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  • : Allen John's attic
  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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1 mai 2021 6 01 /05 /mai /2021 10:33

Gloria (Mary Eaton), une jeune femme qui travaille chez un éditeur de musique se fait remarquer par un artiste de music-hall (Dan Healy) alors qu'elle danse lors d'un rassemblement public. Le dilemme initial (danser sur scène, ou rester à la maison et se marier avec le fiancé, Buddy, interprété par Edward Crandall) va vite pencher en faveur du music-hall, d'autant que la maman de Barbara (Sarah Edwards) est facilement ambitieuse pour deux... Elle part donc pour monter sur les planches, dans des théâtres de plus en plus grands, et sera même repérée par un talent scout de chez Ziegfeld. Pendant ce temps, non seulement le partenaire insiste de façon un peu trop leste pour que Gloria manifeste sa reconnaissance, mais en prime Barbara, une jeune collègue, va tout faire pour la remplacer auprès de Buddy...

C'est un cas d'école, presque: à l'instar de The Broadway Melody et Applause produits la même année, ce musical installe le terreau sur lequel tout le genre sera construit durant les années 30. Il le fait avec les moyens du bord, mais on peut constater assez vite que la production, chapeautée par Monta Bell, fait tout ce qui est possible pour éviter les écueils du cinéma en boîte qui était quand même le style en vogue cette année là, et pour cause: boudant le cinéma muet, le public était prêt à prendre n'importe quoi du moment que ça parle... Ici, pourtant, le montage est adroit, des scènes ont été filmées en extérieur, la diction n'est pas trop marquée "1929"... Et les trente dernières minutes, qui nous montrent le spectacle Ziegfeld (le grand impresario est d'ailleurs crédité à la production du film) est truffé de scènes en Technicolor 2 bandes, qui ont été restaurées pour les besoins de la version en HD: les trois segments sont des parties essentiellement dansées. Comme toujours avec cette étape du Technicolor, les personnes qui cherchent un peu de vraisemblance dans la couleur, en seront pour leurs frais, et les teintes présentes sont d'une inventivité étonnante (à rapprocher du film Universal The King of Jazz, de 1930, qui lui sera intégralement en couleurs).

Et contrairement à ce qui ne tardera pas à devenir la règle, le film comme les deux exemples cités plus haut conclut à la présence importante du sacrifice dans le monde du spectacle: tout n'est pas rose pour cette jeune danseuse effectivement talentueuse, qui va devoir tout lisser derrière elle, et termine le film adulée mais seule, condamnée au succès en raison d'un contrat indigne, et qui sait que dans le parterre de spectateurs, il y a son ex-fiancé qui vient de se marier... Un ton délibérément pessimiste, qui ne tardera pas à disparaître, ou alors restera en sous-texte dans des films comme 42nd street ou même The bandwagon.

Cela ne signifie pas que tout le film soit fascinant, bien sûr: même mis en scène avec adresse et monté afin d'éviter un plan unique et fixe de 10 minutes, le sketch d'Eddie Cantor est interminable... Le personnage de danseur sans scrupules, qui prend son statut de vétéran du show business comme un ticket pour la promotion canapé, est déjà un cliché à cette époque! Mais le film explose dans ses excès colorés, et assume bien l'extravagance de ses éléments qui viennent en droite ligne du mauvais goût à la Ziegfeld: le recours systématique à la "nudité virtuelle", les amoncellements de chorus girls qui deviennent les meubles et le décor, les tableaux vivants, la présence hallucinante d'Adam et Eve (à propos, le bellâtre ne crie pas, ne dira rien, mais on le reconnaîtra facilement derrière sa feuille de vigne)... Ca, on ne va pas l'oublier. A voir dans une copie restaurée avec ses couleurs et en HD, sinon, ça ne marchera pas...

 

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Published by François Massarelli - dans Pre-code Musical Monta Bell Technicolor
6 avril 2021 2 06 /04 /avril /2021 08:12

Des touristes Américains, forcément désoeuvrés, abordent une île du Pacifique... Un homme v tomber sous le charme d'une femme locale, au grand dam des passagères qui avaient toutes des vues sur lui (et sa grande fortune, ça va de soi)...

