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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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19 juillet 2024 5 19 /07 /juillet /2024 15:45

C'est le premier film de Denzel Washington, inspiré par la vie du personnage du même nom... qui a aussi écrit le scénario adaptant son propre livre de souvenirs...

Antwone Fisher (Derek Luke) sert dans la Marine Américaine, et il a un tempérament volcanique. D'une rare susceptibilité, il se bat volontiers, et lors d'un incident, il écope d'une période de probation avec visites obligatoires chez un psychologue de la Marine. Celui-ci, Jerome Davenport (Denzel Washington), va insister auprès de son ombrageux patient, peu déterminé à s'ouvrir, et obtenir des avancées...

L'histoire de Fisher, authentique non dans le détail mais bien dans le déroulement global, est un parcours sombre et douloureux, entre la proximité de la criminalité (sa mère a fait de la prison), la misère terrifiante (une famille d'accueil où il a subi violences, brimades, insultes et attouchements), et un manque total d'affection. En filigrane, on se dit que c'est probablement le parcours de plus d'un afro-Américain.

On comprend ce qui a attiré aussi Denzel Washington, qui a souvent interprété des personnages avec un parcours initiatique imprévu (Philadelphia, en particulier), et son Dr Davenport, un vrai brave homme, a lui aussi des casseroles, et en particulier un problème d'incommunicabilité inquiétant avec son épouse. 

Alors oui, on voit bien qu'on est un peu devant une formule gagnante, celle des Oscars, mais tricotée avec humanisme et générosité. Washington a le bon goût de rester jusqu'au bout un personnage secondaire, attachant et dont le point de vue l'emporte rarement sur celui de Derek Luke. Celui-ci donne à voir une performance forte, sensible et juste. Et tout en restant en permanence dans le cadre de la communauté Afro-Américaine, celle-ci s'inscrit dans une femre appartenance à un tissu Américain, ce qui est rendu encore plus explicite par une scène-clé, lorsque le couple Davenport a invité Antwone Fisher à son premier vrai Thanksgiving...

Et puis le film, un véritable voyage entre passé et présent qui va transformer au moins deux hommes, se laisse voir sans heurts, sans regrets non plus. Comme souvent avec un film réalisé par un novice qui fut un acteur (Edward Norton, George Clooney, Clint Eastwood, Ron Howard... la liste serait longue!), peu importe l'académisme, la générosité l'emporte...

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Published by François Massarelli - dans Denzel
16 avril 2020 4 16 /04 /avril /2020 18:41

Pourquoi effectuer un remake d'un film qui fonctionne encore totalement? Sans doute pour les mêmes raisons qu'on joue encore les pièces de Shakespeare aujourd'hui, sans doute. Si on a plus que des réserves à l'égard de The truth about Charlie, le film de Demme dans lequel il a décidé de refaire Charade (hum...), il y a énormément à glaner dans The Manchurian Candidate, remake lui aussi d'un (excellent) film de John Frankenheimer réalisé en 1962. L'intrigue a été bien plus qu'actualisée, et à la lumière de la politique, des médias, et de l'état d'esprit général de l'après 11 septembre, il m'apparaît comme une oeuvre majeure...

Rescapés d'une mission durant la guerre du Golfe, deux anciens soldats, le Major (anciennement capitaine) Marco (Denzel Washington) et le Sénateur (anciennement sergent) Raymond Shaw (Liev Schreiber) vont tous deux se retrouver mêlés dans une étonnante affaire: le mois de novembre approche et l'un des partis en est encore à la nomination du candidat au poste de Vice-Président. Poussé par sa mère (Meryl Streep), le héros Raymond Shaw va finalement emporter la nomination. Marco, son ancien supérieur, se rend compte qu'ils ont en communs des pans entiers de phrases quand ils se réfèrent à certains souvenirs de guerre, et alerté par un ancien camarade de combat (Jeffrey Wright) qui a des rêves de plus en plus éclairants, Marco en vient à douter de la réalité de ses propres souvenirs, et du fait que Shaws soit un véritable héros de guerre...

