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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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15 mai 2024 3 15 /05 /mai /2024 21:45

C'est une histoire d'un moulin en danger, à sauver de la destruction, face aux manigances d'un riche propriétaire qui essaie la manière forte pour obtenir ce qu'il veut: la main de la fille des meuniers... Ce qui ne sonne pas, mais alors pas du tout comme une comédie. Mais c'est ainsi: dans les années 20, le genre avait totalement intégré l'idée qu'on puisse faire du mélodrame dans la comédie, ou de la comédie avec une intrigue de mélo. Les deux, ici, fonctionnent très bien...

Et pour obtenir la comédie, Lauritzen pouvait compter sur ses deux atouts: Carl Schenström et Harald Madsen sont donc des traine-savates qui se rendent de boutique en demeure, pour vendre leur unique talent; ils sont exterminateurs de rats... Et d'une certaine façon, aussi bien leur arrivée que leur loufoquerie, va persuader la meunière de les engager, et elle va aussi trouver le petit râblé tout à fait à son goût pour une fois!

Il y aura aussi une séquence inévitable, le moulin étant proche de la mer... Une scène voit en effet Madsen au milieu d'un parterre de jeunes femmes en maillots de bains... Mais pour une fois, le drame en cours est moins bourgeois que d'habitude. Il est aussi d'un tranquille classicisme...

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Published by François Massarelli - dans 1924 Muet Lau Lauritzen Schenström & Madsen
18 avril 2024 4 18 /04 /avril /2024 18:37

Deux jeunes adultes (Glady Hullette et Edward Earle) s'aiment... Mais Simon Selfridge (Frank Currier), le père de la demoiselle, aisé et soucieux de préserver son capital, voit d'un très mauvais oeil l'intrusion d'un homme dans sa famille, qu'il soupçonne den vouloir à l'argent. Il décide de séparer le couple, pourtant fraîchement marié, en envoyant sa fille le plus loin possible. Quand elle revient, c'est avec un bébé, une petite fille prénommée Peggy: le père souhaite la voir, mais Selfridge lui tend un piège: il l'accuse d'avoir voulu s'introduire par effraction dans leur maison. Le jeune homme se retrouve en prison, et pendant ce temps son épouse se morfond, et Peggy grandit loin de son père...

C'est un scénario de mélodrame sans aucune retenue auquel nous sommes confrontés dans ce prologue, et le film joue à fond cette carte, du début à la fin du film. Mais d'une part, Seiter qui est metteur en scène de comédies (et non des moindres, quand on y pense: on lui doit quand même quelques pépites, après tout, la plus célèbre étant à n'en pas douter Sons of the desert avec Laurel et Hardy) ne s'est pas privé de chercher une façon de détourner cette tentation mélodramatique, et l'a trouvée: car l'héroïne évidente du film, dès qu'elle arrive, sera Baby Peggy Montgomery, qui interprète bien sûr le "secret de famille" assez mal gardé, la petite fille qui fera craquer l'armure de son grand-père, et qui empêchera son père de mal tourner, par son énergie et son côté solaire...

Mais Seiter fournit, tout en se pliant aux règles en vigueur du mélo, un cadre très rigoureux, dans lequel il joue habilement du cadre, de l'ombre et de la lumière dand de belles scènes nocturnes, et dirige ses acteurs avec goût et sobriété, ce qui est une bonne chose, au vu d'un script qui repose sur tant de ficelles... 

Mais soyons franc: le principal atout du film... c'est son actrice principale! C'était déjà une star, à lâge de quatre ans et en voyant le film on comprend pourquoi.

 

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Published by François Massarelli - dans William Seiter 1924 Muet *
15 novembre 2023 3 15 /11 /novembre /2023 21:32

En Bretagne, Yann Gaos (Charles Vanel) a suivi la voie familiale: il est marin, et avec un équipage de durs à cuire, il retourne régulièrement pêcher au large de l'Islande, un voyage dangereux mais fructueux. A terre, il laisse une jeune femme, Gaud (Sandra Milowanoff), , qui aimerait qu'il se déclare... Mais Gaos est pauvre, et surtout il est fasciné par la mer. Il sait que s'il se marie il va probablement devoir effectuer un sacrifice, celui de son métier ou celui de son mariage...

