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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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6 janvier 2024 6 06 /01 /janvier /2024 23:34

2065: sur une terre désolée, un couple qui habite une très vieille maison, dans lequel la communication devient difficile, reçoit une visite inattendue: un homme (Aaron Pierre) leur annonce que l'homme, Junior (Paul Mescal), a été sélectionné / réquisitionné pour une mission spatiale d'exploration en vue d'un exil humain. Ils n'ont pas le choix, et Hen (Saoirse Ronan), l'épouse, ne put l'accompagner, car elle n'a pas la constitution pour les tâches demandées. Mais on leur annonce qu'une réplique, une IA construite à l'identique de Junior, sera laissée sur place. La nouvelle a des effets inattendus, et la tension s'accroît...

C'est une adaptation d'un roman récent de Iain Reid, une dystopie romantique, et très vite on verra que l'aspect de science-fiction passe nettement au second plan, même si les considérations climatiques se rappellent parfois à notre souvenir... L'essentiel du film est un huis-clos, dans lequel Hen et Junior, souvent accompagnés de l'énigmatique Terrance, pèsent le pour et le contre d'un échange inattendu (le film est exploité en France sur la plateforme Amazon sous le titre Le Remplaçant, incidemment)... Avant que, bien sûr, le doute s'installe.

Car l'inévitable préambule nous prévient: les IA sont partout, on les utilise dans l'industrie, etc, etc... Du coup il apparaît inévitable qu'on se pose la question: et si un échange avait déjà eu lieu? Car c'est bien de ça qu'il s'agira, de l'impossibilité d'envisager un tel remplacement, pour les humains, et pour les IA, eh bien de l'impossibilité d'envisager de ne pas être humain... Ce qui est en soi un sujet potentiellement fascinant.

Mais j'insiste bien sûr sur le terme potentiellement, car en dépit de tous les efforts des acteurs pour installer une intimité dans ce long film à trois personnages, c'est un ratage. Oh, pas total, non, c'est juste assez ennuyeux, et doté de dialogues ou non-dialogues du plus haut ridicule. C'est dommage...

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Published by François Massarelli - dans Garth Davis Saoirse Ronan Science-fiction
31 décembre 2023 7 31 /12 /décembre /2023 18:01

Ce film a vu le jour une fois la série finie (momentanément, mais ce n'était pas vraiment prévu à l'époque de sa sortie) et a un peu été une pierre tombale lourde à porter... Pourtant, à le revoir, on se rend compte que si c'était un (long) épisode, il ne serait finalement pas si mauvais que ça! Bien sûr, il lui manque un ingrédient qu'on a appris, après la gaucherie des débuts, à attendre de cette série: l'humour. Un humour souvent absurde, à plus forte raison quand les épisodes n'étaient pas liés à la fameuse conspiration délirante qui ne menait nulle part et qui a fini par s'autodétruire en vol durant la sixième saison. Tout au plus verra-t-on ici un clin d'oeil sardonique à un président en bout de course, dans un rare gag situé vers le début.

L'intrigue partage avec quelques uns des meilleurs épisodes deux aspects: d'abord, il est question ici de crimes sexuels inexpliqués, qui sont légion dans X-Files, mais qui sont généralement le point de départ vers les hautes sphères de l'imagnation baroque des créateurs. On ne sera pas déçu... ensuite il est situé dans l'Amérique profonde, donc rurale, en plein hiver, et Chris Carter profite de cet aspect pour rentrer dans le vif du sujet: ces deux agents, ils ont l'air comme ça, derrière leur élégance si photogénique, mais en réalité ils font un boulots de dingue, physique, qui est le plus souvent rendu encore plus compliqué par les circonstances... 

Car il sera beaucoup question de ça: qui on est, pourquoi on fait ce qu'on fait, pourquoi on dédie sa vie entière à des chimères, pourquoi on nee se contente pas de faire ce qu'on fait le mieux: enquêter pour l'un, Mulder (il est souvent prié de se tenir à l"écart de la partie physique de l'investigation), et la médecine pour Scully, qui ici exerce la médecine générale dans une institution catholique. Et il sera aussi beaucoup question de foi: celle de Mulder pour son métier, basée sur des chimères irréconciliables avec la réalité, notamment la disparition de sa soeur. Et surtout celle de Scully, qui la pousse à la fois vers l'acceptation des intuitions de Mulder, et vers une certaine humilité aussi, celle d'un médecin qui n'essaiera pas forcément de se substituer à Dieu. Une certaine profondeur qui doit sonner ridicule, mais qui est totalement ancrée dans le personnage...

Avec une intrigue un peu bancale (des meurtres non élucidés pour lesquels les agents du FBI, dont ne font plus partie nos héros, font appel à Scully pour joindre Mulder afin qu'il se joigne à un prêtre pédophile qui a été désigné comme expert), le film (j'allais écrire "l'épisode") ne va pas au bout de ses promesses. Mais il a l'avantage d'offriri un éclairage qui remet un peu d'équilibre dans la balance,une bonne partie de la série étant centrée sur Mulder, ici, clairement, c'est Dana Scully qui est le principal élément du couple.

Maintenant, vous voulez mon avis?

For fans only...

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Published by François Massarelli - dans X-Files Science-fiction
2 décembre 2023 6 02 /12 /décembre /2023 17:55

Petit rappel à destination de ceux qui, ayant probablement un portable dernier cri, se disent qu'ils n'ont du coup pas forcément besoin de retenir tout fait culturel datant d'avant les deux dernières semaines (c'est à dire 87% de l'humanité): entre septembre 1993 et l'année 2002 (puis sporadiquement jusqu'à 2016), la compagnie Ten-Thirteen de Chris Carter a produit et diffusé via la 20th Century Fox The X-files, une série en neuf saisons (puis deux autres plus courtes, mais tardives) qui, qu'on l'ait aimée ou non, ont à leur façon révolutionné la télévision et les médias audiovisuels.

