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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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22 mars 2025 6 22 /03 /mars /2025 11:42

Curiosité parmi les curiosités, Life est une énigme. C'est donc un film inachevé de Chaplin, dont certains commentateurs ont douté qu'il ai jamais existé, mais dont on est à peu près sur qu'il a bien été entamé. Quand on sait à quel point Chaplin pouvait contrôler, jusqu'à ses derniers jours, le devenir de chacune des images dont il possédait les droits, il est étonnant de savoir qu'on dispose d'une bonne portion de ce film, d'autant qu'il n'a jamais été achevé... Mais voilà: Life a été commencé en octobre 1915, dans le cadre de son contrat avec Essanay, et Chaplin n'en possédait pas les droits. de toute façon, le film n'est que virtuel: essayons d'y voir un peu plus clair. Nous sommes face à plusieurs objets filmiques qui sont autant de pièces de ce puzzle:

Police

Chaplin est libéré de prison, et commence l'habituelle recherche: manger, un endroit pour dormir. Il rencontre, après avoir tenté de s'installer dans un asile de nuit, un ancien compagnon de cellule (Wesley Ruggles), avec lequel il va se lancer dans un cambriolage. C'est un désastre, et à l'arrivée de la police, La jeune fille de la maison, jouée par Edna Purviance, va disculper le vagabond, qui va pouvoir continuer son errance...

Le film est un bon court métrage de deux bobines, enlevées, avec des figures qui sont troublantes: le choix entre réforme et débrouillardise, entre honnêteté et vol... Et il y a une scène troublante dans un asile de nuit, un endroit qui sera toujours pour Chaplin un lieu intéressant pour ses tragi-comédies...

Triple Trouble

Quelques années après, en 1918 très précisément, l'Essanay sortait Triple trouble; il s'agissait d'un ensemble de chutes de films, assemblées de façon supposée cohérente et complétées avec de nouvelles scènes réalisées par Leo White. Le plus intéressant dans ce film incompréhensible, c'est bien sûr que les chutes soient tirées des tournages de Police, et de Life. Mais s'agit-il vraiment de deux films différents?

A voir Police et Triple trouble à la suite, on est frappé par les ressemblances de certaines scènes, et l'incohérence qui se dégage de leur juxtaposition: les deux films contiennent de façon évidente les fragments d'un troisième, qui ne peut être assimilé ni à Police, ni à Triple trouble, un salmigondis sans queue ni tête dans lequel Leo White a inséré des passages répétitifs et anti-Germaniques, et une intrigue débile dans laquelle Chaplin n'a d'ailleurs rien à faire, et quelques plans tirés de Work.

Mais l'essentiel  de ce nouveau film est composé d'images qui sont soit des doublons de séquences de Police (la rencontre entre Chaplin et son copain de cellule), soit des prolongements (La séquence de l'asile de nuit, ici longuement développée). Mais c'est quand même une énigme, d'autant que le montage chamboule tout; un personnage de l'asile de nuit porte le même maquillage et les mêmes vêtements que Wesley Ruggles qui joue l'escroc avec lequel Chaplin se rend à un cambriolage (Dans les deux films, même s'il ne s'agit pas du même cambriolage!); à un moment, l'homme de l'asile de nuit poursuit Chaplin, qui s'enfuit de l'asile, se retrouve dehors, et se trouve nez à nez avec le même homme, ou du moins son sosie, avec lequel il pactise désormais: ça ne marche pas...

Voilà, tout porte à croire que Chaplin s'est bien lancé dans la confection d'un film qui aurait été son premier long métrage, qui aurait mélangé les aventures de son héros vagabond dans la ville, et l'aurait vu d'abord sortir de prison, lutter pour sa survie, s'installer dans un asile de nuit, ou une longue scène de Triple Trouble se situe en effet, puis sans doute rencontrer un escroc... après, les paris sont ouverts: deux cambriolages, chacun avec une Edna Purviance différente... N'oublions pas que Chaplin aimait à faire, défaire, écrivait ses scénarios avec la caméra, et qu'il a sans doute ravalé ses ambitions devant le peu de soutien manifesté par l'Essanay. Auquel cas Police est sans doute la version "acceptable" de Life concédée par Chaplin à ses patrons, qui lui permettait de faire passer certaines scènes. Le fait qu'il s'agisse d'une concession expliquerait que le très intransigeant Chaplin s'en soit désintéressé aussi facilement. Pour finir, Chaplin a fini par reconnaître Police, et même Triple Trouble, dont il est vrai qu'il recèle une longue scène totalement intacte de ce qui a du être un film que Chaplin aurait aimé pouvoir finir...

