Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 avril 2025 1 14 /04 /avril /2025 11:45

Adapté de son propre roman, le film de Rupert Hughes est l'un de ces films qui tendent à Hollywood un intéressant miroir, comme pouvaient l'être la comédie Ella Cinders (1926) de Alfred Green avec Colleen Moore, ou le film de Tourneur A girl's folly (1917). Mais le film de Hughes affiche des ambitions assez différentes de ces comédies, l'idée étant de chanter les louanges des acteurs, metteurs en scène, techniciens de Hollywood, à l'heure ou les scandales éclatent les uns après les autres: les procès du comédien Roscoe Arbuckle, la mort étrange du réalisateur William Desmond Taylor sont dans toutes les mémoires, et l'heure est en effet à la prudence. Mais cette ambition, aussi louable soit-elle, est le point faible du film, donnant lieu à des intertitres sentencieux et ronflants. Somme toute, les deux autres avantages de cette histoire sont principalement une mise en scène énergique, qui culmine dans les scènes dramatiques, et le fait que Hughes a été admis sur certains plateaux, avec la complicité des metteurs en scène, acteurs et producteurs. Cette inscription du film dans les coulisses du spectacle reste sont principal point fort...

Remember Steddon (Eleanor Boardman), fille d'un pasteur en croisade contre le diable Hollywoodien, épouse un homme, interprété par Lew Cody. Elle décide de lui faire faux bond, mue par un pressentiment: bien lui en prend, le monsieur étant en fait un tueur d'épouses qui collectionne les assurance-vies... Mais en quittant le train qui les emportait, elle se trouve au milieu du désert, et est secourue par l'équipe de tournage d'un film. Elle va intégrer le monde de Hollywood, devenir actrice, gravir les échelons, mais le tout avec la crainte du scandale qui menace; comment lui échapper quand on est mariée à un meurtrier notoire?

Donc, Eleanor Boardman visite Hollywood, fait la figurante pour Chaplin, et assiste au tournage d'une scène de Greed... C'est sûr, les atouts comme ceux-ci ne courent pas les films muets. mais le reste du film est surtout basée sur une intéressante, mais un peu timide symbolique, autour du vrai et du faux, qui se joue de certains stéréotypes. ainsi, Barbara LaMarr, qui était LA vamp de Rex Ingram dans The prisoner of Zenda(1922) et le film perdu Trifling women (1922), est-elle ici une actrice spécialisée dans les rôles de vamp, mais une excellente camarade, et une femme triste qui vit dans le souvenir d'un mari perdu: les témoins qui ont connu miss LaMarr, au destin  tragique, ne disaient pas autre chose d'elle... De son coté, Scudder, le tueur qui avait épousé Remember afin de la détrousser, tombe amoureux d'elle lorsqu'il découvre qu'elle est actrice: l'attrait de l'écran déforme tout, et semble-t-on nous dire, souligne la beauté...

Certaines scènes qui nous font visiter Hollywood et ses coulisses sentent les collections de stars, l'accumulation de noms, mais les scènes qui nous impliquent un peu plus dans l'action du film (La tentative d'arrestation de Scudder, l'incendie DeMillien du plateau au final, durant lequel richard Dix, en metteur en scène, ordonne à ses techniciens de continuer à tourner quoi qu'il arrive pendant que la tempête se déchaîne, relayée par une machine à faire du vent, bref: du spectaculaire!!) restent le meilleur. De plus, Eleanor Boardman, qui porte le film sur ses épaules, nous donne suffisamment envie de la suivre sans trop poser de questions, passant d'un registre à l'autre (une scène la montre se vautrer dans son premier essai, lorsqu'elle s'avère incapable de jouer la comédie, c'est drôle comme tout...). On peut aussi faire comme Hughes dans son film, et citer le nom des acteurs de ce film Goldwyn: Eleanor Boardman, Richard Dix, Mae Busch, Dale Fuller, Barbara LaMarr, Snitz Edwards, William Haines, Aileen Pringle, pour s'en tenir aux plus connus. Outre les apparitions dans leur propre rôle de Zasu Pitts, Chester Conklin, Erich Von Stroheim et Jean Hersholt, tous occupés sur le tournage de Greed, apparitions également de Fred Niblo, de Chaplin, et de Marshall Neilan (excusez du peu), on appréciera au détour d'une scène de voir parmi les figurants à la recherche d'un petit rôle Lon Poff et le petit Sammy Brooks, qui étaient tous les deux des sbires de Richelieu dans The three must-get-there de Max Linder en 1922. Poff, de son coté, est également au générique de Greed: c'est lui qui apporte à Trina ses gains à la loterie, affublé d'un sparadrap. Dale Fuller est également au générique de Souls for sale, après avoir incarné la domestique au destin tragique, Maria Miranda Macapa, dans le film de Stroheim... Décidément, on ne peut pas ne pas revenir à Greed.