Oui, "qu'on l'ait aimée ou non" car il en fut de X-files comme de Twin Peaks: les fans ne pensaient plus qu'à leur série, et les plus fous n'en sont aujourd'hui pas tout à fait revenus... Les carrières des acteurs, David Duchovny, Gillian Anderson, mais aussi Mitch Pileggi, Nicholas Lea, William B. Davis, sont désormais totalement collées à la série. Il était donc plus ou moins inévitable qu'une déclinaison cinématographique voit le jour, d'autant que la série était remarquable pour la qualité de sa production. L'utilisation systématique du 35 mm, une attention portée aux nouvelles technologies de production, un don pour saupoudrer le suspense avec intelligence, et un ton (mi-dramatique, mi-humoristique) bien dosé, relaitivement original et novateur, ont beaucoup fait à la fois pour la longévité et pour le pouvoir de fascination de la série...

...Jusqu'à la 5e saison, car après le public a commencé à se lasser. Les intrigues à tiroir de la série et en particulier une obsession pour le complot, à tellement grande échelle, ont eu raison de la patience de beaucoup. C'est que les épisodes de la série se divisaient en deux catégories: d'un côté, les intrigues consacrées à la mythologie de la série (en gros, la découverte d'un complot du gouvernement Américain d'un côté, et de ses élites, de l'autre, autour de technologie héritée d'une rencontre à grande échelle avec les extra-terrestres), donc le fil rouge de X-files; de l'autre, des épisodes consacrés à des intrigues spécifiques (les "monster of the week"), plus léger et souvent propices au dérapage comique. Certain sont tellement bons qu'ils restent en mémoire longtemps. Rares sont les épisodes "mythologiques" qui ont bien passé l'épreuve du temps. Celui qui est probablement le meilleur (Jose Chung's From outer Space, saison 3) étant aussi sans doute le plus parodique de tous: il n'y a pas de secret...

La réalisation du film a été confiée à Rob Bowman, qui certes signait son premier long métrage d'action pour le cinéma (il avait déjà réalisé une obscure comédie), mais n'apas fait grande chose depuis. En revanche, il a entre 1993 et 2000 réalisé pas moins de 33 épisodes, ce qui en faisait probablement le choix le plus raisonnable...

Forcément, le choix d'intrigue pour ce film, situé pile entre la 5e et la 6e saison, ne pouvait être que l'un ou l'autre. Etant situé entre deux groupements d'épisodes, il était fatal que Chris Carter, auteur du script et créateur pointilleux de cet univers, choisisse d'en faire un scénario basé sur les mythe complotistes... Et l'intérêt s'en ressent. A part développer une intrigue autour de la tendance au secret des élites, en faisant sagement venir ou revenir tous les personnages, et cocher toutes les cases (en n'oubliant pas de donner un peu de grain à moudre aux fans et spectateurs qui attendaient des indices d'un rapprochement sentimental entre les deux personnages principaux), le film de deux heures peine à à être autre chose qu'un épisode de luxe, moyen, et taillé pour le gros son surround et les salles qui sentent le popcorn... L'idée d'en faire un film visible y compris par ceux qui ne connaissaient pas la série, entraîne d'une part une tendance au bavardage (Bonjour, Mulder, comment vas-tu depuis que notre section du FBI, les "X-files", a été fermée suite à un incendie?  Ca va, Scully! et toi, comment vas-tu depuis que tu as appris ta stérilité, mais aussi qu'on avait utilisé un de tes ovules pour créer une petite fille qui est morte depuis?), et d'autre part, vous voulez mon avis? Je viens de voir (avec une certain gourmandise, je l'avoue) les 109 épisodes qui précèdent ce long métrage, et j'avoue n'y avoir pas compris grand-chose. Vivement le 110e épisode pour qu'on y revoie plus clair.

...à moins qu'il ne faille le considérer comme le 111e?

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Published by François Massarelli - dans Science-fiction Télévision
26 août 2023 6 26 /08 /août /2023 16:46

Retourner sur ses pas, se remettre dans la peau d'une sorte de soi-même en plus jeune, et s'amuser de mélanger son art tel qu'il est maintenant (gros moyens, CGI, direction d'acteurs) avec ce qu'on aurait fait à une autre époque... en matière de méta-cinéma, Ready player one est un auto-pastiche, un "à la manière de" parfaitement assumé. Cela s'imposait-il?

...Pourquoi pas, à une époque où le type de situation qui nous est montrée dans ce conte (le monde est tellement glauque qu'on préfère "vivre" dans un univers parallèle) devient pour beaucoup une réalité, Spielberg peut à nouveau confronter la science-fiction au monde actuel, comme il l'a déjà fait à plusieurs reprises. Mais qui s'attendrait à une fable pleine de sens en sera pour ses frais: RPO, adapté d'un best-seller écrit par un fan de tout ce qui vient des années 80 et donc incidemment des films dirigés ou produits par Steven Spielberg, c'est avant tout de la rigolade, du pur plaisir... 

Et je le dis haut et fort: pour réussir à me faire comprendre un film situé dans l'univers des jeux vidéo, et ne jamais me perdre, il fallait un sacré métier, donc je confirme une nouvelle fois: Spielberg connait son affaire. Ce n'est pas un scoop... Mais à travers ce film en forme de gros bonbon de plaisir, qui déroule une histoire assez classique (et très disneyienne) de jeunes un peu décalés qui vont s'imposer dans le vrai monde grâce à ce qu'il se passe dans leur univers virtuel, Spielberg nous livre aussi des autoportraits, inattendus: d'un côté, il se réinvente en créateur paradoxal (dont le destin réel est un easter egg à lui tout seul) qui se tient à l'écart du monde, dont il a raté l'examen d'entrée: fonder une famille. Le bon vieux complexe de Spielberg dans les années 70-80, et qui revient périodiquement dans ses films. Et il se montre aussi en petit adolescent surdoué mais socialement incapable, qui va réussir sa vie en creux dans le monde du jeu vidéo...

