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17 mars 2025 1 17 /03 /mars /2025 15:39

Réalisé avec l'aide de la police de Munich, ce documentaire participe d'un essor du genre dans les années 20, en Allemagne: sous diverses formes, des documentaires attiraient les foules, tout en propsant une utilisation du cinéma nouvelle, excitante et souvent inattendue.

Ce film n'est pour autant pas à assimiler aux Kultürfilme (Kraft und Schönheit est le premier exemple qui me vient à l'esprit), dans lesquels on tentait d'épuiser un sujet de façon rigoureuse, méthodique... et un rien ronronnante! Il n'est pas non plus un de ces films d'avant-garde qui pulluleront à la fin des années 20, comme bien sûr le très célèbre Berlin, symphonie d'une grande ville, de Walter Ruttman (1927): non, plus simplement, il s'agit de montrer de quelle façon les rues allemandes peuvent se muer en autant d'endroits dangereux, en adoptant une approche documentaire légèrement modifiée avec un recours à des acteurs qui interprètent le rôle de passants, de passagers des transports, dans un décalage parfois légèrement farfelu, mais aussi parfois le film rappelle les accidents tragiques... 

Et sinon, le film glisse vers le baroque en tâchant de montrer la différence entre un bon et un mauvais mendiant...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1924 *
11 mars 2025 2 11 /03 /mars /2025 09:34

L'année 1924 a été très importante dans la carrière de Lau Lauritzen, Carl Schenstrom et Harald Madsen, puisque d'une part ils ont sorti un grand nombre de films, mais aussi le succès est devenu très important: ils s'exportaient: une allusion à leurs personnages est visible dans une scène du Dernier des hommes de Murnau, qui a d'ailleurs provoqué qu'on en crédite assez souvent les deux acteurs, ce qui est faux.

Pour autant, Lauritzen s'entenait à une formule, un certain nombre d'ingrédients, de l'huile de coude, un paquet de clichés, facilités et automatismes, et surtout l'énergie de ses deux compères... Et aussi un titre: comme tous ceux qui ont précédé, ce film est intitulé avec trois mots qui ont la même initiale, ce qui provoque d'ailleurs une incohérence. Car si Professor Petersens Plejebørn veut bien dire L'enfant adoptif du Pr Petersen, ça ne colle pas car il n'y a pas de Professeur Petersen. Il y a bien un professeur, mais il s'appelle Wolmer... Et sinon Mademoiselle Petersen est sa gouvernante. En anglais, le film s'intitulait The smugglers (Les Contrebandiers), donnant de l'importance au début et à la fin du film; et en français, sans aucune explication pour ma part, le titre était Dans un rêve. En Allemand, enfin, le titre est étrange mais se justifie: Der Kampf mit der Drachen, c'est Le combat avec le dragon, et... il y en a un.

Pour commencer, donc, le Professeur Wolmer (Svend Melsing), un passionné de nature et des animaux, se rend sur une île pour y observer les oiseaux, mais ils tombe entre les mains de contrebandiers. Deux d'entre eux (lesinévitables Doublepatte et Patachon) l'aident à fuir et pour leur prouver sa reconnaissance il les engage comme domestiques... Ils vont être confrontés à la rigidité de la gouvernante, Mademoiselle Petersen (Maria Garland). Quand Wolmer reçoit une lettre d'un ami qui lui annonce la venue de sa fille pour une période indéterminée, le professeur et Mademoiselle Petersen s'imaginent accueillir une enfant, mais Anita (Lili Lani) est une jeune femme, et Wolmer tombe sous le charme, ce qui n'arrange pas les affaires et les aspirations de sa gouvernante...

