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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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9 mai 2024 4 09 /05 /mai /2024 10:26

Dans un petit pensionnat pour jeunes filles très comme il faut, une élève est particulièrement turbulente: c'est qu'elle se targue de faire du théâtre et profite parfois de la nuit pour organiser des représentations, aidée par des copies, et par deux employés de l'établissement, deux "hommes à tout faire" qui ont de la tendresse pour elle. Mais elle est punie et décide de s'enfuir. Ses deux amis partent à sa suite, pour la protéger...

C'est l'un des premiers films des aventures de "Doublepatte et Patachon", Fy og bi en Danois. Les intertitres en ont complètement disparu, et n'ont pour l'instant pas encore été reconstitués... Lauritzen y raffine sa formule: d'un côté, une intrigue qui tourne autour d'un (ou plusieurs personnage de jeune femme de la bonne société, en butte à l'autorité soit parentale, soit d'une institution... De l'autre les deux personnages complémentaires de Schenstrôm (le grand échalas) et Madsen (le petit râblé), qui resteront un satellite de l'intrigue principale, et fournissent l'essentiel des gags, souvent très physiques.

C'est souvent un spectacle assez hallucinant à voir, surtout Madsen qui a une façon totalement à lui de se comporter physiquement en toutes circonstances, et comme Laurel avait des yeux d'une nuance que la pellicule de l'époque ne photographiait pas totalement... Il en résulte un comportement lunaire fascinant. 

Ce n'est pas le meilleur de leurs films, mais Lauritzen l'aimera suffisamment pour en proposer une relecture parlante en 1932...

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Published by François Massarelli - dans Schenström & Madsen Lau lauritzen Muet 1922
18 mars 2024 1 18 /03 /mars /2024 16:15

Réalisé pour le compte de la Vitagraph, ce film n'a survécu que dans une copie établie dans les années trente pour l'exploitation en 9,5mm, donc dans un format très réduit... Il n'en reste qu'une dizaine de minutes, dont la moitité au moins est consacrée au final spectaculaire...

L'intrigue, ou du moins ce qu'il en reste, concerne Jack Bradbury (Warner Baxter), un homme injustement accusé d'un meurtre, et l'amour que lui porte une jeune femme pure et virginale (Colleen Moore d'avant la comédie); avant d'être disculpé à temps, il participe au sauvetage de plusieurs personnes lors d'un incendie impressionnant...

Le principal ingrédient du film est donc préservé, dans une version raccourcie, mais avec une certaine intensité, cela va sans dire. La décennie des années 20 est vraiment celle durant laquelle le cinéma Américain va passer ma^tre dans la représentation des désastres en tous genres, et cet incendie, même danssa version raccourcie en 9,5, est impressionnant malgré tout. Dommage que le reste du film (et les prestations de Colleen Moore, très amenuisée, et celle de Gertrude Astor qui a carrément été supprimée) n'ait pu être préservé aussi...

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Published by François Massarelli - dans Colleen Moore Muet 1922 *
12 août 2023 6 12 /08 /août /2023 15:59

Après Zorro, après D'artagnan, Fairbanks passe à la légende de Robin Des Bois. Celui-ci est un mythe né au Moyen-Age, avec lequel l'histoire tend à se confondre depuis si longtemps, qu'on s'étonnerait presque des libertés prises par Fairbanks et son équipe, alors que c'est systématique: dernier en date, le film de Ridley Scott, tout en cédant à une certaine fore de réalisme, n'en est pas moins totalement faux sur bien des points historiques, relatifs à Richard et John, roi et prince, notamment. Mais à la vérité, ce qui fait le plaisir de confectionner un Robin Hood est ailleurs: si ce Robin qui fait partie de l'impressionnant cycle de films monumentaux de Douglas Fairbanks ne joue jamais la carte de la parodie, et installe définitivement un certain nombre de constantes graphiques, il y a beaucoup ici de plaisir de filmer les châteaux, de costumer les acteurs, de grimper aux rideaux et de bondir...

