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11 avril 2018 3 11 /04 /avril /2018 16:24

Griffin Mill (Tim Robbins) est un décideur doué pour un studio; pourtant il semble être sur une pente glissante: on parle beaucoup de Larry Levy (Peter Gallagher), un autre wonder-boy avec les dents qui rayent le parquet, et qui pourrait bien prendre sa place sous peu. Et par dessus le marché, Griffin reçoit des messages de menace insistants, qui font allusion à son rôle comme étant celui d'un "ennemi des auteurs". Il finit par comprendre qu'il est la cible de la colère d'un scénariste qui s'est vu refuser un script. Il pense que c'est David Kahane (vincent D'Onofrio), et va le trouver pendant la projection du Voleur de Bicyclette, de Vittorio de Sica: la discussion s'envenime et dans la foulée, Griffin tue Kahane. Dès le lendemain, non seulement Mill est le principal suspect du meurtre, mais les messages de menace continuent d'affluer...

Le jeu de massacre commence, dans ce film, par un plan-séquence qui est l'occasion non seulement d'une petite démonstration de bonne santé du maître Altman (qui revient de loin après des années 80 en forme de bêtisier!), mais aussi d'une série de mises en abyme assez virtuoses: la caméra cadre une peinture qui représente un tournage, mais au milieu duquel on aperçoit un clap sans équivoque: The Player, de Robert Altman... Puis l'objet disparaît, et la caméra recule pour révéler qu'on est au siège d'un studio. Elle virevolte d'un bungalow à l'autre, captant les conversations des uns et des autres, pour revenir plusieurs fois avec insistance sur Griffin Mill en plein exercice de son métier. Parmi les conversations, un crétin en costume cite l'ouverture de Touch of evil, de Welles, et son plan-séquence diabolique...

Le ton est donné, mai Altman va resserrer ses séquences autour de son personnage principal. On peut faire la plus absolue confiance à Tim Robbins pour être à l'aise avec un personnage comme celui-ci: séducteur, Mill est néanmoins obsédé par le risque de chuter. Ce qui rend sa position de meurtrier difficile. C'est un homme-clé du système du studio, dont il connait parfaitement les rouages, ce qui ne l'empêche ni d'avoir une véritable sensibilité artistique (il aime vraiment et connait vraiment ses classiques... Il n'a juste plus le temps de les revoir, c'est tout!), ni de tomber authentiquement amoureux, d'ailleurs, de l'ex de l'homme qu'il a tué par mégarde!

Et le film, mis en scène avec rigueur, mais oui, par un réalisateur plus connu pour sa tendance à l'accumulation foutraque que pour autre chose, est un portrait d'Hollywood au vitriol, loin de tous les clichés des histoires de naïfs qui viennent pour réussir dans la capitale du cinéma: non, tous les protagonistes vivent du cinéma, sont à Hollywood, et font du sexe dans des piscines. Ils tiennent juste à conserver leurs positions de pouvoir respectives. Et pour ça il faut savoir temporiser, composer, se compromettre, et bien sûr tuer.

Pas dupe, Altman se débrouille pour replacer une allusion à son propre film dans ce contexte et brosse des scènes de comédie autour du fameux happy end comme étant la panacée pour faire avaler n'importe quoi au public, et lâche en liberté dans son film un certain nombre d'acteurs (beaucoup d'entre eux sont des copains et certains reviendront pour jouer dans Short Cuts, le chef d'oeuvre qui suivra), et de célébrités authentiques dans leur propre rôle, qui rendent le film plus troublant encore...

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Published by François Massarelli - dans Robert Altman Comédie Noir