C'est évidemment loufique et sans temps morts. Les deux acteurs sont beaucoup plus sollicités que d'habitude, et leur tandem fonctionne magnifiquement, sans parler de séquences de pur slapstick, surtout sur l'île aux contrebandiers... Une bagarre générale en particulier semble réjouir particulièrement les acteurs eux-mêmes! Le reste, plus policé, se voit sans déplaisir grâce à la dynamique négative amenée par Maria Garland, qui contraste fort bien avec le style décontracté des deux vagabonds. Svend Melsing et Lili Lani sont parfaitement fonctionnels en inévitables tourtereaux... Une fois de plus, c'est un gentil foutoir, mais on s'en contentera agréablement.

 

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Published by François Massarelli - dans Lau Lauritzen Schenström & Madsen Muet 1924
2 mars 2025 7 02 /03 /mars /2025 09:38

Sorti en 1924, le film a cependant été tourné en 1923, et montre Doublepatte (Carl Schenstrøm) et Patachon (Harald Madsen) en compagnie d'une troupe fréquente: à leurs côtés, donc les acteurs Gorm Schmidt, Oscar Striboldt, Stine Berg; le rôle principal féminin est tenu par Grethe Rutz Nissen (Future Greta Nissen aux Etats-Unis, attirée par un contrat avec la Fox), une ancienne ballerine qui a été repérée par Lauritzen et qui jouait la jeune orpheline (...et la Petite Sirène) dans un film antérieur, Daarksab, dyd og driverter.

Dans une petit groupe d'amis à Copenhague, un maître de ballet (Charles Wilken) prépare fébrilement sa petite fille (Grethe Nissen) à devenir une vedette du ballet. Mais elle est amoureuse de Bent (Gorm Schmidt), un étudiant qui ne voit pas cette obsessin d'un bon oeil, car il pense qu'elle ne lui permet pas d'espérer se marier avec elle. Parmi les amis, deux musiciens aident la petite troupe, en jouant pour les cours de ballet: un violonisste (Madsen) et un flûtiste alto (Schenstrøm)... Ceux-ci récupèrent l'argent d'une vieille dame qui a été agressée par des voleurs, et en mettent un peu de côté pour eux-mêmes. Ils vont ainsi pouvoir fournir des costumes à la jeune femme pour une grande soirée de gala, durant laquelle elle va rencontrer un producteur Américain...

C'est le mélange habituel des films de Lauritzen avec le duo, un peu d'art, un soupçon de romance, beaucoup de comédie un rien suranée, une ou deux poursuites, et des jolies filles (dans une scène un peu téléphonée, montrant vers la fin que les deux héros se sont reconvertis en employés de piscine: Lauritzen avait une troupe de jeunes actrices sous contrat, dont la fonction première était d'apparaître en maillot de bain! Comme chez Mack Sennett...). Le film a probablement été tourné à l'économie, car tous les décors semblent avoir été tournés en studio, et sont aisément recyclables; les scènes au théâtre peuvent avoir été tournées dans n'importe quel studio, et Lauritzen s'est permis une fois de plus de lâcher ses héros en ville, notamment en allant tourner avec eux lors de l'authentique dépat d'un transatlantique!

C'est un aimable divertissement, qui n'ajoute rien et ne retranche rien à l'univers des deux acteurs, qui une fois de plus agissent un peu en satellites de l'histoire dans laquelle ils évoluent. Leurs deux scènes de poursuite finissent par ressembler à un passage obligé, avec l'inévitable accélération de l'action. La présence d'Oscar Striboldt (pas le plus sibtil des acteurs, mais c'était une supestar...) en étudiant fera grincer quelques dents... Sinon, une partie du film profite des capacités de Grethe Nissen pour la danse.