Mais Fairbanks, soucieux d'appliquer la recette de Dumas pour ses Trois mousquetaires, qui a longuement retardé l'entrée de D'Artagnan dans le corps des Mousquetaires, a ici résolu de créer un long prologue, expliquant par un contexte expliqué point par point durant 65 minutes la décision du comte de Huntingdon d'entrer en résistance sous le nom de Robin Hood. Et paradoxalement, c'est la meilleure partie du film! C'est là que Dwan et Fairbanks recréent leur moyen-age à eux, avec ses immenses châteaux, ses costumes, et des décors naturels superbes (Dont j'imagine que le Robin Hood de Curtiz les reprendra sans hésitation).

La deuxième partie du film vire assez rapidement au systématisme, et le personnage de Robin Hood une fois doté de ses oripeaux n'a plus rien à prouver, et bondit bien sûr dans tous les coins avec application, son seul enjeu étant de sauver Lady Marian (Enid Bennett, après quatre films en compagnie de Marguerite de la Motte) des griffes de l'affreux John... en augmentant l'échelle de ses films, Fairbanks a semble-t-il négligé de développer plus avant ses personnages pour qu'ils soient un peu plus que des pantins bondissant dans tous les sens... Il y reviendra avec le film suivant, qui le verra justement réfléchir à de nouvelles façons d'intégrer ses personnages dans les décors, en utilisant des ressources plus vant-gardistes, dont la danse. 

Mais ce Robin Hood énorme, avec ses châteaux en trompe l'oeil, est un e date importante, un film ambitieux qui semble à lui tout seul vouloir résumer les possibilités expressives des décors et des costumes au cinéma muet. Un spectacle autrement plus inéressant et qui contrairement au Puy du fou, ne tente pas de faire passer en douce un message réactionnaire derrière un pseudo spectacle historique.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1922 Douglas Fairbanks Allan Dwan **
7 août 2023 1 07 /08 /août /2023 14:15

Grant newbury (Tom Mix) est un inspecteur de la police des frontières, spécialisé dans l'intervention de terrain... Il est chargé de mettre fin à un trafic d'immigrants sur les frontières du Sud, et se retrouve sous couverture, engagé par la bande de Jim Frazer (J. Farrell McDonald), qui sous un aspct bonhomme, est le chef d'une opération de grande envergure, qui passe par le Grand Canyon pour faire passer des immigrants chinois qui seront utilisés comme main d'oeuvre à bon marché. Mais Frazer est aussi le tuteur de la charmante Estelle Holloway (Eva Novak), une jeune orpheline de la bonne société de Chicago. Elle ignore tout des activités de son oncle, et souhaite le rejoindre pour l'été...

C'est un de ces petits westerns tricotés en série par la Fox dans les années 20 autour du personnage de Tom Mix, qui vaut mieux que ce que ses photos de publicité pouvaient indiquer: costumes exagérément décorés et précieux, immense chapeau, éperons dorés... Ici, il est comme souvent un cow-boy coincé dans le 20e siècle, mais avec une certaine ressource. Par exemple, il sera vu aussi bien sur son cheval qu'à bord d'un avion, dns un fiml qui ne s'embarrasse jamais de tergiversations... C'est trépidant, direct, sans chichis...

Bien sûr, un oeil actuel sur le film ne nous aidera pas à l'apprécier, en raison d'une part d traitement réservé aux chinois, qui au mieux sont un élément décoratif, et au pire une source de gags, mais c'est le lot de toutes les minorités dans les films muets américains; et d'autre part, la façon dont la jeune femme se retrouve totalement démunies une fois qu'elle s'est éloignée de son bivouac dans le grand canyon, nous fera probablement plus sourire que frissonner; heureusement, elle a Tom Mix! celui-ci est un de ces braves hommes sans histoires ni arrière-pensées qui peuplaient ces westerns naïfs, et il done envie de vois d'autres de ses films, pour peu qu'on mette la main dessus...

Et la star incontestée du film reste évidemment le Grand Canyon, dont les contours en 1922 étaient certainement mal connus. Le film prétend que l'équipe a inauguré e survol de la zone, et en a tiré des images superbes. Et les avantages dramatiques de cette curiosité géographique sont nombreux, et Lynn Reynolds l'a bien compris. Enfin, le lieu permet à Tom Mix et aux cascadeurs de s'en donner à coeur joie...