En attendant, ce film peu banal mérite amplement le détour, que ce soit pour ses qualités (nombreuses) ou ses petites manies... Un film qui a le mérite de nous offrir un regard gentiment ironique sur le miroir aux alouettes, tout en se livrant à une mise en abyme intéressante, quand lors d'une scène située dans un commissariat, l'actrice incarnée par Eleanor Boardman panique en pleine interprétation en apercevant sur le mur un avis de recherche pour son mari...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1923 *
26 mars 2025 3 26 /03 /mars /2025 21:05

Trois raisons pour Chaplin de ne pas jouer de rôle dans ce nouveau film, le premier pour la nouvelle compagnie United Artists. Pour commencer, il essaie, on l'a vu, de se débarrasser de son personnage (The professor, Idle class), de le démythifier en le représentant marié (Pay day), avec des enfants (A day's pleasure), voire en se représentant tel qu'en lui-même, en insistant sur le fait que moustache et défroques sont bien factices (How to make movies). Bref, il souhaite contourner cette icône.

De plus, il a le sentiment, pas faux à cette époque, qu'on l'assimile surtout à son personnage moustachu; or, Chaplin, souhaite être reconnu pour son rôle de metteur en scène, et aussi d'auteur de films. Enfin, il tourne depuis un certain temps autour d'une représentation complexe du monde à deux niveaux qu'il perçoit; The Kid, The idle class en ont déja montré les contours. Il se sent obligé de libérer son cinéma de son empreinte burlesque, ce qui veut dire que le moustachu n'y a plus sa place. Honnêtement, je ne sais pas si ce film représentait dans l'esprit de Chaplin un affranchissement total de son personnage a priori, ce qui aurait été ensuite contredit par le flop monumental, qui aurait conduit Chaplin à faire machine arrière, avec le succès que l'on sait, ou si le metteur en scène se contentait de faire ce film, et puis après revenir sagement de son propre chef. Quoi qu'il en soit, A woman of Paris est l'unique film muet dans lequel Chaplin n'apparaît pas de façon significative, et c'est à peu près la seule information de la plupart des textes qui y sont désormais consacrés, je n'y reviendrai donc pas...

Pourtant Chaplin est partout dans ce film: regardez les acteurs, leur façon de jouer, l'économie des gestes et des mimiques. Ce gigolo qui baille en levant mollement les yeux au ciel, combien de prises a-t-il fallu lui arracher avant qu'il ait le détachement nécessaire? Carl Miller, qui joue ici le petit ami d'Edna Purviance jouait déjà ce même personnage ou presque dans The Kid, et il est lui aussi entièrement vampirisé par Chaplin... Quant à Edna Purviance, elle est splendide, dans les mains du metteur en scène, elle ne craint personne. Tant mieux, parce que le film repose entièrement sur ces attitudes, sur ces corps et sur les vêtements qu'ils portent, c'est l'un des traits les plus saisissants du film.

Marie et Jean s'aiment, mais leurs parents ne l'entendent pas de cette oreille. Alors qu'ils souhaitent fuir pour se marier, Jean a un contretemps: son père meurt, et il n'a pas le temps de prévenir sa fiancée: elle fuit à Paris seule, croyant à une trahison. Elle y fait sa vie, et on la retrouve un an après, protégée du riche Pierre Revel; elle s'appelle désormais Marie St-Clair, et lorsque Jean débarque à Paris avec sa mère, Marie a du mal à abandonner sa nouvelle vie pour retourner vers son passé...