Post-scriptum:

une reconstitution du film (Sous le titre POLICE, EXTENDED EDITION) a eu lieu, elle a été disponible un temps sur DVD, et les reconstructeurs sont partis de l'hypothèse que le film était à peu près achevé, et ont agencé les séquences de la façon suivante: 

Chaplin sort de prison, tente quelques rapines pour manger, essaie d'entrer dans l'asile de nuit, mais en est expulsé.(Police)

Le lendemain, il trouve un travail, et devient assistant cuisinier dans un manoir, dont la bonne à tout faire est Edna. ils flirtent, mais il est vite licencié. Avec l'argent, il a au moins de quoi entrer dans l'asile. Là, il  déclenche une bagarre, et doit sortir précipitamment.

(Triple trouble)

Du coup, seul dans la nuit, il se retrouve face à son "ami" qui lui propose un cambriolage. il accepte, et participe au casse. Il y revoit Edna, qui ne le dénonce pas lorsque la police intervient, et il part sur la route, seul...

(Police)

Voilà, c'est vrai que ça tient assez bien la route, reste le cas des deux escrocs habillés pareillement, qui pose toujours ce problème de continuité. En tout cas, le film ainsi arrangé est proche de 40 minutes...

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet ** 1916
22 mars 2025 6 22 /03 /mars /2025 11:26

Un prisonnier (Chaplin, identifié uniquement par son matricule) est libéré de prison, et commence l'habituelle recherche: manger, un endroit pour dormir. Il rencontre, après avoir tenté de s'installer dans un asile de nuit, un ancien compagnon de cellule (Wesley Ruggles), avec lequel il va se lancer dans un cambriolage. C'est un désastre, et à l'arrivée de la police, La jeune fille de la maison, jouée par Edna Purviance, va disculper le vagabond, qui va pouvoir continuer son errance...

Le film est plaisant, avec de bons, voire très bons moments: les cinq premières minutes sont un mélange intéressant du style habituel de Chaplin, qui va droit au but, et d'une atmosphère urbaine réaliste. Chaplin s'y paie la fiole des "réformateurs", ces gens plus ou moins religieux qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas (ce n'est que la première fois qu'il le fait, mais il y reviendra...); le passage trop court dans l'asile de nuit est frustrant (surtout quand on sait qu'il provient certainement du film inachevé Life qui lui tenait à coeur mais que la compagnie essanay avait refusé de cautionner): on se rappelle l'obsession de Chaplin pour ce lieu si Dickensien, qui lui permettra toujours de livrer des raccourcis cinglants sur l'état des finances de ses personnages (Il retentera le coup dans le film inachevé The Professor en 1918, mais surtout il nous montrera le lieu de façon magistrale dans The Kid).

Sinon, le cambriolage donne lieu à deux scènes visuellement très travaillées d'une part (une séance de pantomime en ombre chinoise, et l'arrivée menaçante d'un policeman, dont la silhouette se découpe lentement dans le chambranle d'une porte, l'étoile apparaissant la première), et à des gags indignes d'autre part (Chaplin se fait tirer des coups de feu dans le derrière de façon répétée, et saute en l'air à chaque fois, il tourne ensuite autour d'une table en se massant l'arrière train, tout en piquant une bouteille de vin au passage... Il parodie aussi le style des mélodrames de Griffith, montrant ici Edna Purviance qui, entendant les cambrioleurs dans la maison, téléphone à la police pour qu'on vienne la secourir, 

Le film n'a pas été monté par Chaplin, mais laissé derrière lui au moment de son passage à la Mutual. Alors qu'il aurait du être occupé à monter ce film, Chaplin était en plein tournage de A burlesque on Carmen, un film dont on ne peut pas dire qu'il bouleverse quoi que que ce soit, et qui sera son dernier film pour l'Essanay: manifestement, il était pressé de partir et d'en finir avec ce contrat. 

