vigueur, d'un Christ blond, au regard dans le vague. Sa performance a été saluée à l'époque: on n’en dira pas autant de Pierre, joué par Ernest "Steamboat Bill" Torrence, qui est bien meilleur en Captain Hook chez Brenon (Peter Pan, 1924)… Sa performance a d’ailleurs été rabotée sévèrement dans la version sortie en salles en 1928, afin de ramener le film en dessous de deux heures.

Le résultat final, absolument sincère, n’évite pas la pesanteur: le metteur en scène a choisi de rester à respectueuse distance, et de peu faire bouger sa caméra, comme avec Jeanne d’Arc (Joan the woman, 1916); de plus, cet excès de foi peut facilement rester sur l’estomac, mais il y a de vrais beaux moments, depuis l’utilisation qui nous rappelle The Whispering Chorus de multiples surimpression pour nous montrer les sept péchés capitaux quitter le corps de Marie Madeleine, à la mort de Jésus, le cadre explosant d’effets spéciaux pour nous montrer spectaculairement la colère de Dieu; la première vision de H. B. Warner est une trouvaille, puisque c’est par le point de vue subjectif d’un aveugle que Jésus nous est révélé: une façon de contourner l’interdit que s’étaient fixés toutes les personnes à avoir travaillé sur l’une ou l’autre des adaptations de Ben Hur (Théâtre ou film); dans The king of kings, avant la guérison de l’aveugle, vers la quinzième minute, on ne voit pas Jésus… La scène de la condamnation par Ponce Pilate est d’une grande efficacité, et totalement claire en dépit de la multiplication des points de vue… Les nombreux emprunts picturaux, décidément une habitude DeMillienne, atteignent ici leur apogée, notamment lors de la Cène ou de la Crucifixion.

Le film est loin d'être un échec, même si il est difficile de le voir sans ricaner ou grincer des dents lorsque l’on ne croit pas: Jésus, dans ce film, nous apparaît comme totalement indiscutable. Toutefois, le film emporte l'adhésion par la fluidité narrative (De la version longue en tout cas), par le besoin de creuser les motivations et les liens de cause à effet, par les rapprochements heureux: une scène durant laquelle les instances religieuses juives se déchaînent contre un Ponce Pilate trop enclin à libérer Jésus est immédiatement suivie d’une séquence durant laquelle les légionnaires romains rivalisent de sadisme (La couronne d’épines, bien sûr) devant un Judas torturé par le remords et qui prie pour que Jésus s’en sorte. Cette inversion prouve que même DeMille sait freiner un peu ses penchants manichéens…

Pour répondre enfin à la question posée en exergue, il est confirmé que nous ne trancherons pas: les deux complices (Cecil et Jeanie) avaient déjà fait acte de foi dans le passé, c’est de nouveau le cas: le film est aussi sincère que l’était la morale bondieusante de ses Dix Commandements. Mais en emboîtant le pas à la MGM et à son Ben Hur, DeMille savait parfaitement ce qu’il faisait, et en a reçu beaucoup en retour, présentant en soirée de gala sa version de 160 minutes, puis coupant un peu (Trois scènes passent littéralement à la trappe, dont les doutes de Pierre) pour présenter une version de 112 minutes avec musique en boite pour l’exploitation en salles. Les deux sont disponibles chez Criterion dans un coffret impeccable, et le transfert de la version longue est magnifique. Les deux scènes en Technicolor sont fort bien rendues, ce qui est rare compte tenu de la volatilité du procédé en deux bandes, dont bien des films ont disparu. En décembre 2017, nous voyons arriver le film en Blu-ray chez Lobster, présentant une restauration des deux principales versions, l'une comme l'autre très impressionnantes. Une nouvelle édition, Américaine celle-ci, renforce encore la bonne santé du film en en offrant un superbe transfert, chez Flicker Alley (2025).

Pour finir sur une petite note de curiosité inattendue, ce film est par ailleurs l'une des principales sources d'inspiration de Last Temptation of Christ, de Scorsese.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1927 Technicolor **
19 juin 2025 4 19 /06 /juin /2025 22:15

Un train roule vers l'ouest... A son bord, une jeune voyageuse a confié ses deux chiens à l'équipage du véhicule, dont un homme, Dan Angus (George bancroft), qui déteste les bêtes... Durant le trajet, ivre, il brutalise les deux animaux, et tue l'un d'entre eux, avant de jeter sa dépouille au dehors. L'autre chien se jette pour veiller son camarade... Le lendemain, il est trouvé par Dave Deering (Tom Mix), un brave cow-boy. La jeune femme (Lucy Fox) qui a perdu ses animaux s'est lancée à leur recherche, et Dan Angus, dont les actions l'ont grillé auprès de ses supérieurs, rôde...