Et tout ça en mettant un point d'honneur à ne jamais s'auto-citer: car il y a de tout dans le film: du Zemeckis, du Star Wars, du Kong, des Looney Tunes... mais à part un T-Rex, rien qui puisse remonter à Tonton Steve. Si ce n'est, bien sûr, à travers deux trois trucs structurels, comme ces écrans explicatifs qui remontent tout droit à Minority Report...

Voilà, je m'étais dit en voyant ce film parfaitement plaisant, mais vide de sens, et totalement accompli et oblitéré dans le plaisir facile qu'on y prend, qu'il n'y aurait strictement rien à en dire. J'avais un peu tort, puisque je viens d'y consacrer quelques lignes. Maintenant, je le redis, je doute qu'il contienne le secret de l'univers, même bien caché: c'est seulement l'histoire d'une société qui s'est oubliée dans le fait de se vautrer dans du virtuel qui n'a rien d'une réalité, et qui réapprend au fur et à mesure à remettre les pieds sur terre.

Mieux, c'est une étape de plus dans un parcours singulier, qui a poussé le metteur en scène à constamment innover, marquer dans son parcours et dans l'histoire du cinéma des étapes essentielles, techniques, narratives, structurelles et thématiques, sans jamais y perdre son âme, ni la possibilité en passant de réaliser des Munich, ou des Lincoln. Et tant que c'est lui qui réalise ces étapes, pourquoi s'en priver?

 

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg Science-fiction
19 juillet 2023 3 19 /07 /juillet /2023 17:48

Faisons le compte des handicaps de ce film, si vous le voulez bien: Il est tout d'abord censé raconter ce que tout le monde sait déjà, à savoir qu'un univers entier va foncer vers le chaos, qu'une caste de sages gens de bien va être anéantie, qu'une héroïne douce et aimante va mourir après avoir donné naissance à deux jumeaux (un garçon une fille), que deux frères ou presque vont s'affronter dans un combat qui en laissera un dans un piteux état, que l'ambition démesurée d'un homme le mènera à prendre le pouvoir dans des circonstances dramatiques.

Pour le dernier point, j'admets que ce n'était pas officiellement évident, mais il fallait vraiment avoir regardé les deux films précédents les yeux fermés et les oreilles bouchées pour ne pas reconnaître que Ian Mc Darmid (déjà présent dans la première trilogie) jouait aussi bien Lord Sidious que Le chancelier Palpatine, de là à conclure que le futur empereur était bien le chancelier, il n'y avait qu'un pas à faire... je sais que cette évidence est intentionnelle, mais entre les intentions et l'exécution il y a des multitudes de possibilités. En donnant l'illusion qu'il croirait nous berner, Lucas se ridiculise. ...un peu plus.

George Lucas s'est confortablement assis sur sa création, devant sans doute juger que les gens se contenteraient certainement de prendre le film comme il est... Sauf que c'est du cochonnage. La première heure est répétitive et ennuyeuse, Christensen joue comme un phacochère, et Padmé n'en finit pas de ne rien remarquer du lent glissement de son mari vers le coté obscur. Et la banalité le ridicule redondant des dialogues, le jeu abominable de tous les acteurs devant un script absolument nul, et le manque total de conviction de l'ensemble ne peuvent être attribués qu'à la médiocrité du metteur en scène.

Une séquence qui voit même Yoda et Kenobi constater le massacre des jeunes Jedi par Annakin est tellement ridicule qu'on la croirait parodique (Kenobi: "Ca alors! Je n'en crois pas mes yeux!!"). Il est temps d'affronter la dure réalité: Lucas n'aime pas tourner des films. Il y a sans doute une raison pour laquelle il avait donné le poste de réalisateur à deux solides techniciens en 1979 et 1982... Ici il semble qu'il se soit beaucoup reposé sur un collègue célèbre pour assurer certains morceaux de bravoure dans la deuxième partie... Dont une scène qui aurait pu être anthologique, une confrontation finale entre frères ennemis, grandiose, et qui nous laisse rêver d'une version débalourdisée... Merci Steven au passage.

Mais ce que Tonton Steve ne sauve en rien, c'est que Lucas qui comme je le disais n'aime pas tourner, à tout fait pour que l'essentiel du film soit fait en CGI, donc aisément modelé. Ce qui nous occasionne un Yoda 100% numérique, l'une des choses les plus laides de la création, surtout quand il se bat. Je pensais les Jedi des ascètes, sages et réfléchis, mais le petit gnome a tendance à se battre en en rajoutant tellement qu'on se croirait aux commandes d'un jeu vidéo: et pour ceux qui me connaissent, ce n'est pas du tout, mais alors pas du tout un compliment... Les scènes de combat (sauf une, voir plus haut), tournent au grand n'importe quoi, avec soubresauts, voltige, effets de manche, et comme dans toute cette trilogie, des gros plans d'un ridicule achevé sur un des combattants qui toise l'autre et lui sort un "alors, c'est tout ce que tu as?"... 

Pitié.

Cette trilogie, on n'en avait pas besoin. Elle n'apporte absolument rien et dessert l'univers entier de cette saga. Au vu des trois films, mieux vaudrait qu'on ne l'ait pas eue. Voilà qui est dit.