Carl Miller donne l'illusion d'être l'un des deux personnages principaux, mais ne soyons pas dupes: Chaplin dépeint ici un certain style de vie, une course à la réussite, qui passe par tout un tas de turpitudes qui ne sont qu'esquissées: a priori, la métamorphose de Marie en Marie St-Clair passe par tout ce qui est dans l'ellipse du début. La mère de Jean la considère d'ailleurs comme une traînée... Non, les deux personnages principaux sont bien Marie et Pierre (Adolphe Menjou). Celui-ci, après tout, est tout sauf antipathique, à part lorsqu'il se sert des amies de Marie pour la manipuler. Mais il joue de son charme, et sait manifestement perdre... Il sait surtout que ce que veut Marie, cette fuite en avant du luxe et de la vanité, lui seul pourra le lui amener. De son coté, Jean est peintre (Comme le personnage de Carl Miller dans The Kid, du reste), et il va peindre un portrait du passé de Marie, contre le gré de celle-ci, portrait qui va sceller leur mésentente, leur différence, et portrait qui sera pris à témoin par la mère elle-même sur la dépouille de son fils. ce portrait, c'est la vraie Marie, lui seul l'a vue. Il faudra une catharsis tragique pour que Marie comprenne enfin...

La noirceur du film va de pair avec l'humour noir, notamment dans la description toujours sur la brèche de la vie des nantis (le restaurant, avec ses truffes, pour les cochons ou les gentlemen), et la méchanceté dans la peinture des manipulations des intrigantes: Malvina Polo, la jeune femme idiote de Foolish wives, tente de ravir la place de Edna Purviance auprès d'Adolphe Menjou...

L'habit, cette deuxième peau, est un motif qui court d'un bout à l'autre du film. On ne compte plus le nombre de scènes d'habillage, de déshabillage, de préparation du corps (Massage), de dénudage plus ou moins gratuit (Le strip-tease); toutes ces scènes renvoient à l'idée du mensonge, de la parure comme protection. Chaplin s'en sert aussi comme une indication de contemporanéité, comme DeMille le faisait avec divers accessoires (Les disques de chansons populaires, qu'on voyait tourner sur des phonographes luxueux dans ses comédies matrimoniales). Le grand nombre de scènes liées au service des domestiques, et la compartimentation des appartements riches de Marie et Pierre Revel, aussi, renvoient à cette vie à tiroirs, dans laquelle les gens se barricadent derrière le décorum. Bien sur, les petites boîtes communiquent entre elles, on se souvient du faux col masculin aperçu par Jean chez Marie. Cette apparition d'un signe cinématographique est un autre aspect visible de la mise en scène riche de ce film: on note aussi l'utilisation d'un bandeau noir, signe de deuil. Les personnages voient et déduisent en même temps que nous...

La mise en scène du film est d'une précision, d'une force extraordinaire. Chaque plan est composé de façon précise, Chaplin et Totheroh n'ont pas changé leurs habitudes. A des scènes de luxe effréné répondent des images d'une austérité diabolique (on parle toujours de cette scène à la gare, ou le passage d'un train est représenté par ses lumières); un effet de rapprochement de la caméra, est répété trois fois dans le film (Deux fois dans la version actuelle, voir plus bas): La maison de Marie est vue en plan large, puis un peu plus près. un troisième plan resserre sur une fenêtre, ou s'esquisse le visage d'une femme dans la pénombre. Enfin le quatrième et dernier plan nous montre Edna Purviance à la fenêtre. A la fin du film, la maison où sont réfugiées Marie et la mère de Jean pour leur nouvelle vie est saisie de la même façon. La troisième occurrence est très cohérente, puisque c'est le portrait, entouré de crêpe noir, de la maman de Marie dans sa maison. Chaplin avait tenté d'établir une mise en scène fluide, détaillée, mais l'a comme chacun sait bousillée en 1976, 5 ans après avoir massacré le film The Kid. 34 ans après avoir anéanti The Gold rush: son idée, c'était de rendre A woman of Paris plus fluide, de le rendre "moins sentimental". faut-il le redire? Un metteur en scène lui-même n'a pas le droit d'altérer un film, à plus forte raison 53 ans après. Même Chaplin.

