Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
  • Contact

Recherche

Catégories

15 septembre 2023 5 15 /09 /septembre /2023 10:29

Pas de panique, pas de confusion... ce film n'existe plus. J'ai utilisé cette façon de commencer cet article, car à moins que vous n'en ayiez jamais entendu parler (ce qui est hélas tout à fait plausible), le fait est que ce film, non seulement a disparu sans laisser de traces, mais en plus, il est l'un des plus fascinants de tous les "films perdus", ceux dont aucune copie n'a survécu mais dont la réputation a en revanche bien subsisté. Au point où parfois, des voix d'historiens s'éèvent pour mettre en doute certaines réputations: c'est le cas de celui qui est considéré aujourd'hui comme le plus célèbre des films perdus, justement, le London after midnight de Tod Browning, sur lequel des articles par dizaines s'écrivent tous les ans, encore maintenant, des livres ont été publiés, et pourtant il semble que, jusqu'à ce qu'il disparaisse corps et biens dans un incendie spectaculaire dans les années 60, il ait été un film assez médiocre de série... 

Pour comprendre comment un film peut disparaître il convient sans doute de rappeler qu'à l'époque le film était analogique. Pas de numérisation: un film était consommé sous la forme d'un positif, tiré à partir d'un négatif. A chaque fois qu'on tirait une copie, le négatif s'abimait un peu plus... A chaque fois qu'on projetait une copie, elle s'abimamit un peu plus. Et les copies étaient tirées sur un support dit nitrate, qui donnait des images superbes, mais était hautement inflammable, et commençait à se décomposer dès qu'il était tiré. Une fois perdus négatifs et copies, le film 'nexistait plus, tout bonnement: pas de sauvegarde, à moins qu'un studio ait prévu le coup (les seuls à le faire à l'époque du muet étaient Cecil B. DeMille et la MGM)...

Revenons, ou tentons de le faire, à ce film de J. Gordon Edwards, qui était le grand metteur en scène des grands sujets de la Fox dans les années 10. Il a donc été aux manettes pour Salome, Madame du Barry, Camille et ce Cleopatra, tous avec Theda Bara. The Queen of Sheba de 1921 présentait par contre une nouvelle venue, l'actrice Betty Blythe... Tous ces films étaient l'occasion pour le studio de mettre des actrices en valeur (à bien des sens du terme) et de vendre du sex-appeal au kilo, sous couvert de grands sujets et de grandes héroïnes... bref, c'était l'invention du star-system selon Hollywood, et on ne va pas juger un seul de ces films aujourd'hui puisqu'ils ont tous disparu, laissant derrière eux des photos de plateaux, des essais de costumes qui laissent pantois par ce qu'ils osaient, des légendes sulfureuses, beaucoup de fantasmes et une solide dose de regrets... 

Ces regrets, des fantasmes aussi, expliquent sans doute pourquoi, plus que, au hasard, The big city de Tod Browning, ou même The devil's passkey de Erich Von Stroheim, deux autres films perdus aux réputations positives mais ne déclenchant pas autant de passion, un certain nombre de personnes de par le monde souhaitent ardemment trouver une copie, même incomplète, de ce Cleopatra de 1917. Ou même une bobine; un fragment... un essai de costume de 15 secondes... Le statut de superstar, l'une des premières, acquis par theda Bara et en particulier avec ce film, permettrait d'autant plus de contribuer à expliquer le phénomène, qu'il se trouve que comme la plupart des oeuvres de J. Gordon Edwards, la plupart des films de Theda Bara sont églement introuvables... Et celui-ci a été un énorme succès.

Un auteur, Phillip Dye, y consacre du temps, en collectionnant ce qui reste: photos, mais aussi costumes, scripts et révisions, et même toutes traces possibles et imaginables à travers l'histoire et la presse, de Cleopatra mais aussi des films de Theda Bara... Une page facebook y est d'ailleurs consacrée, Lost film Cleopatra; Dye a écrit un livre sur le sujet, et produit actuellement un documentaire qui reconstituera l'image du film, à travers ces documents qui eux, contrairement aux images qui bougent, ont survécu.

Bien. Maintenant, on peut quand même le dire: il reste quelques images... Oh, trois fois rien, pas une minute. d'une part, un bout de pellicule de 15 secondes, qui montre theda Bara dans un des costumes osés qu'elle sortait, et ça ressemble à un essai qui peut avoir été tourné afin de vérifier la commodité et l'effet visuel du costume en question. Voici la chose, https://www.youtube.com/watch?v=64jnK7GjO4w

Et plus récemment, un fragment en 35 mm, d'assez bonne facture, qui semble bien tiré du film (et il s'agit non seulement de Theda Bara, mais aussi d'un costume qu'elle a bien porté dans le film, là encore), a été retrouvé. Ces quelques secondes ont fait l'effet d'une bombe dans le milieu des crypto-palé-historiens du cinéma... les voici enfin: 

 https://www.youtube.com/watch?v=QwPZuyF2Th0

Maintenant, reste à trouver les deux heures qui restent. ...Ce qui n'arrivera sans doute jamais.

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans Archéologie Muet 1917 Theda Bara