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet
17 mars 2025 1 17 /03 /mars /2025 15:39

Réalisé avec l'aide de la police de Munich, ce documentaire participe d'un essor du genre dans les années 20, en Allemagne: sous diverses formes, des documentaires attiraient les foules, tout en propsant une utilisation du cinéma nouvelle, excitante et souvent inattendue.

Ce film n'est pour autant pas à assimiler aux Kultürfilme (Kraft und Schönheit est le premier exemple qui me vient à l'esprit), dans lesquels on tentait d'épuiser un sujet de façon rigoureuse, méthodique... et un rien ronronnante! Il n'est pas non plus un de ces films d'avant-garde qui pulluleront à la fin des années 20, comme bien sûr le très célèbre Berlin, symphonie d'une grande ville, de Walter Ruttman (1927): non, plus simplement, il s'agit de montrer de quelle façon les rues allemandes peuvent se muer en autant d'endroits dangereux, en adoptant une approche documentaire légèrement modifiée avec un recours à des acteurs qui interprètent le rôle de passants, de passagers des transports, dans un décalage parfois légèrement farfelu, mais aussi parfois le film rappelle les accidents tragiques... 

Et sinon, le film glisse vers le baroque en tâchant de montrer la différence entre un bon et un mauvais mendiant...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1924 *
16 mars 2025 7 16 /03 /mars /2025 14:40

L'étudiant de Prague a déjà fait l'objet d'une adaptation par son scénariste Hanns Heinz Ewers en 1913, avec la collaboration de Stellan Rye. Le rôle principal, celui de l'étudiant épéiste Balduin, était tenu par Paul Wegener, qui était, déjà, trop vieux pour le rôle... C'est aussi le cas de Conrad Veidt mais ça se voit moins!

En automne, un groupe d'étudiants en goguette s'arrêtent à une tavrne pour y boire et prendre du bon temps. Balduin l'étudiant est amené à secourir la fille d'un noble local, la belle Margit, dont le cheval s'est emballé lors d'une partie de chasse. Balduin est hanté par le souvenir de la jeune femme, et délaisse sa petite amie Lyduschka. Prenant conscience de sa classe sociale, il passe un contrat surnaturel avec le prêteur sur gages Scapinelli (Werner Krauss), qui lui confère richesse et gloire. Il peut désormais essayer de séduire la belle Margit...

Nouvelle variation sur le thème du double et du contrat maléfique, le film est sorti la même année que Faust... Sous la direction de Galeen, il se pare d'un souffle impressionnant, et d'une richesse que ne possédait pas celui de 1913, tout en lourdeurs assez poussiéreuses... Un remake ne s'imposait peut-être pas, mais de toute façon, ce nouvel Etudiant de prague est bien un tout autre film, plus accessible en 1926 aux spectateurs du monde entier, clairement. 

Galeen poursuit ainsi un travail de réappropriation des mythes (Germaniques ou non, puisqu'il a collaboré au film Nosferatu, après tout) en s'appropriant différemment des habitudes de l'écran allemand, l'héritage de la tentation d'un cinéma expressionniste, sempiternel sujet de débat autour des oeuvres cinématographiques de Weimar..; Il y utilise bien des aspects du style (les décors marqués d'Hermann Warm, et bien sûr les deux acteurs les plus marquants de Caligari, ce n'est pas rien) mais son film est empreint d'une vraie fraîcheur: et le jeu de Veidt en particulier y est moins chargé qu'à l'accoutumée. Et Krauss est méconnaissable!