 

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Published by François Massarelli - dans Western Muet 1922 **
29 juillet 2023 6 29 /07 /juillet /2023 15:46

Peu de temps après la première guerre mondiale, trois escrocs faux-monnayeurs (Maude George, Mae Busch, Erich Von Stroheim) tentent d’escroquer un couple Américain en villégiature à Monaco (Rudolph Christans, Patti Dupont), mais les appétits insatiables en termes d’argent et de sexe de l’un d’entre eux, le comte (?) Karamzin (Stroheim), font joyeusement capoter toute l’affaire qui se termine dans le drame, le conflit et, en ce qui le concerne, les égouts...

 

Billy Wilder appelait « Petits cailloux » ces petites touches qu’il saupoudrait sur le développement d’un film dans le but d’amener le spectateur vers une certaine direction. Le nom est bien sûr une référence au Petit Poucet. Si aujourd'hui c’est, à l’imitation de Wilder, de Hitchcock et des autres classiques une tendance établie de nombreux films, le premier à raffiner systématiquement le recours à ces balises de sens aura justement été Stroheim.

 

Certes, avant lui Griffith s’inscrivait dans la durée, dans la résonance, mais basait le rapport entre son public et ces petites indications sur les personnages sur des intertitres: un exemple, dans Orphans of the Storm: la première vision de Jacques Sans-Oubli, futur juge qui condamnera Lillian Gish à mort, s’accompagne d’une mention sans ambiguïté : « Les Orphelines allaient souvent le rencontrer sur leur route ». Ainsi éclairci, le chemin ne posait plus de problème au public.

 

DeMille se reposait aussi beaucoup sur les intertitres pour faire passer les transitions les plus hardies. ...Notamment ses fantasmes orgiaques! Avec Stroheim, on assiste à la première tentative de faire passer ces jalons psychologiques dont l’accumulation provoque du sens par l’image seule; et c’est avec Foolish Wives que cette petite révolution prend effet… Rappelons à toutes fins utiles que le film n’est plus que l’ombre de lui-même et que la plupart de ces petites touches ont disparu, jugées redondantes par les monteurs qui ont été chargés de donner au film une durée exploitable.

 

Mais il en reste: la plus évidente de ces pistes de petits cailloux, c’est l’anecdote du soldat manchot, vu trois fois par Patti Dupont, l’actrice principale: les deux premières fois, il reste de marbre lorsqu'elle perd un manteau, et ne le ramasse pas, à l’indignation généralisée. A la fin elle réalise qu’il a perdu ses deux bras et qu’il est l’un des officiers qui ont permis la victoire des alliés. D'autres touches sont ainsi perdues: il faut dire que Foolish Wives a sérieusement subi des dégradations qui l’ont rendu méconnaissable. J'y reviens plus bas...


Le premier problème a été que ce film a bénéficié d’une publicité basée sur un malentendu : un panneau géant, changé chaque jour, annonçait de façon fantaisiste les sommes englouties lors du tournage, bâtissant du même coup une réputation fort dépensière à son auteur, ce qui allait servir à la fin à lui retirer son film des mains. Il est vrai que Stroheim, encouragé au départ par Laemmle, ne parvenait pas à trouver un point de chute à son grand œuvre. Et c’est donc lors des prises de vues d’une scène cruciale que le tournage s’est arrêté. A la décharge de Thalberg, qui prit la décision, il convient de rappeler que le cinéma Américain était dans la tourmente, suite à divers scandales, en ces années 1921-1922… Stroheim et ses excès faisaient du coup plus peur. Et Irving Thalberg avait justement été engagé par Laemmle pour tempérer ses extravagances...


D'autres problèmes tout aussi gênants se manifestèrent: l’acteur Rudolph Christians est mort, aux deux tiers du tournage et la décision de ne pas le remplacer a conduit Stroheim à des bricolages divers et généralement visibles qui ternissent certaines scènes, et bien sûr les audaces voulues par Stroheim se sont révélées excessives. Dans sa version de 10 bobines, telle qu’elle est (plus ou moins) reconstituée aujourd'hui, Foolish Wives est splendide, mais incomplet: ce ne sera évidemment pas la dernière fois dans la carrière du metteur en scène. Mais compte tenu de ce qui manque, l’absence d’une version plus conforme aux désirs de Stroheim est une tragédie.