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Published by François Massarelli - dans Georges Lucas Science-fiction Star Wars
4 juillet 2023 2 04 /07 /juillet /2023 16:06

En 1977, Spielberg a renouvelé de façon magistrale le suspense cinématographique en livrant dans Close encounters of the third kind une leçon du genre, dans une scène qui plus est ajoutée à la demande du studio, afin de corser un film qui risquait de s'enliser, selon la Columbia, dans la banalité. Bon, il me parait évident que sur ce dernier point, le studio avait tort, mais la scène est fabuleuse, et cet ajout de dernière minute est désormais un passage indispensable: elle montre le "kidnapping" du petit garçon par les extra-terrestres, à la fin d'une longue séquence de terreur durant laquelle la mère essaie de retenir le petit, emporté par une force inconnue et manifestement irrésistible, qui vient le chercher jusque chez lui, jusque dans les bras de sa mère. On le sait maintenant, il ne fallait pas s'inquiéter pour lui, mais la terreur était réelle, et tellement bien construite que partagée par le public: Spielberg y utilisait son forte, l'angoisse domestique, l'intrusion dans la maison, dans le quotidien et ses objets, de l'inconnu. Avec bien sûr suffisamment d'indices pour que le spectateur participe... Bien des films montrent l'intrusion du danger dans le quotidien ainsi, avec toujours pour corollaire la difficulté de montrer, généralement surmontée. Jaws a réussi à diluer durant deux heures un suspense sur des gens qui se font manger par des requins, en étant de moins en moins suggestif lors des 30 dernières minutes. Jurassic Park, au-delà du coté gadget du film, joue beaucoup sur le défi, à mon sens relevé, de mettre des dinosaures et des gens face à face, et de donner du sens au résultat: montrer fait partie de l'équation, chez Spielberg, c'est l'un des points sur lesquels son Schindler's list a choqué, ou a été applaudi, ça dépend: oser montrer, rendre ça montrable...

Et puis il y a l'oeil, organe numéro 1 chez Spielberg: son cinéma est le plus souvent concentré sur des gens qui regardent, qui voient, et qui font regarder. Qu'on songe à la fameuse scène de Jaws ou on voit Brody inquiet qui réalise que devant lui ce qu'il redoute est probablement en train de se passer, un plan avec zoom avant combiné avec un travelling arrière, sur Roy Scheider dont l'expression ne laisse aucun doute... Voir, mais aussi montrer, donc: c'est le grand thème de ce film qui raconte une histoire actualisée d'invasion extra-terrestre, avec un certain nombre de parti-pris. Le premier d'entre eux est d'adopter un ensemble de points de vue liés à trois personnages, et de ne jamais s'en départir, quitte à refuser ainsi le spectaculaire, ou se poser d'incroyables difficultés. D'aileurs, si le film possède une certaine austérité, il fait avancer le film de science-fiction d'une façon considérable en en proposant une vision contemporaine adulte et fascinante. Il utilise les ressources du cinéma et du point de vue sans jamais se laisser à des gadgets ou des gimmicks à la Blair witch ou Cloverfield, et on ne s'en plaindra pas. Et il nous livre des images, souvent liées au regard: En particulier les beaux yeux de la jeune Dakota Fanning, qui vit tout cela depuis son enfance, et qui a un certain nombre d'images terrifiantes à intégrer. la plus forte étant sans doute la vision de ces corps par dizaines, dans le cadre idylliques d'une petite rivière tranquille... Traumatisme inévitable.

Ray Ferrier (Tom Cruise) est divorcé, et son épouse (Miranda Otto) lui amène leurs enfants Robbie (Justin Chadwick) et Rachel (Dakota Fanning) pour un week-end. On ne peut pas dire que les enfants aient l'air enchanté... Mais une étrange tempête, violente et inhabituelle, se déroule alors, et l'électricité du petit logis de Ray, situé sous le Bayonne Bridge à Newark, près de New York, est coupée. Ray se rend dehors, et assiste à une scène hallucinante: un tripode gigantesque sort du sol, et commence à avancer, tuant tous les humains qu'il peut. Ray retourne à la maison, emporte ses enfants et fuit son quartier pour déposer les enfants chez leur mère. Ce qu'il ne sait pas, c'est que cette "attaque" est mondiale, et qu'il n'est pas au bout de ses peines...

On revient une fois de plus à Close encounters, non seulement avec l'arrivée d'extra-terrestres (Mais nettement moins sympathiques, cela va sans dire), mais aussi avec le personnage de Ray qui est proche de celui de Roy Neary, jusque dans son prénom transparent. D'une certaine façon, Ray prolonge l'histoire de Roy, en montrant des années après un divorce un adulte qui s'évertue à rester un enfant, d'ou une scène assez douteuse durant laquelle Tom Cruise se laisse aller à la joie de conduire sa voiture de m'as-tu-vu comme un irresponsable, alors qu'il vit dans un taudis... Mais c'est dans la difficulté de faire face à sa paternité que le personnage est le plus convaincant: le film va nous raconter comment face à un évènement incroyable Ray va devenir un parent responsable et se rapprocher de ses enfants en prenant les bonnes décisions, enfin. Pour le reste, le film suit leur parcours, celui de Ray, Rachel et Robbie, avant que ce dernier ne bifurque, et ne laisse les deux autres ensemble. Trois scènes-clé nous permettent de comprendre les principes de mise en scène à l'oeuvre dans ce film: la première est bien sûr l'arrivée des Tripodes, vue du point de vue de Ray et des autres habitants du quartier (modeste, c'est un atout: le film nous parle du petit peuple Américain d'abord et avant tout): on va de surprise en surprise, et Spielberg utilise les ressources de la caméra à l'épaule, mais aussi d'un grand nombre d'objets optiques secondaires afin de cadrer aussi souvent que possible Ray qui voit et ce qu'il voit: réflection dans la vitrine d'un magasin, caméra vidéo lâchée par un passant, etc.

La deuxième scène est le départ des trois héros, qui "empruntent" un véhicule à un copain garagiste, lequel n'a pas encore réalisé la situation. Le suspense est lié au fait que Ray doit partir mais aussi tenter d'expliquer la situation, pendant que l'angoisse de Rachel monte. Dans le fond, vu à travers le pare-brise, on assiste à la destruction du Bayonne bridge, tellement réaliste...