Pour le reste, ce film est un miracle de subtilité; les commentaires lus ça et là sur la stupidité du script ne valent pas tripette. Les gens qui parlent d'un insupportable mélo n'ont jamais vu de mélodrame de leur vie, et le film tient diaboliquement la route, à la source de tout un pan du cinéma Américain. Que Lubitsch l'ait vu et s'en soit inspiré, c'est une certitude. Que d'autres, qui y avaient été confrontés directement (Henry D'abbadie D'Arrast, Monta Bell), ou qui l'ont vu comme on reçoit une claque dans la figure (René Clair, de son propre aveu), s'en soient inspiré, c'est une évidence. Bref: il y a un avant et un après A woman of Paris. Pour Chaplin aussi, qui ne supportera pas de voir son 'enfant maudit' boudé par le public, et le retirera du circuit pendant donc 53 ans. Et plus j'y pense, plus je me dis qu'on a de la chance de l'avoir encore...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet 1923 ** Criterion
19 janvier 2025 7 19 /01 /janvier /2025 09:11

La jeune Else (Kiss Andersen) est une fille de bourgeois, mais c'est surtout une jeune femme de 17 ans un peu fantasque. Comme toute sa classe, elle est amoureuse de leur professeur de botanique, Petersen (Gorm Schmidt). Mais ce dernier répond favorablement à ses avances. Elle l'invite donc à la fête organisée par ses parents pour son anniversaire, et annonce leur union. Les parents sont effondrés, mais les amoueux s'enfuient...

Et Doublepatte (Carl Schenström) et Patachon (harald Madsen) alors? Ils sont, comme d'habitude, plus un satellite de l'intrigue qu'autre chose, et la loufoquerie totale de leur participation n'échappera à personne: dans un premier temps, ils sont deux chômeurs, qui renaclent à prendre le moindre emploi qui leur soit proposé par uyn bureau de placement, afin de continuer une partie de cartes particulièrement lucrative puisqu'ils trichent avec application. Mais ils sont mis en demeure d'accepter et seront tour à tour domestiques, des extras engagés pour l'anniversaire d'Else, et pas très doués (voir à ce sujet l'une des illustrations de cet article), puis deux détectives une fois les amoureux enfuis. Le plus étonnant c'est que la famille les ait laissé enquêter, au vu de leur inefficacité en tant que domestiques...

Le film est différent des oeuvres habituelles de la série, Lauritzen l'ayant pobablement tourné à une autre saison que l'été (même si une courte scène est située sur la plage, on y verra pour une fois très peu de personnes qui se risquent à arborer un maillot et surtout personne n'est dans l'eau, et sinon lors d'une scène au début, une sortie botanique se termine par un petit bain dans une rivière). La campagne Danoise m'a plus l'air de montrer qu'on est en automne ou au tout début du printemps, qu'on devine un peu frisquet. Et Kiss Andersen, jeune femme gâtée, mais déterminée, est dotée d'une belle énergie, même si clairement le personnage est une fois de plus très stéréotypé.

Gorm Schmidt, en professeur de botanique (il a donc des lunettes, qui sont supposées altérer son allure de jeune premier), joue assez bien l'embarras, et une scène "risquée" voit les deux amoureux se réfugier dans une auberge, où le jeune homme aura les plus grande difficultés à s'abstenir de venir frapper à la porte de la chambre de la jeune femme. 

La copie visionnée est incomplète, et en assez mauvais état: il est probable que le film a été même considéré comme perdu, il fait d'ailleurs partie d'une poignée de longs métrages de Lauritzen avec son duo vedette, qui n'ont pas été exploités à la télévision dans les années 70. Des six bobines initiales, il reste une version de 44 minutes, à la continuité parfois problématique: une sous-intrigue a probablement particellement disparu (un autre couple qui est recherché, et dont je pense que les deux "détectives" l'ont trouvé sans s'en rendre compte), et il y a des coupes flagrantes, les personnages quittant un hôtel dans un plan, pour se retrouver au matin dans un autre hôtel au plan suivant...

C'est un petit film, donc, moins accompli que bien d'autres, mais dont la loufoquerie, l'alchimie entre ses deux vedettes, le goût de Lauritzen et ses deux acteurs pour l'humour physique et les poursuites idiotes, et une scène absurde de déguisements, gardent un charme certain... Cette scène des déguisement sera partiellement reprise dans Filmens Helte en 1928, et le film Kys, Klap og Kommers de 1929, avec le duo, reprendra l'idée d'en faire de singuliers détectives. 