C'est un court métrage de 10 minutes, prétexte à utiliser le Technicolor deux bandes, en cours de raffinement à cette époque. C'est rempli de tous les clichés possibles et imaginables, et le premier but est atteint: oui, décidément, le Technicolor des années 20, c'est formidable... Mais pour le reste, circulez, il n'y a rien à voir.

...Mais c'est du rien en couleurs.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Technicolor
24 mai 2020 7 24 /05 /mai /2020 16:56

Avant ce musée de cire, il y a bien sûr Doctor X, premier film d'épouvante de Curtiz, qui partage plus d'un point commun avec celui-ci: Lionel Atwill dans un rôle clé, le Technicolor, Fay Wray, un ton hérité des différents genres auxquels il emprunte (film de gangster, film d'horreur, comédie journalistique...), mais ce nouveau film apparaît plus structuré; l'histoire est connue:

Un musée de cire s'ouvre à New York, hérité du souvenir d'un autre établissement brûlé 25 ans auparavant par un malhonnête actionnaire; les héros du film finissent par rapprocher les activités du musée de la disparition d'un certain nombre de cadavres de la morgue...
Michael Curtiz était par bien des côtés le symbole de la renaissance de la Warner, lui qui avait été débauché de son travail dans les studios Européens en 1926 pour permettre au studio d'acquérir un statut plus  noble, en réalisant pour eux des films spectaculaires: c'était l'idée. Ca n'a pas empêché les producteurs maison de l'employer à tous les genres, de la comédie musicale au western en passant par le film policier. Et le plus souvent, Curtiz a délivré en temps et en heure des oeuvres à succès... Plus prestigieux que Dieterle, moins à cheval sur les idées de ses films qu'un Wellman, et nettement plus adroit qu'un Del Ruth ou qu'un Lloyd Bacon, Curtiz était le joyau de la couronne chez les frères Warner, et c'est lui qui depuis 1929, était en charge dans le studio de la mise en scène de films en Technicolor.

La mise en scène de ce film est plus épurée, moins brute et délirante que celle du Doctor X, mais dans les grandes lignes, cette épure permet à Curtiz de retenir les principaux effets d'épouvante de son film précédent, tout en situant les protagonistes dans un espace un peu moins stylisé. Mais les correspondances sont nombreuses: la présence de Igor, émigré (Déjà à Londres, c'était un étranger) et exilé dont les souvenirs le hantent et motivent sa vie, et sa folie, vient en écho au meurtrier cannibale soi-disant bienfaiteur de l'humanité, alors que les hommes qui l'entourent ne sont pas reluisants non plus: un drogué (Le mot Junkie est franchement utilisé plusieurs fois), un sourd-muet vaguement idiot (On reconnait Mathew Betz, qui croisait déjà Fay Wray dans The wedding march en 1928)... Le tout en pleine fin de la prohibition, avec les débordements que cela implique (Le gentil héros: "C'était mon Bootlegger, inspecteur/ on peut en parler, maintenant, non?"). Au cannibalisme créateur, Curtiz substitue ici une action artistique tout aussi monstrueuse, avec de nouveau un Lionel Atwill qui tire les ficelles: on se rappelle que celui-ci agissait déjà en metteur en scène dans Doctor X, mais cette fois-ci il donne de l'action artistique une vision qui fait froid dans le dos...

Le processus artistique dans ce film repose en effet sur l'appropriation pour un musée de cire de cadavres, parfois trouvés à la morgue, parfois provoqués. C'est le cas d'un juge qui s'est avéré gênant, c'est aussi le cas d'une jeune femme qu'on va "suicider" puis dont le corps sera volé pour en faire une réplique de Jeanne D'Arc. Igor, qui montrait déjà à Londres une tendance à la sociopathie, parlant plus à ses créations qu'aux hommes de chair et d'os, va se transformer en un monstre obsédé par une certaine forme d'amour nécrophile pour ses créations détruites, dont bien sûr la Marie-Antoinette dont il était si fier et qui pour lui renaît quand il aperçoit Fay Wray. Alors bien sûr que rien ne tient debout dans l'idée d'immortaliser pour un musée de cire, le corps se tordant de douleur d'une femme sur laquelle on fait tomber des centaines de litres de cire bouillante... Mais c'est justement cette folie qui fait le jusqu'au-boutisme du personnage, et donc du film...