Demme a toujours assumé une double casquette de cinéaste du vécu, dans une oeuvre documentaire et musicale (Stop making sense est encore dans tous les esprits) d'abord, et de cinéaste romanesque, dans des oeuvres de fiction brillantes: The silence of the lambs et Philadelphia sont là pour en témoigner, deux films qui entre-mêlent brillamment le vrai et le faux. Mais ce nouveau film est un thriller paranoïaque, tourné en 2004, autant dire à la fois post-11 septembre et post-X files! Mais justement Demme sait que le public du début du 21e siècle est rompu aux machineries complexes, et va pouvoir sans problème le suivre pourvu que son film soit bien construit. Pour ça, il n'avait aucun souci à se faire...

Mais entendons nous bien: il ne s'agit pas ici de faire son petit Oliver Stone et d'accuser à tour de bras les politiciens de fabriquer des candidats à coups d'implant. Le film est d'abord un thriller, un vrai, étanche et fourni en acteurs de premier plan. Outre les noms déjà mentionnés, on apercevra ici Jon Voight, Vera Farmiga, Bruno Ganz... Et tout le petit monde de Demme, qui le suit depuis tant de films. C'est un vrai plaisir de suivre le Major Marco dans le dédale de son enquête, et Meryl Streep se comporte en totale diva Hollywoodienne, délivrant un superbe numéro de premier choix; pas la peine d'y croire, on n'est pas là pour ça...

...Même si c'est tentant, bien sûr, mais je le répète: Demme n'est pas un complotiste, juste quelqu'un qui est suffisamment un connaisseur des médias pour savoir quel rôle il peuvent jouer. Car la force du film c'est de proposer, derrière l'intrigue délirante (et qui retranscrit assez fidèlement l'inquiétude des années 60, réactualisée à l'aune des années du terrorisme, et de la guerre aux infidèles menée par George Bush et sa clique), une image de la politique d'aujourd'hui, faite de carrières sur mesure déguisée en vocations divines, et aussi de nous rappeler de quelles façons les médias ont aussi leur mot à dire. Tout le film se déroule dans un environnement envahi par les médias, et c'est peu dire de rappeler l'importance, dans le thriller, du signe. Ces objets qui vont jouer un rôle dramatique, et souligner, compléter, informer, voire faire rebondir l'intrigue: gros titres de journaux, écrans de télévision, mais aussi photos, coupures de magazines ou les "passes", ces cartes informatisées qui sont fournies aux visiteurs dans les grands événements. Toute la mise en scène de ce film est un jeu de piste fait de ces signes, qui mènent tous à un moment, un événement programmé, qui ne nous sera révélé qu'au bon moment.

Et il se dessine une figure bien laide du monde dans lequel la vérité n'est plus que très relative, et où un candidat peut devenir président non parce q'il a des mérites, mais parce que son plan médias, comme on dit, est meilleur que celui des concurrents. La seule chose que n'avait pas identifié Demme ici, c'est l'importance es réseaux sociaux, remplacés ici par les réseaux tout court: ce fameux groupe Manchurian Global, une entité fictive bien sûr, et qui représente à lui tout seul, une fois de plus symboliquement, ces lobbies politiques qui vont se placer derrière des candidats et décrocher le jackpot: les hawks de George Bush, les infortunés de TF1 qui croyaient voir en Michel Noir un présidentiable (et se sont rattrapés sur le candidat Edouard Balladur, lors de la présidentielle de 1995), ou encore les sbires rassemblés autour de steve Bannon pour faire élire Donald Trump...

Le film n'est qu'une fiction; dans la fiction, on utilise des implants... Dans la réalité, il suffit de surfer sur la bêtise des gens.