La dimension romanesque était dans l’air du temps : Gance finissait La Roue, dont on a pu récemment redécouvrir une impressionnante version en quatre épisodes, qui totalise plus de sept heures… La version de Foolish Wives voulue par Stroheim outrepassait les 5 heures, et on comprend les réticences de la Universal dans la mesure où un tel film s'avérerait inexploitable, mais l’auteur avait inscrit la durée dans ses procédés narratifs, montrant l’évolution de tous ses personnages, montrant leur quotidien (Rituels, bien sûr, habitudes, environnement, mode de vie: qu’on songe dans les images qui restent aux contrastes entre l’hôtel luxueux mais sobre des Américains, la délirante Villa Amoroso, et le bouge du faux monnayeur Ventucci interprété par Cesare Gravina) et inscrivant le spectateur dans cette évolution plutôt que de leur proposer la solution vite fait bien fait par un intertitre.

 

Parmi les évolutions disparues bien connues aujourd’hui, il y a la fameuse fausse couche subie par le personnage de la jeune épouse, joué par Miss Dupont. Cette anecdote éclaire a posteriori son comportement, et donne un tournant d’autant plus dramatique aux événements. Un aspect disparu aujourd’hui a eu une conséquence inattendue: les trois escrocs joués par Stroheim, Maude George et Mae Busch semblent former un trio dont l’intimité sexuelle ne fait aucun doute: il couche avec les deux, pense-t-on. En réalité, seule Maude George partage ses faveurs avec ses deux associés, ce qui crée des tensions, et justifie certains regards de Busch au début du film. On le voit, ce sont les monteurs de la Universal qui ont fait de Karamzin un vilain fripon, pas Stroheim… Quoique ce dernier a créé le personnage de Maruschka: la bonne, qui a fauté avec l’escroc, est interprétée par Dale Fuller pour sa première collaboration avec l'acteur-metteur en scène. Dans la version longue, elle aussi était enceinte, apportant un contrepoint du type qu’affectionnait Stroheim, et que ses producteurs adoraient charcuter: voir à ce sujet Greed.

 

Outre cette tentation de montrer en longueur les évolutions et développements de ses personnages, le film est important dans la façon dont il prolonge un thème inhérent à toute l'oeuvre de Stroheim, et que ses films "Européens" montrent particulièrement bien... surtout ses films "Viennois" et assimilés (The Merry-go-round, The Merry Widow, The wedding march, mais aussi Queen Kelly) et Blind husbands, son premier long: la corruption des classes établies de longue date, nobles, bourgeois, lignées royales et impériales, tous gangrénés par le mensonge, les apparences, la fausseté de lignées douteuses.. C'est particulièrement rai quand on considère les trois escrocs qui prétendent tant et si bien être comte, comtesse, voire princesse, qu'on finirait par croire qu'eux aussi se laissent prendre au piège. Mais au vu du pedigree de la plupart des héros du metteur en scène, dans ses autres films, peut-être cette corruption est-elle simplement la marque de ces gens de la "bonne société", et peut-être sont-ils en dépit de leur malhonnêteté, d'authentique extraction noble, après tout: l'un n'empêche pas l'autre. Néanmoins, ironiquement la principale activité qui est la leur reste d'écouler de la fausse monnaie.

 

Autre thème qui revient comme un écho à Blind husbands (les deux titres d'ailleurs se répondent sans ambiguité): Karamzin, le faux comte, est un homme obsédé de sa masculinité, qui prend du sang de beouf au petit déjeuner, et reste incapable de voir passer une femme sans vouloir l'ajouter à son tableau de chasse, et il se distingue fortement de Mr Hughes, qui s'adresse à son épouse alors qu'il porte un pyjama très moyennement sophistiqué; un homme dont la simplicité et l'aspect direct, franc du collier, passe pour un temps pour un manque total de classe... Mais la masculinité dans la version de Serge Karamzin est non seulement d'une fausseté évidente, elle souffre aussi du fait que le brave "comte " est en fait aux ordres des deux femmes qu'il accompagne...