C'est un petit film de complément de programme, particulièrement soigné par Blystone. Les films de Tom Mix pouvaient être un peu ridicules (le costume de cow-boy avec le "10 gallon hat", le côté justicier propre et bien coiffé) mais ils pouvaient aussi, clairement, proposer en moins d'une heure une impressionnante dose d'action western, du suspense, et tous les atouts du mélo, utilisés à bon escient. C'est exactement ce que propose ce film superbement joué, et qui vous tient en haleine du début à la fin, jusqu'à un incendie très réel...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet ** 1924 Western Wonder dogs
8 juin 2025 7 08 /06 /juin /2025 14:16

Un garçon (Sonny Edward), un chien et un ours qui s'ennuie dans sa cage, ont tous en commun de s'ennuyer... Chacun de son côté, ils s'échappent, et vont se retrouver dans la même fugue...

Nell Shipman avait co-réalisé avec David Hartford l'un des premiers films Canadiens, Back to God's country, en 1919. Elle y retrouvait l'esprit des oeuvres de James Oliver Curwood (que le film adaptait d'ailleurs très officiellement), mais on finira par se rendre compte que ce qui l'avait principalement intéressée était... La présence d'un ours apprivoisé. Son deuxième long métrage, Something New (1920), qui manque singulièrement d'intérêt, la montrait aussi en compagnie d'un chien... 

Jamais deux sans trois? Ce troisième film, moins ambitieux (seulement trois bobines) est à nouveau une histoire de cohabitation et de complicité. Mais le film reste assez clairement un effort amateur, avec un héros mal défini (le june garçon) et des animaux plus ou moins bien dirigés...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet ** Nell Shipman 1921 Wonder dogs
22 mai 2025 4 22 /05 /mai /2025 22:59

Ramona (Dolores Del Rio) a grandi auprès de sa famille Mexicaine, auprès de son frère (Roland Drew)... Elle est adoptée: son frère en profite pour lui avouer son amour, mais elle est attirée par Alessandro (Warner Baxter), un chef de tribu local. Quand elle apprend qu'elle a été retirée d'une famille native, elle fuit avec Alessandro...

Carewe était lui-même partiellement Chickasaw, et Dolores Del Rio était une authentique Mexicaine aux racines bigarrées... Leur choix de réadapter le roman de 1884 de Helen Hunt Jackson se justifie d'autant (c'était pourtant la troisième version, la dernière muette)... Si Carewe est oublié aujourd'hui, il avait tenté à travers des réalisations soignées (Evangeline tourné l'année suivante en est un autre exemple) de de proposer un portrait d'un autre type de mélodrame Hollywoodien que les intrigues habituelles, qu'elles soient urbaines ou rurales: son cinéma souhaitait se pencher sur les racines profondes de l'Amérique. 

Par ailleurs, il n'est pas trop surprenant de trouver ce film sous la bannière de Inspiration Pictures, la structure créée autour de Henry King et Richard Barthelmess: beaucoup des films qu'ils ont produit étaient de forte inspiration religieuse, et celui-ci ne fait pas exception.

De toute façon, Ramona est sacrément intéressant, adoptant sciemment le point de vue des marginaux que sont une jeune femme élevée dans l'ignorance de son origine, et cet Indien (comme on disait alors) qui se refuse à accepter la fatalité de la ségrégation... Le film en plus est tourné dans de superbes décors de la Califonie montagneuse, dans de lyriques paysages, et avec un arrière-goût de presque western, qui le rend encore plus intéressant; enfin, une scène retient mon attention, réussissant à faire de l'or avec le sujet délicat qu'est la mort d'un enfant. Cette résurrection (due aux efforts conjoints de la Bibliothèque du Congrès, profitons-en tant qu'elle existe encore, du Gosfilmofond de Moscou et du Narodny Film Archive de Prague) débouche sur un film qui ne changera peut-être pas le cours du monde, mais qui est bien plus qu'une touchante découverte...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1928 **
26 mars 2025 3 26 /03 /mars /2025 21:05

Trois raisons pour Chaplin de ne pas jouer de rôle dans ce nouveau film, le premier pour la nouvelle compagnie United Artists. Pour commencer, il essaie, on l'a vu, de se débarrasser de son personnage (The professor, Idle class), de le démythifier en le représentant marié (Pay day), avec des enfants (A day's pleasure), voire en se représentant tel qu'en lui-même, en insistant sur le fait que moustache et défroques sont bien factices (How to make movies). Bref, il souhaite contourner cette icône.