Les deux oeuvres actuellement le plus accessibles de l'oeuvre muette de Baroncelli ont comme point commun un amour impossible. C'est plutôt monnaie courante, à l'époque du mélodrame roi. Mais ce qui relie également ce Pêcheur d'Islande (d'après Pierre Loti) et le très intéressant La femme et le pantin de 1929 (d'après Pierre Louys), c'est une envie de mise en scène phénoménale. Des acteurs, certes, des décors évidemment... Des images même, ici dominées par des prises de vue "en situation", documentaires pour certaine, et Bretonnes pour une large part, mais surtout une envie de dominer l'espace filmique, et de tout tenter. Et c'est une grande réussite...

Le film ne suit pas que ses deux protagonistes, qui sont excellents. On y sent une trace du cinéma Américain, à travers un jeu d'une sobriété exemplaire, Vanel et Milovanoff jouent avec les yeux, et une économie de moyens qui est d'autant plus remarquable, qu'à l'époque (et en particulier dans le cinéma dit 'impressionniste' de l'avant-garde française, celle de Delluc, Dulac et à laquelle on assimilait parfois L'Herbier et Gance), le jeu des acteurs français était plus marqué. En plus du couple, on suivra brièvement le personnage de Sylvestre Moan, un autre enfant du village qui tentera de montrer la voie aux deux amoureux avant de mourir au Tonkin...

Mais le triangle amoureux, ici, relayé par un montage savant et virtuose qui fait rimer en permanence les lieux et les temporalités de Vanel et Milowanoff, se situe entre la jeune femme, qui symbolise presque à elle toute seule le lien à la terre de Bretagne (l'Argoat), le marin, qui évidemment incarne le lien à lOcéan (l'Armor), et bien sûr la mer elle-même, et celui que cette dernière tient prisonnier en elle, attendant le jour du naufrage, que le film appelle poétiquement "le jour de ses noces avec la mer"... 

Le film est passé dans la légende pour ses scènes de pêche, probablement tournées de façon documentaire, mais les séquences avec Vanel s'y insèrent sans aucun problème, ce qui est à porter au crédit de la production... Pourtant il y a de belles séquences oniriques, avec des surimpressions très réussies, et une magnifique utilisation de décors authentiques Bretons, quatre années avant Epstein. Et les effets spéciaux, surimpressions, mélange d'images et collages parfois provocateurs sont utilisés pour appuyer sur la rudesse d'une existence coupée en deux, pour l'un et l'autres des deux amoureux. Le lien à la terre, à la famille, à la mer, et à un destin qui toujours devra s'accomplir à l'encontre des désirs des amoureux.

Une scène parmi tant de séquences marquées d'un souffle virtuose (l'influence d'Abel Gance me semble une piste pertinente, mais cette inspiration est constamment disciplinée par Baroncelli qui jamais n'ause de ses effets), me semble vraiment sortir du lot: les marins sont au large, dans un brouillard à couper au couteau. Ils croisent un bateau, dont les marins blafards, grimaçants, leur annoncent des mauvaises nouveles du pays. Mais ce sont des fantômes, comme une annonce d'un destin entièrement écrit pour Yann Gaos...

 

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Published by François Massarelli - dans 1924 Jacques de Baroncelli Muet Charles Vanel
23 août 2023 3 23 /08 /août /2023 09:17

Un café à Marseille: c'est un établissement "Franco-Anglais" pour marins, de tous les pays, et certains (notamment Walter Long) font bien du chahut...La patronne (Norma Talmadge), une dame d'un certain âge, se plaint immédiatement. Elle discute avec un client (Marc McDermott), Anglais comme elle, et ils comparent leurs souvenirs... Ce qui renvoie à sa jeunesse: elle était danseuse dans un choeur au music-hall, et elle a tant aimé un homme (Wallace McDonald) qu'elle l'a épousé. seulement la belle famille ne l'entendait pas de cette oreille, et après un temps il a fini par l'abandonner... Evidemment, comme dans tout mélodrame qui se respecte, une fois la chose accomplie, les conséquences ne tardent pas...