 

Enfin, un autre thème récurrent chez l'auteur de Greed reste la proximité traumatisante de la guerre, qui changeait la donne dans le régime Viennois de The merry-go-round: dans le Monte-Carlo de Stroheim, la guerre est omniprésente, par les séquelles qu'elle a laissées derrière elle. Les soldats estropiés, les enfants qui jouent, la présence d'un casque Allemand notamment sur la tête d'un gamin (dont on pourrait se demander comment il se l'est procuré, après tout, Monte-Carlo état quand même bien lointain du front) rappellent que le conflit qui a mis fin à l'ancien monde est encore dans toutes les mémoires... Comme un rappel du fait que le monde qui a vu naître un Karamzin, ou un Lieutenant Von Steuben (Blind Husbands) est désormais totalement détruit... Le feu de la guerre a tout emporté, tout comme les illusions véhiculées par Karamzin disparaîtront dans un incendie qu'il aura lui même indirectement causé en jouant... avec le feu.

 

Dans la version disponible, le film est beau, fort, élégant, souvent révolutionnaire... mais tout cet aspect de roman fleuve, cette accumulation de détails et ces touches cruciales (le biographe Richard Koszarski le dit bien: rien n’est gratuit chez Stroheim) ont disparu.


Temps fort, le premier grand film de son auteur, il apporte comme les autres beaucoup: outre la dimension romanesque évoquée plus haut, on voit ici l’auteur intégrer des nouveaux procédés narratifs, mais aussi s’intéresser à la technique: Foolish Wives est le premier film Américain majeur tourné sur pellicule panchromatique, qui restitue les nuances avec plus de fidélité. Stroheim continue à faire jouer ses acteurs comme il l’a fait dès Blind Husbands: à l’économie, réservant le maquillage pour ses actrices.

 

A ce propos, si Patricia Dupont est désespérément fade, quel bonheur de voir les deux comédiennes du film perdu Devil’s passkey refaire une apparition: leur jeu acide complète admirablement le séducteur faux-jeton et éclaire efficacement le thème traité par Stroheim de l’attraction des apparences. Un aspect important enfin de la mise en scène de Stroheim est évident ici: la façon dont il utilise les foules, les figurants dans les scènes de rue; y compris les scènes plus intimes (La rencontre entre Stroheim et Dupont sur le balcon à l’hôtel, par exemple) dans lesquelles il place dans le champ des vitres ou miroirs sur lesquelles se reflètent des armées de figurants affairés, tous aussi authentiques les uns que les autres. S’il souhaitait montrer à quel point le faux peut être séduisant et donc dangereux, il savait de quoi il parlait : son Monte-Carlo (Ses casinos, ses riches, ses… marais.) est tellement plus beau que le vrai.

 

Il l'est aujourd'hui d'autant plus que la restauration achevée en 2020 montre aujourd'hui, au moins, ce nous reste du film (pas d'ajout de séquence, il ne faut pas trop en demander) dans toute l'ironique beauté voulue par son metteur en scène, qui tant qu'à montrer la laideur et la corruption de ces braves gens, souhaitait le faireavec style: les couleurs (teintes, virages et pochoirs) qui illuminent les séquences de nuit, mais aussi la superbe séquence d'incendie, sont magnifiquement restituées dans cette version restaurée pour le festival du cinéma muet de San Francisco...

 

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Published by François Massarelli - dans Erich Von Stroheim Muet 1922 **
12 mai 2023 5 12 /05 /mai /2023 18:12

Gaspard, un Québecois qui vit dans une toute petite bourgade du Nord Canadien, est un peu le simplet du village, un homme des bois qui s'est fait tout seul à l'abri du grand monde, mais qui a tellement bon fond qu'il aime tout le monde. Au point d'en être d'une indécrottable naïveté. Il ne lit ni n'écrit, et se fait souffler sa mine (léguée par son père) par un profiteur venu de la grande ville, Benson. Mais quand en prime Benson lui pique sa petite amie, il décide que sa vengeance prendra le temps qu'il faudra, mais elle sera terrible...