Enfin, après celle-ci, la dernière scène notable prend le parti-pris d'un long plan séquence (Ils sont nombreux et générateurs de tension) durant lequel Spielberg et sa caméra vont et viennent hors de la voiture, au gré des mouvements du conducteur. On assiste à des bribes de conversation, et on n'aura que ce qu'on peut entendre quand on est dans la voiture. Cette impression frustrante est un prolongement du parti-pris de réalisme du réalisateur. Ce qui explique un long passage, d'environ une demi-heure, durant lequel Spielberg laisse de coté l'extérieur et son invasion qui progresse, pour nous montrer Ray et Rachel, réfugiés dans une cave avec un homme douteux (Tim Robbins), qui représente une menace d'un autre genre pour la jeune fille... Durant cette digression, une rencontre directe avec les extra-terrestres aura lieu, avec comme d'habitude cette menace sur le quotidien, puisqu'ils s'introduisent dans la cave même...

Lors de la fuite, Rachel demande: "Est-ce que ce sont les terroristes?". On est en 2005, et désormais, on sait que les Etats-Unis ne sont à l'abri de rien. Bien sûr, cet état d'esprit, qui a par ailleurs mené à des débordements politiques et guerriers bien connus, est présent dans ce film, qui en est un commentaire. Pour Spielberg, la menace extérieure est une réalité, mais son choix est clair: il ne s'agit pas ici de stigmatiser au nom des Etats-unis les autres civilisations, mais de montrer l'être humain, générique, en proie à une attaque. Tout parallèle entre ce film et la situation post-11 septembre doit passer par l'idée que c'est l'humanité qui est attaquée dans un attentat comme celui des tours jumelles, et non une nation. L'insistance sur les autres pays attaqués (On apprend ainsi que l'Europe a été attaquée avant les Etats-Unis, par exemple) va de pair avec la représentation d'une armée inutile, mais engagée malgré tout dans un combat improbable. Et la fameuse morale choisie par H. G. Wells est là, comme dans les autres adaptations: cela ne regarde même pas l'homme; cette invasion est vouée à l'échec, à cause de tous les microbes qui vont faire le travail de défense de la planète à notre place. En attendant, donc, il n'y a qu'à se laisser massacrer, toute résistance est inutile, et toute tentative de se venger (L'impulsion adolescente de Robbie, qui désire s'engager pour les combattre, renvoie au réflexe patriotico-westernien de Bush en 2002, tout en étant après tout légitime: le garçon veut exister, et faire ce qu'il estime être un devoir) vouée à l'échec. Spielberg rend ses allusions à l'incident du 11 septembre claires en montrant les conséquences d'un accident d'avion, tombé sur la maison dans laquelle Ray et ses enfants se sont réfugiés. Il prolonge ainsi d'une allusion aux images traumatisantes renvoyées quatre ans plus tôt par les médias, sa réflexion sur le pouvoir de montrer ou de ne pas montrer, puisque le crash est vécu de l'intérieur d'une cave, à travers des bruits et des lumières. Mais la vision de l'avion éventrée soulève finalement de façon froide les mêmes questions que si on avait assisté à l'accident, le pop-corn en moins...

Le film de 1953 reposait sur un réflexe conservateur, en même temps que sur une bien légitime tentation de vouloir distraire, en fournissant une inévitable adaptation de l'oeuvre emblématique d'un genre à la mode. Mais le film de Byron Haskin participait de la méfiance des films Américains à l'égard de "l'autre" et de ses volontés d'invasion des corps et des âmes. Si Spielberg, en artiste respectueux et connaisseur, rend hommage de multiples façons au film qui a précédé le sien, ne serait-ce qu'en en faisant revenir les héros pour un cameo, ou en s'inspirant du design des machines du premier film pour le sien, son propos est nettement plus sain, lui permettant d'ajouter une nouvelle pierre à sa réflexion globale sur le passage à l'age adulte et la découverte des responsabilités, tout en livrant un constat sans appel sur la vanité de vouloir prendre un drapeau et se lancer en croisade pour quoi que ce soit. War of the worlds est non seulement un grand film de science fiction, un grand film moral, c'est un aussi un grand film humaniste.

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg Science-fiction
22 juin 2023 4 22 /06 /juin /2023 23:51

Le titre l'indique assez clairement: ce court métrage est en fait dans le sillage du chef d'oeuvre d'Andrew Stanton, Wall-E, et d'ailleurs ce dernier en a proposé l'argument. C'est une idée de génie, partagée avec Marvel qui un temps a fait la même chose: proposer des courts métrages qui puissent développer des moments potentiels des coulisses d'un film de long métrage. Ainsi ce film est-il situé dans les coulisses du dernier acte de Wall-E, et on verra d'ailleurs de nombreux moments tirés du film qui nous permettent de contextualiser celui-ci...

En gros, ça concerne les mésaventures d'un petit robot dont la fonction essentielle est de veiller que les lampes extérieures du vaisseau qui l'emploie, soient toujours fonctionnelles. Les aventures débridées de Wall-E et Eve, situées en marge de sa fonction, empêchent clairement sa mission et il en développe une intense frustration...

Les longs métrages de Pixar donnent souvent satisfaction, mais les courts sont très couramment encore plus réjouissants. Disons que celui-ci prolonge efficacement le propos du long qu'il accompagne, en en développant la comédie de caractères, et la poésie burlesque visuelle. Et comme d'habitude, il faut le voir pour comprendre... Mais même si ce serait dommage, on n'a pas vraiment besoin de voir Wall-E pour prendre du plaisir à ce film...

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Published by François Massarelli - dans Disney Pixar Science-fiction
21 juin 2023 3 21 /06 /juin /2023 09:06

Dans un futur très proche, Theodore (Joaquin Phoenix) travaille en tant qu'écrivain public dans une entreprise spécialisée: tous les employés y rédigent pour d'autres personnes des lettres, des simulacres de manuscrits, car les gens ne savent plus faire cette tâche... il est doué, et ses clients sont généralement très contents de son style. Il est en instance de divorce, et cette situation le déchire, car il aime encore Catherine (Rooney Mara), son épouse. Il retarde sans cesse la signature des papiers pour mettre fin à son mariage... 