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Schenström & Madsen Lau Lauritzen Muet 1923
15 janvier 2025 3 15 /01 /janvier /2025 22:25

C'est l'été, au Danemark sur les bords de la Mer du Nord, et deux vagabonds (Fy et Bi, ou Doublepatte et Patachon) ont trouvé une combine intéressante pour se faire de l'argent: ils "photographient" les gens avec une boîte en carton vide, et se font payer les clichés en avance, avant de disparaître. Pour commencer, ils escroquent quelques jeunes femmes sur la plage, en prenant une série de "photos", mais finissent par ne pas avoir assez pour régler la note de restaurant... La patronne (Stina Berg) prend alors une décision inattendue: elle les sépare, et garde le plus petit (Harald Madsen) en otage, à charge pour l'autre (Carl Scenström) de revenir et de trouver de quoi payer la note. Mais quand il revient, il a la surprise de constater que son copain va bien, très bien même. On ne peut pas en dire autant de lui...

Pendant ce temps, dans le restaurant, deux drames se jouent: d'une part le comte local (Viggo Wiehe) a perdu il y a des années toute trace de son fils, or celui-ci a séjourné dans la même pension de famille que nos amis, et il y a laissé des traces... d'autre part la patronne emploie une jeune femme, Grethe (Grethe Rutz-Nissen, future Greta Nissen), qui est convoitée par deux jeunes sympathiques motards. Sympathiques? Disons que l'un (Gorm schmidt) est très bien, mais l'autre (Victor Montell)... il tente de forcer la main de la jeune femme, et le deux hommes se battent... 

 

Avec ce film, plutôt réussi, Lauritzen casse le moule de ses films, sans toutefois totalement déroger à ses traditions. Pour commencer, il sépare les deux héros, et c'est étonnant de voir que le film devient presque une aventure en solo pour le petit Harald Madsen, qui retenu en otage, devient carrément l'amant de la patronne du restaurant! Il va même prendre les choses en main, et régler l'histoire d'amour quand elle dérape à cause du jeune félon! Ce qui n'enlève rien au sel des mésaventures hilarantes du contorsionniste de génie qu'était Schenström: il essaie de "prendre en photo" un boucher pendant qu'il dévalise sa camionnette, et quand celui-ci s'en aperçoit, il voit rouge: le plan durant lequel le vagabond se fait rouer de coups a été chorégraphié avec génie... Et plus tard, réduit à trouver les pires moyens de subsistance, il se retrouve à interpréter le chaînon manquant dans un cirque... Il est très convaincant.... dans une scène particulièrement raciste, n'ayons pas peur des mots!

Lauritzen fait comme il le faisait d'habitude pour ces premières comédies du duo vedette: tournage en été, le plus près possible de la mer, avec une prédilection pour les séquences en plein soleil. Parmi ses passages obligés, il se livre à l'inévitable débauche de jeunes femmes en maillot de bain, et à une poursuite entre les deux rivaux, en moto cette fois. Il se dégage de toute façon de ces films particulièrement bien éclairés et très soignés, une impression de bonheur inattendue pour un habitué du cinéma Danois des origines! Et Lauritzen se laisse volontiers aller à donner à la future Greta Nissen une séquence "petite sirène" d'une coquinerie très assumée, l'ayant déshabillée allègrement, ce que ses films Hollywoodiens ne se permettront pas.

Pour finir, il existe deux copies du film à peu près complètes qui ont circulé sur internet, l'une sur le site du cinéma muet danois (https://www.stumfilm.dk/stumfilm/streaming/film/16073) et l'autre qui a été brièvement disponible sur la page Vimeo du DFI. Cette dernière est sonorisée, et possède un montage différent, ainsi que des séquences exclusives (près d'une bobine entière au début du film). Elle est aussi plus éclairée. Ce remontage, à en juger par le son, a du être fait dans les années 30 ou 40...

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Comédie Lau Lauritzen Schenström & Madsen Muet 1923
11 janvier 2025 6 11 /01 /janvier /2025 17:19

Un soir, les deux vagabonds Doublepatte (Carl Schenström) et Patachon (Harald Madsen) rencontrent dans une taverne un jeune homme, Per Hammer (Gorm Schmidt), qui boit pour essayer de se remettre d'un chagrin d'amour: sa fiancée est partie précipitamment, emmenée au loin par son père qui désapprouvait leur possible union... Mais après une soirée de beverie mémorable, les deux amis qui squattent un container sur le port de Comenhague, sont emportés jusqu'en montagne... Ils vont avoir la surprise de tomber, si j'ose dire, sur Ellen (Violet Molitor), la petite amie disparue, qui vient de s'enfuir de chez son père...