 

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Published by François Massarelli - dans Jonathan Demme Noir Denzel
25 novembre 2017 6 25 /11 /novembre /2017 10:11

Après The silence of the lambs, on n'attendait sans doute pas ce film... Jonathan Demme non plus, d'ailleurs. Il a mis cette nouvelle aventure en chantier à la suite de deux événements: d'une part, l'annonce par un de ses amis qu'il était atteint du SIDA, et d'autre part le fait que la communauté gay Américaine reproche au fabuleux thriller du metteur en scène, qui venait par ailleurs d'obtenir un succès phénoménal ainsi qu'un des plus mérités parmi les Oscars du meilleur film de l'histoire, un personnage qui pouvait être interprété comme une vicieuse image d'homosexuel criminel. Ce n'était pas l'intention, mais Demme a conclu qu'il était peut-être temps que le cinéma des studios fasse son examen de conscience et avance enfin, afin d'intégrer dans le bon sens l'homosexualité.

Oui, l'homosexualité, pas le SIDA: c'est l'un des atouts majeurs du film, de montrer que la maladie, à son arrivée, a été immédiatement assimilée à la communauté homosexuelle, et est devenue dans l'attitude du grand public une façon d'exprimer le rejet de ces gens différents; on se rappelle, et si ce n'est pas le cas, autant le redire, ce sera éducatif, d'un candidat à l'élection présidentielle de 1988 en France, qui avait mis dans son programme l'idée de rassembler les gens atteints de la maladie dans des camps. 

Prenant acte de la confusion entre homosexualité et SIDA, et de la nécessité d'un cinéma au plus près de la réalité, le metteur en scène a installé son petit théâtre dans la ville même de Philadelphia, et a investi les hôpitaux, tribunaux et cabinets d'avocats dans la "cité de l'amour fraternel", le surnom de l'ancienne capitale des tous jeunes Etats-Unis...

Andrew Beckett est un avocat brillant, doté d'un charisme et d'une énergie phénoménale. Il est promu d'une façon spectaculaire par ses patrons, et l'avenir ne peut que sourire... Sauf qu'il est séropositif, suite à une rencontre malheureuse dans les années 80, et qu'il a beau tout faire pour combattre la maladie, celle-ci tend à prendre le dessus. Et suite à un épisode malheureux (un dossier crucial sous sa responsabilité, qui s'est mystérieusement perdu), le jeune avocat est licencié. Il ne croit pas à la thèse de l'incompétence, pense tout simplement qu'il a été viré dans des circonstances illégales et entend attaquer son ex-cabinet pour discrimination: il est persuadé que son état de santé a fini par persuader ses partenaires de se débarrasser de lui, à partir du moment où ils ont vu et compris ce qu'il se passait. Tout ce qui précède nous établit Andrew Miller comme un avocat doué, réactif, et dynamique. En dépit ou à cause de l'épée de Damoclès qu'il se trimballe durant tout le film...

Andrew Beckett va faire appel à un avocat inattendu, Joe Miller, le contraire d'un ancien d'Harvard: un afro-américain, doué, mais mal dégrossi. Obsédé par sa propre publicité tellement il peine à se faire connaître, c'est un brave homme, un peu conservateur, et franchement homophobe. Il le reconnaît volontiers... Mais s'il y a  une chose qu'il n'aime pas, c'est bien la discrimination. Là encore, Miller est un personnage entièrement défini par ses actes, et par sa vie, sans aucun excès ni stéréotype.

Le début est sans équivoque: Demme place sa caméra dans les rues de Philadelphia, et filme les gens qui vivent, avancent, jouent, courent, marchent, travaillent... Le documentariste qu'il n'a jamais cessé d'être dispute avec une grande élégance la première place avec le réalisateur de fiction qui nous a donné un thriller impeccable juste avant. Mais il n'y aura jamais conflit, le film est aussi bien l'oeuvre de l'un que celle de l'autre... Et c'est sa plus grande force. car le but de Ron Nyswaner, scénariste, de Tom Hanks et Denzel Washington, acteurs (un duo qu'on suivrait jusqu'au bout du monde), et de Demme est d'inscrire leur histoire dans le monde de 1993, et de plonger le spectateur dans la lutte des gens qu'il dépeint pour qu'on accepte enfin la différence. Le film est truffé de références à la réalité, mais aussi à l'attitude des vrais gens, à travers les décors, les lieux, les séquences parfois inutiles au script, mais essentielles à l'atmosphère: le regard presque hypnotisé d'une personne sur les lésions présentes sur la nuque de Beckett, une engueulade entre le partenaire de Beckett et son médecin, et un plan qui voit le père d'Andrew quitter les toilettes avant de rejoindre la salle du tribunal: autant de moments qui nous rappellent qu'on est autant devant la vie que devant la fiction... 