Quasiment dépressif, il passe beaucoup de temps à jouer à des jeux vidéos proches de la réalité virtuelle, et il s laisse convaincre par une nouvelle technologie, un système dexploitation personnalisé auquel il donne une voix féminine, et qui va devenir sa confidente, l'aider, et... finalement ils vont tomber amoureux. Elle s'appelle Samantha (Scarlett Johansson). Et comme Theodore ne peut pas faire les choses simplement, ce sera évidemment compliqué...

C'est donc de l'anticipation, mais Jonze, qui ne fait a priori rien comme tout le monde, a pris la décision de se passer d'effets spéciaux, jusqu'à un certain point, bien entendu. Il s'en sert pour montrer les jeux vidéos auxquels s'adonnent les protagonistes, Thodore bien sûr, mais aussi son amie Amy (Amy Adams), une voisine qui elle aussi a des difficultés sentimentales. Les deux personnages, sont vraiment les plus présents dans le film, et on y voit clairement la représentation d'un monde dans lequel la solitude naît d'un plus grand accès à la technologie avancée, notamment les intelligences artificielles.

Jonze prend d'ailleurs le pari de faire de Samantha un vrai personnage, ce qui est souvent troublant. Si beaucoup de personnes sont perturbés du fait que le principal personnage ait une relation amoureuse avec son ordinateur, il en est aussi pour l'accepter sans trop s'en soucier. La technologie nous est présentée ici comme quotidienne, indispensable. Non qu'elle ne soit invasive, c'est juste que cette invasion a déjà eu lieu... Une approche subtile, et qui permet au film de ne jamais être un pamphlet tout en lissant la porte ouverte à une interprétation critique...

Car principalement, Jonze ici nous parle de sentiments, de l'amour et de la solitude. De la communication amoureuse, aussi, avec ces gens qui souvent sont seuls... ensemble. Un beau, un très beau sujet même, qui n'est pas éloigné d'autres films sensibles et provocants, on pense, dans un mode évidemment différent, à l'un des chefs d'oeuvre du jeune 21e siècle, Eternal sunshine of the spotless mind, de Michel Gondry, qui lui aussi imaginait une technologie de pointe (assez farfelue en dépit de la gravité du sujet) pour parler de l'amour et de ses errements... Mais le monde du futur est impitoyable de ce point de vue, on y voit Theodore s'adonner au phone sex dans une scène à la fois hilarante et profondément choquante, et un rendez-vous tourne au fiasco: une jeune femme (Olivia Wilde) se rend à un rendez-vous avec lui, et brûle les étapes: complicité trop rapide, suivie de soucis de communication et de pressions trop fortes. Il n'y a pas que theodore qui ne sache pas y faire...

Touchant ou perturbant, le film avane en douceur vers une conclusion vraiment amère, et montre un visage assez affolant des IA, même si je le répète, ce n'est pas le vrai sujet du film, juste un excellent prétexte... C'est aussi une performance toute en nuances et en subtilité de Joaquin Phoenix. Quant à Scarlett Johansson, dont la voix a été ajoutée après coup, elle est tout bonnement parfaitement crédible en intelligence artificielle amoureuse... mais de façon compliquée.

 

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Published by François Massarelli - dans Spike Jonze Science-fiction
14 juin 2023 3 14 /06 /juin /2023 17:54

Entre Artificial Intelligence et Catch me if you can, Spielberg réalise cette adaptation d'une nouvelle de Philip K. Dick. Il y crée de façon impressionnante un monde futur plausible, dans lequel un écho de notre présent se fait jour... Et il y reprend un projet qu'on devine piloté à la base essentiellement par la star, le scientologue Tom Cruise. Celui-ci a sérieusement envisagé de faire de ce film sa première réalisation... Mais recule, après avoir côtoyé Spielberg durant le tournage du film Vanilla Sky, le naufrage abyssal du remake par Cameron Crowe d'un film Espagnol de Alejandro Amenabar. Autant dire que Spielberg n'est que très superficiellement l'auteur de ce film... Et d'ailleurs, il s'en amuse beaucoup! j'irais même jusqu'à avancer l'hypothèse que de tous les films mineurs, voire alimentaires, de l'auteur de Jaws, celui-ci est le plus brillant.

Divorcé suite à la disparition de son fils Sean, John Anderton (Tom Cruise) est l'un des chefs de la division "pré-crime", une organisation située à Washington qui a profité de la découverte par une scientifique géniale de trois enfants pré-cognitifs (En clair, il ont la faculté de voir certains aspects du futur, en particulier la violence meurtrière) pour lancer l'expérience d'une justice pré-criminelle: on arrête les meurtriers avant qu'ils ne commettent leurs délits. Ca fonctionne tant et si bien qu'il est envisagé d'étendre l'organisation au pays tout entier. Mais un grain de sable se glisse dans la machine: un policier, Danny Witwer (Colin Farrell), appelé à collaborer avec l'organisation, commence à fouiner partout, et John Anderton va de fil en aiguille être confronté à une affaire douteuse du passé. Il va aussi goûter à sa propre médecine puisqu'il apprend qu'il va commettre, dans les 48 heures, un meurtre. Deux problèmes pour lui: d'une part, il ne connait absolument pas sa victime; d'autre part, son unité est précisément d'une diabolique efficacité, il lui sera donc d'autant plus difficile d'y échapper.

K. Dick décrivait son système de 'pré-crime' différemment; on y gardait un certain flou sur le mode de prévision, et surtout l'organisation était déjà étendue à ou le pays. Cette idée de montrer l'installation du truc comme étant encore en cours permet au moins de laisser le spectateur dans le doute quant à la possibilité d'une dictature future, là où le romancier était bien plus clair: sa société futuriste était précisément gangrenée par l'abandon total de la notion de libre-arbitre. Le film nous laisse le doute, tout en nous montrant dans des scènes étonnantes John Anderton trahi par ses yeux: partout où il avance, les affiches mouvantes des publicités, le reconnaissant en scannant automatiquement son regard, l'appellent par son nom; cet abandon de l'anonymat n'est bien sûr pas fait pour surveiller les hommes, juste les faire consommer, mais le doute est bien sûr permis, d'autant que le lieu ou son entreposés les criminels potentiels (Donc innocents) est une grande bâtisse, dans laquelle on les endort pour les déshumaniser totalement.

