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8 mai 2025 4 08 /05 /mai /2025 15:15

Lors d'une opération critique en Ukraine pour un service secret Américain, le protagoniste (nous ne connaitrons jamais son nom, si ce n'est qu'il est inteprété par John David washington) se retrouve sous le feu d'étranges balles, auxquelles il échappe de justesse... Il se renseigne et une scentifique de la CIA lui explique qu'il a été la cible de balles "inversées", qui ont été trafiquées par une technologie future, et qui sont en fait quasi impossible à éviter. En effet, elles fonctionnent à l'envers de notre temporalité: on sait où elles finissent, mais on ne sait pas dans quel laps de temps on risque d'en recevoir une... Il est alors aiguillé vers une équipe qui travaille justement sur cette nouvelle technologie, dont certains membres sont en fait déjà passés par la nouvelle technologie et ont la faculté de naviguer d'une temporalité à l'autre...

J'ai fait ce que j'ai pu, car comment peut-on résumer un film qui est basé sur une technologie quasiment impossible à concevoir hors du film? ...d'ailleurs, beaucoup de commentaires sur internet prouvent qu'un grand nombre de spectateurs du film n'ont pas compris ce qu'on leur montrait, c'est en dire la complexité. Je dois le dire de suite: ce film d'espionnage d'un genre nouveau, clairement, ne sera pas possible à comprendre dans sa globalité. On le sait depuis le début (dès Doodlebug, en réalité), Nolan est un illusionniste. Son excellent film The Prestige était d'ailleurs un aveu tendre du metteur en scène, de sa fascination pour le fait de tromper le spectateur, essence non seulement de la prestidigitation, mais aussi bien sûr du cinéma.

On ne le comprendra pas, tout bonnement parce qu'on ne le peut pas, pas en tout cas à 100%. La logique de ce film, visionné dans notre monde avec sa temporalité linéaire, repose sur l'acceptation d'un truc impossible, une acceptation qui nous donne accès au reste de l'intrigue. Il nous suffit d'accepter que les héros et certains objets puissent marcher à l'envers, pour apprécier le tour de force. Mais ce n'est heureusement pas tout, car par tant de côté, s'il s'agissait juste de faire accepter (ou non) au public un retournement temporel, à quoi bon? Le "truc", est donc à accepter, et la complexité sert surtout à masquer les invitables failles. 

La vérité est que le film nous montre un nouvel aspect d'un thème de Nolan, qui est au coeur de bien des films, à commencer par Insomnia, en passant par les trois Batman, Interstellar, Dunkirk, et surtout Oppenheimer. La notion de service, liée à un sacrifice... Dès la première scène, John David Washington est clairement impliqué dans une démarche qui va le pousser, alors que ce n'est pas prévu par la mission, pour éviter un maximum les morts de civils présents malgré eux sur le théâtre des opérations...Sa lutte contre un terroriste du futur, qui a créé les conditions d'ne apocalypse ingénieuse et folle, lui donne une forte dimension morale, qu'on retrouve bien sûr dans Oppenheimer... Qui est cité en clin d'oeil: quoi de plus logique que de faire allusion au film qui suivra, dans une oeuvre ludique qui s'amuse de la manipulation du temps? Mais le fait est que les personnages, dans ce qui est une intrigue d'espionnage très élaborée, ont beaucoup à gagner et beaucoup à perdre, personnellement, dans chaque aspect du film. Comme si Nolan se refusait à se contenter d'un exercice de style jouissif, mais vide de sens. M'est avis qu'en cachant ces intentions, cette réflexion à la fois riche et subtile sur le fait de servir, de potentiellement donner sa vie pour les autres, derrière une complexité affichée (et comme d'habitude avec Nolan, hélas, cette complexité est devenue un argument de vente du film), fait plus que brouiller les cartes: elle dissimule un peu trop la préciosité du film, et sans doute son originalité. Mais une fois accepté ce prédicat, on peut s'extasier sur la structure suprenante du film, qui s'inverse par bien des côtés (à 1 heure et quinze minutes), et qui adopte une démarche de palindrome, comme son titre...

Et on peut s'extasier aussi sur le paradoxe potentiel du "protagoniste", dont il me semble que la raison précise de cet aninymat du personnage, est cachée de façon impressionnante au coeur, justement, de cette étonnante structure. Pour finir, on ne peut qu'applaudir la façon dont le film, en deux étapes, nous surprend de telle manière qu'on ne pourra que retourner vers lui: "à l'étape, épate-la", pourrait-on sans doute dire. 

(note: cet article a été rédigé après une unique vision du film)

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Published by François Massarelli - dans Christopher Nolan Science-fiction
21 avril 2025 1 21 /04 /avril /2025 09:21

Rêver, en film... Bon, ce n'est en aucun cas nouveau: les exemples sont nombreux, de Sherlock Jr à Brazil en passant par Ouvre les yeux, Rêves, et bien sûr tous les films qui sont bâtis sur une illusion imposée au spectateur ("Oh, alors c'était un rêve? Ca alors!"). Je mets de côté, volontairement, les films de Michel Gondry (Eternal sunshine of the spotless mind, La science des rêves), pour une raison que je garde pour plus tard, et les films de David Lynch parce que chez lui les rêves ne sont jamais une astuce de scénario, mais la matière première même de ses oeuvres...

Ce film est entièrement bâti sur une idée étrange, et particulièrement contraignante: dans un monde qui ressemble fort au notre (non, je n'écrirai pas "un futur proche". C'est quoi, cette obsession de refuser que la science-fiction puisse être contemporaine? Mais passons), des chercheurs et psychologues ont développé une méthode de partage de rêves, qui permet à une équipe de s'introduire dans le rêve d'une personne durant son sommeil, et d'y recueillir des informations. Cobb (Leonardo DiCaprio) est l'un des meilleurs truands/espions qui ont réussi à s'approprier cette méthode pour en faire un business, les informations qu'on cherche à extraire d'une victime désignée étant le plus souvent des secrets économiques ou des éléments liés au business ultra-sécurisé...