Galeen, et Ewers qui a collaboré au scénario, placent le film dans un souffle spectaculaire, en développant l'intrigue sur deux heures, aussi, évitant les lourdeurs de l'oeuvre initiale. La scène la plus emblématique, durant laquelle Scapinelli opère un échange entre Balduin et son double à travers un miroir, est sans doute la plus traditionnelle, sous l'influence inévitable des habitudes du cinéma allemand d'avant... Mais la magnifique scène de l'entrevue nocturne entre Balduin et Margit, qui fait intervenir les quatre principaux personnages, est superbement pensée, avec l'utilisation inquiétante de l'immense ombre de Krauss...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Henrik Galeen Conrad Veidt 1926 *
15 mars 2025 6 15 /03 /mars /2025 08:29

Henrik Galeen, c'est bien sûr d'abord et avant tout le scénariste de Nosferatu, film unique en son genre, et incursion inattendue, pour une adaptation (même oficieuse) d'un roman Gothique anglophone, au pays de l'occulte... à l'Allemande! Mais il est aussi un réalisateur, de huit films en Allemagne entre 1915 et 1933. Celui-ci est l'un des plus célèbres... C'est auss une sortie tardive d'une oeuvre fantastique sur l'écran allemand, à une époque où la cinématographie nationale se tournait vers des études psychologiques et des drames sociaux... Galeen, sans aller jusqu'à verser dans l'occultisme comme Albin Grau, le coproducteur de Nosferatu, avait en effet une passion pour la tradition du fantastisque, et ce n'est pas un hasard si sa première réalisation était justement la première version du Golem avec Paul Wegener...

Celui-ci interprète le professeur Jakob ten Brinken, un scientifique notable obsédé par un projet délirant: il croit en le pouvoir fantastique des mandragores, cette plante mythique qui pousse au pied des gibets, et dont la présence vient de la semence éparpillée par les condamnés lorsqu'on leur met la corde au cou! Il souhaite créer un enfant, en utilisant une mandragore pour imprégner une prostituée, et voir comment évoluera l'enfant...

Le résultat de cette expérience sera une fille (Brigitte Helm): Alraune (l'allemand pour mandragore) va grandir dans un pensionnat, où elle sera très vite remarquée pour son indiscipline et ses audaces, capable de corrompre tout un dortoir d'un rien... Punie, elle s'enfuit, trouve du travail dans un cirque où elle corrompt tous les hommes qu'elle est amenée à rencontrer... Le professeur ten Brinken la retrouve et décide de la récupérer. Mais les ennuis ne sont pas finis: alors que la jeune femme s'installe dans le luxe de sa relation filiale avec le vieux professeur, ce dernier est de plus en plus persuadé de l'incapacité de sa création à échapper à sa nature fondamentalement maléfique, mais en prime il tombe fou amoureux d'elle...

Le film est intéressant sur de nombreux points, l'un d'entre eux étant cette capacité qu'a eu Galeen d'adapter le fantastique de son film à la nouvelle donne du cinéma Allemand: fini l'arrière-plan expressioniste, dont les derniers feux étaient visibles encore l'année précédente dans Metropolis et Faust. Ce film de dix confortables bobines s'inscrit dans l'élégance du cinéma moderne Européen, et son fantastique ne repose en rien sur les délires chargés d'une imagerie fascinante, mais dont il fallait bien un jour s'échapper. Il a beau être fort long, il en ressort une certaine légèreté... Et de conte fantastique, Alraune deviendrait presque un mélodrame, ou un drame de moeurs, qui aurait pu être réalisé par un Richard Oswald (qui justement en era un remake parlant quelques années après, avec Brigitte Helm), ou A.W. Sandberg. Les décors du cinéma de l'époque sont tous présents, de tables de jeu surpeuplées de bourgeois en habit, aux vastes demeures dont les appartements recréés en studio soulignent l'opulence et la vacuité d'un monde corrompu.