Mais Spielberg s'amuse, disais-je: il sort, après tout, d'un tournage tendu qui fut difficile, puisqu'il a mis en scène le projet A.I. de Stanley Kubrick récemment décédé... Et il y a peu de thèmes qui lui permettent de s'accrocher à ce film. Bien sur, il y a le jeu du regard, son péché mignon, qui est bien mis en valeur par la notion de "point de vue" des "pré-cogs", les trois humains qui voient l'avenir, ou encore par l'omniprésence de l'oeil comme motif identitaires, sans parler la nécessité pour Anderton de changer ses yeux, ce qui passe par une scène d'aveuglement total pour metteur en scène sadique... On verra plus de Spielberg dans le film suivant, et sa métaphore d'une vie de famille ratée, ou ses problèmes de filiation symboliques entre DiCaprio et Hanks, sans parler de la recréation des années de jeunesse du metteur en scène. Surtout, il y a Cruise. Le film est une montagne russe d'émotions, d'action et de suspense, dans un cadre ultra-défini, où le spectateur va se perdre le temps de 145 minutes d'échappatoire bien mérité...

Mais pas Cruise: regardez-le, en chef d'orchestre de la technologie du futur, faire des gestes à la Stokowski devant des écrans... Peut-on être plus ridicule? Donc oui, le film est brillant, superbement rythmé, grand luxe et tout confort, mais il faudra peut-être un jour dire à Tom Cruise qu'il n'est pas la plus belle création de Dieu, ou de L. Ron Hubbard. Ca n'enlève pas grand-chose au film, remarquez: il se laisse voir, avec un grand plaisir, et anticipe de façon troublante, avec une scène mémorable de suspense dans un lieu clos, sur un futur film de science-fiction, très important celui-ci, de Spielberg, avec un Tom Cruise pour une fois acceptable: War of the worlds. Acceptable, mais intense, on ne se refait pas...

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg Science-fiction
11 juin 2023 7 11 /06 /juin /2023 15:35

Dans un futur lointain et troublé, la place manque sur terre après la montée spectaculaire des eaux, et les naissances sont limitées. Les hommes ont donc recours à des "méchas", des robots afin de remplir des tâches subalternes, des imitations ultra-perfectionnées de l'être humain dont on n'hésitera pas à se débarrasser le moment venu. Cybertronics, l'une des entreprises à la pointe de cette technologie sophistiquée, envisage d'aller plus loin en fournissant à des parents en mal d'affection des faux-enfants, et teste le procédé sur un couple, pas vraiment choisi au hasard: Henry et Monica ont tous deux perdu un enfant, ou presque: Martin est dans le coma, il n'y a que peu de chances qu'il en sorte... Ils se retrouvent donc les "parents" de David (Haley Joel Osment), un super-robot qui va dans un premier temps être très difficile à accepter pour Monica (Frances O'Connor), avant que celle-ci commence à s'attacher à lui. Elle va aller jusqu'à commettre une action irréversible: en le verrouillant, elle le rend pour toute la durée de son existence quasi asservi à l'amour qu'il porte pour sa "mère", devenu obsédé par le lien spécial qui a été formé avec elle. Mais Martin sort du coma, et à partir du moment ou le vrai fils des Swinton revient, les ennuis commencent pour David: d'une part, la jalousie féroce de Martin va pousser ce dernier à intriguer contre l'androïde, et d'autre part les parents ne peuvent faire autrement que de prendre parti pour Martin contre David. Les apparences (provoquées par Martin) vont mener Henry (Sam Robards) à prendre la décision de se débarrasser de David. Ce qui se traduit, dans cette société du futur, par un retour à l'usine ou le robot va être détruit. Ne pouvant se résoudre à accepter cette éventualité, Monica emmène David dans la forêt, et le laisse en plan. Pour David, laissé seul face aux multiples dangers qui attendent les robots en liberté, une seule chose compte désormais: retrouver celle qu'il a naturellement été amené à appeler "Maman"...

Il est aujourd'hui encore impossible d'aborder ce film de Steven Spielberg, tourné entre Saving private Ryan et Minority report, sans à un moment ou un autre être confronté à l'argument le plus médiatique du projet: la filiation, en quelque sorte, de Kubrick à Spielberg et le passage de témoin entre le metteur en scène New Yorkais reclus et son jeune disciple si ouvert, affable et expansif. Si on s'en tient à la version de Spielberg, d'ailleurs relayé par Jan Harlan, beau-frère de feu Stanley Kubrick, et producteur exécutif sur A.I., Kubrick souhaitait adapter Supertoys last all summer long, de Brian Aldiss, depuis le milieu des années 80. Il avait privilégié Full metal jacket, nettement plus facile à mettre en chantier, avant de se replonger dans son projet de retour à la science-fiction, dont il aurait décidé après avoir vu Jurassic Park que Spielberg était sans doute plus qualifié que lui pour le tourner. N'étant pas dans le secret des dieux, je dirais que c'est plausible, et s'il y avait dans ce film qui tourne donc comme l'indique clairement le titre autour de la notion d'intelligence artificielle suffisamment de thèmes propres à mobiliser Kubrick, le film convient bien à Spielberg, qui a trouvé matière à réflexion personnelle. Pourtant, ce martèlement par la production du film du glorieux parrainage, fut-il posthume, ressemble à un coup, et oblige tant les commentateurs à se pencher sur la réalité de cette bi-paternité interlope, qu'on ne va pas y couper...