C'est un film qui se présente parfois comme une synthèse, à la fois du style et de l'univers de Frank Borzage, des films de Norma Talmadge et de la niblesse délirante du mélodrame muet à l'apogée du cinéma Américain... Certes, le film accumule les péripéties, les invraisemblances, mais il le fait avec une conviction et une subtilité qui sont rarement aussi bien mariées que dans les films de l'auteur... Norma Talmadge y trouve un rôle à la mesure de son talent, qui devait des fois être contre-balancé par une direction tatillonne, et comme on sait que Borzage réussissait à se faire entendre y compris des pires histrions, le résultat est là, indéniable: elle est fantastique... D'autres acteurs tirent leur épingle du jeu, Marc McDermott et une de ces apparitions limitées, auxquelles il était confiné dans les années 20, par exemple: pour une fois il ne joue pas le mauvais rôle et ne meurt pas après deux minutes de présence à l'écran! Brandon Hurst est le père du mari, celui qui va ensuite venir réclamer pour la famille, le rejeton né des amours de l'héroïne... 

Borzage reconstruit pour son film, avec la complicité d'Antonio Gaudio (chef-opérateur) et de William Cameron Menzies (Décors) un univers dans lequel on passera des théâtres miteux à Monte-Carlo, puis d'autres théâtres avant d'échouer dans un bouge à Marseille, autant de décors où le drame s'épanouit en prenant son temps. L'effort sur les costumes est important, à une époque qui ne s'embarrasse généralement pas de réalisme, Borzage et son film font clairement exception. Le personnage de "Lady" Polly Pearl, qui est celui dont tout le film nous détaille le point de vue, fera quelques rencontres déterminantes, dont celle, providentielle, de l'épouse d'un pasteur, qui va adopter son fils avant qu'il ne soit volé par sa belle-famille. Une fois de plus, le héros/l'héroïne d'un film de Frank Borzage est aidé, et sa quête sublimée par l'intervention d'une bonne fée, comme dans Cendrillon... On ne se refait pas. 

Il s'agit maintenant de lire entre les lignes. S'il était courant pour la haute noblesse Britannique des années 10 et 20 de considérer une actrice comme l'égale d'une prostituée, il n'empêche qu'une fois son parours en tant que danseuse et son mariage laissés derrière elle, Polly doit assumer de devenir une chanteuse de cabaret voire une tenancière... On saura décoder ce qui nous est dit de son destin, notamment par l'une des premières remarques, celle d'un client du bar dans la première scène, qui ironise en entendant Polly se considérer comme une "lady"... Mais justement, ce que le film détaille, ici, c'est la force de conviction d'une femme intransigeante dans son amour pour son fils, qui va sacrifier son amour afin de lui éviter de tomber entre de mauvaises mains. Ce que prouve la scène finale, du plus haut mélodrame (celui qui use et abuse des conïncidences), c'est qu'elle a eu raison...

L'ensemble du film tient grâce à un enjeu, celui d'affirmer la noblesse du coeur de l'héroïne par-dessus les conventions de la société des deux époques qui nous sont présentées. Cette quête passe par une descente aux enfers, symbolisée (telle celle vécue par les personnages de Street angel, quatre ans plus tard) par les déambulations de Polly, devenue vendeuse de fleurs (là encore la métaphore est assez claire) dans la rue, et qui arrête tous les enfants qui passe à sa portée pour leur demander leur nom... 

La dernière scène est bien sûr le paroxysme du film, et tout y est accroché aux yeux de Norma Talmadge, qui font passer tant d'émotion avec tant de force qu'on ne peut que rendre les armes: certes, c'est du mlo, certes, probablement basé sur une pièce de théâtre que personne ne tenterait en 2023 de sortir de la naphtaline... Mais honnêtement, c'est une réussite émotionnelle rare.

 

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Published by François Massarelli - dans Frank Borzage 1924 Muet
20 avril 2023 4 20 /04 /avril /2023 16:45

Paris, 1923: un artiste de music-hall, Gonzalo Montrez (Charles de Rochefort) sauve la vie d'une jeune femme, Mona (Barbara La Marr) qui allait se jeter à la Seine... Il va en faire une partenaire à la scène, dans le rôle de la Phalène Blanche, pour une chorégraphie inspirée des papillons de nuit. Mais Mona ne tombe pas amoureuse de son bienfaiteur, et va plutôt se plaire à tourmenter deux frères, les Américains Douglas et Vantine Morley (Ben Lyon, Conway Tearle), avec son comportement de diva digne des plus infects mélodrames...