De plus, il a le sentiment, pas faux à cette époque, qu'on l'assimile surtout à son personnage moustachu; or, Chaplin, souhaite être reconnu pour son rôle de metteur en scène, et aussi d'auteur de films. Enfin, il tourne depuis un certain temps autour d'une représentation complexe du monde à deux niveaux qu'il perçoit; The Kid, The idle class en ont déja montré les contours. Il se sent obligé de libérer son cinéma de son empreinte burlesque, ce qui veut dire que le moustachu n'y a plus sa place. Honnêtement, je ne sais pas si ce film représentait dans l'esprit de Chaplin un affranchissement total de son personnage a priori, ce qui aurait été ensuite contredit par le flop monumental, qui aurait conduit Chaplin à faire machine arrière, avec le succès que l'on sait, ou si le metteur en scène se contentait de faire ce film, et puis après revenir sagement de son propre chef. Quoi qu'il en soit, A woman of Paris est l'unique film muet dans lequel Chaplin n'apparaît pas de façon significative, et c'est à peu près la seule information de la plupart des textes qui y sont désormais consacrés, je n'y reviendrai donc pas...

Pourtant Chaplin est partout dans ce film: regardez les acteurs, leur façon de jouer, l'économie des gestes et des mimiques. Ce gigolo qui baille en levant mollement les yeux au ciel, combien de prises a-t-il fallu lui arracher avant qu'il ait le détachement nécessaire? Carl Miller, qui joue ici le petit ami d'Edna Purviance jouait déjà ce même personnage ou presque dans The Kid, et il est lui aussi entièrement vampirisé par Chaplin... Quant à Edna Purviance, elle est splendide, dans les mains du metteur en scène, elle ne craint personne. Tant mieux, parce que le film repose entièrement sur ces attitudes, sur ces corps et sur les vêtements qu'ils portent, c'est l'un des traits les plus saisissants du film.

Marie et Jean s'aiment, mais leurs parents ne l'entendent pas de cette oreille. Alors qu'ils souhaitent fuir pour se marier, Jean a un contretemps: son père meurt, et il n'a pas le temps de prévenir sa fiancée: elle fuit à Paris seule, croyant à une trahison. Elle y fait sa vie, et on la retrouve un an après, protégée du riche Pierre Revel; elle s'appelle désormais Marie St-Clair, et lorsque Jean débarque à Paris avec sa mère, Marie a du mal à abandonner sa nouvelle vie pour retourner vers son passé...

Carl Miller donne l'illusion d'être l'un des deux personnages principaux, mais ne soyons pas dupes: Chaplin dépeint ici un certain style de vie, une course à la réussite, qui passe par tout un tas de turpitudes qui ne sont qu'esquissées: a priori, la métamorphose de Marie en Marie St-Clair passe par tout ce qui est dans l'ellipse du début. La mère de Jean la considère d'ailleurs comme une traînée... Non, les deux personnages principaux sont bien Marie et Pierre (Adolphe Menjou). Celui-ci, après tout, est tout sauf antipathique, à part lorsqu'il se sert des amies de Marie pour la manipuler. Mais il joue de son charme, et sait manifestement perdre... Il sait surtout que ce que veut Marie, cette fuite en avant du luxe et de la vanité, lui seul pourra le lui amener. De son coté, Jean est peintre (Comme le personnage de Carl Miller dans The Kid, du reste), et il va peindre un portrait du passé de Marie, contre le gré de celle-ci, portrait qui va sceller leur mésentente, leur différence, et portrait qui sera pris à témoin par la mère elle-même sur la dépouille de son fils. ce portrait, c'est la vraie Marie, lui seul l'a vue. Il faudra une catharsis tragique pour que Marie comprenne enfin...

La noirceur du film va de pair avec l'humour noir, notamment dans la description toujours sur la brèche de la vie des nantis (le restaurant, avec ses truffes, pour les cochons ou les gentlemen), et la méchanceté dans la peinture des manipulations des intrigantes: Malvina Polo, la jeune femme idiote de Foolish wives, tente de ravir la place de Edna Purviance auprès d'Adolphe Menjou...