Spielberg va multiplier les appels du pied, les références, les plans "à la manière de...", et va même jusqu'à copier ça et là le style du maitre en matière de travelling avant à la poursuite d'un véhicule: qu'on se rappelle les fameux plans de Danny sur son tricycle, faisant le tour de l'hôtel Overlook dans The Shining... Revenant à la Science-fiction des années après E.T. , dans une histoire qui fait intervenir des extra-terrestres confrontés à l'extinction de la race humaine, Spielberg se plait à montrer une initiative de "préservation" qui renvoie à l'énigmatique final de 2001 dans lequel une sorte de zoo qui contient un seul animal, le spationaute Frank Poole, trouve ici une continuation à travers cette copie de l'univers dans lequel David a été heureux, recréé par des Aliens soucieux de préserver à travers le robot David, une trace de l'héritage disparu des humains. De même, le parcours de David, mâtiné de conte de fées ironique, n'est pas loin d'une picaresque quête d'un être à la recherche de son identité, et confronté à l'ingratitude de ses créateurs. Ceux-ci l'ont créé, et s'en désintéressent. Son oubli et sa douleur (être séparé de sa mère mortelle lorsqu'on peut soi-même durer des millénaires sans trop s'abimer!) font partie de son lot, et la façon dont les humains se retournent contre leurs créations, les détruisant dans des mises en scène de cirque apocalyptique, rappellent encore une fois le destin de l'humanité vu par 2001, cette filiation de l'intelligence, du monolithe mystérieux aux hominidés, des primates à la conquête spatiale, et de la conquête spatiale à la confrontation avec une intelligence artificielle supérieure qui est décidément trop perfectionnée: meurtrière dans 2001, destinée à nous supplanter dans A.I.

Pourtant, là où Kubrick laissait libre cours à sa façon essentiellement cérébrale de tourner, multipliant les prises jusqu'à virtuellement disposer d'absolument toutes les options de jeu possibles, aussi infimes soient les différences et nuances, Spielberg est un instinctif, qui obtient vite et efficacement ce qu'il cherche. Les deux styles ne se confondent pas, loin de là... Et Spielberg ne se confronte pas ici à un film qui lui est étranger. D'ailleurs il prolongera des éléments et motifs de ce film dans ses deux productions suivantes de science-fiction, Minority report et The war of the worlds: dans Minority report, il fait de nouveau reposer une large partie de son film sur le lien fragile et disparu entre un adulte et un enfant, mais du point de vue de l'homme cette fois. Il y invente également un monde bigarré, mais bien moins exotique que celui d'AI. Après tout, son adaptation de Philip K. Dick est supposée se situer une dizaine d'années dans l'avenir... On peut presque imaginer que le monde d'AI est un prolongement de celui de Minority Report... Quant à The war of the worlds, Spielberg y reprend de façon troublante l'assujettissement par la terreur aperçu ici, lorsque David, Gigolo Joe (Un robot d'amour, sorte de sex-toy ultra-perfectionné qui fuit un piège qu'on lui a tendu, interprété de façon splendide par Jude Law) et d'autres "méchas" laissés pour compte, doivent fuir l'apparition d'un ballon dirigeable imitant la lune, dont les occupants sont décidés à les récupérer pour les sacrifier dans un spectacle de cirque. Dans son adaptation de Wells, Spielberg prête cette terreur de l'annihilation aux humains, mais reprend essentiellement les mêmes ingrédients de suspense... Et surtout, le film, qui passe par le conte de fées (Le petit poucet, bien sur, mais aussi le fait qu'une partie importante de la conscience identitaire de David passe par Pinocchio dont l'histoire le fascine, ce qui en fait sa bible pour le reste du film: il souhaite lui aussi rencontrer la fée qui le rendre petit garçon afin que sa mère l'aime), dérive souvent dans le quasi-sadisme de Spielberg, qui pousse une situation jusque dans ses derniers retranchements. Le metteur en scène ne se prive d'ailleurs pas de signer son film: il a recours à plusieurs variations autour du regard, son obsession première, comme lorsque David et Gigolo Joe consultent un oracle, en fait un personnage holographique qui débite de façon mécanique des réponses à des questions. La caméra passe derrière l'hologramme du "Dr Know", nous montrant ainsi David et Joe à travers l'oeil de l'image... Une façon ironique de nous montrer les deux personnages comme nos étrangers, tout en assimilant l'être humain à une création sans aucune vie. Il replace aussi, comme souvent, des plans iconiques: une vision de David dans un rétroviseur de voiture quand Monica fuit l'endroit où elle l'a abandonné rappelle bien sur Jurassic Park, et la vision du reflet dans une flaque d'eau du ballon dirigeable en forme de lune renvoie non seulement à E.T. (Le satellite) mais aussi une fois de plus à ses films de dinosaure. Une preuve que pour respectueux qu'il ait été, le passage de témoin n'a pas empêché Spielberg de s'approprier le film. Heureusement, d'ailleurs.

Reste que AI est une déception. Coincé dans son argumentaire en forme d'équation magique, visant essentiellement à récupérer une partie de l'impressionnante vogue pour les films de Kubrick après sa mort en 1999, le film représente après tout le retour de Spielberg dans le monde de la science-fiction, son renvoi à la rencontre entre l'homme et l'extra-terrestre, qui aurait pu déboucher sur plus qu'une illustration sage du destin tragique d'un robot créé pour des besoins ciblés, et devenu tout à coup le dernier représentant de toute la civilisation et d'une race dont il ne fait d'ailleurs même pas partie. En essayant de mettre ses pas dans ceux de illustre collègue, Spielberg trahi un peu son propre univers, lui qui à cette époque n'a pas l'habitude de la lenteur, celle-ci devient pesante, et la tension qu'il installe avec son suspense finit par être exaspérante. Il aurait convenu de couper A.I., qui est bien un film de Spielberg, mais qui semble vouloir furieusement ressembler à autre chose... ambitieux, mais inachevé, dans lequel la rencontre d'un être paradoxal avec son créateur est presque escamotée. Un film attachant mais qui laisse un goût de regret.

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Published by François Massarelli - dans Steven Spielberg Stanley Kubrick Science-fiction