Ce film est réduit à moins d'une demi-heure, et on peut émettre l'hypothèse que cette demi-heure corresponde en fait à ce qui a été diffusé par la télévision Allemande, qui proposait dans les années 70 des programmes sonorisés de versions abrégées des comédies du duo. Cette abréviation a-t-elle été la cause de la perte de plus de la moitié des 1920 mètres du film, ou cette perte a-t-elle poussé les producteurs de l'émission à produire pour une fois une version intégrale en l'état d'un film de Lauritzen? Il ne m'appartient évidemment pas de répondre à cette interrogation probablement peu importante. Mais on déplore qu'un film comme celui-ci puisse avoir perdu une bonne part de son métrage, ce qui reste assez courant pour les films Danois de Doublepatte et Patachon du reste...

Ce qui manque? D'une part, je suis sûr qu'il y a eu suppression d'une bonne partie du flash-back déclenché lorsque Violet Molitor commence à raconter ses mésaventures avec son père. Et sinon, toute la résolution du drame: en l'état le film montre surtout l'essentiel des trente premières minutes! Et des séquences disjointes et assez illogiques qui lui servent de final.

C'est dommage, pour deux raisons: la première est que pour une fois, on n'a pas d'intrigue répétitive située en été, près de la mer, avec des hordes de jeunes femmes en maillot, ni le faciès peu ragoûtant d'Oscar Stribolt! Le film, qui est probablement une co-production avec la Suède (Violet Molitor est Suédoise) a été tourné en montagne, dans la neige, et il est splendide... La photo d'Hugo Fischer en particulier profite avec élégance des décors naturels. On se doute, au vu de ses méthodes de travail, que Lauritzen allait bientôt alterner les films d'été et les films d'hiver!

L'autre avantage, lié bien sûr, est que cette fois, contrairement à ce qui reste des films précédents, on voit bien que les deux acteurs stars ont été replacés au centre de l'intrigue, et... la neige les sert bien! L'un comme l'autre ne perdent pas une occasion de placer des gags physiques, parfaitement exécutés. Et lors de leur arrivée en montagne, les deux hommes ont même droit à une superbe scène de suspense dans une série de tunnels, avec un train à leur poursuite...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Lau Lauritzen Schenström & Madsen Muet 1923
11 novembre 2024 1 11 /11 /novembre /2024 17:24

Une petite localité tranquille, une nuit: à minuit, le sacristain reçoit un coup de téléphone, une voix de femme, puis on entend un coup de feu. Un homme d'affaires, Erland, a été tué. Une femme, l'actrice Mimi Brandt (Karina Bell), l'arme du crime à la main, s'accuse... Avec elle, le jeune comte Braa (Gorm Schmidt), son amant, s'accuse aussi... Le procureur Steen (Elith Reumert) a fort à faire pou dénouer l'intrigue, qui a commencé quelques temps plus tôt quand Erland a commencé à approcher Mimi pour lui parler d'un héritage dont elle serait bénéficiaire...

C'est un whodunit! Vous savez, ce film qui vous fait réfléchir longuement avant de vous révéler que c'est le jardonier qui a fait le coup! Généralement, c'est un exercice assez vain, mais les films peuvent aussi être réhaussés d'un peu de comédie ou d'atmosphère...

Pour le procureur comme pour nous, puisque les témoignages des deux seuls protagonistes qui apparemment savent quelque chose nous sont certes donnés, mais à chaque fois ils sont adroitement ciblés de manière, on le comprend très vite, à éviter d'en dire trop. La question inévitable, c'est bien sûr de deviner lequel des deux tourtereaux ment pour couvrir l'autre... Ce que comprend Steen assez rapidement.

Anders Sandberg savait tout faire et avait une bonne maîtrise de tous les genres... Dans un cadre raisonnable s'entend, et cette histoire sentimentalo-policière lui convient plutôt pas mal, avec ses arrières-goûts de mélodrame sentimental. Les ingrédients en sont tous cochés: le père conservateur du jeune homme, l'indignité de se montrer en public avec une actrice, le vieil homme d'affaires franchement libidineux... 