Et pourtant, Gaspar n'ira pas au bout, dans ce film réduit probablement d'un tiers. Certains passages trahissent par une brusque accélération des coupes drastiques, et au moins un personnage majeur disparaît sans véritable explication, même s'il n'est pas difficile de deviner ce qu'il est advenu d'elle. Il en va souvent ainsi avec les films muets miraculés, et en particulier avec ceux de Lon Chaney. Ce dernier, avec son trappeur à demi-idiot, n'est pas vraiment à la fête, le scénario ayant finalement peu d'occasion de lui permettre de sortir de son attitude de gentil demeuré... On lui préférera le monsieur de la ville interprété par Alan Hale, qui a un vrai enjeu dans l'arc de son personnage.

Si le film revêt un intérêt aujourd'hui, c'est surtout dans la mesure où il offre l'un des premiers cas de vengeance tordue à Lon Chaney, qui n'allait pas tarder à en faire une spécialité avec Tod Browning. Ici, il va tenter d'adopter un loup affamé pour le dresser à tuer son ennemi. Mais l'ange gardien de Gaspard veille, et on n'ira, je le disais, pas au bout.

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Published by François Massarelli - dans Muet Lon Chaney 1922 **
22 mars 2023 3 22 /03 /mars /2023 17:24

Au Nord du canada, dans l'immensité blanche, nous croisons un Mountie... Kent (Lew Cody) a quant à lui croisé un mystérieux personnage qui fait de la contrebande de peaux. Dans la poursuite qui s'ensuit, il est blessé: il se réfugie dans la cabane de son ami Jacques Radisson, qui lui a sauvé la vie. Mais sur place, il est confronté au mystérieux cadavre d'un homme, étranglé par... des cheveu de femme.

L'enquête menée par la police montée est au point mort, si ce n'est que c'est le deuxième cadavre retrouvé ainsi. Kent, auquel on a annoncé qu'il n'avait aucune chance de survivre à sa blessure, décide de prendre la responsabilité du crime, croyant ainsi rendre service à son ami. 

Une mystérieuse inconnue, Marette (Alma Rubens), débarque, venue de nulle part, et s'installe dans le vétuste poste de la police montée. Elle covainc le sergent en poste de ne pas s'y opposer, grâce à un étrange message... 

Ca fait beaucoup de mystères, c'est vrai: Borzage, qui adapte ici un roman d'aventures de James Oliver Curwood, s'est vraiment plu à brouiller les pistes et embrouiller le spectateur, comme si il voulait que cette confusion débouche sur quelque chose... Et justement: en choisissant le msytère il va pouvoir faire ce qu'il fait de mieux, mettre en valeur, pour ne pas dire en lumière, l'amour fou. Car Marette, qui cache bien des secrets, ne fait pas mystère de ses sentiments immédiats pour Kent, et ce dernier, transfiguré par l'amour, va finalement et contre toute attente survivre! Dans l'atmosphère de mystère et d'événements étranges qui occupe toute l'exposition, l'irruption de ces sentiments pend tout son sens.

Et le cinéaste profite à plein de son etraordinaire paysage: c'est que le film a effectivement été tourné dans les rigueurs du Canada, et la façon dont le cadre inclut à la fois le (mélo)drame, et la vue magnifique des montagnes, tient du grandiose... Jamais plus sans doute le cinéaste ne retrouverait de telles conditions, puisqu'un accident mortel lors du tournage le persuadera de se tenir à l'écart des tournages dangereux en extérieurs. Mais nous voilà quand même avec un film d'aventures étonnant, qui trompe son monde en faisant semblant de n'être qu'un divertissement codifié. On pourra tout au plus se plaindre qu'Alma Rubens se retrouve face à Lew Cody: quels que soient les efforts de ce dernier, il est toujours difficile de l'envisger comme héros... Le physique de traître lui colle à la peau; ça doit être la moustache!

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Frank Borzage 1922 **
18 février 2022 5 18 /02 /février /2022 15:46

Après Our mutual friend et David Copperfield, c'est la troisième des trois adaptations spectaculaires de Dickens par Sandberg. On y retrouve le même soin que dans les autres, une volonté affichée de rendre le roman aussi complet que possible dans son adaptation, mais avec cette fois des raccourcis: la longueur du premier film avait été la source d'ennuis, cette fois Sandberg a réussi à rester en dessous de deux heures, et livre une version linéaire, d'une fidélité exemplaire, et très réussie...