Et une scène se dégage, celle de la piscine: il y a une manifestation d'humour noir assez hallucinante. Madsen y est moniteur de natation (même si son comportement nous pousse à penser qu'il ne sait pas nager lui-même). Il s'occupe de donner des instructions à un monsieur d'âge mûr, qu'il tient au bout d'une perche. Le monsieu galère. Quand son copain l'interpelle, Madsen lâche sa perche et laisse son élève se noyer. Il se dirige vers un groupe et demande: "Au suivant!" Même Buster Keaton et Roscoe Arbuckle n'avaient pas été aussi loin et aussi ouvertement dans l'humour noir...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1924 Schenström & Madsen Lau Lauritzen
21 février 2025 5 21 /02 /février /2025 08:59

A Copenhague, un Italien, le vieux Guido Buzzio (Philip Bech), travaille dans son atelier: il vend des figurines en plâtre. Pour l'aider, il a sa petite-fille, Mona (Agnes Petersen), ainsi que deux assistants, un grand maigre (Doublepatte, Carl Schenstrom) et un petit râblé (Patachon, Harald Madsen). Un jeune homme (Svend Melsing), étudiant en art dramatique de son état, vient souvent à la boutique acheter des figurines... pour voir Mona. Mais un jour, un objet de valeur sentimentale est cassé: une cruche porte-bonheur qui se transmet de génération en génération dans la famille Buzzio... A l'intérieur, un papier propose des instructions incomplètes pour localiser un trésor sur la côté méditerranéenne.

Mona et les deux assistants se mettent en route, mais ils sont suivis par trois personnages interlopes et inquiétants: le fils (Karl Jørgensen) de la logeuse de Guido, un bon à rien qui a entendu la conversation; un mystérieux moine; et un étrange bonhomme (Waldemar Maes) apparemment cinglé qui a aperçu un bouton sur la veste de Patachon, et pense qu'il fait partie de la même société secrète que lui: des anarchistes à la mode des années 20...

Quelle bonne idée, finalement: après avoir alterné entre les films "estivaux" (Sol, Sommer og Studiner), les film ruraux (Ole Opfinders Offer) et les films citadins (Blandt Byens Børn), Lauritzen et la société Palladium envoient leur deux "héros" en voyage, et ils vont passer par l'Allemagne, puis Amsterdam, puis Paris et enfin l'Italie (Pise) et plus généralement la Méditerranée (Monte-Carlo). Les deux acteurs ont certainement été lâchés en pleine rue, à Paris aussi bien qu'à amstredam, et les prises de vue en extérieurs ne trichent absolument pas, Pise est bien Pise (avec l'inévitable visite à la Tour) et les côtes Italiennes ne font pas semblant non plus... Les passants qui croisent Doublepatte et Patachon à paris comme à Amsterdam n'en reviennent d'ailleurs pas. Et un plan Parisien a été pris d'une telle distance que les acteurs sont vraiment sans filet.

C'est une aventure avec ce qu'elle peut comporter de péripéties attendues: on s'intéresse un peu mollement à cette "énigme des cruches", pour reprendre le titre français, mais pas tant que ça: c'est assez expédié, au profit probable d'une certaine improvisation! Impossible de suivre d'ailleurs, sans constater que les personnages ont finalement bien peu d'indices pour trouver leur trésor, mais le trouvent quand même...

Ce qui fait merveille, par contre, c'est que les deux personnages de Doublepatte et Patachon (dont Lauritzen a fini par comprendre qu'ils sont LA principale attraction de ses longs métrages, et qu'on n'a pas nécessairement besoin des jolies filles en maillot qu'il plaçait dans tous leurs films) sont vraiment des acteurs de cette intrigue, pour laquelle ils déploient avec la prudence timide qui les caractaérise, un certaine énergie et une bonne volonté qui font plaisir. Bien sûr, ils vont se faire griller la politesse par l'un des étranges personnages qui les suivent, mais quelle surprise de voir Carl Schenstrom avec un petit piostolet automatique!

La continuité du film tel qu'on peut le voir aujourd'hui est par contre assez étrange: l'épisode Hollandais est entrecoupé d'un passage à Paris qui ne cadre pas: erreur de montage de 1924, ou de la restauration? J'espère que quelqu'un y remédiera; il existe des montages alternatifs de certains films du duo, mais la plupart des longs métrages ont été préservés dans des copies uniques. Celle-ci est vraisemblablement l'unique version de ce petit film de vacances...