Le rôle d'extracteur doit se faire en équipe, afin de garanir de garder un minimum de contrôle sur l'univers des rêves ainsi provoqué: l'architecte est la personne qui génère l'environnement dans lequel le rêve est sensé se dérouler; d'autres personnes vont agir sur les personnages, et "incarner" ceux qui permettront au rêveur de croire en la réalité de ce qu'il ou elle expérimente. Enfin, les rêveurs doivent être monitorés afin de permettre un retour en cas de problème... 

Pour bien comprendre tout ce qui précède, je pense qu'il s'agit tout simplement de retourner au film The prestige: tout numér d'illusionnisme doit se doter de règles, d'un contexte qui sont autant de poudre aux yeux d'un côté, de distractions pour le spectateur de l'autre. Parce qu'Inception, comme The Prestige, n'est rien d'autre qu'un film d'illusionniste, qui est lui-même, par définition, une illusion. Les règles sont donc là pour donner au spectateur l'illusion de la logique, en sachant qu'on va le mettre à rude épreuve: à chaque fois qu'on pourra, on lui explique que les personnages rêvent, bien sûr, et qu'ils iront, pour parvenir à leurs fins, jusqu'à rêver qu'ils rêvent, voire à rêver qu'ils rêvent, qu'ils rêvent.

Dans ces conditions, tout est permis, et c'est là la limite du film, à mon humble avis. Car en imaginant un personnage (DiCaprio ne peut pas incarner quelqu'un qui n'est pas miné par des failles qui vont lui mener la peau dure, que voulez-vous) qui est lui-même passé par tous les stades du rêve au point d'y avoir perdu son épouse (Marion Cotillard), Nolan brouille un peu plus, un peu trop, les pistes. Cette irruption, le plus souvent avec son "air renfrogné numéro 12", de Marion Cotillard, ni moins bonne ni meilleure que d'habitude, c'est à dire assez atroce, devient l'inévitable obstacle, dans chaque rêve, et ça fatigue. 

Non, ce qui tient la route dans cet étrange film, c'est la faculté qu'a un cinéaste d'oser faire un film, encoreune fois, à partir de l'ultime objet du cinéma, qui est son ultime principe fondateur: la manipulation, la mise en scène, l'illusionnisme. Donc le film fonctionne clairement, avec ses incroyables moyens techniques, comme un compagnon valable, mais parfois un rien irritant, à The Prestige... Et par endroits, la poésie pure du cinéma vient prendre toute la place: la plus belle scène de ce film reste le moment où Cobb qui s'apprête à engager Ariadne (Elliot Page) comme architecte, lui fait comprendre par des visions extraordinaires qu'ils dorment tous deux, et que leur conversation est en fait purement effectuée dans le cadre d'un rêve partagé, est magique: la façon dont Ariadne fait ensuite ployer l'environnement, la ville se refermant sur eux, vient en droite ligne de Phantom (1922), de Murnau, un film qui d'une façon fort différente, explorait le subconscient. On pourrait citer de nombreuses autres scènes, dont ce moment qui renvoie cette fois à Ouvre les yeux (ou si vous avez envie de fouiller les poubelles, à son remake plan plan Vanilla Sky): toute l'équipe devisant dans le calme sur l'un des boulevards les plus passants de Los Angeles, où aucun véhicule ne vient troubler leur conversation...

Et pourtant pour tous les rêves les plus délirants, les plus élaborés, avec ou sans effets spéciaux, pour toute la poésie de ces mondes parallèles, le film ne parle finalement que de l'humain, de ses failles, de ses doutes et de ses frustrations: l'extracteur virtuose, qui vit boursouflé de regrets (pourquoi croyez-vous que la chanson par défaut qui permet aux "extracteurs" de reprendre pied dans la réalité est Je ne regrette rien?) au point de les laisser envahir ses rêves, le jeune héritier (Cillian Murphy) d'un empire d'affaires qui a toujours souffert de l'indifférence de son père qui vient juste de mourir... Tous les personnages ont choisi d'évoluer dans le milieu, les rêves, qui expose justement toutes leurs failles... Ces failles ce sont celles de l'humain, comme la peur (Dunkirk), comme l'ambition ou l'ego d'un prestidigitateur (The Prestige), ou la tentation de vengeance au-dela du raisonnable (Memento), ou bien sûr le doute pur (Oppenheimer).

Mais voilà: parmi les détails de trop, il y a cette utilisation horripilante des sourcils froncés de Marion Cotillard, dont je parlais plus haut, et cette obsession de vouloir perdre le spectateur: point trop n'en faut, c'est cette tendance à vouloir constamment prendre le dessus sur celui qui regarde le film qui restera toujours un peu irritante dans le film. C'est la raison pour laquelle je pense qu'en matière de film consacré au pouvoir du rêve et au pouvoir de l'humain sur le rêve, Eternal sunshine of the spotless mind reste le chef d'oeuvre indépassable, dont la poésie vénéneuse va tellement plus loin que ces constructions impressionnantes mais souvent trop flamboyantes. Pas ce film, qui possède d'immenses qualités, certes, mais à trop vouloir faire le malin, on perd son public...

 

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Published by François Massarelli - dans Science-fiction Christopher Nolan
19 avril 2025 6 19 /04 /avril /2025 21:33

A San Francisco, Tuck Pendleton (Dennis Quaid), pilote d'avion quelque peu lessivé, a signé avec un laboratoire qui cherchait un volontaire pour  une mission délirante: se faire miniaturiser avec un petit vaisseau, pour naviguer à l'intérieur d'un... Lapin. Mais lors de l'expérience, le labo est attaqué par un groupe hostile, qui cherche à voler le matériel... Le professeur responsable a juste le temps, pour éviter que Tuck ne tombe entre leurs mains, de l'injecter à l'intérieur d'un... Humain.

Ce dernier, Jack Putter (Martin Short), est un vendeur de supermarché hypochondriaque, et si effectivement il me semble qu'il n'existe pas de possibilité pour qu'un humain puisse être préparé à une telle éventualité, il faut dire que Jack est sans doute l'une des pires options pour accueillir un pionnier miniaturisé...