Un dernier détail enfin, si Glenda Farrell est quelque peu irritante en Cagney féminin (Quoiqu'elle fasse partie d'un ensemble de rôles de femmes d'action notables, parmi lesquelles on retrouve beaucoup d'héroïnes Curtiziennes), la présence de Fay Wray (Souvent nommée "The Scream Queen" à cause de son rôle dans King Kong, durant lequel elle crie, disons, beaucoup...) donne lieu ici à un très beau champ-contrechamp, pas une habitude de Curtiz qui faisait tout pour les éviter:vue de trois quarts dos, elle touche le visage d'un assaillant, qui se casse; puis, vue de trois quarts face, alors que le visage de l'homme lui apparaît désormais défiguré, elle écarquille les yeux, ouvre la bouche, et pousse avec un léger retard un cri d'effroi: elle est absolument convaincante, pour le plus beau cri de sa carrière, elle qui admettait avoir préféré le muet, car on ne l'y faisait pas crier, elle fait dresser les cheveux sur la tête dans cette séquence...

Le film, après des années de purgatoire, durant lesquelles il n'était trouvable qu'en bonus de son remake, est enfin reconnu à sa juste valeur et a fait l'objet d'une salutaire restauration, et d'une parution très soignée en Blu-ray. 

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Published by François Massarelli - dans Michael Curtiz Pre-code Technicolor
26 juillet 2019 5 26 /07 /juillet /2019 17:21

De grands films consacrés au premier conflit mondial sont sortis dès 1930...

Dans celui-ci, deux frères, Anglais (hum...), les Rutledge, sont en vacances avec leur ami Karl (James Darrow) chez lui, en Allemagne, quand l'un d'entre eux, le coureur Monte (Ben Lyon) a une aventure qui tourne mal: il est en plein rendez-vous amoureux avec l'épouse d'un général à monocle quand celui-ci débarque. Monte prend hâtivement la poudre d'escampette, et c'est son frère Roy (James Hall) le raisonnable, qui devra se battre en duel à sa place...

Quand ils reviennent à Oxford, pas de chance: la guerre est déclarée. Mais avant de partir, l'un par devoir, l'autre par désoeuvrement (je schématise), ils vont tous les deux tourner autour de la belle Helen (Jean Harlow), fille de la bonne société Britannique (Hum! Hum!): Roy va se croire son fiancé, mais cette fois c'est Monte qui va remplacer l'autre.

Puis ils font la guerre, les avions, tout ça... Gestes héroïques, prison, sacrifice, etc. A la fin les alliés gagnent.

Howard Hughes a commencé son film en 1927, après la sortie de Wings, ce qui n'a pourtant pas empêché l'ombrageux producteur d'attaquer Warner en justice quand ils ont sorti The dawn patrol. Le film a eu un nombre inquiétant de réalisateur crédités: Marshall Neilan, débarqué après quatre semaines, Luther Reed, dont je ne sais pas s'il a eu le temps de tourner quoi que ce soit avant d'être viré sous un prétexte quelconque, puis Edmund Goulding, mais c'est finalement Hughes qui a fini le film, trois années après le début du tournage, et des centaines de rejet de prises. James Whale était en charge de la direction des dialogues et de leur authenticité (mais pas de l'accent, manifestement, ni de l'intelligence des dialogues), et le film fait appel à des techniques qui sont remarquablement à cheval entre le muet et le parlant: certaines scènes tournées avant la décision de se doter de dialogues, ont été ensuite synchronisées de manière plus ou moins adroite, les scènes dialoguées en Allemand ont été dotées d'intertitres pour la traduction, et trois systèmes de couleurs ont été employés: des teintes comme au plus beau temps du muet, le procédé Multicolor (mais le film a été tiré sur support technicolor) pour une série de scènes bavardes situées vers le début, et le procédé Handshiegl pour les flammes dans des séquences de haute voltige.