 

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Published by François Massarelli - dans Schenström & Madsen Lau Lauritzen 1924 Muet
14 février 2025 5 14 /02 /février /2025 10:44

Dans un petit village Danois, disons, rural, une ptite communauté vit et survit... C'est que les officiels n'ont pas leur pareil pour débarquer à l'improviste et embarquer ls biens pour le paiement des impôts. Un riche fermier, Per Storegård (Sigurd Lamberg), a des vues sur Grethe (Agnes Petersen), la jolie fille de la meunière Ane (Jutta Lund). Mais celle-ci n'a d'yeux que pour le jeune compagnon meunier (Erik Hofman)... le fermier en devient très jaloux.

La pression fiscale devenant trop forte, le meunier exaspéré se demande si on ne ferait pas mieux de brûler le moulin! Et l'un des aides du meunier a trouvé chez le forgeron Ole (William Bewer) une machine que ce dernier a inventé, une sorte de briquet amélioré... Quand un incendie se déclare, inévitablement, les soupçons se portent immédiatement sur le meunier et ses amis...

Parlons de ses amis, d'ailleurs: dans un film qui est assez long (80 minutes) et qui a pu être conservé in extenso semble-t-il, ce qui serait une première pour un long métrage de cette taille, nous retrouvons les deux héros des comédies de Lau Lauritzen, Fyrtaarnet (Doublepatte, Carl Schenstrøm) et Bivognen (Patachon, Harald Madsen); au début, ils sont vaguement des vagabonds, et on a l'impression que leur rencontre avec l'équipe qui collecte les impôts les autorise à être dans le film. A la fin, ils partiront, comme ils étaient venus, avec leur raison sociale douteuse:ils ont une technique délirante pour piéger les rats, ce qu'ils ne feront d'ailleurs jamais dans le film, et se feront engager au moulin à la place.

"Patachon" a aussi, comme dans le film Daarskab, Dyd og Driverter de 1923, droit à sa petite histoire d'amour avec Stina Berg. Ce qui ne l'empêchera pas de se livrer à un petit interlude plaqué dans l'histoire, qui le montre draguer une bande de filles en maillot qui se baignent sur la plage! ...Lauritzen tenait à utiliser ce gag dans tous ses films quand c'était possible.

On est en pleine formule, donc: les deux héros, si on ose les appeler ainsi, voyagent à travers ce film sans trop se faire remarquer, et y ont un peu de place pour leurs excentricités. C'est loufoque, assez franchement foutraque aussi. Le fait est que Lauritzen, contrairement à ses deux vedettes qui étaient des génies de la comédie physique, n'a pas trop le don de montrer la comédie. Pour preuve, le fait que le film a plus de 200 intertitres... Quand le moulin brûle, en revanche, il laisse libre cours à ses images, et on y ent même de l'improvisation, quand les deux acteurs participent à la tentative désespérée des pompiers... 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1924 Lau Lauritzen Schenström & Madsen
26 juillet 2024 5 26 /07 /juillet /2024 15:49

Les huiles arrivent,

les délégations qui comptent, comme son altesse royale le Prince de Galles, futur roi démissionnaire aux sympathies nazies,

Des potentats divers, variés, et qui se contentent de sourire, parfois à la caméra, parfois pas, d'un air gêné,

Puis des sportifs en chapeau, qui défilent en rangs de sardines, des gens venus d'un peu partout mais surtout du monde qui se respecte, les Etats-Unis, les Britanniques, le Canada, la Grèce,

La caméra à distance, on n'est pas encore l'objectif dans la narine, comme un siècle plus tard, 

Puis les jeux commencent,

Se déroulent,

Des jeux,

Encore des jeux,

Toujours des jeux,

Et le film se termine, sans qu'on puisse échapper à l'impression d'avoir vu le prologue le plus ennuyeux au monde,

un prologue

sans 

film.