Car le film n'oublie jamais le rôle assigné à son personnage principal, et on comprend que Brigitte Helm a été engagée pour reprendre un rôle à la façon de sa première incursion dans le cinéma, quand elle a joué non pas Maria de Metropolis, mais son double maléfique: la gestuelle de l'actrice, sinueuse, angulaire, nous renvoie en effet aux agissements troubles de celle qu'un savant fou avait créée pour fondre sur le monde et y engendrer le chaos. Rotwang avait un but, celui de se venger... Pas ten Brinken, si ce n'est celui d'engendrer une découverte scientifique (au but bien nébuleux) qui puisse donner du sens ) son obsession d'un vie... Bref: du vide. Car le film, derrière son personnage qui découvre (en lisant les notes de son "créateur") les circonstances de sa naissance, elle comprend qu'elle est condamnée au mal, et décide... de l'assumer pleinement. Car elle pense qu'il n'y a pas d'issue pour elle: reprochant au monde d'avoir été créée maléfique, elle s'adonne au mal pour se venger! Jusqu'à ce qu'un retournement de situation révèle qu'après tout, il y a bien un responsable de sa nature...

Il y a, sans doute, des ponts entre cette histoire basée sur un roman de Hanns Heinz Ewers, et le Lulu de Wedekind, donc entre la Mandragore de Brigitte Helm et Die Büchse der Pandora de Pabst avec Louise Brooks... Comment ne pas y penser, quand l'amant de la jeune femme se donne la mort dans les coulisses d'un cirque, ou quand Wegener poursuit sa "fille" dans leur maison, un couteau à la main, partagé entre le délire érotique et l'instinct de meurtre? Et les deux films sont construits intégralement sur l'extraordinaire interprétation d'une actrice, qui crève l'écran pour l'une comme pour l'autre... Mais à la lecture sociale de Pabst, Galeen oppose une lecture fantastique, presque ludique... C'est plus léger, en effet. Il est clair qu'il y a moins de portée... Mais c'est aussi très distrayant!

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Brigitte Helm Henrik Galeen 1927 *
12 mars 2025 3 12 /03 /mars /2025 17:38

Les films muets de Yasujiro Ozu sont un ensemble fascinant de cohérence, bien qu'il ait tourné à cette époque comédies, chroniques familiales, films de gangsters, chroniques sociales, drames... chacun de ces genres, pourtant le montre qui sait prendre son temps, avec déjà cet art pour trouver l'angle juste, la position de caméra idéale, et pour laisser le temps au geste de s'accomplir. Il savait mieux que beaucoup capter une ambiance, une certaine mélancolie sous-jacente, et ces films réalisés par un japonais très amateur du cinéma occidental sont aujourd'hui encore marqués par une certaine perfection.

Celui-ci a un handicap certain, puisque deux bobines ont été perdues, et ce sont la première et la dernière... Pourtant, pas de gène excessive une fois qu'on a accepté le fait qu'on ne verra pas le film en son entier, on peut au moins en apprécier les contours du drame.

Deux jeunes garçons perdent leur père, et ils font corps avec leur mère, jusqu'à ce que l'aîné Sadao (Den Obinata) apprenne ce que le public sait déjà: il est le fils d'un premier mariage. A partir de là, il va se sentir exclu, parfois trahi par les efforts de sa mère (Mitsuko Yushikawa) pour le traiter avec égalité. En réalité, il va aussi de lui-même tendre à se sacrifier afin de permettre à sa famille de joindre les deux bouts...

La situation de Sadao, le fils exemplaire, est cruelle, et on voit le glissement au fur et à mesure de la progression; la complicité imposante entre les deux jeunes hommes se change insidieusement en un fossé, de par la défiance de Sadao. Le film étant tourné du point de vue de ce dernier, on sent que la situation échappe à la mère, d'autant que ses efforts n'ont pas été appréciés à leur juste valeur. le film tel qu'on peut le voir aujourd'hui se termine sur une confrontation clé, qui donne lieu à une résolution satisfaisante pour tous... qui est contenue dans un intertitre. bien sur on peut toujours râler que le film n'ait pas été conservé, mais bon: on en dispose au moins de l'essentiel, et c'est un grand film d'Ozu.

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Published by François Massarelli - dans 1934 Muet Yasujiro Ozu *
11 mars 2025 2 11 /03 /mars /2025 09:34

L'année 1924 a été très importante dans la carrière de Lau Lauritzen, Carl Schenstrom et Harald Madsen, puisque d'une part ils ont sorti un grand nombre de films, mais aussi le succès est devenu très important: ils s'exportaient: une allusion à leurs personnages est visible dans une scène du Dernier des hommes de Murnau, qui a d'ailleurs provoqué qu'on en crédite assez souvent les deux acteurs, ce qui est faux.