Oui, parce que ce film qui est crétinissime de bout en bout n'existe que pour permettre l'existence de deux ou trois scènes tournées à grands frais, dans les airs, par des as de la grande guerre: il y a d'ailleurs eu des morts. Ces scènes sont à la fois techniquement spectaculaires et dramatiquement d'une affligeante platitude...

Car comme je le disais, il y a eu des films formidables dès 1930 pour parler de la première guerre mondiale. L'un d'entre eux était All quiet on the western front, de Lewis Milestone, et sinon il y a aussi eu Westfront 1918 de G.W. Pabst. Bref: celui-ci, de très loin, ne fait pas, mais alors pas du tout partie de la liste. Mieux vaut en rire...

 

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Published by François Massarelli - dans Première guerre mondiale Pre-code James Whale Technicolor
24 décembre 2018 1 24 /12 /décembre /2018 11:12

Lotus Flower (Anna May Wong) aurait tout pour être heureuse, si d'aventure elle n'avait croisé la route de l'étranger (Américain) Allen Carver (Kenneth Harlan)... Ayant manqué de se noyer, le riche jeune homme a été sauvé par l'intervention de la jeune femme et celle ci n'a eu aucun mal à interpréter l'idylle qui s'ensuivit comme une véritable histoire d'amour. Mais à son départ pour les Etats-unis, Carver doit se plier aux convenances, et il laisse donc derrière lui celle qui va continuer à se croire sa femme, à plus forte raison parce qu'elle est enceinte...

Le script de Frances Marion doit beaucoup à Mme Butterfly, l'opéra de Puccini, avec ceci de changé que le film est situé en Chine et non au Japon. Pour le reste la scénariste a adroitement adapté l'histoire mais si celle-ci adopte pour une large part le point de vue de Lotus Flower, la morale revient quand même à la sempiternelle prudence à l'égard des mariages inter-ethniques... Ca reste donc frileux, avec une bonne base de tragédie, mais le résultat final, assez linéaire, reste une miniature. La mise en scène de Chester Franklin, conformément à son style, est tout sauf notable, mais elle est évidemment fonctionnelle: c'est tout ce qu'on lui demandait, après tout!

Mais le principal intérêt du film, bien entendu, est ailleurs: la couleur. C'est le premier film en Technicolor qui fut vraiment satisfaisant, et qui grâce à la Metro, a bénéficié d'une distribution décente, et a obtenu un succès significatif. Une grande date, techniquement parlant, et honnêtement, le rendu est efficace, avec des teintes d'une authentique poésie... Rien que pour ça, un détour occasionnel s'impose.

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Published by François Massarelli - dans 1922 Muet Technicolor *
30 juin 2018 6 30 /06 /juin /2018 21:24

Ce long métrage de 1926,produit par la Paramount et réalisé par Frank Tuttle, fait partie des films perdus, même si on peut en voir des bribes: je m'explique plus loin. La star en était Esther Ralston, et l'intrigue de comédie tournait autour d'un concours de beauté, auquel participaient d'autres actrices, parmi lesquelles Louise Brooks...

Pour commencer, il convient de rappeler que le film muet a été produit à une époque où le médium était hautement périssable, et pas spécialement préservé. Le film étant un objet d'art aux existences multiples (des dizaines de copies étaient tirées de plusieurs négatifs) mais dont la survie ne dépassait pas toujours les dix années, et les modes changeant vite, un studio en 1928 n'avait pas la moindre utilité dans un film de 1918, alors imaginez le traitement subi par les films muets une fois le parlant arrivé...

Il ne subsiste aucune copie de ce film, comme du reste de 70% environ de la production Américaine d'avant 1928. Par contre, si tant de films perdus, bons ou mauvais, ont été purement et simplement oubliés, il y a un certain nombre d'entre eux qui sont particulièrement cherchés aujourd'hui, eu égard à leur appartenance à une filmographie importante (Murnau, Ford, Stroheim), ou la présence d'une star de premier plan: celui-ci fait partie du lot.