Et les scènes de procès, qui font partie bien évidemment d'un genre à part entière, dont Philadelphia est l'un des plus beaux représentants, son passionnantes à elles seules, montrant les mécanismes internes, les compromis, les improvisations. A ce jeu, Denzel Washington est fabuleux, mais il ne faudrait pas oublier l'excellente prestation de Mary Steenburgen, qui joue un personnage d'avocate du diable, souriante (C'est Mary Steeenburgen vous dis-je!), admirablement charmante... et diaboliquement ironique, quasi-méchante. Sauf que... elle fait son métier, tout bonnement.

Et Tom Hanks, récompensé par un Oscar, là encore j'insiste, mérité, fait un boulot formidable: d'une part il forme à l'écran un couple avec Antonio Banderas qui a le bon goût d'être le reflet exact de ce que vous connaîtriez d'un couple, à moins que vous ne suiviez vos amis dans la chambre à coucher! Et Beckett souffre, physiquement. Hanks ne s'est rien épargné pour nous le faire savoir: maquillage, jeux de lumières, prothèses, mais aussi tonte intégrale des cheveux, ou encore perte importante de poids... Et reprise.

Au final, Philadelphia est un film d'une honnêteté jamais prise en défaut, qui choisit un moment de l'histoire pour montrer de quelle façon le progrès peut parfois s'imposer à nous, naturellement. Mais pour le faire, il nous donne aussi une expérience inattendue: l'idée de l'ensemble de l'équipe était de fournir, avec Andrew Beckett, un ami aux spectateurs, un ami qui allait mourir du SIDA, et de donner toute l'expérience au public. D'où un constat: une bonne mise en scène est toujours une affaire de faire le bon choix. C'est ce que Demme fait ici, pour deux heures d'une expérience émotionnelle qui a l'amabilité de se déguiser en un plaisant film tout public, et de ne jamais totalement nous prendre en otage...

 

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Published by François Massarelli - dans Jonathan Demme Denzel
28 août 2017 1 28 /08 /août /2017 16:46

Les plus intenses moments de la vie de Frank Lucas (Denzel Washington) nous sont présentés. C'est l'un des caïds de la région New-Yorkaise, qui aurait pu se contenter de régner sur Harlem assez tranquillement, mais il a été pris d'idées de grandeur... Et s'est inséré dans le business de vente de drogue, devenant non seulement le pourvoyeur d'héroïne la plus pure du marché, mais en plus il a eu le culot de casser les prix! Parallèlement à cette success-story franchement inattendue, on s'intéresse à Richie Roberts (Russell Crowe), de Newark (N.J.), un flic qui a un énorme défaut: il est intègre. Et il a des idées sur la justesse, poursuivant tant bien que mal des études de droit. La rencontre entre les deux aura bien lieu, au bout de deux heures de film...

Biopic? Opéra Scorsesien? Film-vérité à la Friedkin? Film d'action à la Mann? Ridley Scott n'a choisi aucune de ces directions, même s'il a sacrifié ça et là à quelques figures de style attendues. Son film est surtout guidé par une envie de faire une excursion dans l'Amérique des années 70, dans ce pays qui continue de faire comme si de rien n'était alors que le chaos du Vietnam prend toute la place médiatique, et comme à son habitude, il reconstitue tout un monde, toute une atmosphère, avec une vérité confondante... Il s'inspire des histoires des films de Scorsese en évitant de pousser le bouchon trop loin, mais la minutie de la reconstitution, et l'investissement de Denzel Washington font beaucoup.