Philip Pirrip (Martin Hezberg), un jeune garçon orphelin qui grandit aux côtés de sa soeur (Ellen Rovsing), une femme acariâtre, et de son mari Joe Gargery (Gerhard Jessen), forgeron de son état, ressent plus d'affection pour ce dernier que pour sa soeur, qui a la main fort leste. Un soir qu'il est resté au cimetière, sur la tombe de sa mère, un forçat évadé (Emil Helsengreen) obtient de lui la promesse de revenir lui donner de la nourriture en échange de la vie sauve. Il revient le soir même... Sans savoir que son geste allait changer complètement sa vie.

Plus tard, il fréquente la maison excentrique et délabrée d'une dame à demi-folle qui vit en compagnie de sa mystérieuse pupille Estella (Olga D'org): Miss Havisham (Marie Dinesen), éternellement habillée en robe de mariée (son mariage a été annulé in extremis), vit dans le passé et la rancoeur, et semble élever Estella dans la méchanceté à l'égard des hommes, ce dont Philip (surnommé Pip) fera bien vite les frais, d'autant qu'il est amoureux... Quand le premier acte se termine, Pip devenu adulte (Harry Komdrup) apprend qu'il est l'heureux dépositaire d'une fortune, mais sans connaître l'identité de son bienfaiteur... Ou de sa bienfaitrice, car il soupçonne Miss Havisham d'être son ange gardien secret...

Dickens ne s'était pas fait que des amis, avec un roman dans lequel il mélangeait le chaud et le froid, l'amour (Pip) et la souillure (Miss Havisham), les largesses d'un mystérieux bienfaiteur et la violence menaçante d'un forçat. En Pip, héros enfantin devenu adulte sans perdre son âme d'enfant, il avait créé un personnage qui allait déplaire, mais qui est parfait pour le cinéma. D'une part, il y a de nombreuses adaptations, et ça continuera tant que le cinéma et les images qui bougent existeront... Ensuite, avec sa naïveté affichée, il est le parfait vecteur de cette entreprise d'illusions que sont les films.

Et c'est, je pense, ce qui attire Sandberg dans Dickens et la raison pour laquelle il va réaliser tant d'adaptations de ses oeuvres...  Il touche ainsi à une relative universalité, ou du moins à ce que l'occident en 1922 considérait comme tel. Il a du matériau parfait pour du mélodrame, pour des intrigues linéaires avec moult péripéties. Et il a des possibilités plastiques phénoménales, avec ces costumes 1860, ces décors Londoniens qui ici, au passage, ne sont pas forcément très recherchés, mais aussi ces décors naturels qui sont l'une des caractéristiques les plus évidentes du cinéma danois: de la scène dans le cimetière jusqu'à la rencontre finale de Pip et Estella, le film est souvent confronté à une nature sans artifice, parfaitement composée, dans des plans rigoureux. Pas d'audaces filmiques proprement dites, et si le metteur en scène est comme la plupart de ses collègues danois passé expert dans l'utilisation du clair-obscur et ne s'en prive pas, il fait peser de manière importante ces scènes diurnes qui marquent en particulier la première partie: on se souvient de la rencontre sinistre, en plein jour, avec un bandit...

Le film allait-il bouleverser l'histoire du cinéma? Non, bien sûr, pas davantage qu'il n'allait restituer au Danemark sa place de premier plan qui était la sienne en ce qui concerne le septième art, dix années auparavant. Mais ce que voulait Sandberg, c'était offrir à un public populaire des retrouvailles avec un roman qui avait tout pour l'être, en allant si possible un peu plus loin qu'une simple illustration. C'est tout, et c'est déjà beaucoup.