Mais comme je le disais plus haut, il est possible de "voir" The American Venus aujourd'hui, à travers une bande-annonce d'époque, qui a miraculeusement survécu. Si le petit film de trois minutes commence par beaucoup de texte, avec des formules ronflantes de rigueur, on entre assez vite dans le vif du sujet, avec des images du film, disjointes, et choisies pour leur effet direct. Il se dégage de ces images (dont certaines en Technicolor) l'impression que cette comédie de Tuttle était l'un des films ultimes sur ce que l'on appelle le "jazz age"... Et il existe aussi un court, très court fragment d'un essai en Technicolor qui a une immense valeur: il nous montre Louise Brooks en plein dans son rôle... Bonne pêche!

 

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Published by François Massarelli - dans Film perdu Muet 1926 Louise Brooks Technicolor
27 avril 2018 5 27 /04 /avril /2018 18:17

Après Zaza et Manhandled, Stage Struck est le dernier des trois films actuellement survivants de la collaboration entre Gloria Swanson et Allan Dwan à l'époque du muet. Gloria Swanson était une star de la Paramount, depuis ses films avec Cecil B. DeMille entre 1919 (Male and female) et 1921 (The affairs of Anatol). Une fois finie la collaboration avec le grand metteur en scène, la star était passée par une période durant laquelle elle interprétait des films pour Sam Wood, dont le seul que j'aie vu (Beyond the rocks) n'a définitivement rien de convaincant. Les films de Dwan ont de nombreux mérites, et le premier est d'avoir su faire descendre (momentanément, semble-t-il) la diva de son piédestal... Comme les deux précédents, celui-ci est une comédie, qui s'attache essentiellement à la vie du personnage interprété par Gloria Swanson.

Dans une toute petite bourgade de Virginie Occidentale, sur les bords de l'Ohio, Jennie Hagen (Swanson) est serveuse dans un petit restaurant familial, et elle rêve: elle se voit sur les planches, où on pourra venir l'admirer sans réserve. Non qu'elle ait la vocation du théâtre, non: c'est qu'Orme (Lawrence Gray), l'employé du restaurant qui fait les crêpes, est fou de théâtre, et obsédé par les artistes. Jennie est donc persuadée qu'il n'aura d'yeux que pour elle à partir du moment où elle sera une grande artiste. Quand un "showboat" accoste en ville, avec sa promesse de spectacles pour tout le monde, il amène de nouvelles actrices pour l'admiration d'Orme, dont la sculpturale vamp (Lillian Lyons), mais aussi une opportunité de percer enfin sur les planches pour Jennie...

C'est un film formidable, qui se situe dans une Amérique qui est à peu près celle de Harold Lloyd (dans son versant "rural"), avec des situations qui permettent à Gloria Swanson de déployer toute l'étendue de son talent, dans le rôle d'une jeune femme inepte à force de vouloir bien faire. Et on est parfois proche de Buster Keaton, dans une mise en scène qui suit le personnage principal: Allan Dwan et Gloria Swanson ensemble, avaient tout compris à la comédie. Et ce film touche constamment juste, sans jamais se moquer des personnages, mais sans non plus les épargner totalement. Gloria Swanson se moque ouvertement de s propre image avec un humour assez féroce, et pratique sans aucune retenue la comédie physique! Il faut la voir participer à une désastreuse parodie de match de boxe (arbitrée par le grand Ford Sterling), ou accrochée à l'ancre d'un bateau, avec deux gants de boxe dont elle n'arrive pas à se débarrasser...

Si on ajoute l'excellente surprise d'une utilisation du Technicolor (Sur un rêve de théâtre en tout début du film, puis sur le final en forme de conte de fées) qui est exemplaire, voilà 84 minutes à voir et revoir. Quel dommage que la collaboration entre le metteur en scène et la star ait fini avec ce film...