Dans les années 60, Richard Fleischer avait réalisé pour la Fox le célèbre Fantastic Voyage, un film de science-fiction parfaitement premier degré, un classique. Techniquement, ce nouveau film n'est en aucun cas un remake, même s'il repose sur le même principe: amener un être humain dans un simili-vaisseau spatial, dans le corps d'un autre humain, et le confronter à ce qui se passe à l'intérieur: le flot sanguin, les réactions de l'hôte et leurs conséquences corporelles... Mais cette fois, dans le cadre d'une comédie. On ne s'étonnera donc pas que derrière l'accomplissement de ce long métrage, on trouve le nom de Steven Spielberg, dont la compagnie Amblin Entertainment était déjà en 1984 derrière Gremlins, du même Joe Dante...

D'une part, Dante, qui n'avait pas encore gâché ses chances avec Gremlins 2, the new batch (ce serait pour 1990), est un metteur en scène doué aussi bien pour le film de science-fction, que pour l'horreur, que pour la comédie, et le fait de mélanger les genres ne l'a jamais gêné: il le prouve avec brio du début à la fin de ce film, où comme pour tant d'autres de ses oeuvres il trouve d'emblée le ton et le rythme... 

D'autre part, Martin Short et Dennis Quaid, dans ce film, fonctionnent comme un duo parfait, l'un à l'intérieur (Tuck, le héros sans barrière ni limite, qui a fait de son hyperactivité un fonctionnement par défaut), l'autre à l'extérieur (Jack, le vendeur timide, effacé, lent et complètement obsédé par sa santé). On ne pouvait rêver deux héros plus dissemblables, et ils sont admirablement complétés (on est dans les années 80, les actrices sont encore secondaires, hélas!) par Meg Ryan, qui interprète Lydia, une journaliste qui devient le seul lien de Tuck avec la "surface", à travers son association avec Jack. 

Tel qu'il est, le film renverse le postulat du film de Fleischer: d'une sorte d'ode à la science toute-puissante, qui va vers le sublime même quand elle va trop loin, Dante en fait un complément à d'autres de ses films: une plongée dans le n'importe quoi, provoquée par des humains pas forcément incompétents, juste trop peu concentrés, et/ou trop avides... Mais surtout, il fournit de la comédie, totalement irrésistible, en même temps qu'une jolie capsule temporelle des années 80, déjà passées au travers de l'oeil de Dante (qui s'amuse beaucoup à placer ses acteurs fétiches, l'inévitable Dick Miller (de tous ses films depuis Hollywood Boulevard), Henry Gibson, Kevin McCarthy, et la cerise sur le gâteau, Robert Picardo dans le rôle hilarant du "cowboy", un bandit complètement imbu de lui-même, qui se déguise en permanence avec des habits western... et, petit rappel qu'on est dans les années 80, une scène voit Jack parler à Tuck, à l'intérieur de sa tête, quand il est aux toilettes, ce qui lui occasionne une réplique d'un voisin de pissotière: "Jouez avec, mais ne lui parlez pas..." 

...Mais les myriades d'idées qui font ce film comptent aussi l'une des surprises les plus poétiques de toutes les années 80, un retournement de situation fantastique, qui nous rappelle que quand on a Meg Ryan sous la main, on ne se contente pas, finalement d'en faire une potiche!

 

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Published by François Massarelli - dans Joe Dante Science-fiction
8 avril 2025 2 08 /04 /avril /2025 09:38

Dans un futur probablement un peu trop proche, la terre a bien changé: les armées n'existent plus et les humains doivent faire face à une pénurie de nourriture comme on n'en a jamais vue... on pousse les adolescents qui se construisent vers l'agriculture pour essayer d'enrayer le déclin et la famine inévitables... Comme le dit une enseignante, le gouvernement tente de permettre aux gens de survivre sur terre avant de regarder vers les étoiles...

Cooper (Mathew McConaughey), un ancien pilote de la NASA, a donc tenté une reconversion, mais le naturel prend vite le dessus. Il élève deux enfants, un garçon de quinze et une fille de dix ans, cette dernière ayant depuis le décès de leur mère développé une sorte de rapport compliqué avec la réalité: elle affirme recevoir des visites d'un "fantôme" qui cherche à communiquer avec elle... Un jour le "fantôme" en question, situé dans sa bibliothèque, les guide vers une base secrète de la NASA: l'organisation existe toujours et a enclenché une tentative de reconquête de l'espace pour sauver l'humanité...

Compliqué: bien sûr, c'est le trait principal du cinéma de Nolan, qui aime à rendre ses films complexes et les édifie d'une façon qui pousse le spectateur à déconstruire et reconstruire en permanence les images qui lui sont proposées. D'une certaine façon, Dunkirk et Oppenheimer sont sans doute ses films les plus simples... Pas Interstellar. 

J'ai souvent été profondément irrité par les excès que ça peut légitimement entraîner, notamment avec Inception dans lequel la structure en poupées-gigogne et la posture de défi du metteur en scène finissent par déboucher sur le vide intégral et l'irritation majeure... Ce film pourtant débouche sur une sorte de science de l'image dans laquelle, tout en prenant le risque de perdre le spectateur, il nous promène dans une poésie cinématographique qui se situe du côté des plus grands. Il y a beaucoup de science dans cette science-fiction là, et ça fait parfois mal au cerveau: mais il suffit probablement de se laisser aller à la rêverie provoquée par ces maquettes, qui ont été privilégiées sur les effets numériques. Ceux-ci sont présents, certes, mais ils jouent le rôle de la vinaigrette dans la salade...

Et puis il y a un commentaire sinon visionnaire, en tout cas acerbe sur le monde en devenir des contemporains du tournage du film: on a anticipé dans Interstellar l'idée d'une terre qui n'en finit pas de se renfermer sur elle-même, avec cette enseignante qui assène au père de famille que sa fille devrait arrêter de croire au mythe de la conquête de l'espace, puisque le gouvernement a établi que l'homme n'a jamais été sur la lune. Ca fait particulièrement froid dans le dos...