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Published by François Massarelli - dans Navets ** Muet 1924
22 juillet 2024 1 22 /07 /juillet /2024 22:22

Les jeux olympiques d'Hiver de Chamonix en 1924 ont ceci de particulier qu'ils furent les premiers du genre... Ca valait donc bien un film, manifestement. C'était avant la période du tout-écran, tout-image dans laquelle nous vivons, et Jean de Rovera, un écrivain par ailleurs fasciné par le sport, s'est chargé d'en documenter les exploits.

Il se livre donc à l'exercice obligatoire: vues des lieux, des préparatifs, arrivée solennelle des athlètes et des délégations, puis des vues documentaires des exploits sportifs. Il y a des gens qui aimeront se replonger dans ces images d'un autre âge... Ce moyen métrage de 37 minutes a, en revanche, eu sur moi un impressionnant, et assez séduisant, effet totalement soporifique!

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Published by François Massarelli - dans Muet 1924 **
18 avril 2024 4 18 /04 /avril /2024 18:37

Deux jeunes adultes (Glady Hullette et Edward Earle) s'aiment... Mais Simon Selfridge (Frank Currier), le père de la demoiselle, aisé et soucieux de préserver son capital, voit d'un très mauvais oeil l'intrusion d'un homme dans sa famille, qu'il soupçonne den vouloir à l'argent. Il décide de séparer le couple, pourtant fraîchement marié, en envoyant sa fille le plus loin possible. Quand elle revient, c'est avec un bébé, une petite fille prénommée Peggy: le père souhaite la voir, mais Selfridge lui tend un piège: il l'accuse d'avoir voulu s'introduire par effraction dans leur maison. Le jeune homme se retrouve en prison, et pendant ce temps son épouse se morfond, et Peggy grandit loin de son père...

C'est un scénario de mélodrame sans aucune retenue auquel nous sommes confrontés dans ce prologue, et le film joue à fond cette carte, du début à la fin du film. Mais d'une part, Seiter qui est metteur en scène de comédies (et non des moindres, quand on y pense: on lui doit quand même quelques pépites, après tout, la plus célèbre étant à n'en pas douter Sons of the desert avec Laurel et Hardy) ne s'est pas privé de chercher une façon de détourner cette tentation mélodramatique, et l'a trouvée: car l'héroïne évidente du film, dès qu'elle arrive, sera Baby Peggy Montgomery, qui interprète bien sûr le "secret de famille" assez mal gardé, la petite fille qui fera craquer l'armure de son grand-père, et qui empêchera son père de mal tourner, par son énergie et son côté solaire...

Mais Seiter fournit, tout en se pliant aux règles en vigueur du mélo, un cadre très rigoureux, dans lequel il joue habilement du cadre, de l'ombre et de la lumière dand de belles scènes nocturnes, et dirige ses acteurs avec goût et sobriété, ce qui est une bonne chose, au vu d'un script qui repose sur tant de ficelles... 

Mais soyons franc: le principal atout du film... c'est son actrice principale! C'était déjà une star, à lâge de quatre ans et en voyant le film on comprend pourquoi.

 

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Published by François Massarelli - dans William Seiter 1924 Muet *
15 novembre 2023 3 15 /11 /novembre /2023 21:32

En Bretagne, Yann Gaos (Charles Vanel) a suivi la voie familiale: il est marin, et avec un équipage de durs à cuire, il retourne régulièrement pêcher au large de l'Islande, un voyage dangereux mais fructueux. A terre, il laisse une jeune femme, Gaud (Sandra Milowanoff), , qui aimerait qu'il se déclare... Mais Gaos est pauvre, et surtout il est fasciné par la mer. Il sait que s'il se marie il va probablement devoir effectuer un sacrifice, celui de son métier ou celui de son mariage...

