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  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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27 août 2023 7 27 /08 /août /2023 08:24

Mae Doyle (Barbara Stanwyck) revient à Monterey après avoir un à un brisé ses rêves de vivre à New York: elle a vécu l'amour avec un homme, mais il était marié à une autre, elle a épuisé toutes ses chances. Elle s'installe chez son frère Joe (Keith Andes), en dépit de la réticence de ce dernier, et sympathise avec sa petite amie Peggy (Marilyn Monroe); elle commence à fréquenter Jerry D'Amato (Paul Douglas), un patron de pêche local qui lui propose le mariage: c'est un homme bon, équilibrié, mais d'un manque cruel de sophistication... Elle fait aussi la connaissance d'Earl (Robert Ryan), un projectionniste, dont les idées arrêtées sur les femmes l'irritent...

Le film commence par présenter des vues documentaires du port de Monterey à l'heure àù la flotille de pêche rentre... Les oiseaux, les phoques, tous sont tout à coup motivés, attirés irrésistiblement par les bateaux qui reviennent, remplis de poisson...

Le titre français, "le démon s'éveille la nuit", est probablement un rien en dehors du coup mais a au moins l'avantage de montrer un aspect essentiel du film: la nature humaine, dans laquelle semble en effet couver un démon, des passions, et de nombreuses possibilités de drame et de violence. Le retour de Mae Doyle au pays va bouleverser les choses, et un ordre naturel fragile va s'en trouver fragilisé sur la zone portuaire de Monterey...

En rentrant au pays, Mae doit savoir qu'il lui faudra trouver un appui, mais elle a pris goût à un autre type de vie, et ses choix sont, finalement, restreints... Deux hommes sont ouvertement attirés par elle: Paul Douglas joue avec la sobriété tranquille qui le caractérise Jerry, l'homme simple, bon, mais rangé; il n'a pas un gramme de prétention, mais pas de sophistication non plus, et ses habitudes sont pour elle d'un ennui... Mais il est plus "sûr" que le sera jamais l'autre prétendant, interprété par Robert Ryan, qui est marié à une chanteuse, toujours partie en tournée... Mais s'il est lui aussi assez brut de décoffrage, son personnage représente quand même une possibilité de passion... Evidemment, les deux hommes sont amis et passent beaucoup de temps ensemble, y compris une fois que Mae a accepté la proposition de Jerry...

Dès l'arrivée de Mae, Lang n'a pas grand chose à faire pour qu'on comprenne que le drame couve, que la violence viendra, et que derrière le gentil couple un peu gnan-gnan de son frère et de Peggy, se profile peut-être une histoire plus dramatique que les chamailleries de deux jeunes adultes à peine sortis de l'adolescence; pourtant c'est évidemment de Mae, Jerry et Earl que viendra le drame, en particulier quand on verra que Mae, empêchée de dormir par la présence de Earl dans sa maison (fin saoul, il s'est écroulé la veille et Jerry l'a installé dans la chambre d'amis), délaisse le lit conjugal où Jerry dort du sommeil du juste, pour regarder les vagues s'écraser sur les rochers depuis sa fenêtre... Et quand Earl, à peine déssoûlé, se lève pour prendre un peti déjeuner en sa compagnie, elle va devoir lutter. Et à côté de Earl et Mae, du conflit entre responsabilité (Mae vient d'avoir un bébé) et désir, c'est Peggy qui vient leur annoncer qu'elle va se marier... Dans ces scènes,le désir est d'autant plus incarné que Lang joue du corps à demi visible de Robert Ryan. Si Earl avoue son désir, le film nous indique clairement qu'il n'est pas le seul à en souffrir...

La révélation de l'aventure entre Earl et Mae, de façon ironique, viendra de l'oncle de Jerry, Vince (J. Carroll Naish), qui est pourtant en apparence totalement gâteux... La dévotion, l'incroyable amour aveugle de Jerry pour son épouse en devient une abominable farce. Mais sa colère, une fois qu'elle se manifestera, agira aussi en révélateur de toute le frustration accumulée par Mae: son manque de passion pour Jerry, son impatience avec son côté totalement ordinaire, et son incapacité à l'aimer...

Bref, un film noir dans lequel Lang pour une fois n'examine pas la nature humaine au milieu des dangers, de l'aventure, ou du crime... Le mal est en soi, caché dans la nature d'une personne qui a cru pouvoir partir de chez elle et est condamnée à revenir...Le conflit humain ici est entre le désir, la passion, l'animalité (selon les mots de Jerry), et la responsabilité (Earl: prend le bébé avec toi; Mae: c'est son enfant à lui aussi), la raison, le confort... ennuyeux mais sécurisant. Et ce qui n'améliore pas les choses, les deux options, sont, finalement, légitimes chacune à sa façon.

C'est dnc un film à part dans le cycle des oeuvres Amér icaines de Fritz lang, entre une atmosphère proche de ses films criminels, et une radiographie de difficultés existentielles. Confronté à tant de choix contradictoires dans sa vie, sans doute Lang a-t-il immédiatement vu ce qu'il pouvait en faire... Et le résultat, cru et naturaliste, est un film âpre et dur...

 

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Published by François Massarelli - dans Fritz Lang Noir