Pour autant, Lauritzen s'entenait à une formule, un certain nombre d'ingrédients, de l'huile de coude, un paquet de clichés, facilités et automatismes, et surtout l'énergie de ses deux compères... Et aussi un titre: comme tous ceux qui ont précédé, ce film est intitulé avec trois mots qui ont la même initiale, ce qui provoque d'ailleurs une incohérence. Car si Professor Petersens Plejebørn veut bien dire L'enfant adoptif du Pr Petersen, ça ne colle pas car il n'y a pas de Professeur Petersen. Il y a bien un professeur, mais il s'appelle Wolmer... Et sinon Mademoiselle Petersen est sa gouvernante. En anglais, le film s'intitulait The smugglers (Les Contrebandiers), donnant de l'importance au début et à la fin du film; et en français, sans aucune explication pour ma part, le titre était Dans un rêve. En Allemand, enfin, le titre est étrange mais se justifie: Der Kampf mit der Drachen, c'est Le combat avec le dragon, et... il y en a un.

Pour commencer, donc, le Professeur Wolmer (Svend Melsing), un passionné de nature et des animaux, se rend sur une île pour y observer les oiseaux, mais ils tombe entre les mains de contrebandiers. Deux d'entre eux (lesinévitables Doublepatte et Patachon) l'aident à fuir et pour leur prouver sa reconnaissance il les engage comme domestiques... Ils vont être confrontés à la rigidité de la gouvernante, Mademoiselle Petersen (Maria Garland). Quand Wolmer reçoit une lettre d'un ami qui lui annonce la venue de sa fille pour une période indéterminée, le professeur et Mademoiselle Petersen s'imaginent accueillir une enfant, mais Anita (Lili Lani) est une jeune femme, et Wolmer tombe sous le charme, ce qui n'arrange pas les affaires et les aspirations de sa gouvernante...

C'est évidemment loufique et sans temps morts. Les deux acteurs sont beaucoup plus sollicités que d'habitude, et leur tandem fonctionne magnifiquement, sans parler de séquences de pur slapstick, surtout sur l'île aux contrebandiers... Une bagarre générale en particulier semble réjouir particulièrement les acteurs eux-mêmes! Le reste, plus policé, se voit sans déplaisir grâce à la dynamique négative amenée par Maria Garland, qui contraste fort bien avec le style décontracté des deux vagabonds. Svend Melsing et Lili Lani sont parfaitement fonctionnels en inévitables tourtereaux... Une fois de plus, c'est un gentil foutoir, mais on s'en contentera agréablement.

 

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Published by François Massarelli - dans Lau Lauritzen Schenström & Madsen Muet 1924
7 mars 2025 5 07 /03 /mars /2025 23:48

Ce film qui m'était jusqu'à il y a quelques jours totalement inconnu pourrait en quelque sorte être considéré comme une version raccourcie de A night out, le deuxième film Essanay (donc la période 1915-1916) de l'acteur-réalisateur... Il se trouve qu'il possède malgré tout deux petites particularités qui en font un film à part, malgré tout:

d'une part, le film commence par un petit film qui a été tourné lors d'une probable sortie publique de l'acteur, en tournée promotionnelle. Comme il le faisait j'imagine assez ouvent, il se retrouve à improviser (en costume, et avec moustache, s'il vous plaît) un sketch avec un orchestre de rue, les dirigeant avec entrain, pour ne pas dire excès! 

d'autre part, les extraits de A night out sont pour la plupart des prises alternatives de plans du film. Certains ont probablement été également insérés, en plus des séquences habituelles, dans le film officiel, résulant en certaines copies qui étaient considérablement alourdies par ces redites...

Quoi qu'il en soit, ce fragment accessoire de l'oeuvre de Chaplin, aussi rare soit-il, est totalement apocryphe, et n'apporte pas grand chose à un corpus déjà imposant, et qui n'a décidément pas besoin de lui pour être fascinant...