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Comédie Allan Dwan Gloria Swanson 1925 Technicolor **
25 avril 2018 3 25 /04 /avril /2018 14:39

L'unique film du metteur en scène de Broadway John Murray Anderson, spécialisé dans les "prologues" pour séances de cinéma (Voir à ce sujet l'excellent Footlight parade de Lloyd bacon, chaudement recommandé pour l'excellence de ses séquences musicales réalisées par Busby Berkeley), est cette production controversée de 1930. La principale controverse en réalité provient du titre: on attend évidemment en 2018 d'un film qui s'appelle The King of Jazz, qu'il nous présente du jazz, ou qu'il y ait un rapport avec la musique Afro-Américaine... Or il n'en est rien. Et pour cause.

Car en 1930 si rien ni personne ne peut vous empêcher quelle que soit votre origine ethnique d'écouter Duke Ellington, Louis Armstrong ou... Paul Whiteman, le mélange n'est pas possible sur pellicule. Sur scène non plus, d'ailleurs! Donc ce King of jazz est dédié à celui qui avait été ainsi surnommé par les médias de l'époque, le rondouillard chef d'orchestre Paul Whiteman. Les tenants d'un jazz pur et dur qui ont vu le film ont eu la dent dure avec ce personnage, qu'ils ont accusé de tous les maux. Ce qui apparaît dans ce film-revue, est que Whiteman était un vulgarisateur qui avait à coeur de fournir une musique populaire de qualité, et savait s'entourer: on entendra les légendaires instrumentistes ou chanteurs Bing Crosby, Frankie Trumbauer, Joe Venuti ou Eddie Lang (ces deux derniers, respectivement violoniste et guitariste, étant l'inspiration principale de la collaboration future entre Stéphane Grappelli et Django Reinhardt)... Les partitions portent aussi de grands noms, à commencer par George Gershwin. Excusez du peu...

Mais The King of Jazz avait plus d'un atout dans sa besace: une forme assez libre, un Technicolor rutilant, des séquences de comédie qui parfois duraient quelques secondes (et qui nous permettent de retrouver Glenn Tryon, Laura La Plante, Slim Summerville ou Walter Brennan, pour de rares fractions de secondes à l'écran), et un metteur en scène libéré des contraintes de la scène et qui pouvait s'approcher comme il le voulait de son show, plus une idée de génie, qu'on attribue à Whiteman lui-même: le film a été tourné en muet (du moins pour ses séquences musicales) et post-synchronisé ensuite. Ca paraîtra idiot, mais personne n'y avait pensé avant! On le voit, la Universal avait mis les petits plats dans les grands...

...Et pourtant le flop, malgré la popularité de Whiteman, a été retentissant. Du coup, le film a été découpé en tranches, afin que ses parties puissent nourrir les programmes de courts métrages durant quelques années. Aujourd'hui, la reconstruction diffusée sur blu-ray Criterion est donc un sauvetage miraculeux... D'un film qui serait sympathique, mais assez quelconque, s'il n'y avait l'intérêt historique d'y voir l'orchestre jouer une version de Rhapsody in blue tel que Ferde Grofé l'avait orchestré pour Whiteman en 1924, et en couleurs dans des décors délirants, entre art déco et kitschorama... Ou le plaisir bizarre du Technicolor Bichrome, décidément tellement plus séduisant que son descendant en trichromie... ou tout simplement le plaisir d'assister à la naissance d'un nouveau style de musical, dont les films de Berkeley seront les rejetons immédiats.

 

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Published by François Massarelli - dans Musical Pre-code Danse Criterion Technicolor
27 décembre 2017 3 27 /12 /décembre /2017 18:42

Grand Œuvre de DeMille ou simplement passage obligé d’un showman chrétien? On ne résoudra pas cette question. Quoiqu’il en soit, c'est l’avant-dernier muet de son auteur, dont l’opus suivant contiendra des séquences parlantes - une page se tourne. Et elle se tourne de façon spectaculaire. Devenu un producteur-réalisateur indépendant mais puissant, DeMille est toujours plébiscité par le public; après ses Dix commandements, il avait eu une crise d’inspiration, qui avait notamment abouti au très saugrenu Road to yesterday. Après la crise d’inspiration, la crise de foi: The King of kings, en réponse à Ben Hur, a Tale of the Christ, allait être la vision DeMillienne des derniers jours du Christ, des derniers miracles à la résurrection, avec des acteurs de premier plan partout, du Technicolor, des décors et des costumes grandioses…