Pour le reste, le film repose sur sa construction, elle-même fortement dépendante de ses énigmes, qui s'avèrent intrigantes... On y joue sur le temps, ce qui ne surprend pas tant quand on voit que dès le départ les questions de relativité du temps sont mises en exergue dans des discussions qu'il vaut mieux ne pas trop disséquer. Si on sent ici un petit cousinage avec le film Arrival de Denis Villeneuve, c'est quand même clair que ça tourne définitivement à l'avantage de ce dernier...

 

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Published by François Massarelli - dans Christopher Nolan Science-fiction
23 mars 2025 7 23 /03 /mars /2025 15:40

Le futur... Mickey Barnes (Robert Pattinson) a des soucis avec un créancier (le genre de problème qui peuvent littéralement l'amener à se voir coupé en morceaux par une tronçonneuse), et avec son associé Timo, il s'engage sur une mission vers une autre planète, Nilfheim: des humains, menés par un autocrate cinglé (Mark Ruffalo), vont la coloniser. Timo a réussi à trouver un poste acceptable, mais Mickey s'est retrouvé à postuler pour être un "remplaçable" (un "expendable" en Anglais), ce qui veut dire qu'il sera utilisé pour toute mission incluant le risque de mourir, sacrifié, puis "réinprimé" à partir de son empreinte. Au moment où le film commence, il en est à sa 17e itération, et il est sur le point de se faire dévorer, a priori, par une créature menaçante...

Sauf que non: la bestiole en question va en effet gentiment l'accompagner jusqu'à la sortie de sa grotte, et donc l'épargner, ce que mickey (qui est un peu lent, en tout cas sa 17e version) ne comprend pas vraiment. Mais quand il revient, il constate que les techniciens l'ont déjà remplacé. Et il est clair que c'est un problème puisque dans cette société du futur, le fait d'être un "multiple", donc un clone, est absolument inacceptable... Mickey 17 et 18 (qui lui est plus vif, voire vindicatif) sont donc dans les ennuis jhusqu'au cou... Mais la mission aussi, sous la responsabilité d'un irresponsable: car Kennenth Marshall, le chef autoritaire de cette entreprise, est un fou furieux trop occupé à bâtir une sorte de gloire auto-centrée pour faire quoi que ce soit de cohérent...

De la science-fiction: difficile pourtant, en 2025, à une époque où l'innovation technologique est élevée au rang de principe de base (souvent en dépit du bon sens, la preuve avec les IA), de trouver du nouveau dans un genre qui est précisément bâti sur la marche du progrès à travers des hypothèses. Mais Bong Joon-ho n'en est pas à son coup d'essai, et entre The Snowpiercer et Okja, a déjà fait preuve d'une invention visuelle et thématique formidable dans son oeuvre. A ce titre, le monde de Mickey 17 est passionnant, construit autour certes d'une mission intergalactique, mais aussi et surtout d'une parodie méchante du monde dans lequel nous évoluons...

Du vitriol: car oui, comme d'habitude la science-fiction ne nous parle en rien du futur, se contentant de transposer avec génie le monde actuel dans une invention décalée, et profondément humoristique: le fait est que les comportements de tous les humains, ou presque, que ce soit dans l'accomplissement de leurs missions respectives, dans le vivre ensemble, face à leurs responsabilités, ou face à la décence élémentaire, sont ici soumis au miroir déformant de la satire. Et dans cette base installée sur une improbable planète gelée, chaque individu finit par ne rouler que pour lui-même, comme il est d'ailleurs souligné, montré en exemple par le leader, Kenneth Marshall... Je ne sais ce que lui a demandé Bong Joon-ho a demandé à Ruffalo, mais il s'est modelé un personnage, de toute évidence, sur deux bases: Mussolini, et Trump... Donc un être fat, diminué psychologiquement, imbu de lui-même jusqu'à l'absurde, qui serait hilarant s'il n'emmenait le monde à sa sa perte... Et encouragés à faire de même, les humains sont inefficaces (à un moment, on s'apprête à jeter Mickey dans un incinérateur alors qu'il est encore vivant), font preuve d'une duplicité inquiétante (le copain Timo qui vend de la drogue à toute la base), et perdent leur sens des réalités: même Nasha (Naomi Ackie), la petite amie de Mickey, qui est pourtant une rdoutable policière-soldate-pompière, perd tout sens des convenances et se réjouit, sous l'emprise de la drogue, d'avoir deux amants! La charge est cruelle, mais néessaire et surtout constamment drôle.

De la poésie: Bong est un maître en tous points; son timing, que ce soit en Coréen ou en Anglais, n'a jamais failli, son art de la composition laisse pantois, son utilisation des pleins et des déliés du montage, et son sens esthétique (qui pour moi n'est jamais pris en défaut que sur ses monstres, ce qui était déjà le cas dans The host) nous sont ici rappelés, pour un premier film intégralement en Anglais; et ce film est précieux, car avec l'arrivée du gros Mussolini blond à la Maison Blanche, la menace qui pèse sur l'inventivité à Hollywood est réelle... A plus forte rison quand on constate que ce film attaque les pires travers de l'humanité, de la technocratie, de la politique tels qu'ils sont désormais la règle dans le pays le plus riche du monde. Alors pouvoir contempler une oeuvre à nulle autre pareille, drôle de surcroît, aux images fortes qui vous résonneront longtemps en mémoire, c'est en effet sans prix.

J'apprends que ce film est un flop aux Etats-Unis, ce qui ne m'étonne qu'à moitié... Peut-on oublier la moue de dégoût du préseident de l'époque, lorsqu'il a appris que le film qui avait gagné l'oscar de la meilleure oeuvre, était Parasite de Bong Joon-ho, en 2019? Un film qui avait l'audace de parler une autre langue que l'anglais... Le public Américain n'est plus prêt (il l'était dans les années 70) pour une telle inventivité. Ce film essentiel possède la beauté des grandes oeuvres de science-fiction, de Kubrick, de Fleischer, Lucas, Spielberg ou Schaffner. Carrément. Il est aussi corrosif que A clockwork orange, aussi profond que Solaris, et aussi passionnant et stimulant, dans un portrait des déclassés face aux élites sans cervelle, que Parasite. Et Robert Pattinson, en fusible professionnel (le narrateur de ce film n'est autre que le type le plus en bas de la chaîne...), est irrésistiblement drôle, surtout en deux versions!