Car oui, c'est bien de cela qu'il s'agit. La carrière de Barbara La Marr ne décollait pas vraiment, et elle végétait hors de l'influence de son découvreur Rex Ingram; les films qu'on lui proposait ne cherchaient pas à aller au-delà des clichés de la vamp éternelle. Plus grave sans doute, Maurice Tourneur, qui fut l'un des pionniers du cinéma, dans ce qu'il pouvait avoir de plus artistique et de plus subtil, gâchait son métier, et n'avait plus aux Etats-Unis la reconnaissance dont il bénéficiait dans les années 10. Reste un film plus que moyen, à l'intrigue copieusement idiote, et aux décors impeccablement exécutés, et superbement filmés... Pour une heure de solide ennui quand même.

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Published by François Massarelli - dans Muet Maurice Tourneur 1924
2 avril 2023 7 02 /04 /avril /2023 16:54

L'Australienne Annette Kellerman était une nageuse, l'une des premières ambassadrices de la natation synchronisée... et le cinéma l'avait attirée dès les années 10; à partir de 1914, elle travaillait à la Fox, en particulier avec Herbert Brenon pour lequel elle s'est spécialisée dans le rôle de sirène... Dans des films pour la plupart perdus. Ce petit long métrage, l'un des rares à survivre, est une production Américaine, mais tournée en Nouvelle Zélande, et dans un premier temps on est surpris: cette fois le personnage de l'actrice n'est PAS une sirène!

Shona est la riche héritière du propriétaire d'une île des mers du sud, qui exploite le filon des perles avec l'aide d'escl... pardon, de plongeurs indigènes. Un capitaine de bateau, qui cherche à épouser la belle pour faire main basse sur la fortune, est en réalité un sale type qui vole et revend les perles pour son compte. Et sinon Shona rencontre l'amour en la personne d'un riche oisif Anglais...

C'est une salade assez mal fichue, si vous voulez mon avis, un film fait de la main gauche, et entièrement taillé pour exploiter l'éventuel reste de popularité de sa vedette, à une époque où elle est au bord de l'oubli définitif... Il y a une partie onirique sans queue ni tête dans laquelle Kellerman joue, je vous le donne en mille, une sirène, et sinon l'esprit colonial joue à plein, avec des "bons sauvages" qui sont corrompus par un méchant blanc qui pense à leur place, et qui les détourne de leur mission au lieu de laisser un autre les exploiter jusqu'à ce que mort s'ensuive... Bref.

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Published by François Massarelli - dans Muet 1924
7 août 2022 7 07 /08 /août /2022 11:29

1924, à Moscou, l'ingénieur Los travaille à un grand projet, et rêve un peu trop... Quand il capte, comme la terre entière, un mystérieux message (Anta, Odeli, Uta) sur les ondes, il est persuadé que c'est Mars qui nous contacte... Entre deux crises de jalousie conjugale et autres péripéties, il conçoit une idée folle: aller sur Mars pour retrouver la Reine Aelita, dont il a rêvé...

On ne va pas y aller avec le dos de la cuiller, ce film, l'un des tout premiers à traiter un sujet qu'on qualifiera de science-fiction, est unique. Deux ans avant Metropolis, diront les tenants de la bouteille à moitié pleine. Oui, mais sans les moyens hallucinants de Fritz Lang et de la UFA, diront les autres... Réussir à mêler une histoire de lutte des classes et une intrigue de révolte sur Mars, un mélodrame qu'on n'ose pas qualifier de bourgeois, et un voyage interplanétaire...