L'habit, cette deuxième peau, est un motif qui court d'un bout à l'autre du film. On ne compte plus le nombre de scènes d'habillage, de déshabillage, de préparation du corps (Massage), de dénudage plus ou moins gratuit (Le strip-tease); toutes ces scènes renvoient à l'idée du mensonge, de la parure comme protection. Chaplin s'en sert aussi comme une indication de contemporanéité, comme DeMille le faisait avec divers accessoires (Les disques de chansons populaires, qu'on voyait tourner sur des phonographes luxueux dans ses comédies matrimoniales). Le grand nombre de scènes liées au service des domestiques, et la compartimentation des appartements riches de Marie et Pierre Revel, aussi, renvoient à cette vie à tiroirs, dans laquelle les gens se barricadent derrière le décorum. Bien sur, les petites boîtes communiquent entre elles, on se souvient du faux col masculin aperçu par Jean chez Marie. Cette apparition d'un signe cinématographique est un autre aspect visible de la mise en scène riche de ce film: on note aussi l'utilisation d'un bandeau noir, signe de deuil. Les personnages voient et déduisent en même temps que nous...

La mise en scène du film est d'une précision, d'une force extraordinaire. Chaque plan est composé de façon précise, Chaplin et Totheroh n'ont pas changé leurs habitudes. A des scènes de luxe effréné répondent des images d'une austérité diabolique (on parle toujours de cette scène à la gare, ou le passage d'un train est représenté par ses lumières); un effet de rapprochement de la caméra, est répété trois fois dans le film (Deux fois dans la version actuelle, voir plus bas): La maison de Marie est vue en plan large, puis un peu plus près. un troisième plan resserre sur une fenêtre, ou s'esquisse le visage d'une femme dans la pénombre. Enfin le quatrième et dernier plan nous montre Edna Purviance à la fenêtre. A la fin du film, la maison où sont réfugiées Marie et la mère de Jean pour leur nouvelle vie est saisie de la même façon. La troisième occurrence est très cohérente, puisque c'est le portrait, entouré de crêpe noir, de la maman de Marie dans sa maison. Chaplin avait tenté d'établir une mise en scène fluide, détaillée, mais l'a comme chacun sait bousillée en 1976, 5 ans après avoir massacré le film The Kid. 34 ans après avoir anéanti The Gold rush: son idée, c'était de rendre A woman of Paris plus fluide, de le rendre "moins sentimental". faut-il le redire? Un metteur en scène lui-même n'a pas le droit d'altérer un film, à plus forte raison 53 ans après. Même Chaplin.

Pour le reste, ce film est un miracle de subtilité; les commentaires lus ça et là sur la stupidité du script ne valent pas tripette. Les gens qui parlent d'un insupportable mélo n'ont jamais vu de mélodrame de leur vie, et le film tient diaboliquement la route, à la source de tout un pan du cinéma Américain. Que Lubitsch l'ait vu et s'en soit inspiré, c'est une certitude. Que d'autres, qui y avaient été confrontés directement (Henry D'abbadie D'Arrast, Monta Bell), ou qui l'ont vu comme on reçoit une claque dans la figure (René Clair, de son propre aveu), s'en soient inspiré, c'est une évidence. Bref: il y a un avant et un après A woman of Paris. Pour Chaplin aussi, qui ne supportera pas de voir son 'enfant maudit' boudé par le public, et le retirera du circuit pendant donc 53 ans. Et plus j'y pense, plus je me dis qu'on a de la chance de l'avoir encore...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet 1923 ** Criterion
22 mars 2025 6 22 /03 /mars /2025 11:42

Curiosité parmi les curiosités, Life est une énigme. C'est donc un film inachevé de Chaplin, dont certains commentateurs ont douté qu'il ai jamais existé, mais dont on est à peu près sur qu'il a bien été entamé. Quand on sait à quel point Chaplin pouvait contrôler, jusqu'à ses derniers jours, le devenir de chacune des images dont il possédait les droits, il est étonnant de savoir qu'on dispose d'une bonne portion de ce film, d'autant qu'il n'a jamais été achevé... Mais voilà: Life a été commencé en octobre 1915, dans le cadre de son contrat avec Essanay, et Chaplin n'en possédait pas les droits. de toute façon, le film n'est que virtuel: essayons d'y voir un peu plus clair. Nous sommes face à plusieurs objets filmiques qui sont autant de pièces de ce puzzle:

Police

Chaplin est libéré de prison, et commence l'habituelle recherche: manger, un endroit pour dormir. Il rencontre, après avoir tenté de s'installer dans un asile de nuit, un ancien compagnon de cellule (Wesley Ruggles), avec lequel il va se lancer dans un cambriolage. C'est un désastre, et à l'arrivée de la police, La jeune fille de la maison, jouée par Edna Purviance, va disculper le vagabond, qui va pouvoir continuer son errance...