 

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Published by François Massarelli - dans Bong Joon-Ho Science-fiction
18 février 2025 2 18 /02 /février /2025 15:12

Souvent labellisé un peu n'importe comment, taxé de 'film d'horreur', ce qui ne veut plus rien dire aujourd'hui, de 'film catastrophe', le successeur de Psycho déroute aujourd'hui bien des publics, qui lui trouvent un certain nombre de défauts, notamment le fait que le film ne cadre absolument pas avec les types d'intrigues auxquelles le cinéma de genre contemporain nous a habitués. Et pour commencer, autant le dire immédiatement: bien des personnes sont déçus par ce film qu'ils trouvent tout simplement inachevé. En clair, ce qu'on appelle en temps normal une "fin ouverte" est jugé comme une négligence par une grande partie du public. Et le fait qu'à aucun moment il ne survienne un spécialiste pour tout nous expliquer, joue en défaveur du film, toujours selon les commentateurs en question. Pourtant, cette fable de science-fiction (encore une appellation hasardeuse) est un film majeur d'Alfred Hitchcock, ne serait-ce que parce qu'elle ouvre des voies cinématographiques inédites, parce que le metteur en scène a su rebondir de façon spectaculaire après l'un de ses plus grands succès dont il prend le contrepied, mais aussi pour le culot d'avoir fait en quelque sorte une synthèse de son cinéma, un film à suspense qui débouche sur une fable apocalyptique, située dans un environnement tellement quelconque qu'il en devient baroque, le tout assorti avec une mini-crise familiale et amoureuse qui fait finalement appel autant à Freud (La sexualité et ses à-cotés joue un rôle fort dans ce film), qu'au Catholicisme... Enfin, peut-être lui reproche-ton aussi son personnage principal, joué par une actrice pas vraiment expérimentée, mais comme avec Vera Clouzot, Tippi Hedren fait ce qu'elle peut, et ça passe ou ça casse: d'une certaine manière, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, elle EST melanie Daniels.

Melanie Daniels (Tippi Hedren), enfant gâtée, rencontre le fringant avocat Mitch Brenner (Rod Taylor) dans une animalerie de San Francisco. Il feint de la prendre pour une vendeuse, elle se laisse faire, mais c'est un piège: la belle a l'habitude de faire parler d'elle dans la presse à scandale, mais le jeune homme désapprouve sa conduite. Piquée dans son amour-propre, elle décide de se renseigner sur lui, et de venir à son domicile lui apporter les oiseaux qu'il voulait acheter, un couple de 'love birds', des "inséparables". Elle se rend donc à Bodega Bay, à une centaine de kilomètres au nord de San Francisco, pour aller y clouer le bec de l'avocat, qui y vit avec sa mère (Jessica Tandy) et sa très jeune soeur (Veronica Cartwright) dont c'est l'anniversaire, et à laquelle les oiseaux étaient destinés. Au beau milieu de cette situation de comédie sentimentale, pourtant, une série incompréhensible d'attaques d'oiseaux va semer la panique, puis la mort, à Bodega bay, en une escalade de violence inattendue...

L'intrigue sentimentale est simple: Brenner et Melanie se chamaillent parce qu'au fond ils sont tombés fous amoureux l'un de l'autre, et les réserves de Brenner (Le sentiment que la conduite indigne, relayée par la presse, de la jeune femme lui interdit de s'en approcher) vont être accompagnées de celles de sa mère, qui surveille d'un oeil jaloux toute femelle qui approche de 'son' Mitch. Pourtant l'attirance est bien là, et plus le danger va se préciser, plus leur complicité va être affichée.

En plus de ces personnages, une autre femme est là, qui a été un temps elle aussi une épouse potentielle pour Mitch, l'institutrice Annie Hayworth (Suzanne Pleshette): elle a suivi Mitch à Bodega Bay, mais a fini par abandonner ses rêves à cause de Lydia, la mère de son ex-fiancé... Le film, d'une certaine manière, va se concentrer sur l'évolution de Melanie dans l'estime de Lydia, confondant parfois les épreuves physiques et nerveuses causées par les attaques d'oiseaux avec l'exigence aveugle de Mme Brenner, l'un des exemples les plus extrêmes finalement de mère abusive dans l'oeuvre d'Hitchcock! elle va la jauger, la juger, et la condamner presque dans un premier temps, assimilant sa conduite à une sexualité débridée, qu'elle réprouve totalement, et dont elle ne veut surtout pas pour son fils...

Mais comment parler de ce film sans parler de ces oiseaux, ces trouble-fêtes qui viennent s'installer dans ce film en Technicolor et qui vont en déranger la quiétude auto-satisfaite? Hitchcock a donc décidé de trouver une catastrophe naturelle d'un genre nouveau, un évènement qui a des arrières-plans bibliques aussi, ce qui est souvent relayé avec humour dans le film (Notamment par ce soiffard, dans un café, qui va lamper verre après verre en citant la bible et en lâchant des 'It's the end of the world!'). Il a donc lâché ses oiseaux dans l'environnement salin et vivifiant de ce petit port de pèche, image d'Epinal, et va comme il savait le faire structurer son film en fonction des attaques, graduées dans leur intensité, d'oiseaux. Mais si il va aussi les montrer comme une plaie qui s'abat sur la ville (Et si on en croit aussi la radio, qui s'étend à toutes la Californie du Nord), il concentre surtout son film sur la famille fragile qui est au centre, une façon là encore de faire relayer la confrontation entre Mitch, Melanie et Lydia par une autre confrontation, celle avec les oiseaux, dont bien sûr aussi bien Annie (Qui n'en réchappera pas) que Melanie (Qui va manquer de peu d'y passer) seront les principales victimes. Les attaques d'oiseaux deviennent ainsi des métaphores de la désapprobation de Lydia, qui n'acceptera Melanie qu'une fois que celle-ci aura versé son sang (Un symbole fort de l'hymen, donc, qui tendrait à démentir le soupçon d'une sexuélité hors-mariage...) à la fin du film. Celle-ci, aussi, va trouver en Lydia une seconde mère, elle qui à un instant montre sa principale faille, l'éloignement de sa propre mère, à Mitch, qui comprend alors que toutes les frasques de fille de riche sont là pour masquer son manque. Ces éléments sont disséminés dans le film, et permettent de saisir l'évolution des rapports entre Lydia, Annie et Melanie. celle-ci, du reste, subira la pire épreuve du film dans une chambre de la maison Brenner, qui est très probablement celle de Cathy, la soeur de Mitch une chambre de petite fille pour y verser le sang et être acceptée par un substitut de mère... ouf!