C'est un film dans lequel il fait bon s'engouffrer, et dans lequel on assiste à une leçon un poil provocante sur les Etats-Unis: si effectivement Frank Lucas devient le boss de Harlem, et bien plus, alors que la police de New York est corrompue jusqu'au slip, faut-il l'en blâmer, ou se dire qu'il ne représente finalement qu'une des multiples facettes du rêve Américain? La réponse, évidemment, n'est pas dans le film, même si à deux reprises Ridley Scott s'amuse à citer et détourner Norman Rockwell pour des thanksgivings de famille de gangsters noirs! Mais la question y est, posée de fort belle manière. Et le déroulement, lent et méthodique, va droit vers un but inévitable: la rencontre programmée de deux monstres sacrés. Donc, pas de quoi se plaindre, non?

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Published by François Massarelli - dans Ridley Scott Denzel
6 mai 2017 6 06 /05 /mai /2017 23:47

 

Zemeckis a beaucoup promis, et sans totalement décevoir, il a eu tendance à se perdre dans des projets étranges et impersonnels, ou le technique (Notamment le procédé de "motion capture, par exemple dans Beowulf) a pris le pas sur le cinéma... Pour son retour à du 'vrai' film, avec de 'vrais' acteurs, Zemeckis met les petits plats dans les grands et tourne un drame humain avec Denzel Washington. Bon, cette histoire de pilote qui boit et prend des seaux entiers de coke au petit déjeuner vire vite à la démo sur la rédemption, mais le vieux Bob va loin dans la provocation, au moins pour les premières 105 minutes. Et puis il y a Kelly Reilly!

Ca commence sans aucune ambiguïté: un couple qui a passé une nuit très arrosée, et fournie en produits dopants, se réveillent... Ils consomment des restes de vodka, et l'homme (Denzel Washington) prend de la cocaïne pour se réveiller. Quand ils quittent la chambre d'hôtel où ils se trouvent, on constate qu'il est pilote d'avion... Il se rend à 'aéroport pour prendre en charge un vol, et retrouve d'ailleurs dans l'avion la femme avec laquelle il a passé la nuit, qui est hôtesse. Le vol part, sans problème notable, et à l'intérieur de l'avion le commandant Whip Whitaker continue à s'alcooliser. Mais lorsque l'avion a un gros problème, il réussit à manoeuvrer en urgence, et l'avion se crashe en relative douceur. Le bilan sera de 6 morts: quatre parmi les 102 passagers, et deux parmi les six membres d'équipage. A son réveil, Whitaker est à la fois le héros du jour à cause de sa manoeuvre insensée, et l'objet de suspicion, à cause de son rapport toxicologique...

D'un crash monumental à un lost week-end: le film prend un risque en faisant en sorte de mettre le crash, qui fait l'essentiel du premier acte du film, en ouverture. On n'y reviendra d'ailleurs pas. Et bien évidement, c'est l'argument-choc que la Paramount a utilisé pour vendre le film! Zemeckis connaît extrêmement bien son travail, et le résultat est impressionnant, générant une tension énorme dès que l'avion est dans les airs: nous avons vu, après tout, le "petit déjeuner" du pilote! Mais l'intérêt est quand même ailleurs, dans la bataille féroce menée par Whitaker contre ses démons, et contre les mensonges qu'il raconte depuis tant d'années, au monde entier et à lui-même, pour cacher ou ne pas assumer son alcoolisme. Et comme le film de Wilder, The lost week-end, Flight ne cache pas que ces démons-là, l'alcool et la drogue, sont d'un abord plaisant.

Du coup, un personnage-clé du film est le fournisseur de Whitaler, interprété par John Goodman, un vieil ami qui connaît tellement bien Whip qu'il peut le conseiller sur la dose exacte à prendre en fonction de l'effet demandé. Rigolard, Zemeckis brouille les cartes en donnant à ce personnage la chanson Sympathy for the devil des Rolling Stones pour en faire son thème, à chaque fois qu'on le verra... Mais ces scènes sont drôles, réjouissantes même;  de quoi plus facilement faire passer la pilule du gros défaut du film...