Les deux oeuvres actuellement le plus accessibles de l'oeuvre muette de Baroncelli ont comme point commun un amour impossible. C'est plutôt monnaie courante, à l'époque du mélodrame roi. Mais ce qui relie également ce Pêcheur d'Islande (d'après Pierre Loti) et le très intéressant La femme et le pantin de 1929 (d'après Pierre Louys), c'est une envie de mise en scène phénoménale. Des acteurs, certes, des décors évidemment... Des images même, ici dominées par des prises de vue "en situation", documentaires pour certaine, et Bretonnes pour une large part, mais surtout une envie de dominer l'espace filmique, et de tout tenter. Et c'est une grande réussite...

Le film ne suit pas que ses deux protagonistes, qui sont excellents. On y sent une trace du cinéma Américain, à travers un jeu d'une sobriété exemplaire, Vanel et Milovanoff jouent avec les yeux, et une économie de moyens qui est d'autant plus remarquable, qu'à l'époque (et en particulier dans le cinéma dit 'impressionniste' de l'avant-garde française, celle de Delluc, Dulac et à laquelle on assimilait parfois L'Herbier et Gance), le jeu des acteurs français était plus marqué. En plus du couple, on suivra brièvement le personnage de Sylvestre Moan, un autre enfant du village qui tentera de montrer la voie aux deux amoureux avant de mourir au Tonkin...

Mais le triangle amoureux, ici, relayé par un montage savant et virtuose qui fait rimer en permanence les lieux et les temporalités de Vanel et Milowanoff, se situe entre la jeune femme, qui symbolise presque à elle toute seule le lien à la terre de Bretagne (l'Argoat), le marin, qui évidemment incarne le lien à lOcéan (l'Armor), et bien sûr la mer elle-même, et celui que cette dernière tient prisonnier en elle, attendant le jour du naufrage, que le film appelle poétiquement "le jour de ses noces avec la mer"... 

Le film est passé dans la légende pour ses scènes de pêche, probablement tournées de façon documentaire, mais les séquences avec Vanel s'y insèrent sans aucun problème, ce qui est à porter au crédit de la production... Pourtant il y a de belles séquences oniriques, avec des surimpressions très réussies, et une magnifique utilisation de décors authentiques Bretons, quatre années avant Epstein. Et les effets spéciaux, surimpressions, mélange d'images et collages parfois provocateurs sont utilisés pour appuyer sur la rudesse d'une existence coupée en deux, pour l'un et l'autres des deux amoureux. Le lien à la terre, à la famille, à la mer, et à un destin qui toujours devra s'accomplir à l'encontre des désirs des amoureux.

Une scène parmi tant de séquences marquées d'un souffle virtuose (l'influence d'Abel Gance me semble une piste pertinente, mais cette inspiration est constamment disciplinée par Baroncelli qui jamais n'ause de ses effets), me semble vraiment sortir du lot: les marins sont au large, dans un brouillard à couper au couteau. Ils croisent un bateau, dont les marins blafards, grimaçants, leur annoncent des mauvaises nouveles du pays. Mais ce sont des fantômes, comme une annonce d'un destin entièrement écrit pour Yann Gaos...

 

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Published by François Massarelli - dans 1924 Jacques de Baroncelli Muet Charles Vanel
23 août 2023 3 23 /08 /août /2023 09:17

Un café à Marseille: c'est un établissement "Franco-Anglais" pour marins, de tous les pays, et certains (notamment Walter Long) font bien du chahut...La patronne (Norma Talmadge), une dame d'un certain âge, se plaint immédiatement. Elle discute avec un client (Marc McDermott), Anglais comme elle, et ils comparent leurs souvenirs... Ce qui renvoie à sa jeunesse: elle était danseuse dans un choeur au music-hall, et elle a tant aimé un homme (Wallace McDonald) qu'elle l'a épousé. seulement la belle famille ne l'entendait pas de cette oreille, et après un temps il a fini par l'abandonner... Evidemment, comme dans tout mélodrame qui se respecte, une fois la chose accomplie, les conséquences ne tardent pas...