Mais il fallait aussi que les oiseaux aient une réalité physique pour Hitchcock, qui a choisi de consacrer beaucoup de temps à l'élaboration d'effets spéciaux, et d'utiliser absolument toutes les ressources des truquages photographiques alors en vigueur. Le résultat, pour lépoque comme pour maintenant, est superbe, bluffant et diablement efficace. Et le metteur en scène laisse de moins en moins le spectateur souffler au fur et à mesure de l'évolution de l'emprise des oiseaux sur Bodega Bay: il sait aussi doser avec tact les à-cotés graphiquement violents et perturbants, le plus célèbre étant bien sûr la vision par Jessica Tandy dans une scène au découpage exemplaire (forcément...) d'un fermier mort, les yeux mangés par les oiseaux. Au passage, la scène est liée à l'un des motifs les plus importants du film, et du cinéaste, le regard; tout passe par cette notion: Lydia a-t-elle vraiment envie de voir ce qu'elle va voir, lorsqu'elle entre dans une chambre, et voit d'abord une mouette morte coincée dans le trou d'une fenêtre qu'elle a probablement brisée, puis d'autres oiseaux par terre, enfin les pieds ensanglantés de l'homme dont le reste du corps est caché? Oui, elle en a envie, et nous aussi. Ce que  nous regrettons tout de suite après... pourtant cette exemplaire séquence située après une attaque, n'est que l'une des premières scènes, destinée à confirmer la présence des oiseaux sans qu'ils s'attaquent trop à notre petit cercle intime et familial...

Le manque d'explications n'est pas un défaut de la fin du film. C'est une cause célèbre, en revanche, puisque cela a été pour Hitchcock un choix fort et affirmé et pour le public un facteur de désamour du film... Pourtant le metteur en scène a tout fait pour l'installer au coeur du film: une scène qui voyait Melanie et Mitch deviser gaiement de la mouche qui piquait les oiseaux, a été enlevée; trop terne, mais aussi embarrassante? De fait, toutes les scènes qui confrontent Melanie et les habitants de Bodega Bay dans la deuxième partie du film débouchent sur l'impossibilité justement de comprendre ce qui se passe, avec en particulier la vieille ornithologue insupportable qui dit à des gens qui viennent de se faire effectivement attaquer par des oiseaux qu'ils ont rêvé puisque c'est impossible... un message subliminal peut-être, en forme d'autocritique pour Hitchcock qui regrettait sans doute d'avoir un peu gâché la belle rigueur de Psycho en laissant un psychiâtre prendre la parole et se livrer à une explication. Ici, la spécialiste finira par avouer son incapacité à expliquer quoi que ce soit, et participera elle aussi à l'inévitable lynchage symbolique: puisque les oiseaux n'attaquaient pas avant l'arrivée de Melanie, c'est donc de sa faute! Si on rapproche évidemment cette absurde (Mais si humaine...) conception superstitieuse d'un côté de la litanie des 'It's the end of the world' du poivrot, et de la désapprobation morale et puritaine ressentie par Lydia de tout ce que Melanie représente, on comprend qu'Hitchcock a su de main de maître faire en sorte que tous les motifs et thèmes explorés dans le film se rejoignent. On comprend aussi qu'il ait choisi de nous laisser à nos propres angoisses, et explications!

Reste la terreur, ou l'angoisse véhiculée par le film. Symbolisée par des scènes superbes et d'une rigieur exemplaire là encore, elles passent par le suspense (L'accumulation des oiseaux dans le dos de Melanie Daniels pendant que celle-ci attend la sortie des enfants de l'école, la façon dont les oiseaux s'attaquent de l'extérieur à une porte en bois, dont Mitch se rend vite compte qu'elle ne tiendra pas longtemps, etc...). mais surtout, on prend ici le contrepied du film précédent: le Technicolor au lieu d'un noir et blanc cauchemardesque, le grand air salin au lieu d'un motel situé en plein sud-ouest, des demeures sainement Américaines, faites de bois, au lieu d'une maison gothique... Mais dans ce film, malgré tout, on verra des enfants souffrir, des mères avoir peur pour leur progéniture (la maman qui craque, au café, devat Melanie, a justement deux enfants: un garçon, et une fille, comme Lydia!), et on verra ausi le sacrifice d'une intitutrice pour les enfants qu'elle a pour mission d'éduquer. Au meurtre fou, rapide, succède ici la mort aveugle et atroce, qui peut frapper n'importe qui et sans raison, en particulier les enfants. C'est à porter au crédit d'Hitchcock qu'il ait réussi à adresser ce thème dans ce film, sans pour autant tomber dans l'indignité, ni déclencher des tempêtes: cela sonne juste. Et le fait que le film ne s'accompagne d'aucune musique, si ce n'est les bruits angoissants des oiseaux, finit par entériner la leçon de morale cinématographique délivrée par l'un des plus grands spécialistes. Malgré tous les attraits du film, il en a fait une austère expérience à la rigueur déroutante (mais aussi mâtinée d'une grande dose d'humour très personnel, soyons juste!), mais totalement justifiée.