Ce n'est en aucun cas un film à message, juste un film de genre, bien fait et plutôt bien interprété, avec savoir-faire sinon brio, et avec quelques touches d'humour fournies par les domestiques, dont Mathilde Nielsen, qui tournera deux ans plus tard avec Dreyer dans Le maître du logis...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1923 A.W. Sandberg
30 avril 2024 2 30 /04 /avril /2024 09:47

Un propriétaire bourgeois a décidé de marier sa fille à un monsieur très comme il faut, de la bonne société danoise, mais sa fille éyant de son côté jeté son dévolu sur un peintre sans le sou, il y a un conflit en perspective... Lorsque le "monsieur" en question fait son apparition, les deux amoureux trouvent des idées pour gagner la confiance du père... Pendant que le monsieur de la ville se révèle être un séducteur de très bas niveau...

Quand Lau Lauritzen a commencé à travailler avec ses acteurs fétiches Carl Schenstrom et Harald Madsen, il a délaissé tout un pan de la comédie à la Danoise, dans lequel il s'illustrait auparavant: ce film d'un autre, metteur en scène de deux films sur la décennie uniquement, en reprend les contours, tout en faisant appel à Oscar Stribolt, un fidèle de Lauritzen, qu'on aperçoit aussi dans Häxan de Christensen... Une grande vedette de la comédie danoise à la rotondité impressionnante, Stribolt n'est pas ce qu'on pourrait appeler un acteur subtil. Le film n'est pas non plus très sophistiqué...

On y décèle des tendances qu'on retrouve dans les comédies de Lauritzen: diviser le monde entre les jeunes gens purs aux intentions probablement gentiment coquines, mais on leur pardonne (la première fois qu'on voit les amoureux, ils sont dans un pré, avec des habits blancs et sont en train de jouer avec des agneaux...), et d'autre part des gens aux intentions peu orthodoxes, comme ce bourgeois tellement laid et emprunté, qui devient carrément libidineux dès qu'il aperçoit la bonne... Mais quand Lauritzen utilise ces ficelles dans ses films des années 20, il n'en fait pas forcément l'argument prinipal, puisqu'il a ses deux acteurs fétiches pour capter l'attention...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1923
20 septembre 2023 3 20 /09 /septembre /2023 18:08

A la cour d'Espagne, Dom César de Bazan (Antonio Moreno) est un noble dont la fortune a subi de sérieux revers... Lors d'un dîner accordé à la cour par le roi Philippe (Wallace Beery), César tombe amoureux d'une gitane... mais il se fait aussi voler tout l'argent qui lui reste et ne peut empêcher une saisie. Mais la belle gitane, Maritana (Pola Negri), lui ramène (un peu tard) son bien. Elle a aussi tapé dans l'oeil d'un certain nombre de personnages, donc le roi, un sacré coquin... César et Maritana sont partis pour de picaresques aventures au milieu d'intrigues de cours toutes plus rocambolesques les unes que les autres...

Quand Ernst Lubitsch et sa complice Pola Negri sont arrivés aux Etats-Unis, en 1923, suite au succès de leurs films Allemands communs, ils se sont tous deux lancés dans une adaptation de la pièce de théâtre Dom César de Bazan, d'Ennery et Dumanoir. Mais c'étaient deux films différents: l'un, celui-ci, était une spectaculaire production Paramount qui s'intéressait à tous les aspects fastueux du grand spectacle simili-historique, l'autre, Rosita, était une production United Artists de Mary Pickford, mise en scène par Lubitsch, et qui occasionnera (à tort) des regrets à l'actrice. Celle-ci regrettera d'avoir tourné un film trop intime, situé dans le cadre d'une histoire d'amour entre un prince et une danseuse...