C'est un film qui se présente parfois comme une synthèse, à la fois du style et de l'univers de Frank Borzage, des films de Norma Talmadge et de la niblesse délirante du mélodrame muet à l'apogée du cinéma Américain... Certes, le film accumule les péripéties, les invraisemblances, mais il le fait avec une conviction et une subtilité qui sont rarement aussi bien mariées que dans les films de l'auteur... Norma Talmadge y trouve un rôle à la mesure de son talent, qui devait des fois être contre-balancé par une direction tatillonne, et comme on sait que Borzage réussissait à se faire entendre y compris des pires histrions, le résultat est là, indéniable: elle est fantastique... D'autres acteurs tirent leur épingle du jeu, Marc McDermott et une de ces apparitions limitées, auxquelles il était confiné dans les années 20, par exemple: pour une fois il ne joue pas le mauvais rôle et ne meurt pas après deux minutes de présence à l'écran! Brandon Hurst est le père du mari, celui qui va ensuite venir réclamer pour la famille, le rejeton né des amours de l'héroïne... 

Borzage reconstruit pour son film, avec la complicité d'Antonio Gaudio (chef-opérateur) et de William Cameron Menzies (Décors) un univers dans lequel on passera des théâtres miteux à Monte-Carlo, puis d'autres théâtres avant d'échouer dans un bouge à Marseille, autant de décors où le drame s'épanouit en prenant son temps. L'effort sur les costumes est important, à une époque qui ne s'embarrasse généralement pas de réalisme, Borzage et son film font clairement exception. Le personnage de "Lady" Polly Pearl, qui est celui dont tout le film nous détaille le point de vue, fera quelques rencontres déterminantes, dont celle, providentielle, de l'épouse d'un pasteur, qui va adopter son fils avant qu'il ne soit volé par sa belle-famille. Une fois de plus, le héros/l'héroïne d'un film de Frank Borzage est aidé, et sa quête sublimée par l'intervention d'une bonne fée, comme dans Cendrillon... On ne se refait pas. 

Il s'agit maintenant de lire entre les lignes. S'il était courant pour la haute noblesse Britannique des années 10 et 20 de considérer une actrice comme l'égale d'une prostituée, il n'empêche qu'une fois son parours en tant que danseuse et son mariage laissés derrière elle, Polly doit assumer de devenir une chanteuse de cabaret voire une tenancière... On saura décoder ce qui nous est dit de son destin, notamment par l'une des premières remarques, celle d'un client du bar dans la première scène, qui ironise en entendant Polly se considérer comme une "lady"... Mais justement, ce que le film détaille, ici, c'est la force de conviction d'une femme intransigeante dans son amour pour son fils, qui va sacrifier son amour afin de lui éviter de tomber entre de mauvaises mains. Ce que prouve la scène finale, du plus haut mélodrame (celui qui use et abuse des conïncidences), c'est qu'elle a eu raison...

L'ensemble du film tient grâce à un enjeu, celui d'affirmer la noblesse du coeur de l'héroïne par-dessus les conventions de la société des deux époques qui nous sont présentées. Cette quête passe par une descente aux enfers, symbolisée (telle celle vécue par les personnages de Street angel, quatre ans plus tard) par les déambulations de Polly, devenue vendeuse de fleurs (là encore la métaphore est assez claire) dans la rue, et qui arrête tous les enfants qui passe à sa portée pour leur demander leur nom... 

La dernière scène est bien sûr le paroxysme du film, et tout y est accroché aux yeux de Norma Talmadge, qui font passer tant d'émotion avec tant de force qu'on ne peut que rendre les armes: certes, c'est du mlo, certes, probablement basé sur une pièce de théâtre que personne ne tenterait en 2023 de sortir de la naphtaline... Mais honnêtement, c'est une réussite émotionnelle rare.

 

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Published by François Massarelli - dans Frank Borzage 1924 Muet