Protazanov adaptait à la demande du studio (privé) Mejrapbom un roman prétexte d'Alexis Tolstoï (un cousin de l'autre), afin de fournir de l'évasion aux masses inquiètes. Si Protazanov, qui était parti en exil en 1917, est rentré en Union Soviétique et a accepté de travailler pour les studios locaux, et si le script fait tout son possible pour intégrer la nouvelle donne (un sale type est un pur capitaliste, un policier a des méthodes qui en font un fasciste de la pire espèce, et un soldat désoeuvré brûle d'exporter la Révolution sur Mars), le réalisateur fait quand même passer en sous-main une vision un peu moins glorieuse, avec ces appartements bondés dans lesquels toute intimité familiale est bannie, et une société qui reste quand même à plusieurs strates. Par-dessus le marché, il montre aussi la nostalgie des années d'avant lors de scènes de comédie...

Mais rien ne peut nous préparer à l'hallucinant design des costumes sur Mars, au jeu indéniablement affreux des acteurs et actrices qui doivent incarner les extra-terrestres. Et c'est, au milieu d'une joyeuse absurdité et de quelques bribes du savoir-faire évident de son metteur en scène, ce qui plombe sérieusement le film. Comme quoi on ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la kolkhozienne.

 

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Published by François Massarelli - dans Science-fiction Muet 1924 Bientôt, nous serons des milliers **
29 mars 2022 2 29 /03 /mars /2022 18:22

1910 : l’expédition Terra Nova part de Nouvelle-Zélande, dans le but de mener une expédition Britannique au Pôle Sud. L’objectif principal : planter l’Union Jack (le drapeau Britannique) au Pôle Sud, et le faire avant l’expédition concurrente menée par les Norvégiens de Roald Amundsen.

Le chef de cette expédition Britannique, qui allait se prolonger jusqu’à 1913 en comptant les conditions difficiles mais aussi le voyage retour, était Robert Falcon Scott ; le cinéaste de l’expédition était Herbert Ponting…

On le savait quand le film est sorti, on peut toujours le savoir maintenant, Scott, pas plus que quatre de ses camarades, n’est pas revenu vivant de son périple, et s’il a effectivement atteint le pôle Sud (des photos en témoignent) avec ses infortunés camarades, ils ont immédiatement constaté que les Norvégiens étaient déjà venus, et étaient repartis après avoir posé leur drapeau sur place. C’est donc un échec, d’autant plus désastreux que des hommes y ont perdu la vie. Mais c'est aussi, sans nous épargner l'inévitable couplet nationaliste, un échec grandiose...

Le film est un récit aussi complet que possible, et même surprenant par la légèreté de ton qu’il prend avant les deux dernières bobines, de ce désastre, qui fait la part belle au temps et à la contemplation : on imagine que le travail a du être intense sur les premiers longs mois de ce périple, mais ce qui ressort le plus souvent de ces images, c’est la beauté des paysages, l’amusement des hommes, la fascination pour les animaux (partagée sans aucun doute par le public friand de pingouins, ce qui explique le temps un peu excessif dévolu aux observations de ces charmants petits oiseaux), la sportivité un peu juvénile de tous ces gens, ceux qui allaient mourir et ceux qui allaient revenir…

Et c’est frappant de voir à quel point le temps passé entre la captation des images (entre 1910 et 1913) et la sortie en 1924 du film hors conférences (et j’imagine que Ponting a dû en donner vu l’engouement du public pour ces histoires de conquête et d’héroïsme polaire) a profité au film, permettant aux images de l’expédition de bénéficier de la précision du montage de la décennie suivante : narrativement, c’est passionnant.

...Cinématographiquement, c’est superbe, et les couleurs obtenues par un mélange de teintes et de tons directement sur la pellicule, ajoutent à la beauté de ce film, faut-il le dire, superbement restauré: un compagnon idéal à l’autre grand documentaire Britannique de cette année 1924, le fameux Epic of Everest de John Noel : un autre désastre, comme par hasard…

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1924 **
24 février 2022 4 24 /02 /février /2022 16:17

Au début de l'ère Victorienne, la rencontre entre un jeune homme de bonne famille et une jeune femme de la classe ouvrière, dont le père est un repris de justice, est compliquée par les convenances...