Rédemption, Denzel style: dans Malcolm X, de Spike Lee, Washington incarne son personnage qui va trouver dans la rigueur de l'Islam, puis dans la quête intérieure à l'écart des dogmes, la paix humaine nécessaire à échapper au monde de la délinquance. Il va même y trouver son destin. dans The bone collector de Philip Noyce il est un 'profiler' qui a beaucoup pêché, et qui pourrait tout aussi bien être le serial killer qu'il aide  traquer depuis son lit de malade. Dans Philadelphia, de feu Jonathan Demme, il est un avocat homophobe dont le combat pour son client gay va ouvrir les yeux. Enfin, dans American Gangster, de Ridley Scott, un gangster à la Scorsese s'affadit dangereusement en devenant un informateur, après avoir été le diable incarné... Bref, toujours la part d'ombre avant la rédemption pour l'acteur qui affectionne ce type de situation dans lesquels, soyons francs, il tend à se vautrer. Ce film ne fait pas exception à la règle: il souffre d'une fin édifiante, dont on imagine très bien que David Fincher, par exemple, aurait refusé qu'elle soit présente! Mais le personnage, attachant, et doté d'une petite amie rencontrée à l'hôpital, qui a un passé de junkie et d'alcoolique elle aussi, va vivre son combat de conscience sous nos yeux, et quand la conscience est interprétée par Kelly Reilly, on évite le cliché, parce qu'elle est hallucinante de vérité. Mais pour apprécier ces 115 minutes de montagnes russes (Dont une scène d'audition à la fin qui est absolument fantastique), il faut bien se farcir les lénifiantes et didactiques 10 minutes finales, dont on se serait bien passés...

Reste un crash spectaculaire et d'autres scènes coup-de-poing (Une overdose brillamment filmée et interprétée par Kelly Reilly, et tout le jeu autour de l'image du crash, et sa reprise par les médias) un film qui joue sur les tensions comme rarement, en bouleversant les codes structurels: il commence par du spectaculaire avant de tourner malsain... Et il nous ménage quelques scènes de suspense, liées à une bête porte qu'on a oublié de fermer dans une chambre d'hôtel. Whip Whitaker, la veille de son audition, a réussi à accepter de passer une nuit sans alcool no drogue, mais ses anges gardiens ne savaient pas que par hasard, ll allait trouver un chemin vers a chambre d'à côté, dont le mini-bar est, lui, plein. Un instant, Whitaker pose la petite bouteille de vodka qu'il a prise, sur le bar, et s'en va. Il sort du champ, et... sa main, soudainement, revient par la gauche et attrape l'échantillon: les démons ont gagné. Pourtant, rien de religieux dans ce film, qui reste d'une distance ironique vis-à-vis des multiples façons de s'égarer dans la foi: l'une des hôtesses tente d'intéresser son commandant à son église baptiste, et le copilote, à l'hôpital, se réfugie dans l'injonction religieuse avec son épouse qui passe son temps à embrasser son crucifix, pour essayer de digérer la situation. Clairement, Zemeckis se méfie de ce monde-là... Il a fait du problème de Whitaker un problème essentiellement humain et terrestre, qui sera pris en charge par trois personnages: le dealer mentionné plus haut, la jolie Nicole qui va devenir nue garantie d'avenir pour Whip, et un avocat dépêché par le syndicat, qui s'est fixé pour mission de sauver les meubles, et est interprété par Don Cheadle. Il est fantastique, comme d'habitude.

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Published by François Massarelli - dans Robert Zemeckis Denzel
25 janvier 2014 6 25 /01 /janvier /2014 18:52