Ici, c'est en effet le faste qui domine, mais on a le sentiment que Brenon cherche par tous les moyens à donner au public ce qu'il veut... Et globalement y parvient. Sans jamais trop se prendre au sérieux (et la pièce originale d'ailleurs, démarquage de Ruy Blas comme le serait La Folie des Grandeurs de Gérard Oury, n'était pas à proprement parler une tragédie), le film accumule les coups de théâtre à loisir... Negri est excellente, énergique et mutine mais parfois aussi tentée par le drame. Moreno sait parfaitement ne pas se prendre trop au sérieux et est engageant en héros à l'épée chatouilleuse. La photo est signée du grand James Wong Howe (qui signait encore seulement "Howe"), ce qui est un gage de beauté... La réalisation n'est pas notable par des scènes mémorables, mais Brenon fait bien son travail. Il y a uand même des séquences de foule... que Lubitsch aurait probablement adoré tourner...

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Herbert Brenon Muet 1923 **
11 août 2023 5 11 /08 /août /2023 14:32

Paris (?)... Un homme (Eugen Klöpfer), abattu par la routine, est effondré dans un canapé, pendant que sa femme (Lucie Höfflich) s'active aux tâches ménagères dans leur intérieur exigu. Au plafond, tout à coup, des ombres fantastiques, projections de la vie de la rue, se font insistantes et l'homme ne résiste pas à l'appel du dehors... 

Un aveugle (Max Schreck) vit avec son petit-fils dans la misère. Quand l'aveugle sort, son petit-fils lui donne tout ce dont il a besoin (son chapeau, sa veste, sa canne) puis l'accompagne dehors. Il le guide...

Le premier rencontrera une prostituée, et des ennuis à n'en plus finir. L'autre, avec son petit-fils, verra sa vie basculer quand un incident le fera lâcher la main du petit... 

C'est un de ces films expérimentaux de l'avant-garde la plus remuante des années 20, celle du cinéma Allemand. L'idée de Grune était d'utiliser le cinéma pour représenter une nuit, à travers les déambulations nocturne d'un certain nombre de personnages. En une bobine, le film nous a présenté des types plus que des personnages, et rpose sur un certain nombre de clichés établis du cinéma, la grande ville/la rue comme tentatrice, fournissant plus de désir et d'ennui que de plaisir; les types dont il est question (bourgeois, prostituée, vieillard, etc) se comportent comme il est attendu d'eux dans le cadre d'une seule nuit, et l'histoire est contée avec un minimum d'intertitres (et non sans un seul intertitre comme il est souvent mentionné à propos du film, ainsi que de Der letzte Mann.

Le cadre est assez réaliste, dans l'ensemble, on est loin de l'expressionnisme de Caligari... Parmi les protagonistes, on reconnaîtra des habitués des films des grands noms de l'écran Allemand: Aud Egede-Nissen, qui passait de Reinert à Lang et de Lubitsch à Murnau; Max Schreck, le Nosferatu et un des conspirateurs des Finances du grand duc de Murnau; et enfin, Eugen Klöpfer est apparu dans l'un des rôles principaux de Terre qui flambe de Murnau.

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet 1923 ** ...Jusqu'à l'aube
29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 18:00

Un chiot qui est tombé d'un traineau, dans le Grand Nord Canadien, est secouru par une meute de loups... Des années plus tard il devient ami avec un trappeur, Gabriel Dupré (Walter McGrail). La petite amie de celui-ci (Claire Adams) est courtsée par un sale type, (Pat Hartigan) qui tente de se débarrasser de Gabriel...

C'est le troisième film de la franchise qui a sauvé la jeune compagnie des frères Warner alors qu'ils se lançaient dans une jungle de studios devenue plus agressive que jamais à l'orée des années 20... Il fait partie de la poignée de films qui ont survécu, et s'il ne s'agit pas à proprement parler d'un film qui changera notre vie, la réalisation du déjà vétéran Chester Franklin, et l'interprétation d'acteurs rompus au mélodrame de série, sont tout à fait adéquats.

Et le film participe d'une mode assez importante à l'époque (The trap, Back to God's country...) de films situés dans les forêts immense, et les zones sauvages du Nord Canadien. Il fait usage avec goût de décors naturels (probablement le Nord de la Californie) mélangés à des décors de studio... Il y a beaucoup d'énergie, et bien sûr le clou du spectacle est la prestation du chien Rin-tin-tin, qui sera accusé de tous les maux (il est un chien-loup, ici), considéré par les uns comme un valeureux ami de l'homme et par les autres comme un empêcheur d'escroquer et de séduire en rond...

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Muet Chester Franklin 1923 Arf! **