C'est le quatrième et dernier film de Sandberg consacré à une adaptation de Dickens, des films qui lui tenaient à coeur et pour lesquels la Nordisk mettait à sa disposition des moyens considérables... Mais ce n'est pas Les grandes espérances, qui est une réussite sur bien des points: non, d'une part le roman choisi est l'une de ces oeuvres à la thématique floue, dans lesquelles le romancier réglait des comptes personnels (son père a été lui aussi incarcéré dans les mêmes conditions que l'héroïne), et faisait plus ou moins semblant d'inscrire des revendications sociales pas toujours en cohérence avec le reste de son oeuvre mélodramatique, mais en plus il souffre d'être inscrit dans une intrigue qui passe par beaucoup trop de texte, ce qui pour un film muet est rédhibitoire. Et du coup les principaux personnages subissent trop l'action au lieu d'en être les véritables protagonistes.

Alors évidemment, les décors sont très soignés, les costumes très impressionnants de véracité, et une bonne part de l'interprétation (Sandberg a son équipe et des acteurs dévoués qui sont à l'écoute de sa direction qu'on disait patiente, mais on peine à se passionner pour ce long et assez statique drame dans lequel Karina Bell n'a peut-être pas les épaules assez solides pour soutenir l'intérêt du spectateur...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet A.W. Sandberg 1924
27 janvier 2022 4 27 /01 /janvier /2022 18:34

Les trois femmes du titre sont celles qui vont tourner autour d'Edmund Lamont (Lew Cody), un malhonnête moustachu qui utilise son allure pour séduire et vivre au dépens des femmes. La première est Mabel Wilton (Pauline Frederick), une quadragénaire qui se rend compte que le temps passe et que sa séduction commence à s'effacer... Mais pas ses millions. La deuxième est sa fille Jeannie (May McAvoy), qui est éloignée de sa mère le temps de ses études, et décide de venir chez Mabel sur un coup de tête, afin de renouer avec celle qui la néglige. Enfin, Harriet (Marie Prevost) est la maîtresse de Lamont, celle chez qui il retourne quand il n'en peut plus de séduire les autres...

Au début du film, Mabel tombe dans le piège de Lamont, qui a des dettes à n'en plus finir; puis Jeannie qui a rencontré le séducteur, va se jeter dans ses bras pour ne pas gérer sa frustration vis-à-vis de sa mère, et va se trouver dans l'obligation de se marier avec le bonhomme, pendant que Fred (Pierre Gendron) son petit ami, à l'université, se décide à venir lui avouer sa flamme: on ne pouvait pas trouver pire timing...

Ce n'est pas une comédie, et pourtant... Lubitsch y déploie son talent fabuleux  en matière d'ellipses, et y montre une intrigue qui aurait pu glisser vers le théâtre de boulevard. Prenons une scène: quand Lamont a fixé un rendez-vous galant avec promesses diverses à Jeannie, le moustachu guindé a la surprise de voir arriver Mabel. Il doit donc se débarrasser de cette dernière avant de recevoir sa fille! Mais Mabel n'est pas dupe, elle a compris que son amant attend une femme, et reste cachée. La scène avait tout pour virer au vaudeville, sauf que le point de vue reste fermement ancré du côté de Mabel: la scène en devient tragique, et se clôt sur une magistrale révélation hors champ: non seulement la femme qui est venue est Jeannie, mais en plus elle a couché avec Lamont.

La dette de ce film envers A woman of Paris est assez claire... Le film commence pourtant par une scène qui tient plus de Lois Weber que de Chaplin: Mabel se pèse, et évalue l'effet des ans sur son corps avant de partir faire la fête. Plus tard, alors qu'elle attendra Lamont, elle cherchera en variant l'éclairage à trouver la façon de cacher au mieux les effets du vieillissement sur son visage. Son apparente indifférence à sa fille est surtout une atroce peur de vieillir... Elle s'y résigne pourtant au milieu du film, et désormais l'héroïne est Jeannie, qui va vite déchanter dans son mariage...

Ce joyau rare est le troisième film Américain de Lubitsch, et le fait est qu'on reste bouche bée devant un réel chef d'oeuvre, mélange d'un sens de l'observation hors du commun, d'une interprétation constamment formidable (tiens, il y a une petite apparition surprise de Max Davidson!), et d'un sens inné du cinéma pur. Oui, il y a des intertitres... mais uniquement quand on ne pouvait pas faire autrement: c'est l'image qui parle, ici. 

 

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Published by François Massarelli - dans 1924 Ernst Lubitsch Muet Max Davidson **