Ecrit avec l’inévitable Jeanie McPherson, monté avec des acteurs priés de s’investir dans leur rôle de façon spirituelle et créé par une équipe technique acquise à la sincérité du projet, ce film est un monument à plus d’un titre. Certes, nous sommes en pleine vision officielle, qui plus est approuvée par les instances W.A.S.P les plus fondamentalistes de l’époque, en dépit de quelques extravagances, généralement bien rigolotes (Marie Madeleine en courtisane richissime - en Technicolor!); comme souvent dans ce genre d'entreprise les Juifs ont le mauvais rôle, mais de nombreux intertitres (Tirés des évangiles) viennent rappeler qu'ils n’ont souhaité la crucifixion de Jésus que parce qu’ils étaient manipulés par de fins politiques... Ce qui du reste correspond à la deuxième version du film, sortie en janvier 1928 et amendée par une association qui souhaitait veiller au respect de la communauté Juive et à éviter d'éventuels incidents antisémites: de nombreux acteurs juifs ont répondu présent, en particulier Rudolph et Joseph Schildkraut (ce dernier un habitué des établissements DeMille-McPherson), qui jouent respectivement Caïphe, le grand prêtre du temple, et Judas, le « Disciple préféré » qui deviendra le traître que l’on sait. L’idée de le faire jouer par un acteur de premier plan, conjuguée à d’astucieuses ficelles de scénario, lui donne un poids peu commun, des motivations et une humanité qui sont sans prix: Judas trahit par dépit politique (Il se voyait déjà premier ministre d’un Jésus-roi) et va suivre le chemin de croix, et le remords va monter jusque au suicide; la corde, il l’a ramassée lorsque les romains ont délié Jésus pour lui faire porter sa croix… La scène de sa mort est traitée d'une façon spectaculaire.

Autre acteur dont il faudra bien parler, H.B. Warner joue Jésus : on est loin de ce à quoi devait ressembler un charpentier Palestinien, mais après tout, c’est vrai aussi pour Willem Dafoe. Warner, un alcoolique bon vivant, qu’on connaît pour tous ses rôles chez Capra, s’en sort plutôt bien, ayant surtout comme tâche d’incarner plus que de jouer. Il reprend les canons en vigueur, d'un Christ blond, au regard dans le vague. Sa performance a été saluée à l'époque: on n’en dira pas autant de Pierre, joué par Ernest "Steamboat Bill" Torrence, qui est bien meilleur en Captain Hook chez Brenon (Peter Pan, 1924)… Sa performance a d’ailleurs été rabotée sévèrement dans la version sortie en salles en 1928, afin de ramener le film en dessous de deux heures.

Le résultat final, absolument sincère, n’évite pas la pesanteur: le metteur en scène a choisi de rester à respectueuse distance, et de peu faire bouger sa caméra, comme avec Jeanne d’Arc (Joan the woman, 1916); de plus, cet excès de foi peut facilement rester sur l’estomac, mais il y a de vrais beaux moments, depuis l’utilisation qui nous rappelle The Whispering Chorus de multiples surimpression pour nous montrer les sept péchés capitaux quitter le corps de Marie Madeleine, à la mort de Jésus, le cadre explosant d’effets spéciaux pour nous montrer spectaculairement la colère de Dieu; la première vision de H. B. Warner est une trouvaille, puisque c’est par le point de vue subjectif d’un aveugle que Jésus nous est révélé: une façon de contourner l’interdit que s’étaient fixés toutes les personnes à avoir travaillé sur l’une ou l’autre des adaptations de Ben Hur (Théâtre ou film); dans The king of kings, avant la guérison de l’aveugle, vers la quinzième minute, on ne voit pas Jésus… La scène de la condamnation par Ponce Pilate est d’une grande efficacité, et totalement claire en dépit de la multiplication des points de vue… Les nombreux emprunts picturaux, décidément une habitude DeMillienne, atteignent ici leur apogée, notamment lors de la Cène ou de la Crucifixion.