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet
6 mars 2025 4 06 /03 /mars /2025 22:25

Avec ses égarements, ses redondances et son slapstick largement improvisé, A night out est un film mineur dans la carrière de Chaplin, qui se cherchait donc encore après la réussite de His new job. Ici il  semble adapter les formules de Mack Sennett à sa rigueur en matière de décor, telle qu'il l'a expérimentée notamment sur Dough and dynamite (1914): ainsi, le film se déroule-t-il dans des lieux indentifiables, et filmés systématiquement sous le même angle. Mais le problème est ailleurs: il s'agit, une fois de plus, d'une histoire de beuverie, partagée entre Chaplin et son complice Ben Turpin, dont on dira simplement que si l'argument rappelle The rounders, tourné avec Arbuckle pour la Keystone, Turpin n'est pas Arbuckle. Et l'histoire, si l'on peut dire, est tout sauf claire...

Mais peu importe: d'une part, ce film qui a beaucoup souffert des outrages du temps n'est sans doute qu'une étape pour Chaplin, qui va faire beaucoup mieux bientôt; de plus, il a trouvé une actrice intéressante, en la personne de la jeune Edna Purviance qu'il se plait à filmer ici, et dont on sait qu'elle va rester très longtemps. Outre Turpin, qui ne restera pas longtemps à ses cotés, il a trouvé un méchant intéressant en la personne de Bud Jamieson, qui préfigure, en moins spectaculaire, le formidable Eric Campbell, qui sera l'ennemi de Chaplin à la Mutual. Sinon, Leo White continue à camper les comtes barbus et vaguement ridicules, on le reverra souvent.

Reste donc un film qui ressemble beaucoup à un exercice dans lequel l'auteur se cherche ouvertement, et qui le pousse à se répéter, et tenter ça et là une nouvelle approche, un peu au hasard. On se doute qu'il devait à cette époque combiner une approche de scénario, peut-être même écrit, avec déjà une tendance à l'improvisation, probablement facilitée par le recours à des gags souvent un peu faciles... Bref: le génie se cherchait encore.

 

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Published by François Massarelli - dans Charles Chaplin Muet
2 mars 2025 7 02 /03 /mars /2025 17:19

C'est le samedi matin, et dans trois maisons, la matinée n'est pas la même... Le petit Waldemar (Jack Davis) se fait réveiller par un petit déjeuner servi au lit par des domestiques, sous l'oeil maussade d'une mère distante... Mickey (Mickey Daniels) aimerait bien prolonger sa grasse matinée, mais il a l'obligation de travailler son violoncelle, ce qu'il a en horreur. Enfin, Sorghum (Ernest Morrison) se réveille dans sa maison, et s'occupe d'une impressionnante ménagerie. Mais les trois gamins, et leurs éventuels frères et soeurs, ont hâte de se retrouver pour jouer un peu et profiter de la matinée ensemble...

C'est un court métrage exemplaire: après quelques tatonnements (et une tendance à remplir avec des gags d'animaux, ce qui était du plus mauvais effets), les films de la série ont enfin trouvé leur ton. Les personnages, à la fois toujours différents, et toujours les mêmes, sont affirmés, et chaque jeune acteur a une bonne notion de ce qu'il ou elle doit faire... Et leur alchimie est réelle, visible et enrichissante.

Et décidément, même si on tiquera devant la vision d'un intérieur Afroaméricain supposé typique, cette idée de présenter les trois familles, les riches, les pauvres, les blancs ou les noirs, vivre leur jeunesse ensemble, est emballante. D'ailleurs, si Ernest Morrison, jeune acteur noir, est représenté vivant dans une demeure miteuse, après tout les clichés et stéréotypes ne manquent pas non plus pour le jeune Waldemar, qui représente le gosse de riche dans toute sa splendeur! 

Au passage, l'une des domestiques qui lui sevent le petit déjeuner n'est autre que Katherine Grant, dont Charley Chase fera souvent sa leading lady...

 

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Published by François Massarelli - dans Hal Roach Muet