Il faut revoir ce film de Spike Lee aujourd'hui, plus que jamais, hélas. On avait tiré à boulets rouges sur l'initiative forcément louche d'un metteur en scène Afro-Américain, qu'on accusait de travestir la vérité à l'avantage de sa communauté en faisant de Malcolm Little dit X ce qu'il n'était pas supposé être, soit un martyr. On criait au communautarisme, à la déviance... L'impression étant que seul un homme centriste ou consensuel (King?) puisse sortir du lot de la communauté noire Américaine et être enfin considéré comme un personnage historique dont l'héritage soit incontestable... X était humain, nécessaire: A l'histoire, à l'humanité autant qu'à l'Amérique et aux noirs eux-mêmes. Il gênait parce qu'il embarrassait la mauvaise conscience d'une population blanche fautive, qui a laissé faire des siècles durant; une mauvaise conscience mal polie de l'Amérique, à laquelle on a reproché des provocations et des franchissements peu souhaitables de limites (Sa réaction à l'assassinat de Kennedy est un exemple dans le film), mais qui est montré ici comme un homme imparfait, dans un cheminement erratique mais constamment sincère. Et Lee, qui n'est pas lui-même un musulman, nous montre Malcolm X passer de la drogue et la délinquance à un Islam "arrangé" (La nation de L'islam, un groupe très controversé) à la sauce Américaine, militant de façon talentueuse et mordante pour une Amérique noire, ou un retour à l'Afrique, avant de trouver en un pèlerinage à La Mecque une nouvelle dimension spirituelle à ses croyances, devenant du même coup un vrai Musulman: tolérant, ouvert, aspirant à la paix et la fraternité, pas à l'expression désordonnée de la colère... Qu'il ait été de plus en plus attiré par une réunion de toutes les factions qui militaient pour la cause des noirs au moment de sa mort n'est en aucun cas un mystère. Que mandela soit vu à la fin du film enseignant à des élèves de primaire l'héritage de Malcolm X fait d'autant plus réfléchir maintenant que le grand leader (Incontesté, celui-là) Sud-Africain est décédé... Une bonne fois pour toutes, on saluera la prestation exceptionnelle, habitée de Denzel Washington...

 

Le film fleuve de Lee, son meilleur film haut la main, est passionnant par se sparti-pris et son impeccable cohérence narrative: il laisse la mise en scène épouser la vie de Malcolm au fur et à mesure, de plus en plus austère à mesure qu'on se rapproche de la fin. Il filme avec tendresse le Harlem des années 40, bigarré, mal poli, avec ses Zoot Suits, ses jeunes noirs qui se font défriser les cheveux, et la devanture des clubs ou passent Jimmie Lunceford, Dizzy Gillespie et Sarah Vaughan. Il convoque la Far east Suite de Duke Ellington lors des séquences consacrées aux voyage de Malcolm X en Afrique du nord puis à la mecque, Alabama de Coltrane pour les évocations des répressions musclées à la maison, et s'essaie à une représentation (Peu convaincante) du big band de Lionel hampton; enfin, Terence Blanchard accompagne de son score impeccable le souffle épique du film, qui nous montre finalement un héros Américain, un homme qui a su trouver son intelligence dans la dialectique, en étant jusqu'à la fin le poil à gratter de l'Amérique, celle qui vous met la tête dans le seau pour nous obliger à sentir les trucs pas propres qui y sont restés: bref, Malcolm X était vraiment, lui, ce que les provocateurs de tout poil qui tentent de se faire passer pour des agitateurs nécessaires ne seront jamais: un homme indispensable à son temps. Pas un homme parfait, non, mais un homme dont le chemin parcouru méritait bien ce film étonnant et qui ne ressemble à aucun autre biopic...

 

Et pour finir si ce film est indispensable aujourd'hui c'est bien sur parce que d'une part on n'a pas encore compris dans les pays occidentaux ce que l'Islam est vraiment: le film nous le montre dans ce fameux Pèlerinage... Spike Lee a beau ne pas être Musulman, il ne confond jamais les extrémistes, les terroristes d'une part, et les coyants d'autre part... Et puis, ce film commémoratif venait en un moment qu'on supposait apaisé, longtemps après la fin de la ségrégation..., Mais il montre brièvement en son générique une allusion à l'embarrassante affaire Rodney King, ce jeune noir tabassé à Los Angeles au début des années 90 par des flics blancs. En 1992, c'était de l'actualité récente... Mais on n'a hélas pas beaucoup avancé. Ici non plus, d'ailleurs!

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Published by François Massarelli - dans Spike Lee Denzel