Le film est loin d'être un échec, même si il est difficile de le voir sans ricaner ou grincer des dents lorsque l’on ne croit pas: Jésus, dans ce film, nous apparaît comme totalement indiscutable. Toutefois, le film emporte l'adhésion par la fluidité narrative (De la version longue en tout cas), par le besoin de creuser les motivations et les liens de cause à effet, par les rapprochements heureux: une scène durant laquelle les instances religieuses juives se déchaînent contre un Ponce Pilate trop enclin à libérer Jésus est immédiatement suivie d’une séquence durant laquelle les légionnaires romains rivalisent de sadisme (La couronne d’épines, bien sur) devant un Judas torturé par le remords et qui prie pour que Jésus s’en sorte. Cette inversion prouve que même DeMille sait freiner un peu ses penchants manichéens…

Pour répondre enfin à la question posée en exergue, il est confirmé que nous ne trancherons pas: les deux complices (Cecil et Jeanie) avaient déjà fait acte de foi dans le passé, c’est de nouveau le cas: le film est aussi sincère que l’était la morale bondieusante de ses Dix Commandements. Mais en emboîtant le pas à la MGM et à son Ben Hur, DeMille savait parfaitement ce qu’il faisait, et en a reçu beaucoup en retour, présentant en soirée de gala sa version de 160 minutes, puis coupant un peu (Trois scènes passent littéralement à la trappe, dont les doutes de Pierre) pour présenter une version de 112 minutes avec musique en boite pour l’exploitation en salles. Les deux sont disponibles chez Criterion dans un coffret impeccable, et le transfert de la version longue est magnifique. Les deux scènes en Technicolor sont fort bien rendues, ce qui est rare compte tenu de la volatilité du procédé en deux bandes, dont bien des films ont disparu. Et en décembre 2017, nous voyons arriver le film en Blu-ray chez Lobster, présentant une restauration des deux principales versions, l'une comme l'autre très impressionnantes.

Pour finir sur une petite note de curiosité inattendue, ce film est par ailleurs l'une des principales sources d'inspiration de Last Temptation of Christ, de Scorsese.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Cecil B. DeMille 1927 Technicolor **
14 septembre 2016 3 14 /09 /septembre /2016 18:57
The bluffer (Eddie Cline, 1930)

C'est au mains expertes de notre ami Eddie Cline, le co-metteur en scène des jeunes années de Buster Keaton, qu'on doit ce film, sorti en 1930 dans la série des "Mack Sennett Brevities" un label dont je me permets de supposer qu'il n'y a pas lieu de traduire. Mais surtout, c'est un film en couleurs, non pas le Technicolor deux bandes de l'époque, mais un système propre à Sennett, qu'il possédait et qu'il avait tenté de lancer... Mais soyons juste: les qualités poétiques de ce procédé sont les mêmes, et les défauts aussi, que ceux du Technicolor contemporain.

L'intrigue est centrée autour de la tentative de "séduction" du père (Andy Clyde) d'une jeune femme (Patsy O'Leary) par deux bellâtres. L'un d'entre eux a déjà les faveurs de la demoiselle, l'autre en revanche triche en s'inventant un passé riche en exploits, et arbore un plastron de médailles douteuses... La jeune femme et son petit ami vont trouver un stratagème pour le contrer, alors que le menteur et le père pêchent sur un petit canot...

Franchement, le son primitif, l'intrigue foutraque, les moments creux ne peuvent en aucun cas nous faire oublier cette étrange, séduisante et si étonnante palette des films en couleurs de ces années avant l'introduction des trois couleurs primaires dans le Technicolor... Et c'est, paradoxalement, ce qui fait le prix de ces films. Celui-ci ajoute en prime le fait d'avoir été tourné à la mer: au bord de l'eau, mais aussi pour quelques plans, sous l'eau. Curiosité, oui, mais bien séduisante quand même...

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Published by François Massarelli - dans Comédie Technicolor