Pour revenir à l'absence d'explication, Hitchcock qui avait un temps envisagé d'ouvrir le film sur la fin à une plus grande exploration des effets des attaques, montrant que toute la Californie était touchée, a choisi d'en faire justement la fin du film, dans un plan magnifique, et qui a été une source de complications à n'en plus finir: voyant les Brenner et Melanie partir de Bodega Bay vers un ailleurs incertain, au milieu d'une marée d'oiseaux, tous semblant attendre tranquillement le signal de la prochaine attaque, débouche inévitablement sur une angoisse qui ne peut que se poursuivre longtemps après être sorti du film. Lâcher une explication, c'est s'exposer au danger de faire retomber le soufflé... Il a fait le bon choix, donc. Et le film, aujourd'hui comme hier, est énigmatique, monté avec génie par un cinéaste qui bat à l'époque le record du nombre de plans dans son film, et qui donne à voir dans un cadre de film fantastique une catastrophe, somme toute, plausible...

 

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Published by François Massarelli - dans Alfred Hitchcock Science-fiction
19 janvier 2025 7 19 /01 /janvier /2025 17:23

Les mers du globe sont en émoi: on a repéré les agissements d'un monstre! des bateaux ont disparu, attaqués par l'intrigante, insaisissable et mystérieuse créature... Le professeur Aronnax, un éminent scientifique Français, se voitconfier une mission par le gouvernement Américain, pour enquêter sur la bestiole. Son bateau est attaqué, il se retrouve, avec son assistant Conseil, et un harponneur, Ned Land, prisonnier sur un sous-marin fantastique, mené par un homme profondément misanthrope, le Capitaine Nemo.

En faisant appel à Richard Fleischer pour la réalisation de ce film, les studios Disney déclenchent une mutation profonde du studio. Avant, les productions en "live-action" étaient rarement plus que des séries B, ou des compléments de programme: certains d'entre eux, dont le célèbre et très embarrassant Song of the South (que vous ne verrez officiellement jamais plus) étaient un peu plus prestigieux, mais servaient aussi et surtout de véhicules à des parties animées... Mais faire appel à Richard Fleischer, qui s'était déjà fait un nom dans la profession avec ses films noirs pour la RKO, les gens de Disney savaient qu'ils seraient face à une grosse production exigeante, et le casting lui-même (Kirk Douglas, James Mason, Paul Lukas, Peter Lorre) montre qu'ils y étaient prêts.

Certes, il y a de l'animation, mais elle est utilisée comme un effet spécial (les poissons à l'extérieur du Nautilus). Bien sûr, on demande à Kirk Douglas de chanter une chanson pour rappeler qu'on est chez Disney, quand même. Mais alors que le studio d'animation exauçait un rêve du grand patron avec la confection de Peter Pan, ce long métrage de plus de deux heures, confié à un artian d'excellente réputation, est un vrai film. Ce que ne seraient jamais, par exemple, les longs métrages (La Coccinelle à... )avec la fameuse Volkswagen, ou des machins comme Peter et Elliott le Dragon! Et comme le film avait été difficile à monter (les studios se faisaient une rude concurrence avec les droits, pour une fois, la légendaire pingrerie des studios Walt Disney a été prise en défaut!

Fleischer s'installe avec une certaine assurance dans son fauteuil de metteur en scène Disney, et se fait manifestement plaisir avec ce merveilleux livre d'images. Les passages obligés du livre de Verne y sont bien présents, même si on va très vite dans le vif du sujet, et donc vers les abysses. Mais Fleischer apporte une véritable substance, un univers bien plus sombre au film, un ton auquel les productions familiales, rassurantes et sitôt vues sitôt oubliées, n'avaient pas habitué le public. Car le Nemo de Fleischer, c'est James Mason, et il est admirable... La façon dont il n'a besoin que de sa voix pour indiquer son dégoût social des roturiers (à commencer par Kirk Douglas), le flegme légendaire de l'acteur avec lequel il donne à voir un capitaine Nemo, au caractère  profondément riche et effrayant: il est formidable dans ce rôle (et deviendra aussi un professeur Lindenbrook très convaincant dans le Voyage au centre de la terre de Henry Levin)... Le simplisme occasionnel (du principalement au personnage de Ned Land interprété par Kirk Douglas) est clairement une façon de rappeler que la cible reste les enfants dans le public. Mais au moins le plat qui leur est proposé est d'une classe folle... avec de vrais bouts de calmar géant dedans.

 

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Published by François Massarelli - dans Richard Fleischer Jules Verne Science-fiction
20 novembre 2024 3 20 /11 /novembre /2024 16:54

Le XXIIIe siècle… La société, désormais, est réduite sous terre à une civilisation de l’oisiveté dans laquelle les gens naissent et se placent à l’écart de tout lien familial, jusqu’à l’âge de trente ans. Une fois atteint cet âge, ils sont « renouvelés », c’est-à-dire éliminés purement et simplement, dans un simulacre de cérémonie d’élévation. Les « Sandmen », ou marchands de sable, sont des « éliminateurs » des resquilleurs, les « coureurs ». Ceux-ci ont senti que ces histoires ne tenaient pas debout et veulent fuir leur destin…

C’est une adaptation d’un roman, assez typique de la science-fiction de la fin des années 70 : description par le menu d’une société qui fait tout pour cacher sa dystopie, héros qui va se trouver devant une révélation de la vérité, histoire d’amour (Michael York, « sandman », rencontre Jenny Agutter et elle va lui ouvrir les yeux), et mythologie apparente, avec plus ou moins de bonheur.

…Et puis il y a cette impression (qui rappelle la série Space 1999) d’assister à des poursuites de personnes habillées de pyjamas. Ce malaise devant des gens qui certes ont été élevés dans un monde clos et certes c’est une parabole, mais qu’ils sont bêtes, grands dieux… Et pourquoi fallait-il impérativement que les vêtements des dames soient courts, diaphanes et révélateurs, quand ceux des hommes sont en vérité juste moches ?

