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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 18:40

Encore un film matrimonial de Cecil B. DeMille? Oui, mais celui-ci est vraiment spécial, à plus d'un titre. Tout d'abord, il a failli être mis en scène par William de Mille, le frère, qui est d'ailleurs l'auteur de l'argument, et qui est réputé pour sa finesse, par opposition aux gros sabots de Cecil; ensuite, il reprend la trame de Don't change your husband (1918), en la retournant, en l'épurant; notons également que le réalisateur se passe de deux de ses démons ici: Jeanie McPherson n'est pas créditée au scénario, et aucune scène d'orgie lascive pseudo-biblique ne vient ternir l'ensemble; enfin, il s'agit d'un des derniers films dans lesquels le réalisateur dirige Gloria Swanson, et celle-ci est désormais particulièrement à l'aise dans cet univers: c'est bien simple, le réalisateur lui fait reposer le film sur ses frêles épaules. Tant mieux.

 


D'ailleurs, les épaules de miss Swanson sont l'un des signes mis en oeuvre tout au long de ce film au cours duquel les figures de comparaison (D'une épouse à l'autre, d'un mari à sa femme) égrennent les habitudes, rituels domestiques, signes de classe ou de vulgarité, etc: comme dans les autres comédies de la même série, il s'agit ici pour un couple de se remettre en question et de passer par l'épreuve du changement, afin de se rendre compte, la crise passée, que c'est inutile. On voit donc Beth (Swanson) se séparer de son mari (Thomas Meighan) qui va se consoler avec son amie d'enfance (Bebe Daniels). Une fois le divorce accompli, Beth va changer radicalement, affichant des tenues provocantes afin de rivaliser avec les robes de sa la nouvelle Mrs Gordon, sortant dans les endroits chics et au final se battant de façon assez énergique avec sa rivale. Si le film est loin d'être féministe, au contraire (Il nous apprend tout simplement que la femme a tort jusqu'à ce qu'elle s'en rende compte et se range à l'avis de son mari... De plus, si une femme se bat, c'est pour conserver le droit d'être une épouse...), il n'en a pas moins eu un énorme succès, grâce notamment à la clarté de son intrigue, clairement centrée autour des trois personnages du triangle, et interprétée par des acteurs rodés et populaires; DeMille, fidèle à son habitude, accumule les signes du temps, phonographes et leurs disques (les chansons prenant une fois de plus part à l'intrigue), hôtels chics, visite dans les magasins, et fait feu de tout bois, multipliant les rimes: c'est parce qu'il ne voit pas souvent les épaules de son épouse que Meighan tombe dans les filets de Daniels; Celle-ci, mannequin dans une boutique de lingerie, enlève son jupon lors d'un essayage de négligé afin de mieux séduire l'homme, qui s'étonne en revanche, une fois le négligé offert à sa femme, de la présence d'un jupon: Beth est décidément trop prude pour se permettre des tenues révélatrices... A l'empressement de Daniels pour se révéler correspond chez Beth la peur maladive (Swanson est irrésistible) de trop montrer: une fois le négligé enfilé, elle se montre d'ailleurs à son mari, cachée derrière une grosse couverture.

  


La salle de bains, habituel révélateur de la beauté, est ici l'arêne du quotidien, l'endroit ou mari et femme s'affrontent à coup de mesquineries et d'habitudes, présente dès l'ouverture du film pour montrer la crise du couple. La scène, comparaison entre mari et femme, sera reprise pour montrer qu'une fois remarié, l'homme est toujours logé à la même enseigne: la salle de bain reste un lieu de conflit. Autre scène frappante: Meighan ne souhaite d'abord vraiment pas tromper sa femme, même si celle-ci, de toute évidence, est frigide et repousse toutes ses avances. Pourtant il a bien failli: DeMille nous présente Daniels et Meighan enlacés devant un miroir, et en un seul plan, nous montre une tentative du héros qui s'enhardit, la réaction de Daniels, sans équivoque, et puis la réaction de Meighan à sa propre initiative: lui aussi se voit dans le miroir, et refroidi, ne l'embrassera pas. Malgré tout, le parfum de la jeune femme est déja sur son menteau, il est trop tard: l'épouse saura à qoi s'en tenir...

 


Les acteurs sont en terrain connu: Swanson est depuis trois ans la collaboratrice de DeMille, et elle est fidèle à elle-même, excellente, se rappelant sa formation chez Sennett; Daniels est moins bonne, jouant surtout sur sa vulgarité; elle manque un peu de subtilité sans doute, mais ce n'est pas de la subtilité que DeMille lui réclame. Quant à Meighan, il est moins flegmatique, moins majordome en somme que dans Male and female (1919)... Sa gaucherie sert élégamment le propos, et le final du film l'escamote (Le mari a un accident, laissant les deux épouses quasiment s'entretuer pour s'occuper de lui), nous rappellant qu'il s'agit surtout d'une lutte entre femmes, ce qui nous rappelle un peu Male and female et l'alternance de l'affection prodiguée par Crichton aux deux jeunes femmes présentes avec lui sur l'ile.


Typique des comédies "risquées" de la période, Why change your wife prouve une fois de plus que la mise en scène de DeMille allait décidément pâtir de l'arrivée de la censure prochaine. Les sujets évoqués, les moyens mis en oeuvre allaient vraiment disparaître de son cinéma, et la subtilité et le spirituel laisser la place au religieux, et disons le, à l'hypocrisie, notamment dans Manslaughter (1922) et les Ten commandments (1923). Bref, cette comédie du divorce remplit largement son but, qui est rappelons-le de nous divertir d'une satire pas trop poussée, et de le faire mieux que dans les autres films du même genre. On se réjouit de disposer d'une oeuvre qui résume aussi bien le style d'un cinéaste, même si on ne peut s'empêcher de se demander ce qu'il serait advenu du film si William l'avait réalisé.
 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1920 *