 

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Published by François Massarelli - dans A.W. Sandberg Muet 1922
4 novembre 2021 4 04 /11 /novembre /2021 09:09

Don Miguel Farrel (Forrest Stanley) revient en Californie après avoir participé à la première guerre mondiale... Mais quand il revient, sa famille et son ranch ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes... La propriété est désormais dans les mains d'un banquier agressif de l'est, qui s'apprête à la revendre à un riche Japonais (Warner Oland), et celui-ci a des méthodes malhonnêtes pour arriver à ses fins. Miguel Farrel va donc devoir ruser... Heureusement, le banquier a une fille (Marjorie Daw), qui se range du coté de Miguel, et celui-ci peut aussi compter sur ses fidèles collaborateurs, pour atteindre son but: rassembler 300 000 dollars afin de racheter son ranch avant qu'il ne tombe, horreur, dans les mains de spéculateurs Japonais...

On ne fait pas toujours ce qu'on veut... Prenez un cinéaste en 1922, par exemple: quelles que soient ses aspirations, un contrat c'est un contrat, et celui qui liait Frank Borzage à la Cosmopolitan de William Randolph Hearst ne faisait pas exception à la règle. Donc après une poignée de films effectuée en toute (relative) liberté par le metteur en scène, en accord avec ses aspirations, disons, spirituelles, il lui a fallu obéir à une injonction, et réaliser un film non pas selon son coeur, mais bien conformément aux volontés du patron, qui visait probablement la fonction de gouverneur de Californie... D'où un profond sentiment de malaise devant un film qui montre ouvertement l'hostilité vis-à-vis des Asiatiques (d'ailleurs tous rangés dans le même sac, puisqu'un Chinois se fait traiter de "Jap" sans que personne n'objecte) comme un comportement normal et noble, et démontre, manigances à l'appui, que les "Japs" en veulent aux terres de Californie, et c'est une abomination de les laisser faire... Par ailleurs, les français ne sont pas mieux lotis: un immigré local est présenté comme un lâche, veule, et un mauvais payeur...

Borzage fait donc contre mauvaise fortune son travail, et rend parfois ce film imposé, disons, distrayant, en demandant à Forrest Stanley une énergie impressionnante. Il se souvient aussi du western de ses années 10, et s'inspire de ces montagnes arides et de ses plaines pour mêler poursuites en voiture et cavalcades à dos de quadrupèdes. S'il égratigne les immigrés asiatiques, le film est relativement généreux vis-à-vis des hispaniques, afin probablement de flatter l'électorat local: comme beaucoup de vieilles familles Californiennes, Miguel Farrel est donc d'origine Espagnole et Catholique, ce qui ne l'empêche pas de se comporter en bon capitaliste courageux et malin à la fin du film.

Bref: distrayant, mais franchement mineur dans la filmographie d'un réalisateur qui nous a beaucoup donné d'oeuvres si différentes et meilleures que celle-ci... Quant à Hearst, il a fini par renoncer. Tout ça pour ça!

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1922 Frank Borzage Western
6 avril 2021 2 06 /04 /avril /2021 10:12

Film "monumental" en deux parties (l'adjectif s'impose d'autant plus que c'était le nom de la compagnie de Reinert), perdu selon la cinémathèque de Munich, même si les archives Russes estiment posséder une copie de chacune des deux parties, Sterbende Völker a au moins survécu sous la forme d'une bobine de fragments plus ou moins disjoints. On peut y voir la dimension épique du film, son souffle pseudo-historique (l'intrigue y oppose l'empire Romain et les peuples proto-Germaniques, dans un écheveau de batailles, de pillages, d'incendies et de drames) et l'indéniable sens pictural singulier du metteur en scène.

Les quelques 9 minutes ainsi rendues disponibles nous font mettre la main sur l'incendie d'un village lacustre, nous montrent une transhumance hivernale dans les montagnes, qui anticipe sur la fabuleuse séquence célèbre du col de Chilkoot dans The Gold Rush de Chaplin, et nous donne à voir des fragments des prestations de Paul Wegener, Fritz Korner, Aud-Egede Nissen... Ca donne envie, donc. 

Reste le soupçon, toujours embarrassant: avec un sujet pareil, Reinert étant de droite (et là on parle de la droite Allemande des années 20), quels délires nationalistes s'est-il permis dans cette oeuvre? On ne saura sans doute jamais.

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Published by François Massarelli - dans Muet Robert Reinert 1922 *