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Published by François Massarelli - dans Science-fiction
13 octobre 2024 7 13 /10 /octobre /2024 14:55

Un étrange vaisseau s'échoue sur une plage. L'armée s'apprête à accueillir les astronautres qu'il contient. Mais ce sont des chimpanzés... Cornelius, Zira et Milo, trois singes qui vivaient dans "la planète des singes", quelques millénaires dans le futur, se sont échappés lors de l'épocalypse nucléaire qui a scellé le destin de la Terre...Voir (si vous y tenez) le film Beneath the Planet of the apes à ce sujet!

Donc on inverse le principe de Taylor - Charlton Heston arrivant des millénaires apès son siècle sur une planète hostile, en confrontant les chimpanzés du futur aux humains de 1975. Le film, au vu de ce que le précédent accomplissait, n'avait à l'origine aucune raison d'être, mais existe car la Fox ne souhaitait pas arrêter la franchise lucrative. 

Donc d'un côté, le renouvellement profond que permet l'inversion des valeurs (deux singes qui parlent chez les humains) a au moins l'avantage de faire rebondir la réflexion du premier film, et de questionner la destinée de la race humaine en même temps que d'évaluer sa vraie identité; de l'autre, le film se vautre dans un prêchi-prêcha de salades philosophiques, en évitant soigneusement (pas autant certes que le deuxième volet) de toucher à l'humour... Bref, un film tout, sauf indispensable. Qui aurait pu être le dernier, mais...

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Published by François Massarelli - dans Science-fiction
13 octobre 2024 7 13 /10 /octobre /2024 09:50

Sans doute était-ce pour les concepteurs du film un joyeux gag: imaginer un type très moyen confronté à une terre future où le QI moyen de l'humain dépasse à peine celui d'une mouche, c'est effectivement propice à l'humour, disons, poids lourd. Et d'ailleurs on ne s'en prive pas ici... Mais ça va nettement plus loin malgré tout. Et ça va même, j'en ai peur, un peu trop loin: sous la comédie, le malaise pointe...

Joe Bauers (Luke Wilson) est un militaire sans ambition autre que de rester en poste à la biblothèque de la caserne. Autant dire qu'il est inutile, ce qui lui convient très bien... Mais ça fait aussi de lui unfusble idéal. Quand il s'agit de faire une expérience un peu dangereuse, Joe est le candidat désigné d'office: il va donc être congelé, pour un an, afin de permettre de voir si l'humain peut supporter un tel traitement. Il subira le traitement en compagnie d'une femme, recrutée dans la rue (elle est prostituée), Rita (Maya Rudolph). Manque de chance, le responsable du projet est arrêté, la base fermée, le projet oublié, et les deux conteneurs vont devoir attendre jusqu'à 2505! Traité comme déchets, ils sont rapportés vers une grande ville lors d'une avalanche, et s'ouvrent pour laisser les deux humains contepler le chaos qu'est devenue la terre: un abyme de bêtise, dans lequel la fainéantise, l'économie privée et l'apauvrissement des humains qui se sont un peu trop laissés aller en terme d'éducation, de culture et de nourriture, les a rendus totalement idiots... Joe est devenu l'homme le plus intelligent de la planète. Mais... comment rentrer "chez lui"?

C'est drôle, inventif, et finement observé... un préambule installe d'ailleurs une voix off, qui détaille du début à la fin les aventures rocambolesques de Joe et Rita, et les met en perspective (ce que Joe, qui est assez limité, ne peut manifestement pas faire tout seul). La bêtise des protagonistes et leur crudité deviennent des cibles faciles mais jouissives de la comédie: la façon dont ils parlent, devenus incapables de former une phrase correcte, fait de Joe et Rita des cibles de leur "humour". Ils utilisent en effet des mots trop compliqués...

Sinon l'humour de l'humanité future est au ras du plancher, comme une séquence située au cinéma le prouve: un film consiste en un plan de 90 minutes sur un postérieur dénudé, qui lâche parfois une flatulence... Ou encore, les humains adorent une émisison qui consiste à montrer un personnage se prendre des coups violents dans les testicules. La publicité est partout, y compris et surtout dans la tête des gens, où elle tient lieu de raisonnement: interrogés sur le fait que l'eau a été remplacée dans l'agriculture par des boissons énergisantes, les humains de 2505 répètent à l'envi les slogans des réclames de la marque. La science et la connaissance ont quasiment disparu et ne parlons pas du niveau zéro de la politique. Le monde, bref, est dominé par l'argent, la bêtise, la sexualité tarifée (désormais Starbucks est une chaine de maisons de passe), la scatologie, l'appat du gain...

On peut d'ailleur établir le parallèle avec Planet of the apes, de Franklin Schaffner: c'est tout sauf hors-sujet, d'ailleurs... La planète se meurt d'avoir été souillée par la civilisation d'une espèce invasive sans aucune considération pour les conséquences de sa bêtise... 

Ah oui. En effet, et c'est bien là que ça fait mal. C'était encore hilarant en 2006. C'est visionnaire aujourd'hui. Difficile de ne pas imaginer donald trump (l'absence de majuscules est volontaire) en "président Camacho", ancien lutteur et star du porno, dont les discours sont particulièrement vides de sens... Difficile de ne pas voir une caricature de notre société actuelle à travers ces gens incapables de parler, pour lesquels la lecture a été remplacée par des éléments visuels de niveau zéro, et pour qui la concentration moyenne ne dépasse pas une poignée de minutes... Le seul ingrédient qui manque à l'appel, c'est cette saloperie de téléphone portable! Ici, il est remplacé par la télévision, mais on voit très bien comment on pourrait incorporer tik-tok (là encore, pas de majuscules) dans un tel dispositif!

Bref, on aimerait beaucoup rigoler devant ce film. Ca devient difficile: il pique vraiment...

Une preuve? En cherchant de la documentation sur ce film, je suis tombé sur un site "Idiocracy: explication de film". Oui, j'imagine que la subtilité cinématographique va devenir de plus en plus difficile pour nos chères têtes blondes.

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Science-fiction