Le film est un bon court métrage de deux bobines, enlevées, avec des figures qui sont troublantes: le choix entre réforme et débrouillardise, entre honnêteté et vol... Et il y a une scène troublante dans un asile de nuit, un endroit qui sera toujours pour Chaplin un lieu intéressant pour ses tragi-comédies...

Triple Trouble

Quelques années après, en 1918 très précisément, l'Essanay sortait Triple trouble; il s'agissait d'un ensemble de chutes de films, assemblées de façon supposée cohérente et complétées avec de nouvelles scènes réalisées par Leo White. Le plus intéressant dans ce film incompréhensible, c'est bien sûr que les chutes soient tirées des tournages de Police, et de Life. Mais s'agit-il vraiment de deux films différents?

A voir Police et Triple trouble à la suite, on est frappé par les ressemblances de certaines scènes, et l'incohérence qui se dégage de leur juxtaposition: les deux films contiennent de façon évidente les fragments d'un troisième, qui ne peut être assimilé ni à Police, ni à Triple trouble, un salmigondis sans queue ni tête dans lequel Leo White a inséré des passages répétitifs et anti-Germaniques, et une intrigue débile dans laquelle Chaplin n'a d'ailleurs rien à faire, et quelques plans tirés de Work.

Mais l'essentiel  de ce nouveau film est composé d'images qui sont soit des doublons de séquences de Police (la rencontre entre Chaplin et son copain de cellule), soit des prolongements (La séquence de l'asile de nuit, ici longuement développée). Mais c'est quand même une énigme, d'autant que le montage chamboule tout; un personnage de l'asile de nuit porte le même maquillage et les mêmes vêtements que Wesley Ruggles qui joue l'escroc avec lequel Chaplin se rend à un cambriolage (Dans les deux films, même s'il ne s'agit pas du même cambriolage!); à un moment, l'homme de l'asile de nuit poursuit Chaplin, qui s'enfuit de l'asile, se retrouve dehors, et se trouve nez à nez avec le même homme, ou du moins son sosie, avec lequel il pactise désormais: ça ne marche pas...

Voilà, tout porte à croire que Chaplin s'est bien lancé dans la confection d'un film qui aurait été son premier long métrage, qui aurait mélangé les aventures de son héros vagabond dans la ville, et l'aurait vu d'abord sortir de prison, lutter pour sa survie, s'installer dans un asile de nuit, ou une longue scène de Triple Trouble se situe en effet, puis sans doute rencontrer un escroc... après, les paris sont ouverts: deux cambriolages, chacun avec une Edna Purviance différente... N'oublions pas que Chaplin aimait à faire, défaire, écrivait ses scénarios avec la caméra, et qu'il a sans doute ravalé ses ambitions devant le peu de soutien manifesté par l'Essanay. Auquel cas Police est sans doute la version "acceptable" de Life concédée par Chaplin à ses patrons, qui lui permettait de faire passer certaines scènes. Le fait qu'il s'agisse d'une concession expliquerait que le très intransigeant Chaplin s'en soit désintéressé aussi facilement. Pour finir, Chaplin a fini par reconnaître Police, et même Triple Trouble, dont il est vrai qu'il recèle une longue scène totalement intacte de ce qui a du être un film que Chaplin aurait aimé pouvoir finir...

Post-scriptum:

une reconstitution du film (Sous le titre POLICE, EXTENDED EDITION) a eu lieu, elle a été disponible un temps sur DVD, et les reconstructeurs sont partis de l'hypothèse que le film était à peu près achevé, et ont agencé les séquences de la façon suivante: 

Chaplin sort de prison, tente quelques rapines pour manger, essaie d'entrer dans l'asile de nuit, mais en est expulsé.(Police)

Le lendemain, il trouve un travail, et devient assistant cuisinier dans un manoir, dont la bonne à tout faire est Edna. ils flirtent, mais il est vite licencié. Avec l'argent, il a au moins de quoi entrer dans l'asile. Là, il  déclenche une bagarre, et doit sortir précipitamment.

(Triple trouble)

Du coup, seul dans la nuit, il se retrouve face à son "ami" qui lui propose un cambriolage. il accepte, et participe au casse. Il y revoit Edna, qui ne le dénonce pas lorsque la police intervient, et il part sur la route, seul...

(Police)

Voilà, c'est vrai que ça tient assez bien la route, reste le cas des deux escrocs habillés pareillement, qui pose toujours ce problème de continuité. En tout cas, le film ainsi arrangé est proche de 40 minutes...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet ** 1916